Sur les pas du Deuxième sexe en Espagne : historiographie féministe et traduction

Résumés

Ce travail constitue un préambule à une étude de la diffusion, de la réception et des traductions de l’essai de Simone de Beauvoir (1949), Le deuxième sexe, en Espagne. Après une brève révision des enseignements qu’offrent les travaux consacrés à sa traduction anglo-américaine, nous évoquons la place que suppose aujourd’hui cet essai dans les Études de genre en Espagne et dont témoigne la traduction de caractère universitaire réalisée en 1999. Nous proposons ensuite une réflexion autour d’un certain nombre de sources - dont la publication argentine du livre - qui nous permettent d’infléchir l’idée, relativement répandue, selon laquelle Le Deuxième sexe est une incorporation de la culture de la résistance féministe au franquisme des années soixante-dix. Nous visons à mettre en évidence une série de jalons attestant de la présence du Deuxième sexe dans une généalogie de la pensée féministe contre l’involution que signifie la politique franquiste pour les conquêtes des femmes de la II République espagnole.

El presente trabajo constituye un preámbulo al estudio de la difusión, la recepción y las traducciones del ensayo de Simone de Beauvoir, El segundo sexo (1949), en España. Tras una revisión de las enseñanzas que proporcionan los estudios sobre su traducción anglo-americana, evocaremos el lugar que supone este ensayo en los Estudios de género en España, refrendado por la traducción de carácter universitario realizada en 1999. Proponemos a continuación una reflexión en torno a una serie de fuentes – entre las cuales la traducción argentina del libro – que nos permiten relativizar la idea, algo extendida, según la cual El segundo sexo es una incorporación de la cultura de la resistencia feminista al franquismo de los Setenta. Nos proponemos poner en evidencia una serie de jalones que acreditan la presencia del Segundo sexo en una genealogía del pensamiento feminista anterior frente a la involución que significa la política franquista para las conquistas de las mujeres durante la Segunda república española.

Plan

Texte

While the legacy of contemporary thought can be summed up in thankfully more ways than one, one appropriate way is to say that understanding the context within which a particular « work » (or for that matter « author ») first appeared, as well as understanding that into which it is interpreted, is a theoretical project of interpretation and reading in itself, one that takes history, language, and culture extremely seriously1
Anna ALEXANDER

Introduction

Dans ce travail, mon raisonnement est guidé par deux axes fondamentaux de réflexion : le premier, la critique que permet la catégorie de genre en ce qui concerne l’utilisation des sources historiques ; le deuxième, l’importance pour l’histoire et la visibilité des femmes de contribuer à la (re)construction d’une généalogie féministe. Nous assumons une conception de la critique entendue non pas comme l’examen des imperfections produites par la recherche autour d’une thématique donnée ou une série d’observations destinées à cibler une vérité qui en serait le cœur mais plutôt telle que l’entend une des traductrices de Jacques Derrida, « une analyse qui se concentre en priorité sur les possibilités qu’offre [un] système» (Barbara Johnson, citée dans SCOTT, 2009, 27). Dans le sillage de Michel Foucault, Judith Butler (2004) nous invite à repenser la critique comme une pratique qui nous permet de formuler la question des limites de nos savoirs et la stabilité de ces limites. C’est en interrogeant ses propres formulations, ses propres modes d’interrogation des savoirs hérités que la théorisation féministe peut s’affirmer comme une théorie critique. La mise en crise, ou problématisation, des catégories qui ordonnent la vie sociale, la culture, l’histoire – entendue comme l’un des discours sociaux les plus puissants en raison de ces effets de pouvoir- ou les autres discours sociaux a permis de révéler ce qui, avant, ne pouvait être vu ou ce dont il était impossible de parler : le genre comme un espace de controverse discursive et de dispute historique. La critique féministe du discours de l’histoire a mis en évidence – entre autres phénomènes – l’utilisation biaisée (genrée) des sources historiques qui ont maintenu les femmes dans l’angle mort des discours et consacré leur invisibilité en tant que sujets de l’histoire et sujets de discours. Le genre n’affecte pas seulement la question de la représentation de la différence sexuelle, il imprègne tout l’appareil culturel, régissant ainsi en termes de rapports de pouvoir un certain nombre de hiérarchies autour d’objets de la culture. La traduction, en tant que produit culturel, est frappée par cette dimension qui, on le sait, en a fait un objet secondaire, dévalué (sur la question des sources de la traduction voir SANCHEZ, 2013a).

Nos deux axes, critique et généalogie féministe, se rejoignent dans l’idée que la neutralisation de stratégies genrées repoussant hors des analyses des matériaux historiques importants peut contribuer à désamorcer certains oublis, certaines suppressions entérinées par la répétition d’une histoire qui s’assume et qui tente de nous imposer l’Histoire. Sur les pas du Deuxième sexe en Espagne, nous nous proposons d’amener une autre lumière sur l’idée, tenace, selon laquelle Le deuxième sexe ne constituerait une référence de lecture que dans la limite des années soixante-dix ou, tout au plus, de la fin des années soixante, époque à laquelle se produit un regain d’opposition au régime franquiste et de militantisme féministe. Ce travail n’est que le préambule à une étude en profondeur de la traduction du livre ayant circulé pendant la dictature et de la mise en contexte de sources historiques diverses dont les exemples mentionnés plus bas ne représentent qu’un premier échantillonnage.

