La correspondance d’Ilse Losa avec ses pairs lusophones (1948-1999) : engagement, construction auctoriale et enjeux archivistiques

  • Ilse Losa's correspondence with her Portuguese-speaking peers (1948-1999): commitment, auctorial construction and archival issues
  • A correspondência de Ilse Losa com os seus pares lusófonos (1948-1999): compromisso, construção auctorial e questões de arquivo

Cet article porte sur la construction de l’ethos auctorial d’Ilse Losa (1913-2006) par le biais de sa correspondance personnelle échangée avec 74 intellectuels lusophones, éditée par mes soins et publiée en 2018. Persécutée par la Gestapo en raison de son origine juive-allemande, elle se réfugie au Portugal en 1934 où elle construit une carrière en tant qu’écrivaine de langue portugaise, participant à la lutte contre le régime salazariste à travers son engagement social et littéraire. En réfléchissant sur ce travail d’édition, j’envisage d’analyser le rôle de l’épistolaire en tant qu’« archive de la création » (Diaz, 2012) de l'œuvre et de l’auteur à la fois. J’observerai, enfin, les enjeux entre les instances publiques et privées dans le traitement du legs d’un écrivain.

This article focuses on the construction of Ilse Losa's (1913-2006) auctorial ethos through her personal correspondence with 74 Portuguese-speaking intellectuals, edited by me and published in 2018. Persecuted by the Gestapo because of her German-Jewish origin, she fled to Portugal in 1934 where she built a career as a Portuguese-speaking writer, participating in the struggle against the Salazarist regime through her social and literary commitment. Reflecting on this publishing work, I plan to analyse the role of the epistolary as an "archive of creation" (Diaz, 2012) of both the work and the author. Finally, I will observe the issues between public and private bodies in the treatment of a writer's legacy.

Este artigo centra-se na construção da ética auctorial de Ilse Losa (1913-2006) através da sua correspondência pessoal com 74 intelectuais de língua portuguesa, editada por mim e publicada em 2018. Perseguida pela Gestapo devido à sua origem judaico-alemã, fugiu para Portugal em 1934, onde construiu uma carreira como escritora de língua portuguesa, participando na luta contra o regime salazarista através do seu compromisso social e literário. Reflectindo sobre esta obra editorial, pretendo analisar o papel do epistolar como "arquivo da criação" (Diaz, 2012), tanto da obra como do autor. Finalmente, irei observar as questões entre organismos públicos e privados no tratamento do legado de um escritor.

Plan

Texte

Une femme « combative » et « dérangeante » entre deux mondes

Aussi bien la vie que l’œuvre d’Ilse Losa s’inscrivent dans l’histoire du passage des réfugiés juifs par le Portugal dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale1, un épisode historique qui a longtemps été passé sous silence2. Après avoir été interrogée par la Gestapo en raison d’une lettre écrite à une amie allemande critiquant durement la politique du parti national-socialiste, et plus directement la figure d’Hitler, Ilse Losa (« Lieblich » de son nom de jeune fille) prend le chemin de l’exil. Dans son premier ouvrage, le roman autobiographique O Mundo em que vivi [Le Monde où je vécus] (1949)3, l’horreur de cette scène est reconstruite, à une époque où les récits publiés sur la Shoah étaient encore peu nombreux4. Même si son œuvre a été minorée en dehors de sa terre natale et de sa terre d’accueil, le nom d’Ilse Losa pourrait parfaitement s’insérer dans la liste de femmes qui représentent la littérature de la Shoah5, car elle a apporté une contribution précieuse à la compréhension de l’ascension du nazisme en Allemagne, du rôle du Portugal en tant que terre de passage et terre d’asile et de la reconstruction de l’Allemagne après la guerre. Elle raconte l’Histoire officielle d’un point de vue féminin, mettant en lumière l’action et le ressenti de femmes juives dans un combat mené par les hommes. Comme cela arrive très souvent dans les récits historiographiques, l’épisode tragique de la Shoah a été lui aussi raconté majoritairement par des voix masculines. Thomas Nolden et Frances Malino parlent à ce propos de la domination de « grands vieux hommes » des lettres juives :

Les livres de Primo Levi (Italie), d’Imre Kertész (Hongrie), d’André Schwarz-Bart e de Marek Halter (France), de Jurek Becker (Allemagne) et de Henryk Grynberg (Pologne) peuvent être facilement trouvés en librairie et leur œuvre est étudiée et reconnue dans le monde entier. Cependant, le travail de leurs collègues femmes est difficilement connu au-delà des frontières de leur pays de résidence.6

En ce sens, Gisela Bock explique que « la moitié des victimes du racisme nazi furent des femmes » et que 

les premières lois antisémites [...] s’appliquent aussi aux universités, où parmi les étudiants juifs la proportion des filles était plus forte que chez les non juifs. [...] La proportion des femmes victimes du nazisme ne cessa de croître avec [...] la stérilisation eugénique forcée [...] en 1935 la loi [...] fut étendue à l’avortement. [...] Quand on mit en route les chambres à gaz, à la fin de 1941, ce furent en majorité des femmes juives, en particulier celles accompagnées de leurs enfants, qui furent sélectionnées dès leur arrivée pour aller à la mort. « Un enfant juif signifie automatiquement la mort pour sa mère », alors que la plupart des hommes étaient orientés vers le travail forcé.7

Alexis Nouss, pour sa part, prétend que les femmes ont une expérience particulière de la Shoah, car le rapport au corps et à l’engendrement est différent chez les hommes et chez les femmes : « le maternel est lié au don de la vie. [...] Il ne s’agit pas dans ce cas d’un don de mort mais de l’accueil de la mort dans la vie »8. L’œuvre losienne accueille ces expériences féminines de la douleur donnant voix aux femmes en tant que protagonistes de la grande Histoire de la Shoah, créant ainsi un réseau de sororité entre les personnages aussi bien dans des récits où l’action se passe en Allemagne nazie que dans ceux se déroulant au Portugal sous le régime patriarcal salazariste.

