La traduction est-elle une femme comme les autres ? – ou à quoi servent les études de genre en traduction ?

Résumés

The focus of feminist and gender studies on the relationships of power at work within patriarchal society makes it a fertile ground of investigation for translation studies. This article thus examines translation (as process and as text) through the lens of feminist and gender studies in order to assess the gendered power relations at work between source and target texts and as a means to question and reverse these power relations. Feminist and gender studies thus attempt to identify the signs of patriarchy within the texts and their translation(s), to rediscover and publicize/publish previously untranslated texts, and to translated feminist and experimental writing, using non-conventional translation strategies.

Parce que les études féministes et les études de genre repensent les rapports de pouvoir existant au sein de la société patriarcale, la traduction (en tant que processus et en tant que produit final) est un terrain propice à l’analyse des rapports de force à l’œuvre dans le processus de traduction et dans l’évaluation et la réception du texte-cible, ainsi qu’aux tentatives de renversement du rapport de force qui s’établirait, serait perpétué ou renforcé par ce processus. Les études féministes et de genre en traduction essaient ainsi d’identifier la présence patriarcale au sein des textes et de leur traduction, s’efforcent de redécouvrir, à travers la traduction, des textes non-traduits qui avaient été occultés, censurés ou négligés par l’idéologie dominante, et s’attachent à traduire les textes féministes et expérimentaux de leurs consœurs en développant des méthodes de traduction non-conventionnelles.

Plan

Texte

Introduction : Quel rapport existe-t-il entre traduction et études de genre ?

Depuis les travaux essentiels portant sur la dimension idéologique de la traduction publiés à la fin des années 1980,1 il est établi que cette dernière existe au sein d’une culture donnée, et que toute traduction est par conséquent une manipulation (consciente ou inconsciente) au service de l’idéologie dominante, comme l’expliquent Susan Bassnett et André Lefevere :

Translation is, of course, a rewriting of an original text. All rewritings, whatever their intention, reflect a certain ideology and a poetics and as such manipulate literature to function in a given society in a given way. Rewriting is manipulation, undertaken in the service of power, and in its positive aspect can help in the evolution of a literature and a society2.

La traduction réécrit donc un texte « original » en l’adaptant aux contraintes linguistiques, mais aussi culturelles, idéologiques et politiques de la langue et de la culture d’arrivée. Cependant, comme le soulignent Bassnett et Lefevere, les manipulations inhérentes à ce transfert linguistique et culturel peuvent présenter des aspects positifs et participer à l’évolution de la littérature et de la société. La connaissance des mécanismes de manipulation idéologique dans la langue est donc un outil essentiel pour les féministes et théoricien-ne-s du genre qui examinent les textes sous cet angle spécifique afin de contrôler au mieux la restitution du sens en langue cible.

D’autre part, parce que les études féministes et les études de genre repensent les rapports de pouvoir existant au sein de la société patriarcale, la traduction (en tant que processus et en tant que produit final) est un terrain propice à l’analyse des rapports de force à l’œuvre dans le processus de traduction et dans l’évaluation et la réception du texte-cible, ainsi qu’aux tentatives de renversement du rapport de force qui s’établirait, serait perpétué ou renforcé par ce processus. Les études féministes et de genre en traduction essaient ainsi d’identifier la présence patriarcale au sein des textes et de leur traduction, s’efforcent de redécouvrir, à travers la traduction, des textes non-traduits qui avaient été occultés, censurés ou négligés par l’idéologie dominante, et s’attachent à traduire les textes féministes et expérimentaux de leurs consœurs en développant des méthodes de traduction non-conventionnelles.

Rappelons ici que la traduction est historiquement pensée (du moins en Occident) comme existant au sein d’une dichotomie source/cible, original/copie, dont le premier terme est supérieur au second. La plupart des écrits théoriques traditionnels font donc état d’un rapport de pouvoir défavorable au texte cible, à la « copie », et par conséquent à la traduction et au travail du traducteur. Le lexique utilisé pour parler de ce rapport de force en traduction est, on le verra, particulièrement éloquent à cet égard et s’exprime souvent à travers des métaphores sexistes dont la plus célèbre est certainement celle des Belles Infidèles.

Plusieurs questions se posent donc si l’on veut appréhender ce sujet dans toute sa complexité, et l’analyse qui suit ne fera qu’effleurer la surface d’un domaine d’une grande richesse. Les questions essentielles peuvent néanmoins se résumer comme suit : Qui traduit quoi ? Et, deuxième question qui découle de la première : Comment est-ce traduit ? Ces questions vont déterminer en grande partie la façon dont les théoriciennes de la traduction travaillent sur le genre pour influer sur la société au sens large.

1. Histoire(s)

D’un point de vue historique et historiographique, la place des femmes dans l’activité de traduction est attestée depuis le moyen-âge en Europe. L’accès des femmes à l’éducation a été longtemps très limité, mais celles qui eurent l’opportunité d’étudier ont souvent traduit, car c’était là le moyen d’accéder au monde des lettres qui leur était traditionnellement refusé. La traduction était également le moyen qu’elles avaient de s’exprimer publiquement3, le plus souvent par le biais de préfaces, de commentaires et d’annotations paratextuelles. A partir du XIXe siècle, les femmes traduisent plus librement pour servir la cause de politiques réformatrices4, et élaborent tout un travail de traduction et d’édition, dont la retraduction de nombreux extraits de la Bible, et la publication, sous l’égide d’Elizabeth Cady Stanton, de The Women’s Bible (1895), sélection de passages tirés de la Bible et pour la plupart commentés par Stanton5. Les traductrices féministes se donnent ainsi pour mission d’offrir à leurs contemporain-e-s une lecture différente des textes de celle qu’ils ou elles ont toujours connue, et par ce biais de les repenser et de les recontextualiser à des fins progressistes. Nombre de traductrices participent également à la reconnaissance internationale de travaux de femmes négligés par l’histoire : Charlotte Perkins Gilman, par exemple, publia à la fin du XIXe siècle des textes et nouvelles traitant de la condition subalterne des femmes et de leur émancipation, mais sombra dans l’oubli pendant près d’un siècle avant d’être redécouverte et traduite dans une perspective féministe, préface de traductrice à l’appui, à partir des années 19706.

A l’heure actuelle, les féministes et théoricien-ne-s du genre sont majoritairement responsables du travail d’historiographie (et de la critique de cette historiographie), de découverte ou redécouverte d’œuvres féministes par le biais de la traduction et de la traduction et retraduction d’œuvres existantes. La retraduction en particulier, comme l’a montré Berman7, en revenant à la source des œuvres, permet à la traduction (et en l’occurrence à la traduction féministe) de véhiculer plus précisément une idée pouvant avoir été occultée par la première traduction (dite « d’acclimatation ») qui s’attache à faire connaître l’œuvre dans la culture-cible : la retraduction, rendue possible par l’existence de cette première traduction, constitue une étape essentielle du processus de traduction et permet un retour au texte de départ en se détachant des impératifs de la culture d’arrivée – impératifs qui souvent laissent transparaître l’idéologie patriarcale. La retraduction n’est cependant pas une panacée, et les débats engendrés par les deux traductions du Deuxième Sexe, de Simone de Beauvoir, illustrent bien cette problématique : la critique a montré depuis les années 19808 que les choix opérés par H.M. Parshley, premier traducteur de l’ouvrage en 1953, répondaient plus à ces impératifs d’ordre idéologique véhiculés par les maisons d’édition et ont contribué à prêter à l’auteure des intentions qu’elle n’a pas dans le texte original ; mais la retraduction du livre en 2010 par Constance Borde and Sheila Malovany-Chevallier, applaudie dès sa parution, n’a apparemment pas réussi à rendre justice au texte de Beauvoir, et malgré la correction d’un nombre d’omissions et d’inexactitudes, peine à restituer les concepts et termes-clés du texte, faute de connaissances adéquates en philosophie et théorie féministe9.