1. La polémique autour de The second sex : un cas riche d’enseignements

Comme le constatent les traductrices de la deuxième et dernière traduction2 du Deuxième sexe vers l’anglais nord-américain, la traduction du livre de Simone de Beauvoir – publiée aux Etats-Unis en 1953 par l’éditeur Knopf – a fait couler beaucoup d’encre (BORDE et MALOVANY-CHEVALLIER, 2010). Les nombreuses études qui depuis les années quatre-vingt3 ont porté sur cette traduction confiée au professeur de biologie Howard Madison Parshley sont riches d’enseignements et peuvent servir d’inspiration à l’étude d’autres traductions dans d’autres contextes historiques et géographiques. L’attention peut se porter sur, au moins, deux axes différents de réflexion. D’une part, du point de vue de l’œuvre de Beauvoir elle-même et de sa réception dans les pays anglophones, cette traduction, considérée comme très déficitaire a entrainé une réception tronquée de la philosophe et cela non seulement en Amérique du Nord ou dans les pays anglophones mais dans d’autres régions du monde car, comme le signale Jo-Ann Pilardi (1993), c’est cette traduction qui a servi de texte source à la traduction dans d’autres langues, en particulier le japonais. Cependant, un regard en perspective de l’ensemble des travaux montre, nous semble-t-il, comment le développement théorique des Etudes sur la traduction a affecté de façon sensible l’approche faite sur cette question. Dans un premier temps, l’article de Margaret Simons (1983) établit grâce à une analyse détaillée l’ensemble des omissions de l’édition dans le texte anglais ainsi que de nombreux aspects polémiques de la traduction, en particulier l’omission d’une centaine de noms propres de femmes ayant contribué d’une manière ou d’une autre à l’histoire des sciences, rompant ainsi une généalogie importante du point de vue de la mémoire historique des femmes et du féminisme4. On sait l’importance de la récupération de l’existence de ces savoirs assujettis, permettant de contrecarrer ou de mettre en échec les nombreux processus et procédés d’invisibilisation des femmes en tant que productrices de savoirs. Le texte de Simons inaugure une série de recherches qui mettent l’accent sur la réception tronquée de la philosophe française à cause de cette traduction qui malmène l’original (PILARDI, 1993), CORDERO, 1995, ALEXANDER, 1997, VON FLOTOW, 2000, FALLAIZE, 2002). En attendant impatiemment une retraduction5, Toril Moi (2002), dans une nouvelle sollicitation à retraduire le texte, offre un essai qu’elle même qualifie de « bouche-trou » et dont l’ambition est de combler le déficit produit par les lacunes de la traduction de Parshley. Tout au long de ce cheminement de la critique depuis les années quatre-vingt, certaines auteures avaient suggéré que Parshley ne pouvait être tenu pour seul responsable des carences et des défaillances du texte en anglais (par exemple, BAIR, 19906, PATTERSON, 2002).

Quelques années plus tard, les Etudes sur la traduction intégrant le tournant culturel et, dernièrement, le tournant sociologique, le domaine de réflexion sur l’objet de la traduction s’est ouvert. Il requiert désormais une attention particulière au contexte culturel de réception, une prise en compte d’aspects socioculturels, économiques et politiques qui peuvent avoir un impact sur la traduction et, finalement, oblige à s’intéresser aux différents éléments et facteurs intervenant dans le processus de la traduction (sur ces aspects voir WOLF, 2007). Ces nouvelles approches ont transformé profondément la question de la responsabilité de celle ou celui qui traduit. Ainsi, le champ de l’analyse s’ouvre à une contextualisation qui va bien au-delà de la relation texte source-texte cible pour intégrer divers facteurs impliqués dans la production et la circulation des traductions et qui, avant, pouvaient passer inaperçus7. C’est ainsi que le dépouillement de la correspondance du traducteur avec son éditeur et avec Beauvoir elle-même a permis à Anna Bogic (2010 et 2011) de relativiser la responsabilité de Parshley dans certains aspects de la traduction. Elle a mis ainsi en évidence la nécessité pour la recherche en traduction d’accroitre l’attention portée à l’ensemble de la chaine des acteurs sociaux impliqués dans le processus de la traduction. En marge des recherches portant sur la traduction au sens strict du Deuxième sexe, d’autres travaux insistent sur la nécessité de replacer le livre dans des contextes historiques particuliers et différentiés pour mieux comprendre sa réception en France et aux Etats-Unis (COFFIN, 2010).

La retraduction du Deuxième sexe, qui peut, sans aucun doute, être comprise comme un effet de la critique de la traduction (VON FLOTOW, 2009) pourrait mettre un terme à cette ligne de recherche. Gageons, cependant, que les réflexions des traductrices sur leur propre travail (BORDE et MALOVANY-CHEVALLIER, 2010) ouvrent un nouvel horizon de réflexion sur – je traduis ici les mots de Luise von Flotow (2009, 48) - la nature contingente, sérielle et multiple du travail de la traduction.

