Le collectif HERMAION. Enjeux, méthode et idéologie

Résumés

Bilan de l’expérience menée depuis deux ans au sein du collectif de traduction HERMAION cet article propose des réponses aux questions suivantes : au moment où les traducteurs sont reconnus comme des auteurs à part entière et leurs traductions comme de véritables « re-créations », quelles raisons expliquent qu’ils choisissent parfois de diluer leur identité, voire de la rendre invisible, au sein d’un collectif ? cette démarche est-elle plus naturelle au théâtre où traduire suppose qu’on s’inscrive tout à la fois dans les espaces du texte, de la voix et de la scène, dans un dialogue pluriel avec l’auteur, le metteur en scène, les comédiens et les spectateurs/lecteurs ? quels sont aujourd’hui les enjeux, les méthodes et l’idéologie du traduire ensemble, notamment au sein de l’université.

This article is an assessment of two years of work in the translation group HERMAION. It offers answers to the following questions: At a time when translators are fully recognized as authors and their translations as “re-creations” what reasons explain why the authors sometimes choose to dilute or even hide their identity in a group? Is this approach more common or natural in theatre, where translating means to situate oneself in the spaces of the text, the voice, the stage, in a plural dialogue with the author, the director, the actors and the public, spectators as well as readers. What are the stakes today, the methods, and the ideology of translating together, especially at university?

Plan

Texte

Entassement de pierres au bord du chemin, providentiel repère déposé par Hermès, le dieu ingénieux qui inventa la lyre et fonda les échanges, un hermaion désigne au sens figuré « une bonne aubaine », « une heureuse trouvaille », la manifestation d’une volonté ou d’un principe transcendants venus dénouer, le plus souvent de manière inespérée, des situations complexes. Ce nom suggère à lui seul la nature d’un collectif passionné qui s’est fixé pour mission d’être un médiateur entre le monde des lettres germaniques et les aires francophones, tout en favorisant une expérience professionnelle de la traduction, littéraire et à visée éditoriale.

Fondé à l’université Toulouse Jean Jaurès en février 2014, peu avant que paraisse aux Presses universitaires du Midi la traduction d’une pièce du dramaturge Michel Decar, Waldemarwolf (DECAR, 2010)1, réalisée conjointement par des étudiants de L3 LLCE allemand et de Master CeTIM, ce jeune collectif fédère des traducteurs, des enseignants chercheurs et des étudiants, avancés et moins avancés, germanistes bien sûr, mais également philosophes ou spécialistes de l’histoire antique2, domiciliés au quatre coins de l’Europe. Leur projet commun est de traduire puis faire publier en français des œuvres modernes ou contemporaines de langue allemande, plus rarement l’inverse, même si HERMAION a également vocation à accueillir des traducteurs germanophones3.

Dans cette structure, où l’union de compétences très diverses vise aussi à garantir la plus haute qualité de rendu, les traductions peuvent être soit collectives et participatives soit collaboratives soit encore faire l’objet de révisions effectuées dans le cadre de simples échanges de service : chacun à son tour traduit, fait réviser, révise, sollicite des textes ou des conseils, que ce soit en matière de traduction ou de négociation des droits, de recherche d’éditeurs et/ou de financements.

À la fois dans l’université, au croisement de la formation et de la recherche, et hors l’université, dans sa marge du point de vue de la professionnalisation et de l’engagement, fondé sur le volontariat et la cooptation, le collectif HERMAION est une économie souple et un terrain d’expérimentations menées aussi bien sur le plan de l’organisation du travail en interne que dans les formes du traduire et de l’être ensemble. Il postule une coopération non hiérarchique entre ses membres, même s’il demeure confronté aux épineux problèmes du pilotage et du nécessaire équilibre entre reconnaissance des individus et projets communs.

Le modèle d’HERMAION et les circonstances de sa création suscitent en particulier deux questions : pourquoi, par-delà le double impératif de la formation et de la professionnalisation, des traducteurs qui peuvent désormais prétendre être reconnus comme des auteurs à part entière4, choisissent-ils de diluer leur identité au sein d’un collectif ? cette démarche est-elle plus naturelle au théâtre, où traduire suppose qu’on s’inscrive d’emblée dans un dialogue pluriel, avec l’auteur, le metteur en scène, les comédiens et les spectateurs/lecteurs ?

1. Prémisses

Rarement traitée en tant que telle dans les histoires de la traduction5, sa pratique collective ou collaborative n’en a pas moins cours depuis longtemps et dans différents territoires géoculturels, notamment pour des textes fondateurs, des œuvres capitales et denses, où les enjeux propres à la traduction croisent, voire servent, des desseins politiques au sens large, puisqu’il s’agit de propager, transmettre ou mieux connaître, des lois, une culture, une idéologie6. Les co-traducteurs conjuguent leurs forces pour traduire au mieux, mais aussi au plus vite, ces œuvres aux ramifications puissantes.

Souvent plus invisible – car moins aisément identifiable – et plus ʽsecondaireʼ encore que les autres formes de la traduction, le traduire ensemble revient par vagues, à des époques distinctes, en fonction de situations historiques et d’objets textuels déterminés7. Notre hypothèse est qu’à l’ère télématique du web participatif, il constitue une huitième saison dans la chronologie qu’esquissait Dieter Hornig en 2011 à la suite d’Umberto Eco8. Sa recrudescence via internet, à une échelle et selon des modalités technologiques sans équivalent jusqu’alors, participe d’une refonte d’à peu près toutes les pratiques traductives, y compris dans les cadres institutionnels et contrôlés, telles les universités ou l’ATLF, pour ne citer que deux exemples.