O Mundo em que vivi retrace la vie d’Ilse Losa en Allemagne jusqu’à son départ en exil par le biais de son alter-ego Rosa Frankfurter. L’écrivaine assigne ainsi une place « paratopique », dans les termes de Dominique Maingueneau, puisque « son énonciation se constitue à travers l’impossibilité même de s’assigner une véritable ‘place’. Localité paradoxale, paratopie, qui n’est pas l’absence de tout lieu, mais une difficile négociation entre le lieu et le non-lieu. »9. Dans ce roman de formation, nous voyons Rose passer de l’enfance à l’âge adulte dans un climat antisémite grandissant en Allemagne qui la pousse vers une destination qui n’est pas explicitée dans l’espace romanesque, mais qui peut être supposée par des indices biographiques de l’auteure. Blonde aux yeux clairs, la jeune fille est interrogée par un agent de la Gestapo qui, fasciné par sa beauté « très peu juive », la laisse en liberté tout en lui demandant de repasser dans son bureau cinq jours plus tard. La suite de cette histoire n’appartient qu’à l’univers extradiégétique.

Cette expérience traumatique initiatique marque l’abandon de la terre natale et de la langue maternelle, tout en permettant à Ilse Losa de se reconstruire en tant que sujet et de se construire en tant qu’écrivaine en langue portugaise. L’opportunité étant à saisir rapidement, le Portugal, pays où se trouvait déjà un de ses frères victime des Nazis, s’est avéré être la destination idéale. Ilse débarque alors à Porto en 1934, à l’âge de 21 ans, ignorant que ce pays était lui aussi plongé dans un régime dictatorial. En 1936, elle se marie avec le célèbre architecte portugais Arménio Losa, acquérant la nationalité portugaise. Avec celui-ci – mais aussi de façon indépendante - elle s’engage dans la lutte contre le régime au pouvoir. En ce qui concerne la langue portugaise, qu’elle méconnaissait jusqu’à l’âge adulte, elle l’utilise aussi bien pour exprimer la douleur de son passé en Allemagne que pour analyser la société portugaise salazariste. Dans la chronique « Primeiros Passos », « premiers pas » en portugais, l’écrivaine nous raconte le début de cette histoire d’exil :

Quand je suis arrivée au Portugal, précisément à Porto, j’avais très peu de connaissances du pays et de sa langue. Je ne connaissais que les mots « bom dia » (« bonjour »), « boa noite » (« bonsoir ») et « escrivaninha » (« bureau » [le meuble]) en portugais. Ils m’avaient été appris par un vieux juif, compagnon de fuite du régime nazi, dans le bateau qui nous transportait depuis Hambourg. Lui, qui avait les Açores pour destination, trouvait joli et sonore surtout le mot « escrivaninha », qu’il m’obligeait à prononcer lentement, en prolongeant bien le i en « iiinha ». Lorsque quelque temps après être arrivée, je montrai cette habileté linguistique à la table de mes nouveaux amis du Café Sport […] en respectant l’exigence de mon « professeur », en prolongeant de façon exagérée le « inha », je provoquai un éclat de rire retentissant.

Des gloires du Portugal je ne savais que le peu de choses qu’on m’avait apprises au lycée. […] Mais les barbaries de l’Inquisition dans la Péninsule, où l’on brûlait des Juifs vivants, cela me fut transmis plus en profondeur par mon professeur de religion juive. […]

En ce qui concerne la situation politique de l’époque, je l’ignorais presque entièrement. Une des questions qui m’étaient posées régulièrement était : « Ne saviez-vous pas que vous alliez venir dans un pays fasciste ? » (« Primeiros Passos », À Flor do tempo, Porto, 1997, p. 7)

Exilée dans un pays supposément neutre, épargné de la guerre grâce à une politique internationale ambigüe, Ilse ne cesse pourtant de penser à la détresse de ses concitoyens allemands traumatisés par la guerre. Dès ses premières années au Portugal, à partir de 1935, elle participe à l’AFPP (Association Féminine Portugaise pour la Paix), fondant quelques années plus tard l’une de ses délégations à Porto. Cette institution, alignée idéologiquement avec le Parti Communiste Portugais, s’occupait, entre autres missions, de l’envoi de ravitaillement aux prisonniers des camps de concentration. Cependant, entre la fin 1942 et le début 1943, l’association n’a plus le droit d’aider les prisonniers des nazis. Le travail du groupe se tourne alors vers la formation culturelle et professionnelle des femmes portugaises. Il est important de souligner que l’AFPP combattait l’influence de l’OMEN (Œuvre des Mères pour l’Éducation Nationale) et de la MPF (Mocidade Portuguesa Feminina, Jeunesse Portugaise Féminine, en français). Ces deux institutions avaient été créées dans un projet politique spécifique de l’État nouveau pour la formation des femmes selon son idéologie.

Après la fin de la guerre, ses actions socio-politiques se tournent plus directement vers la lutte contre l’oppression dans sa terre natale, ce qui lui a valu plusieurs procès menés par la PIDE (Police Internationale et de Défense de l'État) contre le couple Ilse et Arménio Losa10. En effet, Ana Isabel Marques affirme qu’Ilse Losa était « une femme combative du point de vue social et politique, contestataire du régime et des orientations politiques de l’État nouveau et, par conséquent, une citoyenne dérangeante »11.

Pendant les années 60 et 70, le couple Losa participe activement à la CNSPP (Commission Nationale de Secours aux Prisonniers Politiques) dans le but d’abolir les prisons politiques au Portugal et de dénoncer les conditions dans lesquelles vivaient les prisonniers. Ceci expliquerait le renforcement, pendant cette période, de la surveillance du couple par la PIDE, dont le courrier était systématiquement contrôlé et ponctuellement confisqué. En raison aussi bien de ses actions socio-politiques que de ses textes provocateurs et réflexifs, Atanagilde Teixeira Pinto, lors d’une conférence donnée à l’Association des Journalistes et Hommes des Lettres de Porto en 1960, félicite Ilse Losa pour avoir eu « le courage de mettre le doigt sur la plaie des Portugais », « de pointer du doigt leurs erreurs »12.