2. El Segundo sexo en Espagne : quelques bornes généalogiques

Simone de Beauvoir et son livre Le deuxième sexe sont, sans aucun doute, connus en Espagne. Et il est possible d’assurer que la traduction a joué un rôle important dans cette notoriété. Pourtant il faut attendre 1999, soit cinquante ans après sa publication initiale (1949) en France pour que Le deuxième sexe soit édité en Espagne. Le cinquantenaire du livre est l’occasion, comme en France, d’une série d’articles consacrés au texte, de monographies ou de dossiers dans la presse ou les publications scientifiques universitaires. Comme point culminant d’une série d’activités publiques d’hommage à Beauvoir, El segundo sexo (BEAUVOIR, 1999) est publié en deux volumes, conformément à l’original, par une prestigieuse maison d’édition madrilène, Cátedra. Il est postérieurement réédité en un seul volume en 20058. Il est intégré à la collection ‘Feminismos’ qui est une collection de livres universitaires, propulsée au début des années quatre-vingt-dix par le groupe d’enseignantes et chercheures féministes du Seminari Interdisciplinar d’Investigació Feminista (aujourd’hui Institut Universitari d'Estudis de la Dona) de l’Université de Valence. Selon Isabel Morant (2011), historienne, fondatrice du groupe de Valence et directrice de la collection, celle-ci a pour ambition de visibiliser et diffuser la production intellectuelle des Etudes de genre tout en accueillant les différentes sensibilités et courants du féminisme international. Elle est, de ce fait, à l’initiative de la traduction de nombreuses études sur la question des femmes, du genre ou du féminisme ainsi que d’un certain nombre de classiques, principalement du féminisme occidental et, parmi eux, Le deuxième sexe.

La traduction de l’essai beauvoirien est confiée à une universitaire et professionnelle expérimentée, ayant déjà travaillé pour cette même collection, Alicia Martorell. Usant de stratégies de visibilisation, cette dernière assume pleinement sa place, son rôle de traductrice et son nom en incluant une section bibliographique au début de l’ouvrage, juste après un prologue - contribution d’une spécialiste de Beauvoir en Espagne9. Elle y recense toutes les références des ouvrages contenus dans l’original et dont elle a pu suivre la trace. C’est, en soi, un travail immense dans la mesure où, très souvent, les références bibliographiques de l’original sont incomplètes ou bien, pour les livres étrangers, Beauvoir ne donne que « sa » traduction du titre. Martorell se fait également présente dans l’édition par un jeu d’intertextualité tout-à-fait intéressant et ingénieux. La section « Bibliografía » de Martorell (2005, 35-42) porte en épigraphe un extrait de la lettre que Simone de Beauvoir écrivit au traducteur du texte vers l’anglais, Howard Parshley, extrait emprunté par Martorell à une des biographies principales de Beauvoir dans l’espace anglophone (BAIR, 1990). Dans ces quelques lignes, la philosophe française répond, de toute évidence, à une requête du traducteur. En effet, elle lui fait part de son impossibilité de lui fournir la liste complète des références bibliographiques anglaises contenues dans son texte. Se faisant l’écho de cette réponse de Beauvoir à Parshley, Alicia Martorell décrit dans une note en bas de page ses propres modes de traitement des références bibliographiques du texte et ses stratégies visant à pallier la difficulté des absences ou des incomplétudes du texte source (MARTORELL, 2005, 35). Dans un jeu créatif de renvois, Martorell déploie une onde d’échos divers qui, de 1949 à 1999, non seulement lui permettent de justifier son choix d’inclure une bibliographie mais montrent aussi, et en même temps, l’implication rigoureuse de la traductrice dans son travail sur Le deuxième sexe, ses connaissances de la bibliographie secondaire critique lui permettant d’approfondir son sujet et, finalement, les limites de son travail qu’elle a repoussées jusqu’à l’incontournable.

Le texte de El segundo sexo est également précédé d’un prologue de Teresa López Pardina (2005, 7-34), spécialiste de Simone de Beauvoir en Espagne. López Pardina situe très clairement Le deuxième sexe dans cette généalogie d’écrits qui ont alimenté la pensée féministe et la philosophie de la seconde moitié du XXe siècle. Dans cette longue présentation du texte, elle le désigne explicitement comme la source d’autres ouvrages importants de la théorisation féministe des années soixante-dix dans le monde occidental. Elle cite La dialéctica del sexo de S. Firestone et la Política sexual de K. Millet10. Curieusement, elle ne cite pas La mística de la feminidad de Betty Friedan11 qui est aussi un des grands classiques et qui est le premier à être traduit et publié en Espagne en 196312. López Pardina établit également un dialogue entre le texte de Beauvoir et d’autres textes plus récents de chercheures qu’il faut, cette fois, inscrire dans la production des Etudes de genre qui se sont développées dans les pays occidentaux depuis une trentaine d’années. Elle révise la critique de Michelle Le Dœuff dont le livre El estudio y la rueca (1993)13 a été également publié dans la collection Feminismos de Cátedra quelques années auparavant. Elle fait également dialoguer Beauvoir autour de certains des thèmes principaux du livre – en particulier, la question de l’Autre ou de la maternité - avec des auteures comme Judith Butler (1986), Sonia Kruks (1992) ou, entre autres, Toril Moi (1994). Il ressort des caractéristiques que présente cette édition tardive qu’elle est à rattacher à une initiative universitaire visant clairement à replacer Le deuxième sexe, d’une part, dans la généalogie des classiques de la pensée féministe et, d’autre part, dans la discussion scientifique autour de l’œuvre elle-même.