Les traducteurs exploitent au mieux les possibilités offertes par la toile. Ils appellent à la rescousse, en un clic – telle est la véritable nouveauté –, sur de nombreux forums de traduction, autorisés ou pas, spécialisés ou plus généralistes, pour résoudre des problèmes de traduction, qu’il s’agisse de référentialité – intertextualité, crypto-citations… –, ou de mise en français de termes et passages particulièrement ardus. Ils partagent des glossaires, mettent en commun leurs informations, échangent leurs méthodes et partis pris. À l’extrême de cette mutation des pratiques, on trouve ce qu’on pourrait appeler les traductions participatives de génération spontanée, quand des internautes disposant de quelque connaissance en langue traduisent en réseau, les épisodes de leur série préférée, par exemple9.

Force est de constater que la saison des « Belles infidèles », où l’adaptation, la transposition, voire la correction de l’original s’accomplit au nom d’une supériorité culturelle de la langue cible, et celle plus sourcière, léguée par les Lumières allemandes, qui génère « une véritable éthique de ʽl’hospitalité langagière’ » (HORNIG, 2011), refusant d’adapter ou de naturaliser, soucieuse de préserver l’étrangeté – au sens de caractère étranger – du texte original, ne sont plus seules depuis les années 2000 à définir « l’horizon de notre réflexion sur la traduction » (HORNIG, 2011). Marquée par le traduire ensemble, la huitième saison de la traduction s’envisagera dans cette déclinaison particulière de son caractère pluriel et utopique.

En allemand comme en français, le « collectif » (dasKollektiv) s’est progressivement substitué depuis le XIXe siècle à la « communauté » (die Gemeinschaft)qu’avaient entachée certaines dérives à différentes époques et dans différents espaces, pour créer un lien social qui ne soit pas perçu dans l’extériorité à l’individu mais voulu et vécu dans l’intériorité10 : en se concentrant sur ce qui est « commun », sur l’articulation entre le « je » et le « nous », comme horizon d’attente, le collectif propose sinon une utopie, du moins un modèle alternatif, y compris dans l’urgence qu’il pourrait y avoir à se détacher de l’un ou l’autre schèmes connus de la collectivité11. Au moyen de la traduction collective, c’est bien la création d’un lien civil et en intériorité qui est visé, en même temps que la revendication du caractère « poélitique » (CORMANN, 2012, 33-60) de la traduction. Il s’agit de trouver en même temps une nouvelle forme pour le « commun » et la traduction, de faire qu’ils adviennent en auto-organisation. Que ce soit sur le world wide web ou au sein d’un collectif comme HERMAION.

Au théâtre, le collectif est à la fois une condition a priori, une expérience sensible et une incarnation spécifique, notamment en Allemagne depuis le début du XXe siècle avec l’émergence des collectifs de théâtre socialistes comme celui d’Erwin Piscator. La dimension politique et critique caractérise également le travail théâtral du collectif tel qu’il s’organise et se radicalise à partir de 1970, autour de Peter Stein et Claus Peymann, notamment à la Schaubühne de Berlin (cf. SANDMEYER, 197312) où la performance artistique et la qualité esthétique sont déterminées par le travail intellectuel préparatoire, requièrent parfois une longue maturation, une temporalité à contre-courant (slow time) au bénéfice de l’analyse, du débat et de l’imprégnation par les textes ou les rôles.

Les formes les plus récentes du « théâtre de metteur en scène » (Regietheater), hérité des années 1960 et des collectifs ci-dessus13, privilégient une écriture de plateau, soit une écriture participative qui doit beaucoup aux programmes de lecture préalables et aux comédiens, et qu’accompagnent parfois des traducteurs. L’auteur, metteur en scène, Falk Richter, est à cet égard un exemple emblématique : traducteur de l’anglais, enfant du « monde global », friand de collaborations internationales, il n’est pas rare que ses pièces plurilingues s’écrivent conjointement dans sa langue maternelle et celle de Shakespeare, tandis que sa traductrice française, Anne Monfort, également metteure en scène, traduit dans la nuit les « corps-textes » (Textkörper) du jour (RICHTER, 2009, 121)14. Où l’on saisit la prodigieuse accélération du temps (fast time) que peut soutenir le collectif, à rebours de la philosophie affichée dans les années 1970, mais, en l’occurrence, on ne peut mieux adaptée aux mécanismes de la mondialisation et de ses modélisations high-tech.

Pareille polyvalence n’est pas rare parmi les gens de théâtre et les auteurs dramatiques sont nombreux dans l’espace germanophone à être également traducteurs de théâtre15. Un fait qui ne s’explique pas uniquement par des raisons économiques – la traduction comme béquille d’une activité scénique fluctuante ou incertaine –ou par une bouillante volonté de diffusion des œuvres. Au théâtre, écrire, traduire et mettre en scène sont intrinsèquement liés dans leur caractère translatif, voire performatif. Au croisement de plusieurs langages ou médias, ces trois pôles de cristallisation nous semblent former à parts égales le socle de ce que Flore Garcin-Marrou nomme « la pensée-théâtre »16.

Les tandems de traducteurs qui sont particulièrement nombreux au théâtre ne se contentent pas d’associer les compétences linguistiques d’un(e) francophone et d’un(e) germanophone, une combinaison qui apparaît idéale à plus d’un titre. Ainsi la traductrice Silvia Berutti-Ronelt s’attache-t-elle à traduire avec des metteurs en scène ou des auteurs de théâtre : Jean-Claude Berutti, Laurent Hatat, Anne Monfort, Pauline Sales, pour ne parler que de ses contributions à « nouvelles scènes - allemand ».AuXVIIIe siècle déjà, la dramaturgie de Gottsched s’enrichit des apports de son épouse, la traductrice Luise Kulmus-Gottsched. Plus près de nous, les remarquables traductions de Kraus par Jean-Louis Besson et Heinz Schwarzinger, de Horváth par Hélène Mauler et René Zahnd ou de Kleist et Brecht par Ruth Orthmann et Eloi Recoing démontrent l’intérêt de traduire en association, pour une mise en commun des compétences et des idées, pour leur potentiation au carré.