Dans son œuvre littéraire et dans des entretiens donnés à la presse portugaise, Ilse nous parle de l’effort et de la souffrance d’écrire en portugais. Simon Harel explique que « dans la mesure où le sujet migrant accepte la violence d’un acte matricide et parricide qui consiste à tuer une langue première, il répond avec succès au don de l’intégration. La grande complexité de cet acte tient du fait que la langue première devient l’enjeu d’une mort psychique (tuer la langue-mère) afin que l’écriture prenne son envol. »13. Au-delà d’une simple adaptation linguistique ou d’une stratégie éditoriale, son choix d’écrire en portugais révèle une volonté de se reconstruire en tant que sujet dans une nouvelle vie, en menant au Portugal la lutte contre l’oppression qu’elle n’a pas pu mener en Allemagne. En ce sens, l’écrivain José Gomes Ferreira, dans une lettre datée du 7/1/1956, s’adresse à Ilse comme « notre sœur dans le travail ardu d’arracher de cette matière parfois si dure dans nos mains les souvenirs subtils d’enfance »14. Et il ajoute : « Et notre sœur complète, car elle nous accompagne sans fatigue dans toutes les luttes de ces années maudites qui nous pourrissent »15.

En effet, Ilse Losa a pu bâtir une œuvre littéraire à partir de son expérience personnelle de la violence nazie. La langue portugaise a permis à Ilse de se distancer de cette douleur afin de pouvoir partager cette mémoire. Elle assume ainsi le rôle de porte-parole des êtres engloutis par la Shoah, ainsi que du peuple portugais opprimé. Son œuvre s’inscrit donc dans la phase de forte émergence de la littérature engagée à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Dans ce contexte post-Shoah, Ilse a écrit trois romans autobiographiques : O Mundo em que vivi [Le Monde où je vécus] (1949), Rio sem ponte [Rivière sans pont] (1952), et Sob céus estranhos [Sous des cieux étranges] (1962). Selon Jochen Vogt, « par la densité des environnements créés et la perspective véritablement interculturelle, ces livres [O Mundo em que vivi et Sob céus estanhos] méritent une place de premier plan dans la littérature d’exil européenne »16. Ilse a fait, d’ailleurs, une incursion dans la poésie, avec Grades Brancas [Grilles blanches] (1951) et dans les chroniques de voyages avec Ida e volta à procura de Babbitt [Aller-retour à la recherche de Babbitt] (1960) où elle raconte ses impressions sur un premier séjour aux États-Unis. Le conte est néanmoins son genre de prédilection, dans lequel elle a publié sept ouvrages tout au long de sa vie active17. Elle a également produit une œuvre vaste et novatrice pour l’enfance et la jeunesse, avec plus d’une vingtaine de titres publiés dans plusieurs genres littéraires, dont quelques-uns sont recommandés par le Ministère portugais de l’Éducation. Nous pouvons mentionner enfin son travail monumental de traduction18 de grands auteurs étrangers en portugais et des auteurs portugais en allemand, activité indissociable de son engagement politique19.

De son œuvre, elle montre que l’ostracisme du Portugal a été dangereusement renforcé pendant l’État nouveau à cause de sa politique colonialiste en Afrique et de sa position de neutralité pendant la Seconde Guerre mondiale. Ilse exprime le mal-être des Portugais plongés dans ce régime dont le slogan était « fièrement seuls », tout en faisant un portrait du Portugal comme terre de passage de réfugiés, en inscrivant ce pays sur la route de fuite de la Shoah.

Benoît Denis réfléchit sur la problématique de l’engagement littéraire en mettant en lumière l’étymologie même du verbe « engager » : « mettre ou donner en gage »20. Il continue sa réflexion en disant qu’engager la littérature c’est la mettre en gage, c’est-à-dire, « la hauteur de l’enjeu est la littérature elle-même », car « on inscrit [la littérature] dans un processus qui la dépasse, on la fait servir à quelque chose d’autre qu’elle-même »21. Or cela touche directement l’œuvre losienne, car à cause de son engagement littéraire, associé à sa condition de femme étrangère, elle n’est pas encore pleinement reconnue au Portugal. Ilse Losa est encore aujourd’hui connue comme l’écrivaine allemande, juive, réfugiée aux textes pour l’enfance et la jeunesse, sa littérature étant réduite à la simple fonction factuelle ou didactique. Elle s’est néanmoins toujours terriblement battue pour trouver une qualité formelle irréprochable en langue portugaise, l’urgence du message ne faisant jamais négliger le souci de la forme.

L’épistolaire chez Ilse Losa : ethos auctorial22 et engagement social

Ce parcours – et je dirai même ce projet - de construction d’Ilse Losa en tant qu’écrivaine portugaise est très bien représenté dans sa correspondance, échangée avec les plus grands noms de la littérature portugaise tout au long de sa carrière. Brigitte Diaz affirme que « la lettre est souvent le début d’une aventure avec le langage ; elle est l’antichambre de l’espace littéraire pour ceux qui n’y ont pas accès »23. En tant que femme et étrangère, l’épistolaire a joué un rôle très important dans la vie d’Ilse Losa. Son premier texte publié, écrit en langue portugaise, a été envoyé à Joaquim Namorado par voie postale. Il était le responsable à l’époque de la revue Vértice de Coimbra. Il s’agissait d’un texte intitulé « Impressões de uma visita à Inglaterra » [« Impressions d’une visite en Angleterre »]. Elle l’avait écrit après une visite dans ce pays où sa mère s’était installée depuis l’éclosion de la Seconde Guerre mondiale :

J’écrivis: “Impressions d’un voyage.” [sic] Je n’eus pas le courage de le signer avec mon nom en entier, juste avec les initiales. […] J’envoyai tout à Joaquim Namorado. Celui-ci me répondit et il me dit que le reportage serait publié […] Le reportage fut publié et beaucoup de gens l’aimèrent24.