Ce retard dans la publication du Deuxième sexe ne signifie pas pour autant que le livre ne fut pas connu – et lu- en Espagne avant l’année 1999. Et s’il a constitué un point de référence important dans certains débats académiques propres aux Etudes de genre de ce pays, c’est précisément parce que le texte est connu, interprété et utilisé, quoique peu cité dans le texte, sauf pour la célèbre citation « On ne nait pas femme, on le devient ». Bien avant 1999, de nombreux ouvrages font l’interprétation du Deuxième sexe, dont ceux des philosophes Celia Amorós (1985)14 et Amalia Valcárcel (1991) ou Ana de Miguel (2009) parmi de nombreux autres ouvrages et d’autres auteures. Le livre alimente donc la discussion sur la question de la construction culturelle de la différence sexuelle et est considéré comme une réflexion précurseure de la notion de genre dans la mesure où il traque et démonte les stratégies circulaires des discours de la culture occidentale qui font de l’explication biologique, de l’anatomie, la justification de la domination des femmes. En général, les chercheures s’accordent à considérer Le deuxième sexe comme une œuvre philosophique, contribuant ainsi à rendre à Beauvoir cette identité comme philosophe qui lui est souvent refusée. Le texte est envisagé comme une charnière entre la philosophie des lumières et la pensée postmoderne (LÓPEZ PARDINA, 1998) et on souligne son influence et sa valeur pour un féminisme qui est passé de la revendication à la théorisation et à l’explication. (AMORÓS, 1997 et 2005, CARRO FERNÁNDEZ, 2002, VALCÁRCEL, 2002). Ces auteures partagent la critique exprimée par Judith Butler (1990) à l’encontre de Michèle Le Dœuff (1993) qui postule que Beauvoir a pu écrire Le Deuxième sexe non pas grâce à l’existentialisme de Sartre mais contre lui. Elles soutiennent au contraire l’idée d’un effort dans la radicalisation de certaines idées sartriennes, en particulier sur la liberté15.

En observant dans le détail les références bibliographiques du livre qui sont données dans tous le corpus secondaire dont il vient d’être question et dans d’autres ouvrages que nous ne pouvons intégrer ici, on s’aperçoit qu’elles renvoient à une édition, réédition ou réimpression - tout au long des années soixante-dix et même avant - d’un éditeur argentin, Siglo XX. Ce fragment d’information ne doit pas être considéré comme une bagatelle formelle car il permet de suivre le fil d’Ariane de la diffusion et de la réception du livre avant la sortie de la traduction de Martorell chez l’éditeur Cátedra en 1999. Cela signifie que ces auteures - qui sont pour la plupart aujourd’hui devenues des monstres sacrées de la théorisation féministe en Espagne et ont été parmi les plus influentes du point de vue institutionnel à certains moments politiques de la jeune démocratie – ont lu et travaillé sur le livre pendant la dernière étape du franquisme et peut-être même avant. La philosophe féministe, Celia Amorós, dans son célèbre Hacia una crítica de la razón patriarcal [Vers une critique de la raison patriarcale], de 1985, a même comme référence la première édition de Siglo XX, celle de 1962 (voir AMORÓS 1985, 41). Il est vraisemblable que ce soit l’édition dont elle disposait dans sa bibliothèque personnelle. Il y a donc, aussi, une histoire clandestine du livre. Car, comme bien d’autres ouvrages, Le deuxième sexe est sur la liste de l’Index librorum prohibitorum (euphémistiquement connu comme el Indice sous le franquisme), répertoriant les ouvrages dont la lecture est interdite par le Vatican sous peine d’excommunication et où il restera jusqu’en 1966, date de la fin « officielle » de l’Index. Cela permet au régime de justifier de sa censure. La politique dictatoriale en matière de censure évolue tout au long de la période franquiste. L’année 1966 semble marquer un infléchissement dans sa dureté, à partir de la promulgation de la nouvelle loi de la presse du ministre Fraga Iribarne. Malgré tout, les seuls auteurs étrangers passant le crible des interdits sont des auteurs considérés comme inoffensifs (PEGENAUTE, 1999). Si, de façon paradoxale, certains romans de Beauvoir sont traduits Le deuxième sexe ne peut pas l’être16.

