Résumés

Dans un premier temps, nous nous intéressons à un court extrait du célèbre roman d’Umberto Eco, Il nome della rosa. L’extrait en question ressemble à du latin mais chaque version, qu’il s’agisse du texte source ou des propositions des traducteurs, est respectivement imprégnée d’une autre langue : la langue de départ ou les langues d’arrivée. Ce latin vulgarisé est repris de différentes façons par chacun des traducteurs que nous présentons ici.
Dans un deuxième temps, nous étudions un autre cas très intéressant de création linguistique chez Eco, il s’agit des premières pages de Baudolino. Ici l’extrait s’avère être d’autant plus captivant que le « manuscrit » présenté fait état des doutes linguistiques du personnage principal à travers des mots barrés, d’autres écrits avec plusieurs graphies... Dans ce deuxième cas, la langue garde encore des traces du latin, mais est fortement influencée et contaminée par les langues que le personnage connaît.

We begin this article with a short presentation of an excerpt of Umberto Eco’s well known novel Il nome della rosa. This excerpt looks like Latin but each translation –in the source or target text– is influenced by another language: the source or target language. This popularized Latin is translated in various ways by the translators that we present here.
In a second step, we study another very interesting case of a linguistic creation by Eco in the first pages of
Baudolino. This second excerpt is even more fascinating as the manuscript shows the linguistic doubts of the main character through crossed out words and others with different written forms… In this second case, the language still keeps Latin forms but is strongly influenced and contaminated by the languages known by the main character.

Plan

Texte

I miei amalgami non seguono una “logica” ma seguono l’orecchio, il ritmo; la finalità più che filologica è estetica1.
Umberto Eco

1. Umberto Eco, Il nome della rosa… quand Salvatore parle.

1.1. Le contexte

Il n’est pas nécessaire de présenter Umberto Eco. Son roman Il nome della rosa, publié en 1980 en Italie, a été très rapidement traduit partout dans le monde -en plus de quarante langues- et vendu à plus de dix millions d’exemplaires. Le roman pourrait être qualifié de roman policier médiéval ; il nous plonge dans la pensée philosophique et religieuse du XIVème siècle, dans une abbaye bénédictine des Alpes italiennes.

Lorsque apparaît l’extrait qui nous intéresse, les deux protagonistes Guillaume de Baskerville – moine franciscain – et Adso de Melk – novice – se rendent à l’église de l’abbaye et y rencontrent un personnage assez particulier : Salvatore, l’un des moines.

1.2. La langue du texte source

C’est au monologue prononcé par le personnage de Salvatore lors de sa rencontre avec Guillaume de Baskerville et Adso de Melk que nous nous intéresserons ici. En voici le texte tel qu’il apparaît dans le roman original :

Penitenziagite! VIDE QUANDO draco VENTURUS EST a rodegarla l’anima tua! La mortz est SUPER NOS! Prega che vene lo papa santo a liberar nos A MALO de todas le peccata! Ah ah, ve piase ista negromanzia de Domini Nostri Iesu Christi! Et anco jois m’es dols e plazer m’es dolors... CAVE el diabolo! SEMPER m’aguaita in qualche canto per adentarme le carcagna. Ma Salvatore NON EST INSIPIENS! BONUM MONASTERIUM, et aqui se magna et se priega DOMINUM NOSTRUM. Et el resto VALET un figo seco. ET AMEN. No? (ECO, 2007, 54).

Lorsqu’on lit cet extrait, on se demande aussitôt en quelle langue s’exprime Salvatore. Certains éléments font penser à des langues connues ou semblent directement issus de celles-ci : on reconnaît le latin – ici transcrit en capitales –, l’italien – en italique –, l’espagnol – en gras –, le provençal – souligné – et des dialectes italiens – en italique gras –.

L’extrait s’ouvre sur une forme que nous sommes tentée d’analyser comme un impératif à la seconde personne du pluriel – « penitenziagite » – en raison de la terminaison en –ite propre aussi bien au latin qu’à l’italien. S’ensuivent plusieurs exclamations ou lamentations. La langue dans laquelle est écrit ce texte est clairement influencée par le latin, langue prédominante dans un milieu ecclésiastique comme celui du roman ; nous remarquons également la présence de quelques langues romanes mêlées à leur langue mère et ne se différenciant pas toujours de façon très nette. En effet, certaines constructions semblent illustrer parfaitement ce que l’on appelle les interférences linguistiques comme le premier terme « penitenziagite ». Ou bien encore des alternances codiques comme dans « et aqui se magna et se priega dominum nostrum » : le lecteur reconnaître le latin dans « et » et « dominum nostrum », l’espagnol dans « aqui » – que l’accent graphique manque – et « se », une forme dialectale, romaine par exemple, dans « magna ; quant à « priega », cela semble une interférence de l’italien « prega » avec une diphtongaison à l’espagnole.