2. Théories

On le voit, il est important de savoir qui traduit, et surtout par quoi sont informées les compétences des traductrices10. La manipulation n’est d’ailleurs pas toujours de leur fait : les lacunes ou la méconnaissance du contexte idéologique, littéraire, culturel, ou tout simplement le manque de recul par rapport à un texte ou une époque peuvent nuire aussi sûrement à la qualité de la traduction qu’une manipulation délibérée. Au début des années 1980, le tournant culturel dans les études traductologiques a montré que les œuvres traduites au cours de l’histoire sont presque toujours celles qui correspondent à l’idéologie dominante de l’époque. Lefevere montre ainsi dans son ouvrage11 que les choix des éditeurs (dont on néglige souvent l’influence dans l’analyse traductologique), reflètent les réalités du marché, la censure littéraire (« poetics ») et politique (« patronage »), et le respect des bonnes mœurs. Ces paramètres conditionnent les modalités de la traduction en gommant ou modifiant les influences « malvenues » ou les références problématiques présentes dans le texte source : rappelons que Saint Augustin a suggéré le premier que des passages de la Bible soient réécrits ou supprimés pour qu’elle puisse correspondre aux enseignements de l’Église.

Les féministes connaissent bien ces processus, qui ont longtemps écarté les ouvrages féminins ou féministes de la grande foire du commerce culturel. Cependant, la question du genre a longtemps été ignorée par la critique littéraire, du moins en ce qui concerne sa relation au langage. Susan Bassnett note ainsi que ce n’est qu’avec l’avènement du mouvement féministe dans les années 1970 que sont publiés les premiers textes examinant attentivement cette relation entre texte et genre : « But in the 1970s the whole question of gender and language became the subject of some very sophisticated thought, and for the first time attention shifted from discussing the sex of the author to questions involving gender signs encoded in the text » (BASNETT, 1990, 63)12. Bassnett fait ici référence aux écrits d’Hélène Cixous, Luce Irigaray ou Julia Kristeva, qui sont les premières à problématiser la place du masculin et du féminin dans l’écriture. Bassnett ajoute que ces nouvelles lectures coïncident également avec le développement des études traductologiques (« translation studies ») et suggère que ce n’était qu’une question de temps avant que les deux disciplines se rencontrent (BASNETT, 1990, 64).

La deuxième question : comment traduire les textes littéraires et critiques (féministes ou pas), présente à son tour plusieurs difficultés. La traduction est actuellement régie par tout une série de règles et codes répertoriés dans les manuels de linguistique et de traductologie, règles et codes dont l’usage – plus que la pertinence – est débattu régulièrement par les théoriciens et praticiens de la traduction. Ces règles cependant, notent les féministes, ont été édictées au sein d’une idéologie patriarcale dominante que souligne l’omniprésence d’un langage sexué (i.e. masculin) dans les discours portant sur la traduction. En 1603, John Florio déclare ainsi : « Because they are necessarily ‘defective’, all translations are reputed ‘female’13 ; Mounin, dans un de ses ouvrages les plus connus, file la métaphore des « belles infidèles »14 ; Steiner décrit la traduction comme « pénétration » du texte source15, tandis que Humphries parle de « l’émasculation » de l’original16. Ladmiral quant à lui a récemment déclaré au cours d’une journée d’études que la traduction « porterait les traces squameuses de l’original ».17 La présence de cet élément dans les discours sur la traduction ne peut ainsi être ignorée lorsque se pose la question de la traduction des textes de femmes ou des textes dont l’écriture joue sur le genre.

Lié au premier, un autre élément doit être lui aussi considéré : le discours dominant en traduction est celui d’un travail visant à restituer le plus « fidèlement » possible une œuvre originale dans une nouvelle langue. Pourtant, la question de la fidélité est une notion fluctuante pour le moins : fidélité à quoi ? à qui ? Il est désormais admis, notamment grâce aux courants post-structuralistes, que l’objectivité est un concept illusoire, au mieux un concept relatif. Il reste pourtant une des bases sur lesquelles sont construits les discours de la traduction. La question plus radicale que posent les traductrices féministes, nous le verrons plus loin, est alors de se demander, pratiques à l’appui, si la fidélité est la condition inaliénable d’une bonne traduction. La publication en 1988 par Lori Chamberlain de l’article « Gender and the Metaphorics of Translation », démontre en se basant sur les métaphores employées pour décrire la traduction comment les divers discours qui lui sont associés sont des discours sexualisés contribuant de facto à la reproduction des normes patriarcales18. Pour elle, la relation entre auteur et traducteur, entre original et traduction, témoigne de la persistance d’un vocabulaire sexiste pour décrire l’acte de traduire (voir plus haut), et grâce à l’analyse de ce vocabulaire, elle montre que, au delà du phénomène de sexualisation de la traduction, c’est surtout un phénomène de contrôle patriarcal qui se reproduit par le langage :

The sexualization of translation appears perhaps most familiarly in the tag les belles infidèles—like women, the adage goes, translations should be either beautiful or faithful. […] [W]hat gives it the appearance of truth is that it has captured a cultural complicity between the issues of fidelity in translation and in marriage. For les belles infidèles, fidelity is defined by an implicit contract between translation (as woman) and original (as husband, father, or author). However, the infamous “double standard” operates here as it might have in traditional marriages: the “unfaithful” wife/translation is publicly tried for crimes the husband/original is by law incapable of committing. This contract, in short, makes it impossible for the original to be guilty of infidelity. Such an attitude betrays real anxiety about the problem of paternity and translation; it mimics the patrilineal kinship system where paternity—not maternity—legitimizes an offspring (CHAMBERLAIN, 1998, 307).

C’est encore une fois le pouvoir qui régit ici le rapport entre original, traducteur et traduction. La légitimité n’a dans cette configuration pas grand chose à voir avec la maternité, mais plus avec la reconnaissance institutionnelle de la paternité (CHAMBERLAIN, 1998, 309) : le concept de fidélité, tout comme il régule les rapports sexuels au sein de la famille, est ici utilisé afin de garantir que l’enfant/ la traduction est la production du père/ de l’original, reproduit par la mère/ le traducteur (CHAMBERLAIN, 1998, 314). L’utilisation d’un vocabulaire genré assoit ainsi le processus de traduction comme le produit final dans un rapport de subordination qui le fige comme pâle copie, comme imitation, et aura bien du mal à faire percevoir le traducteur ou la traductrice comme autre qu’un prestataire de tâches subalternes.