Dans l’équipe d’HERMAION aussi, on rencontre des duos de traducteurs : Anne Coignard et Anthony Andurand allient leurs compétences et leurs sensibilités spécifiques pour traduire une pièce inédite de Klaus Mann, Athènes (MANN, 1932)17, tandis que Sylvia Barelli-Baud et Pauline Fois s’attaquent, chacune de leur côté, à des pans complémentaires de l’œuvre abondante de Jürgen Hofmann18 encore inconnue en France. En dernier lieu, tous s’en remettent au collectif pour la discussion et la révision de leurs traductions. À l’instar des collectifs théâtraux, dans les années 1970 comme aujourd’hui, HERMAION est né d’un désir d’échange, de réflexion et de responsabilité partagées, d’un appétit de « hors-les-murs » : hors les murs de sa propre individualité et hors les murs de l’université, sur l’agora traductive. Organisé en collectif, le traduire ensemble est un biais pour créer tout à la fois de l’être et de l’espace public, tout en pratiquant l’auto-analyse et l’auto-formation. Projet à visée émancipatoire, il vient en complément de la formation universitaire. Car, si en France la traduction, désormais entrée à la faculté, est devenue « affaire d’universitaires et d’agrégés » (HORNIG, 2011), elle y demeure parfois encore suspecte de trop d’académisme et de rigidité, sinon d’amateurisme, du moins d’une tragique méconnaissance des impératifs éditoriaux.

2. Le collectif en actes

Dans le cas d’HERMAION, l’essence et les catalysations collectives du théâtre fournissent le cadre, sinon le modèle, du traduire ensemble. Le collectif se forme autour de la traduction d’une pièce destinée à la collection « nouvelles scènes - allemand »19, en lien avec le festival Universcènes20 qui en propose la représentation en version originale sur-titrée les 19 et 20 mars 2014. Certes, l’entreprise est en partie dictée par la nécessité : pallier la défection de la traductrice professionnelle qui avait repéré le texte de Michel Decar. Mais elle procède avant tout d’une envie : offrir aux étudiants l’opportunité d’un travail réellement fédératif et d’une réalisation à forte visibilité, susceptible de valoriser un CV, suivant une pratique traductive récurrente au sein du Master CeTIM, spécialement chez les hispanistes21. L’expérience paraît si féconde et motivante aux étudiants désireux de devenir traducteurs littéraires que la création du collectif s’impose vite comme un prolongement naturel et utile.

Par ce biais, au-delà de l’opération de traduction, le groupe se familiarise avec différentes facettes de la médiation culturelle. Il entre en contact avec l’éditeur allemand Rowohlt Theater Verlag pour la demande des droits, en suit la négociation avec les PUM ; il s’initie aux patients travaux de révision et de relecture, rédige la 4e de couverture, des invitations et divers supports de diffusion pour lesquels il participe également au choix des images. Un membre du collectif traduit en allemand la préface au texte, entre autres, pour permettre à l’auteur qui ne connaît pas le français de la lire. Au moment du festival, le collectif assure la médiation linguistique, en particulier lors du bord de scène après la première22. Un traducteur/spectateur inspiré23 écrit ici une recension, là un compte rendu. Hormis pour la traduction, chacun détermine sa participation à la mesure de ses moyens et de son appétence.

Quant à l’exercice de traduire proprement dit, l’objectif est de concevoir une version française de qualité, juste et inventive, qui saisisse les spécificités de la traduction théâtrale inscrite tout à la fois dans les espaces du texte, de la voix et de la scène. Recherchant dans sa traduction la matérialité et l’efficacité immédiate du signe théâtral, le collectif est placé dans la situation d’avoir à se départir de son mode habituel d’appropriation des textes et de ne plus privilégier l’analytique sur le sensible. Se pose également le problème de la méthode pratique à définir en vue de traduire ensemble pour le théâtre et d’aménager des sensibilités plurielles. Faute de temps, on répartit équitablement les passages de traduction (plus ou moins 16 000 caractères, espaces compris) entre les membres du collectif, chaque passage faisant l’objet d’au moins deux traductions. S’ensuit une méthode comparatiste et de mise en commun, tant des résultats de recherches que des traductions révisées par petits groupes – ils se constituent organiquement, selon le bon plaisir de leurs membres –, et/ou en séance plénière. Les échanges portent tout à la fois sur la traduction, l’interprétation globale de la pièce, sur des faits de langue ou de culture.

Dans la lignée des œuvres à tonalité existentielle de Lenz, alliant profondeur et traits d’esprit, Waldemarwolf raconte en six actes les tribulations d’un jeune rêveur Cornelius Krebs (Cornelius Crabe en traduction) après le décès de ses parents. Dans la grande ville, il fait l’expérience de l’inconstance et de la mécanique d’un présent « un peu monstrueux, donné à la fois comme le seul horizon possible et comme ce qui ne cesse de s’évanouir dans l’immédiateté » (DECAR, 2010, 13). Son histoire d’amour avec l’imprévisible Mine, dont le prénom évoque l’amour courtois (Minne), se tourne en amère déception lorsque Cornelius la trouve dans le lit de son colocataire Boy Hornbach, un réalisateur de films douteux. Mais le jeune homme ne parvient à se soustraire ni à cette cohabitation malsaine ni à ces mauvaises influences. Déployant ses talents d’aspirante vétérinaire, c’est finalement son ex-petite amie, mademoiselle Schneider (« la faucheuse »), qui les liquide discrètement et ramène Cornelius dans sa campagne natale, « un aquarium d’eau douce davantage à sa mesure » (DECAR, 2014, 17), loin des requins et des gros poissons de la capitale24.