Ces formes sont aussitôt commentées par Adso de Melk, l’un des interlocuteurs de Salvatore :

[…] Non saprei dire […] che genere di lingua egli parlasse. Non era il latino, in cui ci esprimevamo tra uomini di lettere all’abbazia, non era il volgare di quelle terre, né altro volgare che mai avessi udito. […] Quando più tardi appresi della sua vita avventurosa e dei vari luoghi in cui era vissuto, […], mi resi conto che Salvatore parlava tutte le lingue, e nessuna. Ovvero si era inventata una lingua propria che usava i lacerti delle lingue con cui era entrato in contatto – e una volta pensai che la sua fosse, non la lingua adamica che l’umanità felice aveva parlato, tutti uniti da una sola favella dalle origini del mondo sino alla torre di Babele, e nemmeno una delle lingue sorte dopo il funesto evento delle loro divisione, ma proprio la lingua babelica del primo giorno dopo il castigo divino, la lingua della confusione primeva. Né d’altra parte potrei chiamare lingua la favella di Salvatore, perché in ogni lingua umana vi sono delle regole e ogni termine significa ad placitum una cosa, secondo una legge che non muta, perché l’uomo non può chiamare il cane una volta cane e una volta gatto […]. E tuttavia, bene o male, io capivo cosa Salvatore volesse intendere, e così gli altri. Segno che egli parlava non una, ma tutte le lingue, nessuna nel modo giusto, prendendo le sue parole ora dall’una ora dall’altra. Mi avvidi pure in seguito che egli poteva nominare una cosa ora in latino ora in provenzale, e mi resi conto che, più che inventare le proprie frasi, egli usava disiecta membra di altre frasi. Udite un giorno, a seconda della situazione e delle cose che voleva dire […]. Era come se la sua favella fosse quale la sua faccia, messa insieme con pezzi di faccie altrui […]. (ECO, 1986, 54-55).

Nous sommes ici devant ce que certains nomment une « interlangue ». Selon Georges Mounin, l’interlangue se définit principalement comme :

A. Langue artificielle, construite a posteriori à partir des traits communs d’un ensemble de langues naturelles, et utilisée comme véhicule de communication internationale […].

Ce type de langue auxiliaire, de conception récente, est à distinguer d’un autre type, plus ancien, dont les langues sont construites sur le modèle schématisé d’une ou plusieurs langues naturelles, au moyen de structures logiques tendant à n’admettre aucune exception : l’Esperanto, 1887.

B. Langue naturelle à large diffusion, utilisée en traduction comme relais entre la langue-source et la langue-cible […]. (MOUNIN, 1974, s.v. interlangue, 182).

Dans le Dictionnaire des langues imaginaires, Albani et Buonarroti font état eux aussi d’une « langue artificielle ayant pour but la communication à l’échelle internationale ». (ALBANI & BUONARROTI, 2001, 230).

Ces définitions de l’interlangue ne s’écartent pas fondamentalement de l’usage habituel qu’en font les linguistes pour évoquer une étape dans l’apprentissage d’une langue naturelle qui n’est pas leur langue maternelle :

Traducteurs :

Langue inventée.

Ici individuelle (Salvatore).

Phase transitoire ou définitive (ici). Interférences et alternances codiques.

Linguistes :

Langue entre L1 et L2 (L1 et L2 acquises).

Langue individuelle.

Phase transitoire. Interférences (code mixing) et alternances codiques (code switching).

Comment nommer cette langue parlée par Salvatore, cette sorte de néo-latin, cette interlangue, cette langue entre deux qui n’est pas une mais plurielle ? Albani et Buonarroti écrivent : « Dans les ouvrages littéraires de Eco apparaissent des langues inventées, comme, par exemple, un alphabet zodiacal et la langue babélique parlée par le moine Salvatore dans son premier roman Il nome della rosa ». (ALBANI & BUONARROTI, 2011, 145).

Cette langue pourrait aussi s’intégrer dans une autre définition. Selon Albani et Buonarroti :

À propos des langues parfaites, Eco propose une tentative de typologie, en écrivant qu’au cours de l’histoire sont apparues :

- des langues redécouvertes se présentant comme des langues originelles.

- des langues inventées (qui ont trois finalités) :

1. exprimer parfaitement les idées et découvrir de nouvelles connections réelles (perfection par fonction) ;

2. servir à la compréhension universelle (perfection par extension) ;

3. et coder les communications (perfection par le secret). (ALBANI & BUONARROTI, 2011, 145 et ECO, 1994).

La deuxième définition des langues inventées semble correspondre à l’usage qu’en fait Salvatore : en utilisant plusieurs langues dans un même discours, il est inconsciemment en mesure d’être compris de tous ses interlocuteurs.