Les traductrices et théoriciennes féministes ont donc mis en œuvre des pratiques destinées à renverser cette série d’oppositions binaires rigides et sexuées (source/cible, actif/passif…19) qui caractérise les discours sur la traduction. Les grandes représentantes contemporaines du mouvement de traduction féministe viennent majoritairement d’Amérique du Nord et sont maintenant bien connues. Au Québec20, à partir des années 1970, des écrivaines et traductrices commencent à conceptualiser les questions relatives à la traduction du genre dans des œuvres souvent difficiles d’accès, à mi-chemin entre théorie et fiction. La principale représentante de ce mouvement en langue française est Nicole Brossard (Le désert mauve, L’amèr, Amantes). L’auteure et ses traductrices, Barbara Godard et Suzanne de Lotbinière-Harwood (elles aussi écrivaines), sont alors les pionnières d’une écriture expérimentale qui entend repenser le rapport hiérarchique existant entre auteur et traducteur, entre texte source et texte cible. Les traductions publiées de Brossard portent d’ailleurs sur leur couverture la mention des deux noms de l’auteure et de sa traductrice, dont la préface nourrie présente les choix et stratégies et va conférer au texte traduit une importance similaire à celle du texte source. En 1996 et 1997, les canadiennes Sherry Simon et Louise Von Flotow, publient toutes les deux des ouvrages de référence sur la question du genre en traduction21. Inspirées à la fois par les travaux des féministes des années 1970 (Cixous, Irrigaray et al.) et les traductologues du tournant culturel, elles recensent et analysent les divers courants issus du féminisme tels qu’ils ont été appliqués à la traduction et à la critique traductologique, ainsi que les stratégies utilisées dans les années 1990 pour lutter contre la mainmise du patriarcat sur l’acte d’écriture et de réécriture.

3. Processus, stratégies et pratiques

En intervenant sur la façon dont sont exprimés les processus de manipulation patriarcaux dans le texte, les féministes et théoricien-ne-s du genre souhaitent s’assurer que la traduction ne trahit pas la parole de l’auteur en créant des stéréotypes genrés qui ne seraient pas présents dans le texte original22, mais aussi préserver au mieux la complexité de la parole féminine expérimentale, peser sur le contexte institutionnel et le modifier en exerçant une influence sur les choix liés à la traduction (choix des ouvrages publiés et traduits, mais aussi choix de traduction au sein du texte). Elles aspirent ainsi à assurer la publication et la visibilité des œuvres féminines en langue traduite d’une part23, et à préserver au mieux la parole des femmes d’autre part. Cette partie de notre article s’attachera donc à aborder les processus par lesquels la traduction produit et/ou maintient les constructions de genre et à examiner les stratégies utilisées pour les renverser. Nous verrons ensuite quelles critiques ont été formulées à l’encontre des travaux concernés.

On l’a vu, d’un point de vue pratique, les études féministes et les études de genre se manifestent sous plusieurs formes dans les études traductologiques : historiographie critique des œuvres (traduites) existantes, découverte et redécouverte d’œuvres féministes par le biais de la traduction, traduction et retraduction d’œuvres existantes. Lors de la traduction, l’élément le plus concret sur lequel peuvent jouer les traductrices est celui du langage, source de nombreux débats quant à son appartenance à un genre déterminé. Au début du XXe siècle, Virginia Woolf en parlait en ces termes :

It is still true that before a woman can write exactly as she wishes to write, she has many difficulties to face. To begin with, there is the technical difficulty – so simple apparently; in reality so baffling – that the very form of the sentence does not fit her. It is a sentence made by men; it is too loose, too heavy, too pompous for a woman’s use. Yet in a novel, it covers so wide a stretch of ground, an ordinary and usual type of sentence has to be found to carry the reader on easily and naturally from one end of the book to the other. And this a woman must make for herself, altering and adapting the current sentence until she writes one that takes the natural shape of her thought without crushing or distorting it24.

L’évocation par l’artiste d’un langage genré et d’une écriture féminine a été reprise par les féministes qui affirmeront à sa suite que la femme est prisonnière de la langue du patriarcat, et que sa libération passe par le langage : si la langue n’est pas le reflet de la réalité, elle contribue à la construction de cette réalité et doit donc être modifiée afin de donner une voix aux femmes qui ne peuvent s’exprimer que par le biais de la phrase masculine25. La traduction apparaît donc comme un terrain privilégié pour travailler sur la construction du langage, par un examen des textes qui tient compte de cet élément porteur de sens et souvent négligé, et par le respect de nouvelles contraintes qui n’apparaissent que rarement dans les manuels dédiés à la traduction.

Ces processus sont également identifiés dans les travaux des théoriciens post-coloniaux tels qu’Hommi Bhabba et plus particulièrement Gayatri Spivak, autre grande théoricienne du genre en traduction26. Traductrice de Derrida et auteure d’une préface souvent citée à sa traduction de Imaginary Maps, de Mahasweta Devi27, elle écrit sur la traduction dans un contexte postcolonial, mais aussi en tant que femme issue d’une culture minoritaire dans laquelle « The writer is always written by her language ». Il faut ici prêter attention aux marqueurs de genre : grâce à l’adjectif possessif her, la phrase anglaise situe l’énonciatrice dans la sphère du féminin – subtilité essentielle qui peut ne pas subsister dans la traduction française (sa dans sa langue se rapportant à l’objet et non à l’énonciatrice)28.

La question du genre grammatical est essentielle en traduction. Nous ne prenons ici que l’exemple de la traduction entre l’anglais et le français, mais dont les implications sont d’ores et déjà fécondes. Dans la grammaire française, les noms communs sont masculins ou féminins, tandis que l’anglais recourt pour les objets à un genre « neutre » ; le genre est par ailleurs bien plus présent en français qu’en anglais à cause par exemple de l’absence d’article, de pronom ou de démonstratif neutre, ou à cause des accords d’adjectif ou de participe passé, qui contribuent à associer le nom auquel ils font référence au masculin ou au féminin. A l’inverse, la valeur des adjectifs possessifs en français et en anglais, on l’a vu plus haut, peut également contraindre la traduction si les éléments liés au genre doivent être pris en compte, son et sa s’accordant avec le nom possédé, tandis que his et her s’accordent avec le possesseur.

Par ailleurs, le genre semble également inscrit dans la langue29. En témoigne l’expérience (pas si ?) surprenante de Deborah Cameron en langue anglaise30, qui a demandé à des participants d’assigner un genre à des paires de mots grammaticalement neutres : on y trouvait fork/knife, salt/pepper, Ford/Chevrolet, vanilla/chocolate. Une grande majorité des personnes interrogées a ainsi considéré que knife, pepper, ford et chocolate étaient masculins, et que fork, salt, Chevrolet et vanilla étaient féminins. Cameron conclut ainsi qu’il existe ce qu’elle appelle un « genre métaphorique » (metaphorical gender), preuve s’il en est que les catégories du masculin et du féminin débordent sur tous les concepts existants. Peut également être abordée la question du lexique et de l’expression : certaines études ont en effet postulé que les tournures lexicales et syntaxiques employées par les femmes étaient moins riches et plus hésitantes que celles qui sont employées par les hommes. Robin Lakoff en 1975 relève ainsi une « langue faible » chez les femmes, souvent modulée d’expressions telles que « il semble », « comme », ou « une espèce de ». Sara Mills quant à elle aborde dans Feminist Stylistics la question de la phrase genrée (« the gendered sentence ») et mentionne des travaux mettant en évidence l’existence d’un mode d’expression basé sur l’action chez les hommes, tandis que les femmes préfèreraient un mode de discours plus ancré dans la perception (LAKOFF, 1975, 51). Une traduction intralinguale de « J’ai faim, je veux manger quelque chose » serait-elle donc « Je me demande s’il y a quelque chose à manger »31 ?