Toute la pièce joue sur une ambivalence ou une dialectique subtilement comique énoncée dès les premières pages par la défunte mère du protagoniste :

Geh raus und schau dir interessante Menschen an, interessante und uninteressante. Die Interessanten sind gefährlicher wegen ihrer Beliebtheit, aber die Uninteressanten sind gut, richtig gut, weil sie eine gewisse Verlässlichkeit oder eine verlässliche Gewissheit zur Verfügung bereithalten, eine wunderschöne Endgültigkeit. (28)

Sors et regarde des personnes intéressantes. Intéressantes et inintéressantes. Celles qui sont intéressantes sont plus dangereuses à cause de leur popularité, mais celles qui sont inintéressantes sont bien, très bien même, parce qu’elles ont à t’offrir une certaine fiabilité, ou bien une fiable certitude, une magnifique irrévocabilité. (29)

L’auteur illustre ces préceptes en plaçant au centre de la pièce le personnage en apparence le plus insipide. Ainsi le lecteur/spectateur assiste-t-il à un renversement des valeurs que reflète l’évolution intérieure de Cornelius délaissant les tumultes de la ville pour une vie calme et moins superficielle. Mais un doute subsiste, car il semble terminer son parcours dans un repli sur soi tel que la solitude le dispute à l’ennui et devient inquiétante. Monologues et dialogues prêtent leur rythme singulier à l’effacement de l’espace, du sujet et du temps. « Entre les monologues des actes « UN » et « SIX », les dialogues fusent, pétris d’humour et de jeux sur les mots » (15). Les espaces/temps et les personnages se télescopent, « mais les scènes se suivent et se répondent comme si de rien n’était » : on s’y trouve embarqués« avant même d’avoir noté les changements, aiguillés d’une scène à l’autre par des échos » (15).

Au sein d’HERMAION, on saisit vite deux impératifs majeurs. Le premier a trait à la fragmentation de la pièce par la traduction – plusieurs traducteurs chargés de traduire différents passages dans des temporalités désaccordées, et des révisions différées – qu’il faut à toute force contrer. Aussi s’attache-t-on d’abord à identifier les leitmotivs qui dessinent l’ossature de l’œuvre pour en fixer la traduction, parfois à la manière d’épithètes homériques : les « caries sous les yeux » (kariöseAugenringe) de Cornelius (51, 87), la calvitie qui gagne inéluctablement (25, 125), le jeu des jambes (51, 99), les photos pour figurer l’absence de réel (25-27, 47-51, 59-61), ou encore les attraits funestes qu’incarne entre autres Mademoiselle Schneider euthanasiant Hornbach (92-99). Et surtout la trame des métaphores animales : Cornelius en invertébré cartilagineux, mollusque ou petit poisson (23, 71), devenant « petit aigle » (75) puis « oiseau de malheur » (87), Mine en moineau égaré dans la cage de gros oiseaux déplaisants (23, 65), une proie facile (51-53), rattrapée par le « crabe » (39, 102)… Le collectif décide de surenchérir sur l’univers du zoo, à chaque fois que ce sera possible, notamment pour compenser différents effets comiques parfois difficiles à rendre : on choisit de traduire un simple « Ja, natürlichistdasschoneinbisschengemeinfür die Girls »(« oui, bien sûr, c’est un peu salaud pour les nanas ») par « Oui, bien sûr, […] c’est un peu vache pour les nanas » (57), on préfère « embêter » à « énerver » pour « ärgern » (69)…

Le second impératif pour notre traduction consiste à faire entendre la musique particulière de Waldemarwolf, une sorte de miserere25 cocasse multipliant paradoxes, oxymores et chiasmes, qui assoient la structure profonde de la pièce. On se fait une règle de respecter au plus près l’équilibre et la couleur des syllabes dans les phrases allemandes, afin de trouver un rythme juste : le personnage « pas nécessairement nécessaire » (unötignötig) de Boy Hornbach devient « futilement utile », la ville est associée « aux griffures et aux déchirures » (das Gegriffenunddas Gerissen) ; Mine est « juste qualifiée de chez qualifiée et la fille la plus belle que je connaisse » (einfachdasbestqualifiziertesteundhübscheste Mädchen, dasichkenne), prétend Cornelius dont l’exagération amoureuse est dénoncée par le superlatif « bestqualifiziertest- », redoublé et bancal. Partout où c’est possible, on récupère les allitérations ou assonances qu’on a perdues ailleurs, on ʽré-injecteʼ la saveur comique. Ainsi l’image « le grand-air passera là-dessus comme un fer à repasser » (die LandluftwirdwieeinBügeleisendarüberfahren) représente-t-il une variation bouffonne sur le thème du « temps [qui] passe et repasse » (wenndasJahrkommtundgeht, litt. « quand l’année s’en revient et s’en va »). L’enjeu est de progressivement sortir de la période ternaire d’une histoire à la Jules et Jim pour retrouver la cadence binaire de la marche :

Cornelius Krebs: Alles, was gut und wertvoll ist, muss geliebt und gelitten haben, gelebt und geteilt. So ist das Leben. Alles, was gut und wertvoll ist, muss sich bewegen. Die langen Beine, wie sie schreiten, triptrap, die weichen Hüften, wie sie gleiten, die Zeiger einer Uhr, ticktack. Alles, was gut und wertvoll ist, muss geliebt und gelitten haben, gelebt und geteilt. So istdas Leben, sodrehtsich die Welt– (98)

Cornelius Crabe : Tout ce qui est bon et précieux doit avoir aimé et souffert, vécu et partagé. Ainsi va la vie. Tout ce qui est bon et précieux doit bouger. Les longues jambes, comme elles marchent, tip tap, les douces hanches, comme elles glissent, on dirait l’aiguille d’une montre, tic tac. Tout ce qui est bon et précieux doit avoir aimé et souffert, vécu et partagé. Ainsi va la vie, ainsi tourne le monde– (99)

La relecture, après deux ans, de notre version éditée, permet d’en éprouver les subtilités et la justesse. L’alliance de quinze esprits au moment de l’analyse globale du texte et de la révision collective des extraits traduits a produit du fruit : créant des zones de tension fécondes, elle a généré maintes trouvailles et d’authentiques bonheurs partagés. Mais, dans un mouvement contradictoire, les lissages et révisions ont également été l’apprentissage du renoncement et de l’effacement individuel, de sa souffrance aussi, face aux dynamiques et aux arbitrages collectifs. Et pas question de faire valoir une quelconque autorité professorale ou professionnelle !