Prendre en considération l’existence de cette traduction et sa propagation clandestine nous semble un élément de première importance quant à l’étude de la diffusion et de la réception de Simone de Beauvoir en Espagne. Ne pas en tenir compte contribue à assimiler résistance silencieuse et passivité des femmes alors que leur opposition à l’idéologie de genre du national-catholicisme et aux modèles de féminité qu’il prétendait imposer trouva de nombreuses façons de s’exprimer17. C’est non seulement un maillon important de la chaine qui nous permet de comprendre comment cet essai peut être considéré actuellement comme « un événement historique marquant » de la théorie féministe (AMORÓS, 2009) mais aussi comment il a pu déterminer, d’une façon ou d’une autre, la vie de nombreuses femmes. Ainsi s’interroge une militante quand elle évoque son vécu depuis la fin des années soixante: « ¿Habría sido todo igual si no hubiera existido el segundo sexo? Personalmente, debo decir que no, en absoluto, que mi vida estaría siendo otra […] » (cité dans SUÁREZ SUÁREZ, 2012, 406). C’est en tant que littérature clandestine que Le deuxième sexe peut être considéré comme faisant partie de ce que María Carmen Suárez Suárez (2012) a appelé « la littérature de formation » des féministes espagnoles, en référence à tous ces ouvrages qui, sous la dictature traversèrent les frontières du pays – les Pyrénées, particulièrement- envahirent les arrière-boutiques de certaines librairies pour ensuite passer de mains en mains entre les résistantes, plus ou moins affichées, plus ou moins radicales, de la cause féministe18. Il s’agit, bien sûr, d’un ouvrage théorique et de réflexion, parfois difficile, ce qui selon certaines auteures (LÓPEZ PARDINA 2002, 53, VALCÁRCEL, 2002) a pu l’éloigner de nombreuses lectrices mais il a sans aucun doute alimenté les débats du militantisme politique, à une époque où les lectures se font souvent de façon collective, favorisant ainsi l’accès aux contenus des textes. Ainsi Celia Amorós a pu assurer :

Este libro imprimió carácter tanto en el ideario como en los programas vitales de las mujeres de mi medio y de mi generación. La recepción de la literatura feminista extranjera se produjo, como no podía ser de otro modo, a través del filtro selectivo de nuestras propias transformaciones sociales y expectativas políticas de la última etapa de la dictadura, a la vez que nos ayudó a darles forma teórica en un efecto de feedback.19 (AMORÓS, 2009, 192-193)20.

Le livre de Beauvoir a donc côtoyé ceux de Millet, Firestone, Friedan, Marx, Lenine… On peut envisager qu’il s’agissait de l’édition française car, pour la génération des personnes ayant plus de cinquante ans aujourd’hui, le français était souvent la langue étrangère étudiée par celles ayant la possibilité de faire des études. Mais ce sont des éditions ou rééditions en espagnol ayant traversé l’Atlantique qui ont permis une large diffusion des idées du Deuxième sexe en Espagne. La première édition en langue espagnole du livre date de 1952 et appartient à l’éditeur Leviatan de Buenos Aire. Suivit une deuxième, en 1958, d’une autre maison de Buenos Aire, Psique. En 1962, c’est un troisième éditeur ibéro-américain, ayant aussi un siège à Buenos Aires, Siglo XX, qui acquiert les droits et diffusera plusieurs rééditions et réimpressions de la traduction réalisée par le dramaturge et traducteur Pablo Palant. Ce foisonnement semble indiquer une distribution importante du livre sur le continent américain et aussi, bien sûr, en Espagne car sous la dictature ce sont les éditeurs hispano-américains qui vont principalement fournir les librairies clandestines. En 1999, la maison Sudamericana, appartenant au groupe Ramdom House-Mondadori commandera une retraduction du texte à Juan García Puente, traducteur des Œuvres complètes de l’écrivaine21. Il nous est difficile de savoir dans l’état actuel de nos recherches si toutes les éditions (celle de Leviatan, celle de Psique et les différentes rééditions de Siglo XX) furent introduites dans le pays pendant les années du franquisme. Celles de Siglo XX semblent, malgré tout, avoir beaucoup plus circulé22. Explorer dans le détail les références citées par la bibliographie secondaire à propos de Beauvoir et de son essai fondamental peut donc en dire long sur le chemin et les circuits parcourus par l’ouvrage depuis la date de sa sortie en France jusqu’au début des années soixante. D’autres éléments nous permettent d’envisager qu’il est possible de remonter encore un peu dans le temps et de relativiser l’affirmation catégorique de Valcárcel (2002, 95) selon laquelle personne en Espagne ne peut prétendre avoir lu Le deuxième sexe dans les années cinquante.