La traductrice (féministe) est nécessairement consciente de son rôle dans la production et la reproduction du sens, et de sa responsabilité à cet égard. D’un point de vue linguistique, il est possible de mettre en place des stratégies de contournement pour éviter d’identifier le genre dans les œuvres qui se veulent neutres (« gender neutral ») ou de faire attention au genre grammatical comme marqueur de genre symbolique. Nombre d’études de cas, dont nous citerons quelques exemples tirés d’ouvrages scientifiques ou de travaux d’étudiant-e-s, illustrent désormais la mise en place d’outils lexicaux et grammaticaux dont l’usage diffère d’une langue à l’autre32. Perrine Jégou, ancienne étudiante du Master 1 MéLexTra à l’Université de Lille 3, a traduit pour son mémoire des extraits du livre d’Ivan Coyote, « spoken word performer » transgenre, en travaillant sur les formes neutres utilisées par Coyote qui auraient pu donner lieu à une traduction française genrée33 :

I was definitely not prepared for what was about to happen.

Rien ne me préparait à ce qui allait se passer. (JEGOU, 2012, COYOTE, 11)

I stepped back out into the rain, hoping that it would look like raindrops sliding down my cheeks, not big hot tears

En ressortant sous l’averse, j'espérais que c’aurait l’air de grosses gouttes de pluie coulant sur mes joues, au lieu de grosses larmes. (JEGOU, 2012, COYOTE, 17)

La traductrice ayant fait le choix du passé composé pour des raisons liées à l’oralité du texte, le passage à l’imparfait de narration dans le premier exemple permet de se débarrasser de la contrainte de l’accord du participe passé avec un sujet genré. Dans le deuxième exemple, c’est l’utilisation du gérondif qui permet de contourner ce même problème.

Dans son article sur la traduction américaine de L’enfant de Sable de Tahar Ben Jelloun34, qui raconte la reconquête de son identité par une petite fille transformée en garçon par ses parents, Pascale Sardin identifie aussi des stratégies de l’auteur que le traducteur selon elle se devrait de respecter et ne fait que partiellement. Elle analyse ainsi certains choix de traduction qui ne rendent pas justice à l’ambiguïté de genre exprimée dans le texte original :

Je suis régulier… Je suis l’architecte et la demeure ; l’arbre et la sève ; moi et un autre ; moi et une autre.

I am ordinary… I am the architect and the house, the tree and the sap, a man and a woman35.

Dans cette phrase, l’ambivalence sexuelle est exprimée par Ben Jelloun grâce à l’alternance d’articles masculins et féminins, ce que ne peut pas faire l’anglais, comme le regrette Sardin. L’exemple est néanmoins intéressant car nous pourrions arguer que le traducteur, pour pallier ce manque, peut s’appuyer sur le symbolisme des images traditionnellement associées au masculin (architecte/arbre) ou au féminin (demeure/sève). Le lexique français et anglais reflète-t-il la visualisation inconsciente d’un masculin phallique (l’arbre) et d’un féminin fluide, souvent associé à l’eau (la sève) ? Toujours est-il que l’ambivalence sexuelle/textuelle soulignée par Sardin disparaît dans la traduction américaine du livre.

Marie-Pierre Mounié et Nathalie Vincent-Arnaud, dans leur article sur la traduction de Written on the Body, de Jeanette Winterson36, étudient également les stratégies de traduction d’un texte qui se déclare ouvertement sans genre et se posent la question fort pertinente de savoir, à la lecture des critiques de la traduction de l’ouvrage de Winterson qui affirment que le livre est « écrit à la première personne du masculin », si ce type d’affirmation « [ne] met [pas] surtout en évidence ce besoin de comblement d’un manque, d’une lacune référentielle, comblement sans lequel, semble-t-il, ne peut advenir cette suspension d’incrédulité préalable à toute négociation authentique et surtout durable de la lecture » (MOUNIE et VINCENT-ARNAUD, 2009, 170). Il est d’ailleurs intéressant de noter que la contrainte de genre est qualifiée de « quasi-oulipienne » par Camille Fort dans un article sur la traduction de Written on the Body37 alors que les autres contraintes liées à la transposition d’une langue vers l’autre ne sont pas considérées comme des pratiques expérimentales. La traduction féministe a donc bien besoin de trouver un nouveau vocabulaire adapté à ses pratiques, qu’elles soient adaptatives ou radicales.

L’invisibilité du traducteur et la visibilité de la traductrice :

Les exemples que nous venons de mentionner illustrent des stratégies dans lesquelles la traductrice ne fait pas apparaître les mécanismes de prise en considération de la question du genre. Un autre type de pratique féministe engagée consiste cependant à faire apparaître ces mécanismes au grand jour, et ce sous diverses formes, que ce soit dans l’agencement et la traduction du texte ou dans la visibilité que se donnent les traductrices.

Impossible de traiter de l’invisibilité du traducteur sans parler de l’ouvrage de Lawrence Venuti publié en 199538, qui analyse la situation dans laquelle se trouvent les traducteurs de langue anglaise dans les cultures britannique et américaine, soumis s’ils veulent être publiés à la dictature d’une traduction « fluide », « transparente », et donc invisible. Ce mode de traduction que Ladmiral qualifierait de cibliste (« domesticating » dans la terminologie de Venuti) et qui prévaut dans l’espace anglo-saxon a des conséquences non-négligeables, dont celle de produire l’illusion d’un texte dont l’original a pratiquement disparu (les critiques d’œuvres en langue anglaise traduite parlant le plus souvent du texte comme s’il s’agissait de celui de l’auteur), mais aussi d’annexer le texte – et donc la culture – original-e à la culture dominante39. Venuti plaide donc pour une stratégie de traduction moins ethnocentrique à laquelle il donne le qualifcatif de « foreignizing » et qui prendra en compte la fonction « éthique » du travail du traducteur (VENUTI, 1995, 19) pour ne pas gommer le texte et la culture originaux et pour faire apparaître le texte original (et donc le traducteur) à travers la traduction.