Cette lettre envoyée à Joaquim Namorado est le symbole de son parcours personnel et littéraire dans la société portugaise. À travers sa correspondance, nous pouvons retracer un projet de construction d’un ethos auctorial qui, dans les termes de Dominique Maingueneau, est l’instance subjective qui se manifeste à travers le discours mais « ne s’y laisse pas concevoir seulement comme statut ou rôle, mais comme ‘voix’, et au-delà, comme ‘corps énonçant’, historiquement spécifié et inscrit dans une situation que son énonciation tout à la fois présuppose et valide progressivement »25.

L’épistolaire est un genre littéraire également exilique ou « nomade » dans les termes de Brigitte Diaz, à la frontière entre le factuel et le littéraire, la vie et le texte. Grâce au dialogue épistolaire incessant tout au long de sa vie active, entre 1948 et 1999, Ilse a trouvé un moyen de se rapprocher de ses pairs portugais afin d’améliorer son niveau linguistique et narratologique, de diffuser ses livres, de connaître et faire connaître ceux de ses interlocuteurs, de leur offrir ses services en tant que traductrice, d’établir des collaborations dans des périodiques portugais et allemands et d’organiser des actions politiques et culturelles conjointes.

Le premier volume de sa correspondance, intitulé Ilse Losa : estreitando laços. Correspondência com os pares lusófonos (1948-1999) a été publié en mars 2018 sous mon organisation. Il présente 398 documents, parmi lesquels se trouvent des lettres, des cartes postales, des télégrammes, des illustrations et des manuscrits envoyés à 74 correspondants, dont la plupart étaient des écrivains portugais. Mais nous y trouvons également des architectes, des acteurs, des réalisateurs, des journalistes, des artistes plastiques, des musiciens, un mathématicien, un économiste, des intellectuels brésiliens, voire même, un homme politique, l'ex-président de la République portugaise, Mário Soares. Ilse a donc créé tout un réseau épistolaire, rétrécissant les distances entre le Nord et le Sud du Portugal et rapprochant ce pays de sa terre natale, l’Allemagne.

Elle avait bien conscience de l’importance de ces lettres, car elle les écrivait en double, en utilisant du papier carbone et en conservant, assez souvent, la réponse de ses interlocuteurs. Parmi ces documents épistolaires nous trouvons des sujets tabous comme la dictature, la censure, voire même des lettres envoyées à partir des prisons portugaises. L’épistolaire a eu donc pour elle une fonction à la fois d’insertion dans les systèmes social et littéraire portugais et d’opposition à ces mêmes systèmes. Elle a utilisé la voie postale pour se faire connaître des plus grands intellectuels de son époque, en contournant les barrières du marché éditorial et de la presse portugaise. Mais elle s’est servie également de ce moyen de communication pour apporter son soutien à des amis persécutés par le régime, pour organiser ou discuter des activités conjointes où les sujets culturels et politiques s’entremêlaient, voire même pour réfléchir sur les manières d’affronter la censure. Avec la surveillance constante de la correspondance du couple Losa à partir des années 60 ces sujets subversifs deviennent plus rares.

Le 19/1/1950 l’économiste Fernando Pinto Loureiro, collaborateur de la revue Vértice, envoie une missive à Ilse Losa directement de la prison d’Aljube en lui demandant de faire partie de ses témoins de défense dans un jugement sur crime politique. Dans son texte, il exprime sa pensée à rebours afin d’indiquer ce qu’elle doit dire à la PIDE : « Comme vous le savez bien, la revue Vértice, « revue de culture et d’art », est exempte de tout sectarisme idéologique […], comme vous le savez bien, les efforts que j’ai fait pour rapprocher tous les collaborateurs résidants dans le Nord du pays n’ont pas eu la moindre intention politique – et encore moins partisane »26.

Le nom d’une autre prison portugaise, la Colonie Pénale de Santa Cruz do Bispo, à Matosinhos, accompagné du tampon de la PIDE, figure sur une lettre non datée envoyée à Ilse Losa par le mathématicien Ruy Luís Gomes. En 1957, il est jugé et condamné à 2 ans de prison dont la moitié est passée dans cette institution. Cette lettre remerciant Ilse de son amitié et de sa solidarité date probablement de cette période.

Ces mêmes qualités sont encore mises en valeur par le dramaturge Luís de Sttau Monteiro qui remercie l’écrivaine du courage qu’elle a dévoilé en signant la pétition à travers laquelle quelques collègues ont demandé sa libération. Et il continue en affirmant qu’il s’agit « d’un geste rare dans ce pays où tout se sacrifie au nom de la sacrée prudence »27.

Le 27/6/1956 José Gomes Ferreira dénonce par voie postale la présence d’un espion de la PIDE dans une soirée d’hommage au poète Afonso Duarte, organisée à Coimbra avec plusieurs membres de la revue Vértice. Il parle d’un « homme qui n’est ni artiste ni admirateur d’Afonso Duarte, et ne l’a certainement jamais lu. La seule contribution que ce monsieur a donnée à la culture de son pays a été d’occuper la place de chef de bureau du Ministre qui a expulsé les professeurs de l’Université […] et dans une commission pour rendre hommage à un homme que l’État nouveau avait obligé à prendre sa retraite ! »28. Manuel Gama explique que l’État nouveau a permis la circulation de la revue Vértice, malgré une surveillance constante de ses textes et de ses membres, car elle était « une source sûre d’information sur les opposants de la dictature et leurs idées »29.

Dans la correspondance de l’écrivaine, l’épistolaire crée également un espace de partage d’expériences entre les écrivains sur l’effet castrateur de la censure sur la production littéraire. La censure s’était transformée en autocensure, puisqu’à la peur de la non-publication d’un texte, s’ajoutait celle de la prison, du licenciement, de l’agression de soi-même et de ses proches. En ce sens, Irene Lisboa avoue à sa confidente épistolaire le 15/5/1957 : « j’ai quelques ouvrages obsolètes prêts, mais craignant la censure je me fais toute petite. Il vaut peut-être mieux laisser passer les élections. Il me semble que la littérature se heurte à elles »30. Irene Lisboa parle ici des élections présidentielles de 1958 remportée par le candidat du régime Américo Thomaz contre Humberto Delgado, candidat de l’opposition. Elle avait bien conscience d’un éventuel futur plus propice à la diffusion de son œuvre et s’attendait certainement à un changement politique.