Simone de Beauvoir était sûrement connue dans les divers milieux de la résistance silencieuse23 avant les années soixante. Dès 1945 son nom apparait dans la presse espagnole en association avec la solidarité internationale antifranquiste. Une censure sévère, imposée par le régime du Général Franco dès la fin de la Guerre civile, filtre toute diffusion idéologique contraire à la profession de foi du national-catholicisme triomphant. Toutefois, l’exaspération que peut produire l’impossibilité pour les discours dominants de contenir l’intervention indésirable d’autres discours se traduit souvent par une nervosité qui les conduit à mettre un nom sur ce que, précisément, ils ne tiennent pas à nommer. L’exemple suivant - puisé dans le dépouillement réalisé de la presse de la première décennie franquiste - nous semble éloquent de ce point de vue. Après un voyage en Espagne et au Portugal, Simone de Beauvoir publie, en avril en 1945, dans le journal de la résistance Combat une série d’articles dont celui intitulé « Quatre jours à Madrid » et dans lequel elle dénonce la misère de la population madrilène et les pratiques de torture du régime fasciste24. Bien qu’étant écrit sous le pseudonyme de Daniel Secretan, cet article et son auteure - désignée, cette fois, par son vrai nom - n’échappent pas à la verve furieuse et misogyne25 du correspondant à Paris du journal La vanguardia española qui publie en page 7 de l’édition du 24 avril 1945 un article révisionniste, niant ou relativisant les accusations de Beauvoir dans Combat. Nous avons également trouvé mention du Deuxième sexe dans la presse, dès les années cinquante. Par exemple, dans une collaboration de La vanguardia española, édition du 25 novembre 195326 un article en faveur de l’éducation supérieure des jeunes filles, conseille la lecture du fameux deuxième Rapport Kinsey27 sur les comportements sexuels des femmes publié cette année-là et du Deuxième sexe dont le journaliste fait ainsi l’étonnant éloge :

la documentada obra de Simone de Beauvoir (que me parece más importante que la filosofía de su cónyugue, el conocido promotor existencialista Sartre), « El segundo sexo » que constituye una verdadera enciclopedia del feminismo científico moderno28.

En fait, nous pouvons nous risquer à affirmer que ce sont autant les antiféministes de l’heure que des féministes convaincu-es ou, simplement, des personnes sensibles à la question de la place et de la situation des femmes dans la société de l’époque qui se chargeront de faire connaître l’existence du texte pendant les sombres années cinquante. Par exemple, dans une série de cours dictés par le philosophe José Ortega y Gasset entre 1949 et 1950 à Madrid – et publiés en 1957 dans son livre El hombre y la gente [L’homme et les gens], ce philosophe - qu’il faut bien reconnaître avec l’historienne Geraldine Scanlon (1986) comme une source d’autorité - refuse, sans en débattre, les arguments présentés par Beauvoir et déclare avec une méprisante ironie : «  El libro de la señora Beauvoir [Le deuxième sexe], tan ubérrima en páginas, nos deja la impresión de que la autora, afortunadamente, confunde las cosas y de este modo exhibe en su libro el carácter de confusión que nos asegura la autenticidad de su ser femenino.29  (Cité dans SCANLON, 1986, 189).

C’est dans la diversité, l’intertextualité, et la fragile existence historique des discours de femmes (féministes ou pas), broyés dans les dispositifs de genre de la marginalisation, que l’on peut trouver de nombreuses pistes de la réception du Deuxième sexe, en français parfois, en Espagne. Une recherche détaillée récente menée par l’historienne des sciences Rosa Medina Doménech (2013a) propose une analyse de l’œuvre d’une féministe espagnole, María Laffitte, peu connue encore d’un point de vue historiographique, qui permet de déceler les nombreuses concomitances entre ses écrits et Le deuxième sexe. En 1948, c’est-à-dire un an avant la sortie du livre en France, María Laffitte y Pérez del Pulgar, parfois recensée comme María Campo Alange, nom sous lequel verront le jour certaines de ses publications, publie son livre La secreta guerra de los sexos30 [la secrète guerre des sexes]. Dans ce livre Lafitte défend, à partir d’une perspective catholique, que les hommes et les femmes sont façonnés par l’histoire et la culture. Elle soutient, donc, une vision non déterministe du sexe. C’est, sans aucun doute, à partir d’une position sociale privilégiée31 au sein du régime que Laffitte va pouvoir montrer son désaccord avec les discours hégémoniques du moment sur la féminité. Mais comme le montre MEDINA DOMÉNECH (2013b), elle représente aussi une partie visible – dans la mesure où elle a pu publier ses écrits – des efforts réalisés par bien d’autres femmes pour contester, de multiples façons, la misogynie du système. Dans le prologue de la deuxième édition du livre de Laffitte, en 1950, l’auteure se fait amplement l’écho du texte de Beauvoir qu’elle commente sur plusieurs paragraphes et dont les arguments imprègnent son propre discours. C’est, sans aucun doute et comme l’affirme l’historienne Gloria Nielfa, l’une des premières manifestations importantes de la réception du Deuxième sexe en Espagne (NIELFA CRISTOBAL, 2002a, 455). La même année, très vite, donc, après la publication chez Gallimard, un compte rendu du Deuxième sexe est publié dans une revue importante de l’époque32, sous la plume d’une autre catholique, favorable à certains changements de la situation légale des femmes instaurée par la loi franquiste et qui constitue une véritable régression par rapport aux avancées républicaines (voir NIELFA CRISTÓBAL, 2002a). Cette chercheure offre encore d’autres pistes pour suivre la trace du Deuxième sexe dans certaines critiques diffusées par des publications catholiques de l’époque. Pour clore cette révision sommaire des années cinquante citons, finalement, en 1961, le deuxième livre de María Laffitte La mujer como mito y como ser humano33 [La femme comme mythe et comme être humain] qui correspond à une conférence prononcée pour l’association espagnole de femmes universitaires (Asociación Española de Mujeres Universitarias) (MEDINA DOMÉNECH, 2013a, 164) et dont le titre nous semble un emprunt, quasiment mot à mot, et une synthèse des sous-titres des tomes I et II du Deuxième sexe. Dans ce livre Laffitte confirme son adhésion presque entière aux thèses beauvoiriennes, en particulier l’idée que le manque d’autonomie des femmes était la conséquence de leur identité comme l’Autre de l’homme (voir MEDINA DOMÉNECH 2013a).