Aujourd’hui le collectif a changé de visage. Les raisons sont diverses : outre la dimension chronophage du traduire ensemble, la difficulté de trouver des créneaux pour se rassembler, il y a les renouvellements parmi les membres d’HERMAION, leur éparpillement à travers l’Europe, leurs envies respectives, des questions complexes de légitimité et de propriété intellectuelle, ainsi qu’un appariement de plus en plus fort non seulement à des visées éditoriales mais aussi à des projets de recherche. Autant d’aspects qui font l’objet d’une observation scientifique in vivo au sein du collectif, et dont les premiers résultats ont été présentés le 13 mars 2015 lors de la journée d’études IRPALL « Traduire ensemble le théâtre ».

Le projet de traduire collectivement l’œuvre de l’auteure roumaine de langue allemande Carmen-Francesca Banciu (*1955), Berlin istmein Paris (BANCIU, 2002)26, est en suspens, principalement faute d’avoir pu trouver un éditeur ; mais trois extraits ont paru dans la revue en ligne, transdisciplinaire et transnationale, Levure Littéraire27. De même, Tristan Kuipers a mis entre parenthèses son ambitieux projet autour de Jean Gebser (1905-1973)28 pour, notamment, créer avec Beatriz Nino-Bonett la revue CARMEN29. Exception faite du projet de traduction théâtrale co-porté par Anne Coignard et Anthony Andurand à fin de mise en scène et d’édition, le collectif accompagne désormais des traductions littéraires relevant d’époques et de genres divers, associées à des travaux de Master en traductologie.

François-Xavier Ragaru se penche sur l’histoire comparée des codes gourmands au XIXe siècle en Allemagne et en France pour dégager les spécificités de la mise en français de La Gastrosophie(1851)30 du baron Eugen vonVaerst (1792-1855), à paraître en 2018. Sylvia Barelli-Baud étudie les liens entre topographie et traduction à l’exemple des « non-lieux » du Berlin scindé entre l’Est et l’Ouest, tous ces lieux qui ont disparu, recouverts par les strates de l’unification31. Pauline Fois, pour sa part, enquête sur les traces, matérielles et immatérielles, du Berlin des années 68, et détermine les stratégies à élaborer en vue de traduire un roman à caractère autobiographique32.

L’ancrage dans la recherche lève certaines ambiguïtés structurelles inhérentes aux débuts d’HERMAION : né à l’intersection de l’université et du monde professionnel, le collectif se développe d’abord dans leurs marges, sans assise ou statut clairement définis. Aussi, corréler étroitement traduction et recherche permet-il d’inscrire pleinement HERMAION dans le champ de l’université. Mais cette légitimité académique toute neuve, et les garanties de qualité induites, ne suffisent pas encore à dissiper la méfiance des éditeurs indépendants envers les traductions collectives, a fortiori universitaires. La dilution de l’identité des traducteurs, de la responsabilité et de la propriété intellectuelle ne se conçoit pas aisément et paraît de surcroît peu compatible avec les exigences de lisibilité, voire de visibilité, sur les couvertures des livres : publier sa traduction demeure plus facile pour un traducteur seul ou en tandem, même inconnu.

Malgré tout, HERMAION se félicite d’avoir pu commencer à jouer son rôle de truchement entre des traducteurs en devenir et le continent de l’édition. Catherine Mazères et Pascal Piskiewics, Le Pérégrinateur Éditeur33, ont su saisir, sans préjugés, l’opportunité qu’offre cette structure d’échanges et de services particulièrement adaptable pour donner corps à leur ample projet de traduction de La Gastrosophie. Signalée de manière élogieuse par Ernst Jünger dans une note de son journal, cette somme considérable complètera leur ligne éditoriale dédiée aux joies de la table et aux traditions alimentaires. Ils ont confié le découpage du texte et la traduction de ses morceaux choisis à l’un des membres d’HERMAION, car le crible du collectif représente pour eux, comme pour le traducteur, une assurance supplémentaire. Conformément au programme émancipatoire du collectif, ce genre d’aventures éditoriales vise l’affermissement des vocations et l’avènement de traducteurs qui pourront ensuite, à leur guise, poursuivre ou non l’expérience collective, transmettre ou non le savoir acquis au cours de leur expérience de traduction/recherche/édition.

Pour finir, au-delà d’un programme de recherche et de formation – où la formation est tout à la fois auto-formation, responsabilité et apprentissage partagés –, le traduire ensemble apparaît comme une potentiation, soit un renforcement des capacités traductives par l’union ou la mise en réseau de sensibilités plurielles. C’est donc un supplément d’âme, mais aussi une fabrique d’être dans lequel l’exercice de traduction se double d’un apprentissage social : y entrent à part égale les bonheurs et les frustrations du collectif, la défense opiniâtre de son point de vue et la « diplogance » – facétieux amalgame, souvent vain, de diplomatie et d’élégance – en vue de ménager les autres.

À l’ère de la mondialisation et de son translation turn, quand la traduction semble « la seule éthique possible » pour le monde global (HORNIG, 2011), ses formes collectives, collaboratives ou participatives, revêtent un rôle clé et ouvrent une huitième saison traductive. Un enjeu de taille est maintenant d’en définir le territoire et ses arborescences multiples dans les hors-champs de l’anonymat ou l’invisibilité, dans la dissolution de la propriété intellectuelle. Du côté des traducteurs de ce vaste collectif qu’est le net, on imagine qu’une certaine délectation de l’incognito interactif, la jouissance juvénile d’une (ir)responsabilité parcellisée se mêlent aux idéaux de l’échange et du dialogue entre les cultures.