1.3. Les propositions des traducteurs

Pour chaque version nous avons surligné en gras les mots demeurés tels quels par rapport au texte source.

a) traduction espagnole

¡Penitenciágite! ¡Vide cuando draco venturus est a rodegarla el alma tuya! ¡La mortz est super nos! ¡Ruega que vingo lo papa santo a liberar nos a malo de tutte las peccata! ¡Ah, ah, vos pladse ista nigromancia de Domini Nostri Iesu Christi! Et mesmo jois m’es dols y placer m’es dolors… ¡Cave il diablo! Semper m’aguaita en algún canto para adentarme las tobillas. ¡Pero Salvatore non est insipiens! Bonum monasterium, et qui si magna et si ruega dominum nostrum. Et il resto valet un figo secco. Et amen. ¿No? (ECO, 2006, 70).

Ricardo Pochtar a conservé de nombreux termes – en gras –, mais s’est également permis d’en modifier certains en pensant aux lecteurs hispanophones. En effet, ne serait-ce que dès le début de l’extrait, nous remarquons une hispanisation du premier terme : avec l’ajout d’un accent graphique sur le -a-, ce qui rend le mot conforme à l’usage graphique étant donnée son accentuation tonique ; et le remplacement du -z- original par un -c-, afin que la graphie soit plus en accord avec les habitudes orthographiques de l’espagnol contemporain. Nous pouvons tout d’abord nous demander quelle est la pertinence des changements opérés par le traducteur : pourquoi changer une langue qui n’existe pas ? Umberto Eco a introduit de nombreux termes italiens dans le texte source ; nous pouvons en déduire que les traducteurs ont souhaité eux aussi donner une place importante à leur propre langue, de telle façon que Salvatore parle dans une langue qui ressemble à celle dans laquelle les lecteurs découvrent le roman.

VERSION ITALIENNE :

Penitenziagite! Vide quando draco venturus est a rodegarla l’anima tua! La mortz est super nos! Prega che vene lo papa santo a liberar nos a malo de todas le peccata! Ah ah, ve piase ista negromanzia de Domini Nostri Iesu Christi! Et anco jois m’es dols e plazer m’es dolors... Cave el diabolo! Semper m’aguaita in qualche canto per adentarme le carcagna. Ma Salvatore non est insipiens! Bonum monasterium, et aqui se magna et se priega dominum nostrum. Et el resto valet un figo seco. Et amen. No?

VERSION ESPAGNOLE :

¡Penitenciágite! ¡Vide cuando draco venturus est a rodegarla el alma tuya! ¡La mortz est super nos! ¡Ruega que vingo lo papa santo a liberar nos a malo de tutte las peccata! ¡Ah, ah, vos pladse ista nigromancia de Domini Nostri Iesu Christi! Et mesmo jois m’es dols y placer m’es dolors… ¡Cave il diablo! Semper m’aguaita en algún canto para adentarme las tobillas. ¡Pero Salvatore non est insipiens! Bonum monasterium, et qui si magna et si ruega dominum nostrum. Et il resto valet un figo secco. Et amen. ¿No?

Nous trouvons quelques formes traduites dans un espagnol standard, à l’exception de « plazer » et « diabolo » – mots en gras – : « cuando » (pour « quando »), « el alma tuya » (« l’anima tua »), « ruega que » (« prega che »), « nigromancia » (« negromanzia »), « y placer » (« e plazer »), « diablo » (« diabolo »), « en algún » (« in qualche »), « para » (« per »), et « pero » (« ma »).

D’autres sont des archaïsmes – mots soulignés – : « vos » (« ve »), « mesmo » -forme archaïque de « mismo »- pour « anco » -forme archaïque de « anche »-.

D’autres encore présentent des échanges entre les deux langues : « todas le » (« tutte las »), « il (diablo) » (« el diabolo »), « qui si » (« aqui se »), « si (ruega) » (« se priega »), « il (resto) » (« el resto ») et « secco » (« seco »). Dans ce dernier cas on se trouve face à un jeu proposé par Eco, et Pochtar se permet de lui renvoyer la balle. Bien entendu cet échange linguistique est d’autant plus facile pour le traducteur espagnol qu’il a reconnu dans le texte source des mots dans sa langue, ce qui ne sera pas le cas pour les autres traducteurs qui devront trouver une autre façon de relever le défi.

Il nous reste à présent quatre termes à analyser : « penitenciágite », « vingo », « pladse » et « las tobillas ». Le premier, traduction de « penitenziagite », présente, comme nous l’avons dit précédemment, une modification orthographique ainsi que l’ajout d’un accent graphique. « Vene », traduit par « vingo », rappelle le verbe « venire » qui existe en italien mais la forme verbale est erronée ; « vingo » est une forme qui évoque le subjonctif présent du « venir » espagnol mais n’est là aussi pas tout à fait correcte. « Pladse » rappelle quant à lui une forme très proche d’un point de vue phonétique de la forme ancienne espagnole « plaze » et l’original « piase » nous évoque une forme dialectale que l’on retrouve par exemple dans le lombard pour « piace » en italien standard. Nous en arrivons à la dernière forme « las tobillas » qui traduit « le carcagna » : nous avons ici une déformation des substantifs, « carcagna » venant très probablement de « calcagno » et « tobillas » de « tobillos ».