Malgré son engagement contre le régime, Ilse a entretenu des liens avec des intellectuels appartenant au camp politique adverse. Elle était persuadée qu’on ne pouvait pas soumettre l’appréciation artistique à des critères purement idéologiques. C’est pourquoi elle prend contact avec le poète Joaquim Paço d’Arcos, chef des services de presse du Ministère des Affaires Étrangères à l’époque, afin de solliciter son intervention pour autoriser une recension critique de sa nouvelle Retta ou os ciúmes da morte (1958) qui avait été censurée par le Service de Censures de Porto. Ce texte publié dans le journal « Comércio do Porto », touchait à des questions très sensibles comme l’oppression de la femme dans la société portugaise et le suicide. 

Paço d’Arcos lui répond le 30/1/1959 en lui disant : « je me suis mis hier en contact avec le directeur des services de Censure pour me renseigner à propos de la censure de la critique de votre livre et le Coronel Larcher […] m’a fourni aujourd’hui l’information suivante : la critique du livre de Mme Losa a été interdite par la Censure de Porto, pour des raisons qu’il ignore et, pour cela, envoyée à Lisbonne. Lui, après avoir lu le livre, a enlevé la censure et a communiqué sa décision au bureau de Porto »31. Grâce au réseau dialogique tissé entre le Nord et le Sud du Portugal, à travers l’exercice épistolaire, Ilse arrive à contourner la censure imposée à la diffusion et à l’analyse de cette nouvelle considérée actuellement comme l’un de ses textes les plus réussis.

Correspondance losienne : archive de la création intellectuelle portugaise et enjeux archivistiques

La correspondance d’Ilse Losa se constitue comme une « archive de la création »32 losienne, en empruntant le concept de Diaz. Il importe de penser à une double création : de l’œuvre et de l’auteur à la fois. Elle est encore l’archive de la création intellectuelle portugaise de la deuxième moitié du XXe siècle, de la pensée et de l’action des correspondants en dialogue, de leur construction individuelle et en tant que groupe. Il s’agit d’emblée d’un projet personnel astucieux de la part de l’écrivaine qui, en constatant un désir de communication interrégionale et d’ouverture vers l’extérieur de la part de ces intellectuels, tire profit de ses contacts à Lisbonne et en Allemagne et de ses connaissances de la langue et de la culture allemandes pour se faire connaître dans le milieu littéraire portugais. Nombreuses sont les lettres d’interlocuteurs épistolaires sollicitant les services d’Ilse Losa en tant que médiatrice entre écrivains et éditeurs au niveau national et international ou en tant que traductrice du portugais vers l’allemand pour des publications germanophones. Sans attendre d’être sollicitée, Ilse Losa prenait fréquemment le devant de la scène proposant spontanément ses services à ses pairs visant à un projet de publication future. Ses échanges étaient également un moyen de perfectionner son niveau linguistique et ses connaissances littéraires, légitimant son statut en tant qu’écrivaine portugaise tout en reconnaissant l’expertise des écrivains déjà consacrés afin de créer de l’empathie.

Ce dialogue épistolaire construit ainsi une « scène d’énonciation », dans les termes de Maingueneau, « une image de soi dans le discours », car « l’énonciateur doit se conférer, et conférer à son destinataire, un certain statut pour légitimer son dire : il s’octroie dans le discours une position institutionnelle, et marque son rapport à un savoir […] En même temps, il manifeste une certaine manière de dire, un mode d’énonciation »33. A travers cette relation dialogique tissée avec ses pairs lusophones, Ilse se créé ainsi son éthos auctorial en tant qu’écrivaine portugaise entre deux mondes, ainsi qu’une vraie « république de lettres » où elle jouait un rôle d’articulation intellectuelle transfrontalière.

En ce qui concerne la conservation de ce fonds épistolaire, malgré les efforts de préservation de ce matériel par l’écrivaine elle-même de son vivant, quelques documents se sont abîmés ou ont été entièrement détruits en raison de leur mauvaise conservation après sa mort. Même si cette correspondance constitue en soi-même une archive de la création losienne et de la création intellectuelle portugaise, elle n’a pas encore fait objet d’un projet de mise en archives. Cela va de même pour sa correspondance en allemand, ses manuscrits sur des sujets littéraires et pédagogiques, ses articles dispersés dans des journaux et des revues portugais du XXe siècle dont la plupart a été éteinte, ainsi que pour la recension critique de son œuvre.

Ce legs se trouve encore dans l’ancienne demeure familiale où habite actuellement la fille aînée de l’écrivaine, Alexandra Losa. La bibliothèque municipale de Porto s’est portée volontaire pour accueillir le fonds de sa mère, mais elle a décliné cette proposition alléguant préférer recevoir des chercheurs chez elle, tout en exprimant une certaine méfiance envers les instances publiques portugaises. A ce propos, Éric Méchoulan affirme que

le geste d’archiver n’a jamais été neutre. Non seulement est-il pris dans des usages de la mémoire collective, dans des formes d’institution du passé, dans des pratiques de conservation et dans des techniques de transmission, mais il est aussi le résultat de décisions politiques, de rapports de pouvoir et d’enjeux sociaux.34

En préférant garder le legs de sa mère dans sa demeure familiale, Alexandra Losa exprimerait peut-être le désir de le maintenir à l’abri des enjeux de pouvoir contre lesquels sa mère s’est toujours battue. Et éviter toute manipulation de la mémoire collective doublement dérangeante dont elle est porteuse. Alexandra s’est montrée, néanmoins, favorable à la numérisation et à la publication de la correspondance et des manuscrits de sa mère par la Maison d’Édition Afrontamento, la seule ayant droit à la publication de l’œuvre losienne. Cette décision a été prise par l’écrivaine de son vivant pour des raisons d’amitié avec la direction d’Afrontamento et d’alignement intellectuel.