Pour les traducteurs littéraires qui ont acquis de haute lutte, il y a moins de vingt ans, la reconnaissance de leur statut et de leur art comme auteurs à part entière, il n’est guère étonnant qu’ils se livrent moins volontiers au jeu de la traduction collective, sauf à la revendiquer comme une activité militante, à vouloir changer l’horizon du traducteur en faisant sa part à la convivialité, ou encore pour améliorer la qualité et les délais de traduction. Les traducteurs de théâtre sont néanmoins une exception notable : la dimension performative de l’écriture dramatique, ainsi que l’habitus collectif du milieu théâtral, non seulement encouragent, voire exigent, une pratique collective de la traduction mais ils sont aussi facteurs de grande polyvalence.

Quant à l’expérience d’HERMAION, elle permet de mesurer le réel bénéfice du traduire ensemble et de sa belle diversité – tout à la fois diversité des pratiques et chronodiversité – pour une formation qui déborde ses cadres ordinaires. Si la question de l’intérêt et de la légitimité du collectif au sein de l’université est en partie résolue par sa composante réflexive et l’adossement à la recherche, seule l’inscription dans le temps démontrera la capacité d’HERMAION à développer, ou pas, des relations pérennes avec le monde de l’édition. En attendant, le collectif se plaît dans les espaces qu’il a choisis pour lui-même, résolument transitoires, et où peuvent se déployer sans contrainte de nombreuses figures.

Note de fin

1 Cet ouvrage est collectif à plus d’un titre : Lycia Benneouala-Cherifi, Aurélie Bessoles, Agathe Charlon, Lukas Daumann, Christoph Fischer, Gillian Gaertner, Charline Hochard, Hilda Inderwildi, Tristan Kuipers, François-Xavier Ragaru, Carmen Royuela Sanchis, Apolline Tabourot, Lucie Thomas cosignent la version française de la pièce, Hilda Inderwildi et Catherine Mazellier-Lajarrige, la préface.

2 Membres du collectif au 1.6.2016 : Anthony Andurand (sciences de l’Antiquité), Sylvia Barelli-Baud (allemand), Marie-ChristinBugelnig (allemand), Marie Brun (CeTIM), Anne Coignard (philosophie), Emma Delforno (CeTIM), Christoph Fischer (traducteur), Pauline Fois (allemand), Oung-Heng Heng (allemand, ingénieur brevets), Hilda Inderwildi (allemand, traductrice), Tristan Kuipers (ISTI Bruxelles), Annie Kaemper (allemand), Marie Marcelot (traductrice), François-Xavier Ragaru (allemand), Lucie Thomas (traductrice).

3 Ainsi le collectif poursuit-il pour 2019-2020 un ambitieux projet de traduction/édition, en Allemagne, du dernier opus de l’auteur Frédéric Sounac, Tue-Tête, à paraître en 2017 aux éditions Pierre-Guillaume de Roux.

4 Les revues de traduction ont désormais, de manière assez courante, des rubriques dédiées aux figures de passeurs ou de traducteurs : TansLittérature, La Main de Thôt ou Übersetzen (publication semestrielle de la fédération des traducteurs germanophones d’œuvres littéraires et scientifiques, VdÜ), par exemple. Il arrive même que des quotidiens leur consacrent des chroniques. L’article de Christian Geyer « Überlebensstrategien des intellektuellen Handwerks » (Les stratégies de survie de l’artisanat intellectuel) paru dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung, le 21 septembre 2014, alerte sur la nécessité de mieux traiter les traducteurs sous peine de « porter un coup à l’échange culturel à son point le plus sensible ». Pour commencer, il évoque assez longuement un personnage de traducteur exceptionnel, Friedrich Griese, et ses traductions qui sont autant de « re-créations ».

5 La très remarquable Histoire des traductions en langue française (HTLF) publiée aux éditions Verdier, qui lui consacre pourtant de nombreuses pages importantes, ne la gratifie d’aucun chapitre bien identifié, de sorte que l’histoire du traduire ensemble resterait à écrire.

6 C’est l’esprit de la Septante au IIIe siècle avant notre ère, qui se perpétue dans les traductions collectives du Coran ou – toutes choses égales – de la monumentale Chronique des sentiments à laquelle le cinéaste et essayiste Alexander Kluge travaille sans relâche depuis près de cinquante ans en y mêlant les aspects de l’intime et de l’actualité.

7 Les traductions collaboratives et/ou en réseau apparaissent comme l’un des fils rouges du volume de l’HTLF portant sur les XVIIe et XVIIIe siècles, alors qu’elles sont quasiment absentes du volume sur le XIXe siècle, un siècle qui a pour effet, en vertu de nouvelles politiques éditoriales des classiques, de fixer les traductions littéraires. Durant les deux siècles précédents, le premier jet réalisé par un locuteur de la langue source faisait l’objet de révisions et adaptations répétées par des locuteurs de la langue cible, sans qu’on ressente le besoin d’arrêter définitivement une traduction ou que les différentes traductions d’un même texte soient jugées « concurrentielles ». Dans le chapitre XI, où Claire Lechevalier et Laurence Marie brossent un tableau particulièrement intéressant de l’émergence et de la théorisation de la traduction théâtrale aux XVIIe et XVIIIe siècles, on est frappé par certains traits communs avec les pratiques collectives contemporaines.