Enfin, en ce qui concerne la conjonction de coordination « et » utilisée en latin, ce qui pourrait justifier son emploi dans le texte italien, pourquoi Pochtar la traduit-elle une fois par la forme espagnole « y » et cinq fois par « et » ? Probablement Pochtar a-t-il voulu donner de l’importance à la seule conjonction qu’Eco avait écrit différemment dans « et anco jois m’es dols e plazer m’es dolors ». Nous pouvons par ailleurs rajouter que « et » était non seulement la forme latine de la conjonction de coordination, mais était également une graphie de la conjonction « e » en espagnol médiéval.

b) traduction française

Pénitenziagité ! Voye quand dracon venturus est pour la ronger ton âme ! La mortz est super nos ! Prie que vient le pape saint pour libérer nos a malo de todas les péchés ! Ah ! ah ! vous plaît ista nécromancie de Domini Nostri Iesu Christi ! Et même jois m’es dols et plazer m’es dolors… Cave el diabolo ! Semper il me guette en quelque coin pour me planter les dents dans les talons. Mais Salvatore non est insipiens ! Bonum monasterium, et aqui on baffre et on prie dominum nostrum. Et el reste valet une queue de cerise. Et amen. No ? (ECO, 1982, 54-55).

En français, tout comme en espagnol, outre le fait que certains mots restent inchangés – mots en gras –, le traducteur se permet une modification graphique dans le premier terme de l’extrait. En effet, il rajoute deux accents afin que le lecteur, appliquant les règles de la phonétique française, prononce le mot à peu près comme le feraient un Italien ou un Espagnol. Les principales modifications dans cet extrait se remarquent dans l’emploi des verbes « voye » pour « vide », « la ronger » pour « rodegarla » avec une proclise en français et une enclise en italien, « prie » pour « prega », « vient » pour « vene », « il me guette » pour « m’aguaita », « pour me planter les dents » explicite « per adentarme » et la forme argotique « on baffre » pour « se magna » (COLIN & MÉVEL, 1990, s.v. bâfrer, 28). Dans le cas de « a liberar nos » qui devient « pour libérer nos » l’inversion nécessaire entre le verbe et le complément pour arriver à un français « correct » pour le lecteur ne s’est pas faite, nous n’avons pas « pour nous libérer ».

Alors que dans certains cas Jean-Noël Schifano a choisi de garder le texte intégral de départ comme dans « venturus est », « la mortz est super nos ! », « a malo de todas », « Ah ! ah ! », « de Domini Nostri Iesu Christi ! », « jois m’es dols », « plazer m’es dolors… Cave il diabolo ! Semper », « et aqui » etc… ou bien s’est permis d’adapter le texte dans la langue de ses lecteurs comme dans « quand », « pour la ronger ton âme ! », « Prie que vient le pape saint pour libérer », « les péchés ! », « vous plaît », « et même », « il me guette en quelque coin pour me planter les dents dans les talons. Mais Salvatore », « on baffre et on prie », dans d’autres cas il n’hésite pas à proposer des équivalences qui seront très probablement perçues par le lecteur de la même façon que le lecteur Italien avait compris l’expression en question. Il s’agit de l’une des dernières phrases : « Et el resto valet un figo seco » qui devient « Et el reste valet une queue de cerise », expression populaire. Schifano propose là aussi une image basée sur un fruit, de petite taille, et plus particulièrement sur une partie du fruit qui n’a aucune valeur : la queue de la cerise. En italien, la situation est très ressemblante puisqu’une figue sur une branche ayant dépassé les quelques jours souhaitables pour sa cueillette deviendra sèche et immangeable, donc sans valeur.

c) traduction catalane

Penitenciàgite ! Vide quan draco venturus est a rodegarla l’ànima teva ! La mortz est super nos ! Prega que venga lo papa sant a alliberar nos a malo de todas les peccata! Ah, ah, vos platz ista nigromància de Domini Nostri Iesu Christi! Et àdhuc jois m’és dols e placer m’és dolors… Cave il dimoni! Semper me insidia en qualque cantó per queixalar-me los garrons. Però Salvatore non est insipiens! Bonum monasterium, et aicí si magna et si prega dominum nostrum. Et il resto valet un figo seco. Et amen. Oi ? (ECO, 2007, 62).

Nous pouvons, dans un premier temps, remarquer les ajouts d’accents graphiques qui permettent de s’adapter à un lecteur locuteur de la langue d’arrivée, mais aussi de s’approcher au plus de la justesse de la langue cible : « penitenciàgite », « l’ànima teva », « nigromància », « àdhuc » qui existe dès le début du XIIIe siècle et qui est l’ancienne forme de « fins » ou « fins i tot » – ce qui correspond tout à fait aux choix archaïques proposés par Eco « anco » et par Pochtar en espagnol « mesmo » ? alors que le traducteur français a simplifié en laissant « même » –,« Jois m’és dolors e plazer m’és dolors », « cantó », « però » et « aicí » (qui pourrait être du provençal ou une forme archaïque de « aquí » en catalan avec l’ajout du premier -i-).