Conclusion

Un après l’autre, nous avons tenté de signaler différents repères montrant la présence en Espagne du Deuxième sexe entre 1949, date de la première édition française et 1999, date de la première traduction chez un éditeur espagnol. Ce parcours nous a amenée à deviner le livre - son édition originale ou sa traduction argentine- dans les mains de protagonistes différents et différentes. Sans avoir pu rentrer en profondeur dans les débats idéologiques qui se sont tissés autour de lui, aux différents moments de sa réception, nous avons voulu montrer que les traces qu’il a laissé sont le témoignage d’une pensée féministe qui a pu, tant bien que mal, et voulu accueillir ses thèses pour en débattre, une pensée plurielle, diverse, remplie bien souvent de tensions et de divergences, une pensée qui n’est pas née hier, une pensée vivante aux jours les plus sombres de l’histoire espagnole du XXe siècle.

Note de fin

1 [Notre traduction] Puisque l'héritage de la pensée contemporaine peut heureusement être résumé de plusieurs façon, une façon appropriée consiste à dire que comprendre le contexte dans lequel une « œuvre » particulière (ou en l'occurrence une « auteure ») est apparue pour la première fois, de même que comprendre celui dans lequel elle est interprétée, est en soi un projet théorique d’interprétation et de lecture, un objet qui prend très au sérieux l'histoire, la langue et la culture.

2 BEAUVOIR, Simone de, 2010, The Second Sex, New York, Knopf, traduction Constance Borde et Sheila Malovany-Chevallier.

3 Anne Cordero signale dans son article que les critiques à la traduction anglo-américaine du Deuxième sexe ont commencé dès les années soixante-dix. La bibliographie de caractère académique n’est disponible pourtant qu’à partir du début des années quatre-vingt.

4 Dans un autre travail (SANCHEZ, 2011), nous avons montré, comment une traductrice - à une autre époque et dans un autre lieu - a utilisé sa traduction d’une œuvre misogyne pour mettre en avant cette généalogie de femmes ayant contribué de tous temps à la production de savoirs.

5 Face à la réticence obstinée de l’éditeur Knopf à céder ses droits ou à engager une nouvelle traduction, la critique de la traduction existante et les appels à une nouvelle traduction envahissent l’arène médiatique (voir l’article de Sarah Glazer publié dans le New York Times en 2004).

6 La biographie de Simone de Beauvoir publiée par Deirdre Bair est le résultat d’une collaboration avec la philosophe au début des années quatre-vingt-dix. Dans certains des nombreux entretiens réalisés par Bair à Beauvoir, cette dernière assume une part de responsabilité quant aux écueils de la traduction imputés à Parshley. En effet, elle y convient, entre autres questions, qu’elle n’a pas toujours répondu aux requêtes du traducteur ou qu’elle a donné son accord sur un certain nombre de points, en particulier certaines amputations du texte original.

7 Pour une analyse de matériaux peritextuels permettant de modifier sensiblement le schéma interprétatif appliqué, en Histoire, à la traduction d’un essai scientifique misogyne réalisée par une féministe espagnole du début du XXe siècle voir SANCHEZ 2013b.

8 Les extraits et références utilisés dans ce travail sont ceux de l’édition de 2005.

9 Voir l’étude détaillée du paratexte dans CASTRO VAZQUEZ, 2008.

10 Il s’agit respectivement de la traduction de: FIRESTONE, Sulamith, 1970, The Dialectics of Sex: The Case for Feminist Revolution, New York, Morrow; et de MILLETT, Kate, 1970, Sexual Politics, New York, Doubleday. Le livre de Firestone fut traduit en espagnol et édité à Barcelone par la maison Kairos en 1976 et celui de Millet le fut d’abord au Mexique, en 1975 et, finalement, en Espagne dans la collection Feminismos de Cátedra, en 2010.

11 Il s’agit de la traduction de: FRIEDAN, Betty, 1963, The Feminine Mystique, New York, Norton W.W. Pour l’édition espagnole FRIEDAN, Betty, 1976, La mística de la feminidad, Madrid, Ediciones Jucar, Prologue de Lily Álvarez et traduction de Carlos R. de Dampierre.

12 Pour une étude de la réception de Betty Friedan en Espagne voir GODAYOL, 2013.

13 Il s’agit de la traduction de : LE DŒUFF, Michèle, 1989, L’étude et le rouet. Des femmes, de la philosophie, etc., Paris, Seuil. Dans ce livre, la philosophe attire l’attention sur la position particulière des femmes dans la philosophie et la situation difficile de Beauvoir par rapport à l’existentialisme dans l’élaboration du Deuxième sexe.