8 Cf. « L’actualité de la traduction », propos introductif au forum organisé, les 25 et 26 novembre 2011, par la Société des Gens de Lettres sur le thème de la traduction littéraire. Umberto Eco évoque quatre saisons où la traduction fait l’objet de réflexions importantes : dans l’Antiquité, lorsque les Romains ont commencé à traduire les auteurs grecs ; au moment où les Pères de l’Église se posent avec Saint Jérôme la question de la traduction des Écritures Saintes ; quand les théologiens du Moyen Age réalisent qu’ils peuvent connaître la pensée ancienne à travers des traductions de l’arabe (l’École de Tolède) ; et enfin entre l’humanisme et la Réforme protestante avec la traduction de la Bible en langue vernaculaire. Dieter Hornig ajoute deux saisons « plus proches de nous et qui constituent en quelque sorte l’horizon de notre réflexion sur la traduction » : la période des « Belles infidèles » et celle de l’Allemagne des Lumières et du romantisme allemand. En 2011, il considère que nous vivons la septième saison de la traduction, à des dimensions planétaires : l’enjeu n’est plus seulement de comprendre la parole de Dieu, qu’on voulait unique, mais aussi la parole des hommes, qu’on sait plurielle.

9 Le « traducteur de (la) base » (grassroot-translator) apporte sa contribution sur le web 2.0 sans se préoccuper d’attester ses compétences et de garantir sa propriété intellectuelle ; il demeure souvent anonyme et son unique objectif est de participer à la production puis la transmission de l’information générale.

10 Nous reprenons la distinction établie en 1887 par le sociologue Ferdinand Tönnies entre communauté et société dans son livre Gemeinschaftund Gesellschaft.

11 C’est notamment le cas, dans les années 1970, pour les collectifs de gauche qui cherchent une alternative au communisme soviétique. Pour ce qui est d’HERMAION, le collectif se distancie dans ses pratiques du cadre certes collectif mais aussi très contraint de la traduction académique.

12 Cette excellente thèse étudie les « conditions et possibilités du collectif théâtral professionnel en Allemagne » à l’exemple de la première Schaubühne de Berlin, sise am Halleschen Ufer et non am Lehniner Platz, où elle ne s’installe qu’en 1981.

13 Le théâtre de metteurs en scène s’est formé outre-Rhin en opposition à celui des années 1950, dit « théâtre de grand-papa » dans lequel, après le formidable ébranlement de la Seconde Guerre mondiale, la lecture des classiques vise à retrouver des universaux et une forme de permanence. Pour le Regietheater au contraire, comme dans le tout premier programme de la Schaubühne, la relecture des classiques doit avant tout permettre d’évoquer l’actualité : dans cette perspective, la fidélité au texte qui scellerait à jamais une interprétation de l’œuvre est récusée au profit d’une esthétique du croisement, voire de l’hybridation des textes, qui s’objective dans des formes théâtrales axées sur le corps, où pantomime et profération se mêlent à la musique et à la danse.

14 Désigne des textes dont le but concret est d’ouvrir des espaces pour les mouvements des interprètes, et de finalement se mettre eux-mêmes à danser. Cf. RICHTER, 2010, p. 121.

15 Rebekka Kricheldorf, Marius vonMayenburg, Falk Richter, Ulrike Syha ne sont que quelques noms.

16 À rebours des conceptions essentialisées du théâtre, Flore Garcin-Marrou considère une philosophie de terrain – dont le terrain serait la scène de théâtre – qui lui permet de poser les bases d’une « pensée-théâtre » au fondement de l’esthétique théâtrale. Ce concept, encore neuf, a fait l’objet d’un séminaire de Master 2 en études théâtrales à l’université Toulouse Jean Jaurès entre 2015 et 2016 et d’une intervention lors de la journée d’études « Le philosophe et l’enquête de terrain : le cas du travail contemporain » (Université de Nanterre, 23 juin 2016).

17 Pièce en cinq tableaux évoquant la démocratie athénienne au temps de la guerre du Péloponnèse, Athènes met en scène les destins croisés de Socrate et du bel Alcibiade, pour montrer comment un peuple renonce à la raison au profit de la violence. Interrogeant les liens entre philosophie et politique, entre savoir et pouvoir, sous le pseudonyme de Vincenz Hofer, Klaus Mann dénonce en creux l’impuissance et la faillite des intellectuels allemands devant l’effondrement de la République de Weimar et la crise de la culture européenne. La pièce que l’auteur considérait comme sa meilleure est inédite en français.

18 Né en 1941 à Wurtzbourg en Bavière, Jürgen Hofmann est l’auteur de nombreux essais, pièces théâtrales et radiophoniques, ainsi que d’ouvrages scientifiques sur le théâtre. Il a longtemps dirigé le cursus « Écritures scéniques » (Szenisches Schreiben) de l’Université des Arts (UDK) à Berlin.

Après avoir traduit de larges extraits de son recueil Schere, Stein, Papier / Essayszu Theater, Schreiben, Komik (Berlin, 2014) dans le cadre de l’enseignement de L3 proposé par la section d’allemand de Toulouse Jean Jaurès « Métiers de la traduction littéraire et scientifique », Sylvia Barelli-Baud et Pauline Fois ont maintenant le projet de traduire et faire éditer les textes que l’auteur a écrits en souvenir du Mur à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de sa chute (HOFMANN, 2014a, Sylvia Barelli-Baud) et ses évocations des années 1968 à Berlin (HOFMANN 2014b, Pauline Fois)

19 Créée en 2002, cette collection bilingue des PUM publie des œuvres dramatiques inédites, au rythme d’au moins une publication par an, en les assortissant d’un travail théorique et critique original. Elle a permis de faire connaître en France des auteurs tels que Falk Richter, Kathrin Röggla, Philipp Löhle, Darja Stocker, Rebekka Kricheldorfou Ewald Palmetshofer, dont les textes se situent au croisement du travail esthétique et de l’interrogation politique.

20 Universcènes est une association loi 1901 qui s’est donné pour objectif la promotion des dramaturgies étrangères contemporaines de sept domaines linguistiques (allemand, anglais, arabe, espagnol, italien, polonais, portugais), prioritairement à travers la pratique du théâtre universitaire. Elle est née de la fédération des troupes de l’Unité de Formation et de Recherche (UFR) « Langues, Littératures et Civilisations Étrangères » de l’université Jean Jaurès. Les Rencontres Européennes de Théâtre Universitaire donnent lieu en 2006 au Festival Universcènes qui se déroule d’abord au théâtre Sorano puis à La Fabrique.