Dans un deuxième temps nous remarquons également l’emploi des verbes suivis de ce que l’on appelle en catalan « pronom feble » avec la graphie actuelle qui veut que l’on sépare le verbe à l’infinitif – entre autres – du pronom par un trait d’union : « rodegar-la » et « queixalar-me ». Enfin, nous pouvons noter qu’en ce qui concerne la traduction de certains termes, Josep Daurella privilégie l’adaptation en catalan, par exemple avec : « quan », « l’ànima teva », « alliberar », « dimoni », « queixalar », « garrons » et « oi ? ».

d) traductions portugaise, anglaise, allemande

Le traducteur Portugais propose :

Penitenciagite! Vide quando draco venturus est para roê-la a tua alma! A mortz est super nos! Reza que vem o papa santo para livrar nos a malo de todas as peccata! Ah, ah, gostais d'ista necromancia de Domini Nostri Iesu Christi! Et mesmo jois m'es dols e plazer m'es dolors... Cave el diablo! Semper m'espreita em qualquer canto para me ferrar os calcanhares. Mas Salvador non est insipiens! Bonum monasterium, e aqui se manja e se roga dominum nostrum. Et el resto valet um figo seco. Et amen. No? (ECO, 1983, 25).

Pinto a respecté la plupart du texte proposé par Eco mais a tout de même tenu à accentuer le caractère portugais de quelques termes – mots soulignés –. La traductrice portugaise a par ailleurs fait le même choix que le traducteur Français en ce qu’elle a laissé la forme actuelle « et mesmo » et n’a pas choisi de l’archaïser comme l’ont fait Eco, Pochtar en espagnol et Daurella en catalan. Pinto est également la seule parmi les traducteurs étudiés à avoir modifié le prénom du personnage, en le faisant devenir « Salvador ». Enfin, Pinto semble ne pas avoir de préférence entre la forme « et » et la forme « e » puisqu’elle les utilise toutes deux dans sa traduction, sans les changer en fonction de ce qu’a proposé l’auteur du texte source, Umberto Eco.

Version anglaise :

Penitenziagite! Watch out for the draco who cometh in futurum to gnaw your anima! Death is super nos! Pray the Santo Pater come to liberar nos a malo and all our sin! Ha ha, you like this negromanzia de Domini Nostri Jesu Christi! Et anco jois m'es dols e plazer m'es dolors... Cave el diabolo! Semper lying in wait for me in some angulum to snap at my heels. But Salvatore is not stupidus! Bonum monasterium, and aquí refectorium and pray to dominum nostrum. And the resto is not worth merda. Amen. No? (ECO, 1983, 31).

Contrairement aux traductions en langues romanes que nous venons de voir, nous avons en anglais très peu de termes conservés – mots en gras – et une grande anglicisation du texte d’Eco. Bien que le premier terme, le désormais célèbre « Penitenziagite », ait été conservé, le texte nous présente dès le deuxième mot un impératif anglais « watch out » alors que jusqu’à présent l’ensemble des traducteurs avait choisi de garder le « vide » d’Eco. L’idée de « venturus » est quant à elle rendue par un archaïsme : « cometh ». Malgré de nombreuses modifications, Weaver a tout de même tenu à « latiniser » le texte qu’il n’a pas repris et ne s’est pas contenté d’archaïser certains éléments : « futurum », « anima », « Santo Pater », « angulum », « stupidus », « refectorium » – mots soulignés –. Deux points peuvent faire sourire un lecteur attentif ; le premier est « et anco ». En effet, le lecteur anglophone se retrouve nez à nez avec un texte où il peut reconnaître l’ancien anglais, l’anglais moderne, une sorte de latin et même de l’italien dans une forme archaïque. Sera-t-il en mesure de le reconnaître ? C’est d’autant plus difficile pour lui qu’il se retrouve en face de divers systèmes linguistiques parfois très éloignés, alors que tout lecteur en langue romane saura plus ou moins reconnaître ses cousins proches ou éloignés.

L’autre point qui attire notre attention se situe à la fin de l’extrait. Nous avions en français une « queue de cerise » à la place du « figo seco » d’Eco, nous avons ici « worth merda » – mots en italique –. Des six traductions étudiées, l’anglaise est la seule à proposer une solution basée sur un champ lexical différent. Cette proposition semble peut-être moins poétique et plus vulgaire que celles proposées par les autres traducteurs mais reproduit malgré tout l’idée voulue par Eco.

Version allemande :

Penitenziagite! Siehe, draco venturus est am Fressen anima tua! La mortz est super nos! Prego, daβ Vater unser komm, a liberar nos vom Übel de todas le peccate! Ah, ah, hihihi, Euch gfallt wohl ista negromanzia de Domini Nostri Jesu Christi! Et anco jois m'es dols e piazer m'es dolors... Cave el diabolo! Semper m'aguaita, immer piekster und stichter, el diabolo, per adentarme le carcagna. Aber Salvatore non est insipiens, no no, Salvatore weiβ Bescheid. Et aqui bonum monasterium, hier lebstu gut, se tu priega dominum nostrum. Et el resto valet un figo secco. Amen. Oder? (ECO, 1985, 30).