La question de l’éthique et de l’intervention visible du traducteur dans le texte traduit ont une résonance particulière lorsqu’il s’agit de la traduction féministe. On l’a vu, les normes de la traduction prescriptive telles qu’elles existent actuellement sont considérées par les théories féministes de la traduction comme inadéquates dans la mesure où les traductions gomment souvent la différence du genre, et où elles figent la traduction et la traductrice dans un rôle nécessairement subalterne40. Le projet politique de la traduction féministe vise alors à remettre en cause à la fois la nature et la place de traduction/traductrice en les faisant passer de l’état invisible à l’état visible. L’écriture et la traduction devraient être considérées comme des activités interdépendantes, et non ordonnées hiérarchiquement ; la notion de fidélité doit également être repensée et apparaître non plus au sein de la dichotomie habituelle de la fidélité à l’auteur ou au lecteur, mais selon les modalités d’une fidélité au projet d’écriture auquel participent tous deux, à compétence égale, auteure et traductrice. En ce sens, les théoriciennes du genre se rapprochent du postulat de Walter Benjamin dans « La tâche du traducteur » selon lequel il existe d’une « langue pure » dont on ne peut se rapprocher qu’à mesure que prolifère la multitude des traductions possibles d’un même texte. Le texte « original » dans cette optique peut être considéré, au même titre que sa traduction, comme une parmi toutes les versions inachevées, écrites ou à venir, du texte « pur » auquel nous n’aurons jamais accès à cause des limites du langage.

Le mouvement féministe québécois a été très actif dans son effort de faire (ré-)apparaître la traductrice (« the translatress »). Pour Barbara Godard, la traduction féministe, forcément transgressive, doit signifier l’intervention visible de la traductrice dans le texte, qu’elle désigne sous le terme de « womanhandling », en opposition à « manhandling »41 :

The feminist translator, affirming her critical difference, her delight in interminable re-reading and re-writing, flaunts the signs of her manipulation of the text. Womanhandling the text in translation would involve the replacement of the modest-self-effacing translator. Taking her place would be an active participant in the creation of meaning who advances a conditional analysis. Hers is a continuing provisionality, aware of process, giving self-reflexive attention to practices. The feminist translator immodestly flaunts her signature in italics, in footnotes—even in a preface42.

Le néologisme vient d’ailleurs s’ajouter à nombre de créations : néologismes, jeux de mots ou mots-valises sont souvent utilisés par les auteures féministes, et souvent également impossibles à rendre en traduction. L’intervention de la traductrice est donc souvent légitimée par la nécessité de rendre toute la complexité d’un texte original dont les multiples sens sont exprimés à l’aide de mots dont la concision ne peut pas être reproduite dans la langue cible. Comment par exemple rendre les sens multiples que Nicole Brossard donne à « délire » dans Le désert mauve ? Comment traduire L’Amèr, titre d’un de ses ouvrages ? Comme l’indique Godard dans la citation ci-dessus, les traductrices utilisent toutes les ressources paratextuelles et typographiques à leur disposition : barres obliques (Gyn/Ecology), parenthèses, (lov(h)ers), tirets (dé-lire), italiques (auther), majuscules (HuMan Rights), mise en page verticale…)43. Le problème auquel sont confrontées les traductrices de Brossard est en outre différent de celui dont nous avons parlé jusqu’ici : traduisant vers l’anglais, langue plus neutre que le français, elle se trouvent confrontées à une « désexualisation » de la langue qu’elles vont s’attacher à contrecarrer. Simon et Von Flotow citent toutes les deux le cas de la traduction en anglais d’un passage de L’Euguélionne, de Louky Bersiniak (1976), traitant des politiques de l’avortement et qui par l’utilisation de la forme féminine du participe passé au lieu du masculin générique indique que le/la coupable est en fait une coupable :

Le ou la coupable doit être punie.

The guilty one must be punished, whether she is a man or a woman.

Howard Scott, le traducteur de l’édition anglaise du livre, a pu rendre cette subtilité grâce à un stratagème identique (l’utilisation du pronom « she » à la place du « he » générique), Mais ce n’est pas toujours le cas. C’est pourquoi des interventions visibles sont parfois nécessaires, et souvent souhaitées par les traductrices féministes44. Dans cette mouvance s’inscrit la traduction de Nicole Brossard par Barbara Godard, qui intervient régulièrement dans le texte pour signifier le sens maximum du texte de Brossard. Sherry Simon, dans ce cas, souligne que le lecteur lit simultanément Nicole Brossard et Barbara Godard (SIMON, 1995, 27).

Von Flotow a identifié trois pratiques qui visent clairement à redonner une position d’autorité à la traductrice dans le processus de traduction. Elle donne à ces trois pratiques interventionnistes le nom de « supplementing » (ajouter), « prefacing and footnoting » (préfacer et annoter) et « hijacking, » (détourner), l’usage de la forme en -ing soulignant le caractère performatif de ces pratiques45 (plutôt que de « performance », Barbara Godard parle de « transformance » du texte)46.

« Supplementing » signale l’intervention de la traductrice dans le texte. Cette stratégie, censée agir comme compensation de la différence entre les langues, a été critiquée en tant que stratégie d’intervention purement féministe car elle a été définie ailleurs comme ajout ou stratégie de compensation (catégories attestées dans les écrits traductologiques). Notons cependant, comme nous l’avons vu plus haut, qu’il s’agit ici d’une pratique qui peut tendre vers ce que Simon appelle l’exhibitionnisme textuel.

L’ajout de préfaces et/ou de notes de bas de page (« Prefacing/Footnoting ») suscite quant à lui diverses réactions en traduction : les premières sont une tradition établie : dans sa préface, la traductrice explique les intentions du texte et pose ses propres stratégies de traduction. La note de bas de page, quant à elle, n’a généralement de légitimité qu’au sein de textes réservés aux lecteurs professionnels et se trouve le plus souvent bannie des éditions littéraires car elle provoque une rupture dans la lecture du texte et, comme le note Jacqueline Henri47, souligne l’échec du traducteur à restituer le sens sans explication périphérique. Dans le cadre de la traduction féministe pourtant, ces ajouts paratextuels revêtent une importance particulière car il est de première importance de présenter les intentions du texte original mais aussi de souligner les stratégies de la traductrice pour attirer délibérément l’attention sur le processus de traduction, et donc sur la traductrice elle-même.

« Hijacking », ou l’appropriation par la traductrice féministe d’un texte dont les intentions ne sont pas nécessairement féministes, est une intervention dans laquelle la traductrice revêt le statut d’auteur à part entière et possède la même autorité sur le texte que l’auteur-e. Le but n’est plus ici tant de déconstruire le texte que de renverser une position d’autorité. Cette approche, de toutes, est la plus controversée car elle transforme sciemment le texte original et ses intentions. Von Flotow et Simon citent pour exemple le cas de la traduction par Lise Gauvin de Lettres d’une autre de Susanne De Lotbinière-Harwood, dans laquelle le pronom générique masculin a été « corrigé » par des formes évitant son utilisation, choix que l’auteure justifie dans sa préface en expliquant qu’elle a produit une traduction usant de tous les moyens à sa disposition pour faire apparaître le féminin dans la langue. Ces interventions peuvent également prendre la forme de la suppression pure et simple des éléments « patriarcaux » d’un texte – stratégie généralement abordée dans la préface de la traductrice, ne serait-ce que pour rappeler au lecteur que ce type de détournement a largement été utilisé dans l’histoire de la traduction, souvent au nom de l’idéologie dominante, et n’a généralement jamais été ni souligné, ni remis en cause48.