Il importe de dire que l’absence de classement préalable du fonds de l’écrivaine a rendu plus ardue ma mission d’édition de cette correspondance, en impliquant que je fasse un travail de base très chronophage d’identification des scripteurs et de leur rapport avec Ilse Losa, de décryptage du contenu de plus de 500 documents postaux et d’assemblage de pièces dialogiques dispersées dans le fonds de l’auteure (correspondance active et passive), ainsi que dans les fonds de ses interlocuteurs épistolaires. Lorsque je me suis confrontée avec une correspondance si abondante et riche en thèmes de discussion, j’ai immédiatement tracé un plan d’édition décliné en trois axes. Mon objectif était d’affirmer la place d’Ilse Losa en tant qu’intellectuelle portugaise à part entière, et pour cela, je voulais mettre en lumière son travail en tant qu’écrivaine et agent littéraire ; traductrice et promoteur interculturel ; tout comme ses actions socioculturelles et politiques. Enfin, compte-tenu de la notoriété de la majorité des interlocuteurs d’Ilse Losa dans le milieu intellectuel portugais, et surtout dans le domaine littéraire, il m’a paru évident de rassembler les documents postaux émanant d’un même personnage plutôt que de les ordonner directement selon leur date d’écriture. En outre, un classement de base chronologique ne permettrait pas la reconstitution du dialogue spécifique tissé entre Ilse et chaque correspondant.

La quête de la correspondance active de cette auteure dans plusieurs fonds d’écrivains m’a permis, par ailleurs, de découvrir différentes postures prises par leurs héritiers face aux enjeux posés par le traitement d’un legs, la question essentielle étant le don à une institution publique ou privée ou son maintien sous la protection familiale. En ce sens, Camila Miguéis a eu une réaction différente de celle d’Alexandra Losa face à la proposition d’une université américaine privée, la Brown University, pour accueillir le legs de son mari, l’écrivain portugais José Rodrigues Miguéis. Exilé aux États-Unis en 1935, en raison de son opposition au régime salazariste, il avait entretenu des liens étroits avec cette institution. Dans une lettre envoyée à Ilse Losa le 8/7/1980, il déclare que « dans le monde universitaire se déroule il y a quelques années une résurgence des choses portugaises […] c’est dans ce milieu que mes livres sont commentés »35. En 1982, un an après sa mort, les professeurs George Monteiro et Onésimo Almeida prennent contact avec Camila pour lui suggérer de faire le don du fonds de Miguéis à la John Hay Library de la Brown University, qui conserve actuellement les manuscrits, la correspondance, les dessins, les photographies, les cahiers de notes, les critiques de la presse, et plus de 2 000 livres de la bibliothèque personnelle de l’écrivain. Tout ce matériel a été traité par le professeur Maria Angelina Duarte, grâce à une bourse de la Fondation Calouste Gulbenkian. Cette fondation a également financé son microfilmage complet pouvant être consulté à la Bibliothèque Nationale du Portugal. Ces démarches entreprises par l’équipe de la Brown University ont donc rendu cet héritage accessible aussi bien aux chercheurs de la terre d’exil qu’à ceux de la terre natale de Miguéis. Il s’agit d’ailleurs d’un bon exemple de travail conjoint, visant à un intérêt diplomatique commun, entre institutions publiques et privées de deux pays, pour la préservation d’une mémoire culturelle partagée à travers la figure de Miguéis.

Le cas des archivages du professeur, écrivain, peintre et critique d’art et de littérature Mário Dionísio est encore plus particulier. Sa femme, Maria Letícia, avec Natércia Coimbra, bibliothécaire du Centre de documentation 25 avril de l’Université de Coimbra, ont commencé à traiter le legs de cet intellectuel peu de temps après sa mort, en 1993. Mais pendant longtemps ces documents sont restés cachés dans des étagères et des tiroirs dans sa maison. En voulant les rendre accessibles au public, la famille a envisagé de choisir le Musée du Néo-Réalisme comme institution d’accueil. Mais cette idée a été rapidement abandonnée, car Mário Dionísio a été très critique par rapport à ce mouvement, même s’il a été l’un de ses représentants. Une deuxième option a été la Bibliothèque Nationale de Portugal qui ne pouvait accueillir, cependant, que sa production littéraire. Son fonds aurait alors été morcelé, ce qui se serait opposé à l’esprit d’un intellectuel qui a toujours aimé le dialogue entre les arts. Afin de résoudre cette question et en souhaitant également respecter l’idéal de démocratisation culturelle si cher à son père, Eduarda Dionísio a créé en 2008, avec 58 associés, la « Casa da Achada – Centre culturel Mário Dionísio ». Cet espace de documentation et d’animation culturelle est financé par la mairie de Lisbonne, installé dans une propriété achetée par la famille de l’écrivain. Dans les termes de sa petite-fille, Diana Dionísio, actuelle directrice du centre, Mário Dionísio étant « un homme de la société et de la vie »36, ses archives devraient être des « archives vivantes »37.

Nous voyons donc dans ce projet, au-delà du souci de la conservation, de l’identification et du classement d’un fonds culturel personnel, celui de sa valorisation en le communiquant au public et en le faisant dialoguer avec l’œuvre d’autres intellectuels à travers des séances de lecture, des présentations dramatiques et musicales, des projections de films, des conférences, des ateliers artistiques, etc. D’ailleurs, ce centre culturel possède une salle d’exposition avec les tableaux de Mário Dionísio et une bibliothèque publique avec un catalogue diversifié. Ce projet est l’exemple d’un bon compromis entre les instances familiale, associative, universitaire et municipale dans le traitement du fonds d’un intellectuel.

La rigueur de Mário Dionísio a beaucoup aidé le travail de traitement de son legs : il a organisé encore de son vivant des dossiers d’articles publiés par ordre chronologique. En plus de les ranger, indiquant le titre du périodique et la date, il rajoutait en marge des textes des notes sur d’éventuelles erreurs ou coupures. Il a aussi organisé des classeurs thématiques contenant des fiches sur des auteurs, des œuvres et des courants esthétiques, avec des citations, des commentaires et des rémissions à d’autres fiches. Ce travail est perçu par Diana comme « un besoin de faire des liens entre les choses, pour facilement les trouver et les mettre en dialogue, ce que nous pouvons comparer aujourd’hui à des liens d’hypertexte »38. Dans cette optique, la Casa da Achada possède également un portail internet39 avec une partie du fonds numérisée. Ce site est entièrement ouvert à la consultation du public, contrairement à celui de la John Hay Library40, dont l’accès est fait sous demande.