Tout comme en anglais, dès le deuxième mot l’allemand prend le dessus sur la version d’Eco. Peu nombreux sont les termes repris mais là aussi quelques cas méritent d’être analysés tout particulièrement : nous pouvons tout d’abord évoquer un renforcement provoqué par le double « toujours », le premier étant « semper » déjà présent dans le texte d’Eco et le deuxième étant « immer » rajouté par le traducteur allemand. Peut-être ce renforcement était-il d’après lui nécessaire avant « piekster und stichter » ? Ou peut-être avait-il peur de ne pas être compris par un lecteur germanique ? Le même problème se pose avec « et aqui » repris par « hier » (« ici » en allemand). Le deuxième cas intéressant est là aussi un renforcement voulu du traducteur : le rajout de « no no, Salvatore weiβ Bescheid » (« Salvatore est au courant »). Le traducteur allemand avait déjà repris la formule « non est insipiens » qui disait que Salvatore n’est pas stupide, alors pourquoi rajouter ce qui semblerait presque une justification de la construction précédente ? Enfin, tout comme le traducteur catalan qui a décidé de traduire ce qu’on appellerait une question tag par « oi ? » en fin d’extrait, le traducteur allemand a lui aussi décidé de se distinguer en proposant la version allemande « oder ? ».

Voici un tableau en deux parties qui résume ce qui vient d’être dit :

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En bleu : ce qui reste inchangé par rapport à Eco.

En gris : des choix différents par rapport à ceux d'Eco mais partagés entre traducteurs.

En jaune : petites modifications tout en restant très proches du texte source. Adaptation de la graphie du texte source pour le lecteur cible.

Nous avons souhaité consulter les versions en grec et en japonais puisque le problème graphique posé par le grec et le problème graphico-morphologico-ethymologique et autres du japonais représentent probablement un grand défi pour les traducteurs dans des langues qui utilisent un autres alphabet ou d’autres caractères. Nous avons pour cela effectué des recherches en ligne puisque nous n’avons pas réussi à trouver les versions papier. N’ayant trouvé aucune des deux versions sur internet, nous avons émis des hypothèses quant à la façon dont pourrait être reproduit cet extrait en grec : deux versions sont possibles pour « penitenziagite », tout dépend de la prononciation que souhaite lui donner le traducteur grec.

« Penitenziagite » pourrait se traduire par Πενιτενςιάντγιτε ou Πενιτενςιάγιτε ou bien par « Penitenzia(/á)gite » – solution tout de même peu probale – suivi d’une note en bas de page. La dernière solution serait l’emploi du grec ancien.

Il se pourrait peut-être aussi (mais cette solution reste fort improbable) que le traducteur ait décidé de reproduire le texte source d’Eco puis de l’expliquer ou le traduire en ancien grec, en bas de page, afin de lui donner un côté archaïque.

Eco parle justement du problème d’adaptation d’un texte dans une langue plus éloignée dans l’article de sa conférence “Traduction et langue parfaite”. Il dit :

Je ne me souviens plus dans quelle langue slave on était en train de traduire mon Nom de la rose, et le traducteur se demandait ce que ses lecteurs allaient comprendre de mes fréquentes citations latines, une fois translittérées en cyrillique. Même un lecteur du Texas qui n’a pas étudié le latin sait avant tout qu’il s’agit d’une langue devenue officielle dans le milieu ecclésiastique, et il est capable de flairer dans ces expressions incompréhensibles un parfum de monastère. […] Avec mon traducteur slave, nous avons décidé de transformer toutes les citations latines en ancien slavon ecclésiastique : les lecteurs saisiraient le même sens d’éloignement culturel, la même atmosphère de religiosité […]. Le risque était qu’ils allaient imaginer des moines orthodoxes, et non des bénédictins ou des franciscains […]. Peut-être ont-ils perdu plus que ce qu’ils ont gagné. (ECO, 1993).

En ce qui concerne la version japonaise, le traducteur a choisi de reproduire l’aspect archaïque du texte source en employant des kanjis anciens dans la traduction en japonais moderne.

2. Umberto Eco, Baudolino: “Baudolino inizia a scrivere”.

2.1. Le contexte

L’auteur est toujours Umberto Eco. Le roman Baudolino (2000) est un roman historique qui se déroule au XIIe siècle au nord de l’Italie, dans le Piémont. Baudolino est le protagoniste de ce roman, il a 14 ans lorsqu’il écrit le passage qui nous intéresse et habite à Marengo, là où se fondera la villa d’Alexandrie en 1168. Il a une grande imagination et dès le début du roman c’est lui-même qui, à travers un manuscrit, nous ouvre la porte de son monde en partant de Frédéric Barberousse qui l’adopte.