21 Cf. la contribution d’Agnès Surbézy au présent dossier.

22 La cohérence de la formation CeTIM fait en outre qu’une partie du groupe reprend la traduction de Waldemarwolf, sous la direction de Catherine Mazellier-Lajarrige, dans la perspective du sur-titrage en français.

23 Il s’agit de Tristan Kuipers auteur du témoignage qui fait suite à la présente contribution et dont on trouve les autres textes sur les pages web suivantes :

http://creg.univ-tlse2.fr/accueil/agenda/rencontre-avec-michel-decar-306273.kjsp?RH=1273146603891

http://e-revues.pum.univ-tlse2.fr/sdx2/la-main-de-thot/article.xsp?numero=2&id_article=Article_Tristan_Kuipers_La_Parole_aux_etudiants-689

24 Les six « registres » évoqués, en manière d’épilogue, juste avant la longue citation de Lenz, redonnent les lignes directrices de l’argument de la pièce.

« UN : Cornelius réfléchit à sa vie et décide d’agir.

DEUX : Mine apporte confusion et émotion.

TROIS : En art comme en amour, tout est permis.

QUATRE : On doit se décider. Même si on ne doit pas se décider.

CINQ : La resplendissante mademoiselle Schneider met de l’ordre dans le ménage communautaire.

SIX : Une vaste contrée. »

25 « Prends pitié… » C’est ce qu’on entendait dès le « prologos of Cornelius Crabe », « misère et mise en scène » (misereundinscenierung), qui précédait le « prologue de l’auteur » dans la première version du texte de Waldemarwolf.

26 Le livre raconte comment Berlin s’est progressivement substituée à Paris dans le rêve de vie de l’émigrante. Au gré des changements qui s’opèrent dans la ville de Berlin réunifiée, ce sont aussi ses propres transformations que nous fait partager la narratrice. De temps à autre resurgit le souvenir de sa vie d’avant, en Roumanie, empreint de nostalgie malgré le régime totalitaire communiste qui l’y enfermait. Il y a aussi toutes les petites et grandes choses de la vie allemande auxquelles la narratrice doit s’adapter, les différences culturelles à surmonter. Puis on la suit en vacances avec ses enfants, en Espagne ou en Grèce, où elle nous rend témoins de sa nouvelle identité allemande, sans renier la Roumaine en elle.

27 http://levurelitteraire.com/carmen-francesca-banciu-31/ (Extraits traduits par le collectif HERMAION)

http://levurelitteraire.com/carmen-francesca-banciu-212/ (Traduction de Christoph Fischer, en collaboration avec Aurélie Bessoles, Agathe Charlon, Tristan Kuiperset Hilda Inderwildi, membres du collectif HERMAION).

28 L’œuvre maîtresse de Jean Gebser puise dans l’histoire des arts et des sciences pour repenser de façon radicale les notions de temps, d’espace et de conscience. L’auteur modélise, dans une perspective synchronique, les structures du rapport que l’Homme entretient avec son milieu. Le travail de traduction qu’a entrepris Tristan Kuipers s’inscrit dans un projet transdisciplinaire réunissant des chercheurs, des gens de théâtre et des architectes autour d’une redéfinition de l’espace et du rapport œuvre-spectateur.

29 CARMEN se caractérise elle-même, en référence à la valeur matricielle du carmen romain, comme une revue de création « minimalement programmatique » où poème et charme procèdent avant tout l’un de l’autre. Toutefois, l’intention et les dispositions nécessaires pour que le charme opère et que le poème advienne y feront l’objet d’une démarche définitoire.

30 RAGARU, François-Xavier, Zur Übersetzung der Gastrosophie: Herausforderungen und Methoden. Corpus: Eugen von Vaerst, Die Gastrosophie oder die Lehre von den Freuden der Tafel (1851). La soutenance de ce travail a eu lieu le 4 juillet 2016 en présence de l’éditrice Catherine Mazères-Piskiewicz.

31 BARELLI-BAUD, Sylvia, soutenance en septembre 2016, Übersetzung einer verschwundenen Topografie. Ortsbeschreibung vs Ortsübersetzung. Corpus: Jürgen Hofmann, Auf der Mauer, auf der Lauer. Erinnerungen an ein monströses Berliner Bauwerk (2014).

32 FOIS, Pauline, soutenance en septembre 2016, Auf Spurensuche nach Berlin 1968. Eine Studie zur Übersetzungstätigkeit am Beispiel von Jürgen Hofmanns Those were the days, myfriend (2008).

33 Le Pérégrinateur Éditeur a été créé en 1991 par deux personnes aux parcours complémentaires, Pascal Piskiewicz, photographe et maquettiste, et Catherine Mazères-Piskiewicz, germaniste de formation. C’est à Toulouse, dans un quartier de jardins et d’anciennes sources, que siègent les éditions. Son nom est une invitation au voyage tant dans le temps que dans l’espace. Le Pérégrinateur développe depuis plusieurs années une politique axée sur la transmission d’histoires diverses et variées, certaines à l’iconographie abondante et recherchée : Histoires des villes illustrées, Histoire du Père Noël, Histoire naturelle et morale de la nourriture…Une Histoire de France au fil du récit, à paraître en octobre 2016. http://www.leperegrinateurediteur.com

Citer cet article

Référence électronique

Hilda Inderwildi, « Le collectif HERMAION. Enjeux, méthode et idéologie », La main de Thôt [En ligne], 4 | 2016, mis en ligne le 18 mai 2017, consulté le 19 mars 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/lamaindethot/558

Auteur

Hilda Inderwildi

Université de Toulouse 2 Jean Jaurès

CREG – EA 4151

HERMAION

Maître de conférences

hilda.inderwildi@live.fr

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