Mon travail d’édition de la correspondance d’Ilse doit beaucoup à la rigueur de Mário Dionísio, à cette envie de créer des liens. C’est grâce à cela que j’ai pu découvrir effectivement la dimension et la richesse de la correspondance de l’écrivaine. La lettre étant écriture dialogique par excellence, elle relève du don, de l’échange. Mário a été le correspondant le plus fidèle d’Ilse, celui avec qui elle a entretenu un dialogue postal riche et équilibré tout au long de sa carrière jusqu’à la mort de son interlocuteur41. Il a été le professeur de portugais de l’écrivaine, le maître sévère, mais aussi l’ami bienveillant, ayant joué un rôle fondamental dans la construction de son éthos auctorial. À travers sa « réflexivité énonciative », dans les termes de Maingueneau42, Ilse a pu légitimer sa « voix » et son « corps énonciatif » dans le milieu littéraire portugais.

Conclusion

Le dialogue épistolaire a joué un rôle charnière dans la construction de l’ethos43 auctorial d’Ilse Losa, écrivaine portugaise d’origine juive-allemande, refugiée à Porto en 1934 en raison de la persécution de la Gestapo. Elle a écrit toute son œuvre dans la langue de son pays d’accueil, abandonnant l’allemand, langue de la mère et de l’ennemi à la fois. Ce « geste matricide », « cette mort psychique » 44, dans les termes de Harel, a permis à l’écrivaine de se bâtir une nouvelle vie dans le chantier littéraire. Néanmoins, le rejet de sa langue maternelle n’a pas signifié l’oubli de son devoir de mémoire par rapport à la Shoah. Les souvenirs de son enfance en Allemagne dans un climat antisémite grandissant cohabitent dans son œuvre avec ceux de sa terre d’exil remplie de réfugiés en fuite ; et toutes ces images de détresse sont mises en dialogue avec celles d’un Portugal plongé dans la misère et l’oppression du régime salazariste.

Le premier volume de la correspondance d’Ilse Losa avec ses pairs lusophones (1948-1999), organisé par mes soins et publié en 2018, retrace ce parcours d’exil, en mettant en lumière son effort titanesque de maîtriser une nouvelle langue afin de se faire accepter en tant que femme et étrangère dans un milieu littéraire atavique dominé par des voix masculines. Cet ouvrage montre la construction d’un espace dialogique créé à partir d’une stratégie personnelle d’intégration parmi les plus grands noms de la littérature, des arts et de l’intellectualité portugaise, l’épistolaire y fonctionnant comme « l’antichambre de l’espace littéraire »45, dans les termes de Diaz.

En proposant ses services en tant que traductrice allemand/portugais et ses contacts avec des écrivains et des éditeurs germanophones, en jouant un rôle d’intermédiaire entre les cercles littéraires et éditoriaux du Nord et du Sud du Portugal, et en tirant profit du dialogue établi avec ses pairs pour améliorer ses compétences linguistiques et narratologiques, tout en diffusant simultanément sa production littéraire, Ilse Losa a construit une « scène d’énonciation »46 dans laquelle elle a pu assigner une place sociale. Elle s’affirme alors comme une écrivaine engagée entre deux cultures, sans pourtant soumettre les valeurs esthétiques à des critères purement idéologiques.

Quoique reconnue par ses pairs de son vivant en raison de ses qualités littéraires et humaines, Ilse est encore aujourd’hui méconnue du public portugais, et occupe une place marginalisée dans le panorama littéraire lusitanien, son écriture étant réduite à la simple fonction factuelle ou didactique. Et, malgré les revendications de chercheurs de plusieurs nationalités, son nom reste, par ailleurs, ignoré dans la littérature d’exil européenne, ainsi que parmi les voix féminines de la littérature de la Shoah.

Mon travail d’édition de sa correspondance a eu pour but de renforcer l’image d’Ilse Losa en tant qu’intellectuelle portugaise à part entière, en faisant connaître son travail dans les domaines littéraire ; de la traduction et ses actions socioculturelles et politiques. Même si l’écrivaine avait pleine conscience de l’importance de ces documents postaux, en conservant de son vivant aussi bien sa correspondance passive qu’une partie de sa correspondance active, le rangement inapproprié de ce matériel ainsi que l’absence d’un classement préalable ont rendu mon travail en tant qu’éditeur assez ardu, en impliquant l’identification des scripteurs et de leurs rapports avec l’écrivaine, outre le décryptage et l’analyse du contenu de ces documents et la reconstitution du dialogue épistolaire avec chaque correspondant à travers le croisement de la correspondance active et passive. Tout au long de ce parcours d’édition épistolaire, j’ai pu constater que la correspondance d’un écrivain est une archive en soi, dépositaire de la mémoire d’une double construction : celle de l’œuvre associée à son contexte de production et celle de son ethos auctorial. Par ailleurs, la quête de la correspondance active de l’écrivaine m’a fait découvrir des interlocuteurs privilégiés d’Ilse Losa, tels que Mário Dionísio, avec lequel elle a maintenu un dialogue épistolaire assidu et intense pendant presque quarante ans. Sa « réflexivité énonciative »47 a énormément contribué à légitimer Ilse Losa dans le milieu littéraire portugais. L’organisation de ses archives personnelles entamée par l’écrivain encore de son vivant et les actions menées par sa famille et ses amis afin de donner suite à ce projet archivistique ont énormément contribué à ma mission d’édition de la correspondance losienne.