Ce mouvement d’appropriation du texte est comparé par Sherry Simon au mouvement de « cannibalisme » lié au colonialisme et repris par les traducteurs brésiliens au XXe siècle, et qui a consisté en une appropriation des textes canoniques occidentaux, quoique de manière assez différente. Le cannibalisme est une métaphore tirée du rituel des autochtones indiens, par lequel on prend de la force en absorbant la force de son ennemi, en le mangeant (on ne mange donc qu’un ennemi que l’on respecte). Le cannibalisme ne nie donc pas les influences étrangères, mais a pour vocation de les absorber et de les transformer en y ajoutant la culture autochtone. Else Vieira le décrit comme suit :

Cannibalism is a metaphor actually drawn from the natives’ ritual whereby feeding from someone or drinking someone’s blood […] was a means of absorbing the other’s strength, a pointer to the very project of the Anthropophagy group: not to deny foreign influences or nourishment, but to absorb and transform them by the addition of autochtonous input. Initially using the metaphor as an irreverent verbal weapon, the Manifesto Antropófago stresses the repressive nature of colonialism … In the overt attempt at freeing Brazilian culture from mental colonialism, the Manifesto redirects the flow of Eurocentric historiography. The New World, by means of the permanent ‘Caraíba’ revolution, becomes the source of revolutions and changes; the Old World is pronounced indebted to the New World because without it ‘Europe would not even have its poor declaration of the rights of man’49 (VIEIRA, 1999, 98-99).

En termes de traduction / translation, ce que Vieira appelle un « translational project » (VIEIRA, 1999, 106) est marqué par la création et la re-création, l’absorption du texte source et sa revitalisation par la nourriture des textes cibles qui emploient une forme différente et ré-énergisée de la langue du colonisateur qui appartient à la post-colonie. On voit donc bien là le point commun entre l’approche cannibale et féministe : le détournement à des fins politiques et idéologiques, mais aussi la différence fondamentale entre ce cannibalisme révérencieux et assimilateur et le détournement réappropriateur, souvent perçu comme hostile, du langage patriarcal par les traductrices féministes.

Critiques et ouvertures

Les pratiques des traductrices féministes ont suscité de nombreuses réactions, que nous aborderons brièvement ici. On passera sur les critiques liées au concept même d’écriture féminine et sur la légitimité d’une pratique féministe qui sont approchées par le biais de l’argument de l’objectivité, et ce malgré l’important travail accompli pour montrer que l’objectivité est un concept illusoire pour le moins50. Parler de ces pratiques présuppose néanmoins que certains problèmes, et non des moindres, soient abordés. Françoise Wuimart, dans un article de Palimpsestes consacré à la question du genre en traduction51, demande si, comme l’affirme Virginia Woolf, il existe une écriture masculine et féminine, si la vision du monde est sexuée, si l’écriture idéale doit être asexuée, si le sexe/genre de l’auteur correspond à un sexe/genre de l’écriture. Ce sont là des questions complexes que nous ne développerons pas ici. Luise von Flotow quant à elle revient dans la préface de Translating Women sur plus de vingt ans de travaux féministes en traduction et souligne les bases essentialistes52 sur lesquelles travaillent les théoriciennes (sans toutefois les condamner) :

It is time to write about ‘women and translation’ again, time to return to and perhaps expand on the ‘first paradigm’ of gender studies as applied to translation revisiting a series of agents – translators, agents, fictional characters – that ‘call themselves or are called “women”,’ a category that for a few years was set aside as ‘essentialist’ or ‘monolithic’, or unjustifiably homogeneous (VON FLOTOW, 2010, 1).

Les travaux des Canadiennes, en effet, sont principalement basés sur ce que Von Flotow appelle le « premier paradigme » essentialiste du féminisme selon lequel il existe dans la société la catégorie de « femme », qui servira de base aux travaux entrepris. Les catégories binaires sur lesquelles a été fondée la plupart de ces travaux sur le genre en traduction jusqu’à récemment sont désormais largement repensées et recontextualisées grâce à l’apport des théories queer et de genre qui se sont développées, à la suite des travaux de Judith Butler ou d’Eve Kosovsky Sedgwick, autour de la notion de performance et de performativité (VON FlLOTOW, 2011, 1-9). Pourtant, elle note que les théories concernant l’aspect performatif du genre ne semblent pas avoir encore atteint le domaine de la traduction, qui pour opérer reste en grande partie dépendant de catégories de genre bien définies : « the much-discussed performative aspects of gender, which would seem to fit nicely within the performative aspects of translation, have hardly been explored or developed »53. L’évocation par Barbara Godard de ce qu’elle appelle « transformance » pour parler de performance en traduction contredit peut-être en partie cette critique, tout comme l’intérêt accru porté à la traduction comme processus et non comme résultat final.

D’un point de vue pratique est aussi avancé l’argument de la lisibilité, et donc de la visibilité du travail des traductrices féministes. En effet, le bruit « parasite » généré par la prolifération de notes de bas de pages ou d’explications intratextuelles dans une œuvre littéraire peuvent gêner la lecture et en ôter le plaisir. En découlent aussi des accusations d’élitisme, car les traductions féministes génèreraient des textes inadaptés à un public traditionnel : ces traductions peuvent-elles influer sur l’idéologie dominante si elles ne restent accessibles qu’à une minorité – le plus souvent bilingue – qui par ailleurs n’a pas nécessairement besoin d’être convaincue ? A cet argument peut cependant être opposé que les textes originaux concernés par la critique formulée ci-dessus sont eux-mêmes peu abordables pour un large public. Le Désert Mauve de Nicole Brossard, œuvre multiple composé de plusieurs textes, dont une traduction opérant comme acte narratif, métaphore et réflexion métatextuelle, illustre le type de complexité et de richesse auxquelles doivent faire face les traductrices54.

Certaines stratégies font également l’objet de critiques virulentes. Ce que Von Flotow a appelé « hijacking » est par exemple vivement contesté par Rosemary Arrojo55, qui accuse les traductrices féministes d’incohérence, d’hypocrisie, voire d’opportunisme car elles véhiculent selon elle les mêmes valeurs qu’elles entendent dénoncer. L’idéalisme de la traduction féministe ne proposerait rien d’autre qu’une image inversée des configurations masculines : elle demande ainsi en quoi la réécriture et la réappropriation « féministe » d’un texte, soi-disant désirable et positive, diffèrerait de l’appropriation violente et agressive du modèle masculin. Simon note cependant que la critique formulée par Arrojo souligne en fait la violence inéluctable inhérente à tout acte d’écriture ou d’interprétation (SIMON, 1996, 29).

Impossible enfin d’achever ce tour d’horizon sans mentionner la contribution de Gayatri Spivak dans « The Politics of Translation » (1993). Les études postcoloniales ont mis en évidence l’extrême hétérogénéité de la catégorie de « femme »56, mais ont également aidé les féministes à problématiser l’idée de pouvoir, partant du principe que la position de pouvoir d’une langue et d’une culture influence nécessairement le texte traduit, sa réception, ainsi que l’idéologie transmise par le texte et sa traduction. Ces discours, amorcés également dans les études traductologiques par la théorie des polysystèmes proposée par Itamar Even-Zohar à la fin des années 1980, et développés à l’aide des courants déconstructionnistes, sont nés dans les pays où le problème de la langue et son positionnement par rapport aux cultures dites dominantes est très prégnant57. Comme ses consœurs canadiennes, Spivak affirme la nécessité, pour traduire les textes « subalternes », d’une stratégie qui préservera et sera à même de transmettre autant que possible la différence véhiculée par le texte (elle décrit le processus de traduction comme un geste dans lequel la traductrice doit s’abandonner au texte (« surrender to the text ») pour pouvoir l’appréhender dans sa subjectivité). Mais l’hégémonie de l’anglais, véhicule du langage de l’oppresseur se double d’une stratégie de traduction globalisante (ce qu’elle nomme « translatese »)58 qui s’attache à rendre l’aspect social des œuvres au détriment de la forme, pourtant essentielle comme le dirait Benjamin. Cette critique ne s’adresse pourtant pas à tous les travaux de traduction féministes, dont certains sont tout à fait en cohérence avec les problèmes qu’elle soulève.