2.2. La langue du texte source

Ratispone Anno Dommini Domini mense decembri mclv kronica Baudolini cognomento de Aulario

io Baudolino di Galiaudo de li Aulari con na testa ke somilia un lione alleluja sieno rese Gratie al siniore ke mi perdoni

a yo face habeo facto il rubamento più grande de la mia vita cio è o preso da uno scrinio del vescovo Oto molti folii ke forse sono cose de la kancel cancelleria imperiale et li o gratati quasi tutti meno ke dove non veniva via et adesso o tanto Pergamino per schriverci quel ke volio cioè la mia chronica anca se non la so scrivere in latino

se poi scoprono che li folii non ci sono più ki sa ke cafarnaum viene fuori et pensano ke magari è una Spia dei vescovi romani ke voliono male all'imperatore federico

ma forse non li importa a nessuno in chancelleria schrivono tutto anca quando non serve et ki li trova [questi folii] si li infila nel büs del kü non se ne fa negott

ncipit prologus de duabus civitatibus historiae AD mcxliii conscript

saepe multumque volvendo mecum de rerum temporalium motu ancipitq

qveste sono linea ke i era prima et non o potuto gratarle bene ke devo saltarle

se poi li trovano questi Folii dopo ke li ho scriti non li capise gnanca un cancelliere perké qvesta è una lengva ke la parla queli de la Frasketa ma nesuno la mai schrita

però se è una lengva ke nesuno capise ndovinano subito ke sono io perké tuti dicono ke a la frasketa parliamo na Lengva ke non è da christiani dunque devo nasconderli bene

fistiorbo ke fatica skrivere mi fa gia male tuti i diti (ECO, 2010, 4).

Il convient avant toute chose de préciser que cet extrait qui fait une bonne dizaine de pages n’a pas le moindre signe de ponctuation. L’extrait étant long, nous n’en analyserons que certains passages. Le manque de ponctuation donne une oralité au récit qui nous plonge aux côtés du jeune Baudolino. Nous l’entendrions presque balbutier ces mots, se reprendre, hésiter…

Les hésitations du protagoniste et ses auto-corrections sont illustrées par des mots barrés dans certains cas – mots en gras barrés – : « Dommini », « a yo face », « kancel » et « si li infila nel büs del kü ». Pour le premier terme « dommini », Baudolino semble plus satisfait en l’écrivant avec un seul « m », en ce qui concerne « a yo face » qui devient « habeo facto » il semble chercher sa perfection grammaticale, « kancel » avec un « k » qui devient « cancelleria » nous laisse presque l’entendre s’interrompre pour se reprendre et l’expression peu élégante en dialecte « si li infila nel büs del kü » est quant à elle remplacée par une autre expression dialectale bien plus neutre, « non se ne fa negott ». Ce grand nombre d’éléments d’auto-correction et de recherche d’une perfection linguistique imaginaire et peu probable donnent encore plus de véracité à l’extrait et à la situation. Un autre élément qui rend réelle cette situation c’est l’ensemble de phrases en latin que l’auteur n’a pu effacer avant d’écrire ce manuscrit : « qveste sono linea ke i era prima et non o potuto gratarle bene ke devo saltarle » (ECO, 2010, 4).

Les hésitations linguistiques de Baudolino ne se remarquent pas seulement à travers les mots barrés, mais aussi par des réflexions. En effet il écrit dès le début de l’extrait : « o tanto Pergamino per schriverci quel ke volio cioè la mia chronica anca se non la so scrivere in latino » (ECO, 2010, 4). Baudolino est donc conscient qu’il ne domine pas le latin, même si l’on peut remarquer une forte influence latine dans certains termes employés. Il dit lui-même dès la première page en quelle langue il s’exprime :

se poi li trovano questi Folii dopo ke li ho scriti non li capise gnanca un cancelliere perké qvesta è una lengva ke la parla queli de la Frasketa ma nesuno la mai schrita però se è una lengva ke nesuno capise ndovinano subito ke sono io perké tuti dicono ke a la frasketa parliamo na Lengva ke non è da christiani dunque devo nasconderli bene (ECO, 2010, 4).

Eco dit lui-même en 2000, lors d’une interview avec la journaliste Laura Lilli du journal La Repubblica, à propos de ce dialecte :

Racconto della mia città, cerco di imitarne il dialetto, il modo di parlare. […] Con la lingua ho avuto qualche difficoltà, perché il primo capitolo è scritto direttamente da Baudolino su pergamena quando aveva quattordici anni, stava appena imparando il latino e scrive in un volgare della sua zona su cui ovviamente non abbiamo alcun documento. Mi sono divertito molto. […] Non ho pretese di fare filologia. Ho inventato un italiano immaginario. Non sono pagine erudite, sono pagine comiche. (LILLI, 11-IX-2000).