14 Il est intéressant de noter que le chapitre de Celia Amorós qui contient une réflexion sur l’existentialisme du Deuxième sexe parait pour la première fois peu de temps après la mort du général Franco dans le numéro 2 d’une revue critique de l’époque, Negaciones, en décembre 1976 (pp. 25-38), numéro qui contient plusieurs articles de politique féministe.

15 Pour une critique mitigée voir AMOROS, 2005.

16 Pour une étude répertoriant l’ensemble des traductions faites en Espagne de l’œuvre de Beauvoir voir CORBÍ SÁEZ, 2010. En 1968 il est traduit en catalan dans une édition dont le prologue est confié à l’écrivaine et militante féministe et antifranquiste, María Aurelia Campmany : BEAUVOIR, Simone de, 1968, El segon sexe, Barcelone, Edicions 62, traduction de Herminia Grau de Duran et Carme Vilagines.

17 Sur cette question voir les travaux des historiennes MORCILLO GÓMEZ, 1988 et MORENO SARDA, 1988

18 Voir sur cette question NIELFA CRISTÓBAL, 2002a et SUÁREZ SUÁREZ, 2012, 389-408.

19 [Notre traduction] Ce livre donna de l’ardeur autant aux idées qu’aux perspectives de vie des femmes de mon milieu et ma génération. La réception de la littérature féministe étrangère se produisit - il ne pouvait en être autrement - à travers le filtre sélectif de nos transformations sociales et de nos propres attentes politiques pendant la dernière étape de la dictature, en même temps qu’elle nous aida à leur donner une forme théorique dans un effet de rétro-alimentation.

20 Il est surprenant qu’à l’occasion du cinquantenaire du livre, Christine Delphy (2008) convienne, contrairement au témoignage de cette militante espagnole, de la difficulté de la reconnaissance des femmes de sa génération envers Le Deuxième sexe : « Il nous avait toutes changées. Mais quelque chose nous retenait de l’avouer ou même de le savoir.» (Delphy 2008, 173).

21 Pour une étude contrastant les paratextes des éditions ibéro-américaines, espagnole et anglo-américaine voir CASTRO VAZQUEZ, 2008.

22 Nous avons pu identifier six éditions ou rééditions de l’éditeur Siglo XX entre 1962 et 1975.

23 L’expression est de GRACIA, 2004 qui soutient l’idée de la persistance d’une culture libérale au sein même de la période de la dictature franquiste.

24 SECRETAN, Daniel (Simone de Beauvoir), 1945, « Quatre jours à Madrid », in Combat. Edition Magazine du Dimanche, 14-15 avril 1945, p. 1-2.

25 Toril Moi (2008 [1995]) a traqué les critiques misogynes et personnelles qui ont été faites de Beauvoir et les a analysées comme stratégie visant à limiter la portée politique et philosophique de son œuvre.

26 MASRIERA, Miguel, 1953, “Estudiantas”, In la vanguardia española, miércoles 25 de noviembre, p. 5.

27 Le Dr Kinsey réalise deux études sur la sexualité humaine. L’association constante pour l’époque entre le 2ème Rapport Kinsey (Sexual Behavior in the Human Female (1953,) et Le deuxième sexe a conditionné la lecture de ce dernier tant aux Etats Unis qu’en France dans un contexte, les années cinquante, où la sexualité devient une thématique importante de la culture médiatique. Pour une étude attentive à la complexité de ce contexte historique voir COFFIN, 2010. Ce contexte pourrait aussi expliquer que la traduction du livre aux Etats Unis ait pu être confiée à un biologiste, le Dr Parshley.

28 [Notre traduction] L’œuvre documentée de Simone de Beauvoir (qui me semble plus importante que la philosophie de son conjoint, le fameux promoteur existentialiste Sartre), « Le deuxième sexe » qui constitue une véritable encyclopédie du féminisme scientifique moderne.

29 [Notre traduction] Le livre de madame Beauvoir [Le deuxième sexe], si féconde en pages, nous laisse l'impression que l'auteure, par bonheur, confond les choses et, de cette façon, montre dans son livre le trait de confusion qui nous assure de l'authenticité de son être féminin.

30 CAMPO ALANGE, María, 1948, la secreta guerra de los sexos, Madrid, Revista de occidente, réédité en 1950 et 1958.

31 Selon CORBÍ SÁEZ (2010, 173) María Laffitte utilise souvent son titre aristocratique de Comtesse de Campo Alange, obtenu par son mariage, comme stratégie de bouclier face au pouvoir de la censure.

32 FORMICA, Mercedes, 1950, « Simone de Beauvoir: Le deuxième sexe. Recensión», in Revista de Estudios Políticos, Vol. XXXIX, 49, p. 264-270.

33 Le texte complet dans NIELFA CRISTÓBAL, 2002b.

Citer cet article

Référence électronique

Lola Sanchez, « Sur les pas du Deuxième sexe en Espagne : historiographie féministe et traduction », La main de Thôt [En ligne], 1 | 2017, mis en ligne le 20 novembre 2017, consulté le 20 avril 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/lamaindethot/185

Auteur

Lola Sanchez

Universidad de Granada

Professeur

osanchez@ugr.es