Dans la conclusion de son article de 1984, Lori Chamberlain note que la traduction est certes un outil utile pour analyser les pratiques liées au pouvoir et à la domination, mais que la théorie féministe ne saurait contenir toutes les complexités liées au genre. En ce sens, elle anticipe sur l’évolution des « gender studies » en traduction, dont nous verrons certainement les fruits à mesure que la recherche en traduction progresse et intègre ces questions dans une perspective plus performative du genre. Les études traductologiques et de genre ne pourront que s’enrichir mutuellement au contact les unes des autres.

Note de fin

1 Voir entre autres BASSNETT, Susan and André LEFEVERE, (eds.), 1990, Translation, History and Culture, London/New York, Pinter ; et GENTZLER, Edwin and Maria TYMOCZKO (eds.), 2002, Translation and Power, Amherst, University of Massachusetts Press.

2 André LEFEVERE/ Susan BASSNETT, Translation, Rewriting, and the Manipulation of Literary Fame, 1992.

3 Voir HANNAY, Margaret Patterson (ed.), 1995, Silent but for the word: Tudor Women as Patrons, Translators and Writers of Religious Works, Kent State University Press, cité par Von Flotow, 1997. Cette collection rassemble des essais sur les femmes qui ont travaillé comme auteures, éditrices et traductrices de livres religieux à l’époque des Tudor.

4 Voir par exemple les travaux de traduction et d’édition des féministes contre l’esclavage aux États-Unis.

5 Voir à ce sujet le chapitre de SIMON, 1996, « The Bible in feminist frame », p. 111-133.

6 Voir OSTER, Corinne, 2011, « Traduire le ‘huis-clos mental’ : étrangeté et discours de la folie dans trois traductions de ‘The Yellow Wallpaper’ de Charlotte Perkins Gilman », Meta, 56(3), septembre 2011, p. 493-510.

7 BERMAN, Antoine, 1990, « La retraduction comme espace de la traduction », Palimpsestes 4 : Retraduire, Presses universitaires de la Sorbonne Nouvelle, p. 10-13.

8 Voir SIMONS, Margaret, 1983, « The Silencing of Simone de Beauvoir : Guess what’s missing from The Second Sex », in Women’s Studies International Forum, 6(5), p. 559-564.

9 Voir l’article d’Anna BOGIC (« Why philosophy went missing : Understanding the English Version of Simone de Beauvoir’s Le deuxième sexe », in VON FLOTOW, Luise (ed.), 2011, Translating Women, p. 151-166), et la critique de Toril Moi, sur les lacunes de la nouvelle traduction (http://www.lrb.co.uk/v32/n03/toril-moi/the-adulteress-wife, consulté le 8 avril 2013).

10 Par souci de cohérence avec le discours féministe, et parce que les traductrices sont bien plus nombreuses à travailler sur ces questions que les traducteurs, le substantif féminin reviendra plus souvent que celui de traducteur dans ce travail.

11 Voir LEFEVERE, André, 1992, Translation, Rewriting, and the Manipulation of Literary Fame. London, Routledge.

12 BASSNETT, Susan, 1992, « Writing in No Man’s Land : Questions of Gender and Translation », in COULTHARD, Malcom (ed.), Studies in Translation / Estudos da Traducao, Ilha do Desterro, 28. Universidade Federal de Santa Catarina, p. 63-73.

13 Cité par SIMON, 1996, 1.

14 MOUNIN, Georges, 1955 [1994], Les Belles infidèles. Essai sur la traduction, Cahiers du Sud.

15 STEINER, Georges, 1975, After Babel, London, Oxford University Press.

16 Nombre de ces exemples sont tirés de l’article de Lori Chamberlain, « Gender and the Metaphorics of Translation », 1983.

17 Journée d’étude Traduction et philosophie, Université de Lille 3, le 26 février 2013, http://stl.recherche.univ-lille3.fr/colloques/20122013/JE_traduction_2013.pdf, consulté le 8 avril 2013.

18 Ce travail a été repris dans des articles plus récents comme celui d’Ulrika ORLOFF, « Who wrote this text and who cares ? Translation, Intentional ‘Parenthood’ and New Reproductive Technologies. Gender, Sex and Translation : The Manipulation of Identities, SANTAEMILIA, Jose (ed.), St Jerome, 2005, qui intègre au discours de Chamberlain la problématique des nouvelles technologies de reproduction pour remettre en question la paternité du texte.

19 Berman postule que l’original est actif car il traverse les âges, et que la traduction est passive, figée dans le temps ; le texte source est donc une création originale, suivie d’un acte passif de transmission. (Simon, 11)

20 Le Québec, de par sa situation bilingue spécifique, a fourni un terreau fertile aux études traductologiques ancrées sur les rapports de pouvoir. Voir en particulier ‘The origins of feminist translation’, première partie de l’article de José SANTAEMILIA, 2011, « Feminists Translating : On Women, Theory and Practice » (in Translating Gender, Federici, Eleonora (ed.), Peter Lang), sur l’influence du Québec dans les études féministes et traductologiques à partir des années 1970.

21 SIMON, Sherry, 1996, Gender in Translation : Cultural Identity and the Politics of Transmission. London & New York : Routledge, et VON FLOTOW, Luise, 1997, Translation and Gender : Translating in the Era of Feminism. Manchester : St Jerome Publishing.

22 La problématique de la traduction est légèrement différente lorsque les textes à traduire sont des textes théoriques et/ou expérimentaux qui ne visent pas le même public ; nous y reviendrons.

23 Rappelons ici avec Berman et Venuti que la traduction confère un certain statut à l’œuvre, qui par sa présence au delà des frontières de la langue-source, revient légitimer l’œuvre originale et l’enrichir grâce à l’existence de ce nouveau texte qu’est la traduction.

24 WOOLF, Virginia, 1929, “Women and Fiction”, in BRADSHAW, David (ed.), 2009, Virginia Woolf: Selected Essays, Oxford World’s Classics, 136.

25 Voir les écrits d’Hélène CIXOUS (« Le sexe ou la tête », 1976 ou « Le rire de la méduse », 1975), et de Luce IRIGARY (Spéculum. De l’autre femme, 1974 et Ce sexe qui n’en est pas un, 1977) sur ce sujet.

26 La centralité de la traduction dans l’œuvre d’imposition et de maintien du colonialisme est un phénomène complexe que nous ne développerons pas ici, mais elle peut être mise en parallèle avec la lutte contre la mainmise du patriarcat sur le langage.

27 « The Politics of Translation. » publié en 1993/94.