L’une des règles d’Eco dans la création de cette langue imaginaire c’est justement de ne pas en avoir, ou du moins c’est ce que nous pouvons penser. En effet Baudolino ne se contente jamais d’une graphie, il ressent constamment le besoin de la changer : toujours dans cette première page nous trouvons plusieurs graphies pour le champ lexical de la « chancellerie » -mots en italique- et la conjugaison du verbe « écrire » -mots soulignés- : « kancel », « cancelleria », « chancelleria » et « cancelliere » ; « schriverci », « scrivere », schrivono », « scritti », « schrita », « skrivere ».

Baudolino s’exprime phonétiquement, il écrit tel qu’il prononce les mots, mais certains sons peuvent avoir plusieurs graphies, d’où la difficulté de les retranscrire si on ne les connaît pas auparavant. Baudolino nous ferait presque de la peine lorsqu’ultérieurement il doit avoir recours à un chiffre romain étant donné qu’il ne sait comment écrire le numéro cinq en lettres : « cincue quinkue V ».

Baudolino semble peiner à retranscrire sa propre langue et le latin, car il semblerait que son don pour les langues soit oral : « quan o incontrato i primi alamanni della mia vita ke erano queli ke adsdiavano Terdona tutti Tiusche et vilani et dicevano rausz et min got dopo meza giornata dicevo raus et Maingot ankio » (ECO, 2010, 4). Tout au long des pages suivantes Baudolino semble bien comprendre l’allemand et le parler, mais il ne fait aucun doute qu’il n’est pas en mesure de le retranscrire, puisque même dans ses premiers mots en allemand la graphie n’est jamais la même pour un seul et même terme…

2.3. La proposition originale d’un traducteur

Que nous propose le traducteur français Jean-Noël Schifano ? Il choisit de respecter la logique des mots barrés par Eco et s’exprime dans une sorte d’ancien français :

Ratisponne Anno Dommini Domini mense decembri MCLV kronica Baudolini nomen Aulario

moi Baudolino de Galiaudo des Aulari avec une teste ki semble d’un leon alleluja Graces soyent randues al Seignor ki me pardone

je ai faict habeo facto la desroberie la plus grande de ma vie en somme j’ai pris dans un escrin de l’évesque Oto moult feuilles ki peut etre sont choses de la kancel chancellerie imperiale et les ai gratté quasi toutes fors ce ki ne partait point et ores j’ai autant de Parchemin pour y escrire ce ke je veulx en somme ma chronica meme si je ne la sais ecrire en latinus

s’il descouvrent après ke les feuilles ne sont plus là ki sait kel capharnaüm sensuit et il pensent ke ce peut estre un Spion des evesques romains ki veulent du mal al emperer frederic

mais il se peut k’a nul importe en la chancellerie ils escrivent tout mesme quant point ne sert et ke ki les trouve [les feuilles] kil se les enfile dans le pertuis del kü n’en fasse goute (ECO, 2002, 5).

Nous avons surligné en gras les mots empruntés à l’ancien français. Schifano suit donc la dynamique de l’auteur : l’envie de plonger le lecteur dans un univers incertain, peu crédible, où le manque de stabilité passe tout d’abord par l’emploi d’une langue qui n’existe pas vraiment, qui nous rappelle quelque chose mais n’est pas tout à fait correcte.

3. En résumé… obstacle ou opportunité ?

Après avoir évoqué ces deux créations d’Umberto Eco, à savoir le monologue de Salvatore dans Il nome della rosa et le premier chapitre « Baudolino inizia a scrivere » de Baudolino, nous pouvons conclure que la traduction d’une langue imaginaire n’est pas une mince affaire en ce qu’elle peut se révéler être un obstacle tout en étant une grande opportunité. En effet, le traducteur consciencieux va tenter de reproduire ce néo-système linguistique pour ses lecteurs, en utilisant, s’il le faut, des adaptations ou des équivalences linguistiques ou linguistico-culturelles. Il se devra de rendre l’immense travail de brassage fait par Eco. Cependant, il peut aussi se permettre d’inventer sa propre langue – tout dépend peut-être de son ambition traductologique –, de jouer lui aussi avec ses connaissances linguistiques et celles que ses lecteurs auront probablement. L’obstacle de l’inconnu et de l’impossible peut donc se révéler être une porte entrouverte vers la liberté traductologique.

Note de fin

1 Dans un courriel du 04-VI-2013, Umberto Eco a eu l’amabilité de répondre de façon détaillée aux questions que nous lui avions posées.

Illustrations

Citer cet article

Référence électronique

Aina López Montagut, « Traduire une langue qui n’existe pas ? », La main de Thôt [En ligne], 2 | 2014, mis en ligne le 20 novembre 2017, consulté le 19 avril 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/lamaindethot/319

Auteur

Aina López Montagut

Université Paris-Sorbonne (Paris IV). EA4080, Universitat Autònoma de Barcelona

Doctorante en Traductologie et Linguistique, ATER à l’Institut d’Études ibériques de l’Université Paris-Sorbonne (Paris IV) depuis 2012

ainalopezmont@gmail.com