28 Pour respecter cette contrainte lourde de sens en langue française, il faut par exemple transposer le féminin sur le sujet : l’écrivaine. La traduction de « Can the subaltern speak ? », autre question clé posée par Spivak dans un article célèbre, a tenu compte de cet élément du genre grammaticalement absent de l’original pour proposer l’équivalent français suivant : « Les subalternes peuvent-elles parler ? »

29 Notons que certaines langues, comme le turc, le finnois ou le basque, ne marquent pas le genre. La traduction des œuvres littéraires dans lesquelles le sexe/genre du narrateur n’est pas identifié est donc souvent périlleuse.

30 Expérience rapportée par Simon, 1996, 18.

31 Cet exemple apparaît dans Feminist Stylistics, p. 53 : les deux phrases « I’m hungry and I want something to eat », considérée comme un énoncé masculin, et « I wonder if there is something to eat », considérée comme un énoncé féminin, différencient à la fois les caractéristiques d’autorité et de brièveté supposées de l’énoncé masculin et la plus grande complexité supposée de l’énoncé féminin.

32 Voir dans les publications récentes Palimpsestes 21 : Traduire le genre grammatical : enjeu linguistique et/ou politique et Palimpsestes 22 : Traduire le genre : femmes en traduction, et en langue anglaise, les articles publiés dans les ouvrages collectifs de Luise Von Flotow (2011), José Santaemilia (2005), ou d’Eleonora Federici (2011).

33 Jegou, Perrine. Translation as constraint: queerness, gender, orality and culture in missed her by ivan e. Coyote. Mémoire de M1 MéLexTra soutenu en juin 2012 sous la direction de Corinne Oster.

34 In Von Flotow, 2011, Translating Women, 305-325.

35 Sardin dans Von Flotow, 2011, 309.

36 MOUNIE, Marie-Pierre et Nathalie VINCENT-ARNAUD, 2009, « ‘A la première personne du masculin’ ? Résonances et résistances à la notion de genre dans la traduction de Written on the Body de Jeanette Winterson », Palimpsestes 22, Traduire le genre : femmes en traduction, Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle, 169-183.

37 FORT, Camille, 2008, « Traduire le neutre sans neutraliser le littéraire : Written on the Body de Jeanette Winterson et In Transit de Brigid Brophy », Palimpsestes 21, Traduire le genre grammatical : enjeu linguistique et/ou politique ?, Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle, 76.

38 VENUTI, Lawrence, 1995, The Translator’s Invisibility : A History of Translation, London & New York, Routledge.

39 Venuti parle de la « violence » de la traduction pour dénoncer le remplacement forcé des différences linguistiques et culturelles du texte étranger par un texte qui sera intelligible pour le lecteur de la langue-cible, et ajoute que la traduction a une énorme responsabilité et un énorme pouvoir en termes de construction des identités pour les cultures étrangères qui se voient donc traduites, transformées, dans la langue hégémonique qu’est l’anglais (14-15).

40 Voir Sherry Simon, 1996 : « The conventional view of translation supposes an active original and a passive translation, creation followed by a passive act of transmission » (11).

41 Qui peut se traduire par « malmener » en français.

42 GODARD, Barbara, 1990, « Theorizing feminist discourse/translation », in BASSNETT, Susan and André LEFEVERE, (eds.), 1990, Translation, History and Culture, London/New York, Pinter, 94.

43 Ces exemples sont tirés de Simon, 1996 et Von Flotow, 1997.

44 Par exemple, Amantes devient lov(h)ers ; j’ai tué le ventre et fait exploser la mer devient I killed the womb and exploded the Sea/Sour mother.

45 La traduction que nous proposons de ces termes tente de rendre justice au caractère performatif du gérondif anglais en -ing, difficilement reproductible en français. L’infinitif semble néanmoins plus adéquat que le substantif (ajouts, préfaces et notes de bas de page, détournements) pour signifier le caractère performatif de la démarche.

46 GODARD, 1990, « Feminist discourse presents transformation as performance as a model for translation ».

47 HENRI, Jacqueline, 2000, « De l’érudition à l’échec : la note du traducteur », Meta : journal des traducteurs / Meta: Translators' Journal, vol. 45, n° 2, 228-240.

48 Lefevere cite ainsi le cas du Journal d’Anne Frank, ré-écrit à la fois par sa famille, ses éditeurs et ses traducteurs (et par Anne Frank elle même, dans un geste d’autocensure), et qui pendant longtemps a occulté les références hostiles au nazisme ordinaire (pour l’édition allemande) ou à la sexualité d’Anne Frank. Von Flotow cite également le cas de Der Geteilte Himmel de Christa Wolf, dont la traduction publiée à Berlin Est en 1965 est passée de la première à la troisième personne du singulier, privant la narratrice de sa voix, et a largement omis les passages dans lesquels cette dernière faisait part de ses hésitations. Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir a également fait l’objet d’un nombre important de coupes franches (environ 10% du texte) lors de sa première traduction.

49 VIEIRA, Else Ribeiro Pires, 1999, « Liberating Calibans : Readings of Antropofagia and Haroldo de Campos’ poetics of transcreation », in SIMON, Sherry (ed.). Post-colonial Translation, London & New York, Routledge, 95-113.

50 Voir VON FLOTOW, 1997, 77-88.

51 WUIMART, Françoise, 2009, « Traduire un homme, traduire une femme… Est-ce la même chose ?, Palimpsestes 22 : Traduire le genre : femmes en traduction, Paris : Presses Sorbonne Nouvelle, 23-39.

52 Nous pouvons trouver un exemple de travail produit selon ces normes essentialistes et sur lesquelles se basent nombre d’analyses féministes d’écrits et de traductions dans l’ouvrage de Sara MILLS, 1995, Feminist stylistics, London& New York, Routledge.

53 VON FLOTOW, 2011, 3. L’ouvrage de 2011 est par ailleurs censé remédier à cet état de fait.

54 Voir à ce sujet l’article de Barbara GODARD, traductrice de Nicole Brossard : « Translating Ang(l)es : Or, the difference “L” makes », in FEDERICI, Leonora, 2011, Translating Gender, Bern, Peter Lang, pp. 23-54.

55 ARROJO, Rosemary, 1994, « Fidelity and the Gendered Translation », TTR : traduction, terminologie, rédaction, vol. 7, n° 2, 147-163.

56 Il faut naturellement différencier le travail des féministes du monde occidental et celui des féministes du tiers-monde, qui n’est pas régi par les mêmes préoccupations.

57 Si les études les plus importantes sur la question du genre en traduction ont été menées au Québec, cela est dû, en effet, à sa situation très spécifique, à cause du bilinguisme officiel et de la présence massive de l’anglais dans les autres provinces et sur le continent nord-américain.

58 Voir aussi VENUTI, 1995, à ce sujet.

Citer cet article

Référence électronique

Corinne Oster, « La traduction est-elle une femme comme les autres ? – ou à quoi servent les études de genre en traduction ? », La main de Thôt [En ligne], 1 | 2017, mis en ligne le 04 mai 2017, consulté le 25 avril 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/lamaindethot/127

Auteur

Corinne Oster

Université de Lille 3

Maître de Conférences

Corinne.oster@univ-lille3.fr