Bibliographie

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Notes

1 D’après Neill Lochery, « le rapport de la PVDE, la police secrète portugaise, responsable du contrôle des frontières portugaises, indique de la façon suivante le nombre total de réfugiés de toute l’Europe qui sont entrés au Portugal en 1940 : 30.854 entrées par voie terrestre, 6.843 entrées par voie maritime et 5.843 entrées par voie aérienne, soit un total de 43.540 entrées. » (Lochery, Neil, A Guerra nas Sombras da Cidade da Luz.1939-1945, Lisboa, Editorial Presença, p. 58). Irene Flunser Pimentel affirme que « selon les statistiques officielles portugaises, plus de 38.000 étrangers sont entrés au Portugal en 1940, et 36.000 ont quitté le pays, ce qui révèle que leur séjour était court. [...] Rappelez-vous, cependant, que ce nombre ne prend en compte que ceux qui sont entrés légalement, et non les illégaux, outre le fait qui, même si la majorité des étrangers était constituée de réfugiés, il y avait aussi parmi eux des citoyens issus de pays neutres, voire même de l’Allemagne, qui n'étaient pas en fuite. [...] Le Joint [JDC, American Joint Jewish Distribution Committee] a signalé qu'entre juin 1940 et mai 1941 environ 40.000 personnes ont traversé le Portugal, un nombre qui s’approche des 42.000 réfugiés déclarés par la Comassis [Comissão Portuguesa de Assistência aos Judeus Refugiados] ». (Pimentel, Irene Flunser, Judeus em Portugal durante a Segunda Guerra Mundial. Em fuga a Hitler e ao Holocausto, Lisboa, A Esfera dos Livros, 2006, p. 119-120). Sur les réfugiés qui sont restés à Lisbonne, Daniel Blaufuks affirme qu’il ne s’agit que de 50 personnes. (Blaufuks, Daniel, Sob céus estranhos: uma história de exílio, Lisboa, Tinta-da-China, 2007). Retour au texte

2 Irene F. Pimentel explique que « pour diverses raisons, le souvenir de la présence de réfugiés au Portugal, pendant les années 1930 et la Seconde Guerre mondiale, est resté caché jusqu'à la fin des années 1980. Pendant la période de dictature, le régime de Salazar lui-même a submergé cette mémoire et a rendu impossible de faire l'histoire à partir de la période contemporaine proche. Par ailleurs, après le 25 avril, il y avait de nombreuses autres priorités dans le domaine de l'historiographie. Tout était à faire, de la caractérisation du régime à l'étude de ses institutions. Et le thème des réfugiés des années 30-40 du XXe siècle n'était qu'un petit épisode de l'histoire de l'État nouveau. [...] En 1989, l'écrivaine et sociologue allemande Christa Heinrich a commencé à chercher des indices et des bibliographies sur le passage des réfugiés à travers le Portugal. En Allemagne, elle n'avait trouvé que les romans d'Ilse Losa et quelques petits souvenirs d'écrivains qui avaient traversé le Portugal en tant que réfugiés pendant la Seconde Guerre mondiale ». (Pimentel, I. F., Judeus em Portugal durante a Segunda Guerra Mundial. Em fuga a Hitler e ao Holocausto, op.cit, p. 18-19). Retour au texte

3 Ce roman a été publié en français sous le titre La rose américaine (1997) dans les Éditions La Découverte et Syros, traduit par Vivette Desbans. Retour au texte

4 Il importe de rappeler que Si c’est un homme de Primo Levi (de son titre original en italien, Se questo è un uomo), ouvrage phare de la littérature de la Shoah, a été publié en 1947, c’est-à-dire, seulement deux ans avant le premier roman d’Ilse Losa, O Mundo em que vivi. Retour au texte

5 Parmi ces femmes qui ont vécu de près les atrocités nazies et qui en ont fait le fil conducteur de leur œuvre, nous trouvons le nom de quelques écrivaines aujourd’hui reconnues aussi bien par la critique que par le public comme Anna Langfus, Anna Seghers, Anne Frank, Anne-Lise Stern, Charlotte Delbo, Chava Rosenfarb, Ida Fink, Nelly Sachs, Ruth Klüger, entre autres. Retour au texte

6 Nolden, Thomas et Malino, Frances, Voices of the diaspora. Jewish Women Writing in Contemporary Europe, Evaston, Northwestern University Press, 1992, XI. Retour au texte

7 Gisela Bock, « Le Nazisme. Politiques sexuées et vies des femmes en Allemagne », in Georges Duby et Michelle Perrot, Histoire des femmes. Le XXe siècle, vol. 5, Paris, Plon, 1992, p. 145, 146, 150. Retour au texte

8 Nouss, Alexis, « Juive et pornographique : Else Lasker-Schüler », in Femmes et Exils, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2010, p. 258. Retour au texte

9 Dominique Maingueneau, Le discours littéraire. Paratopie et scène d’énonciation, Paris, Armand Colin, 2004, p. 52-53. Retour au texte

10 D’après ses recherches dans les archives de la Torre do Tombo, à Lisbonne, Ana Isabel Marques nous fait savoir que, bien que la PVDE (Police de Vigilance et Défense de l'État) ait mené quelques procès contre le couple Ilse et Arménio Losa, la grande majorité de ces documents a été délivrée par la PIDE (Police Internationale et de Défense de l’État) qui a été créée le 22 octobre 1945. cf. Marques, Ana Isabel, « Imagens de Portugal no romance Sob céus estranhos de Ilse Losa », in Oliveira, T. M. et Teixeira, M. A. G. (org.), De passagem : artistas de língua alemã no exílio português, Porto, Instituto de Literatura Comparada Margarida Losa (FLUP) et Edições Afrontamento, 2019, p. 49. Retour au texte

11 Idem. Retour au texte

12 Marques, Ana Isabel, As Traduções de Ilse Losa no Período do Estado Novo: Mediação Cultural e Projecção Identitária [thèse de doctorat en Langues et Littératures Modernes], Coimbra, Faculdade de Letras da Universidade de Coimbra, 2009, p. 85. <https://estudogeral.uc.pt/handle/10316/12615>. Consulté le 13/12/20. Retour au texte

13 Harel, Simon, Les passages obligés de l’écriture migrante, Montréal, XYZ éditeur, 2005, p. 60. Retour au texte

14 Marques, Karina (org.), Ilse Losa : estreitando laços. Correspondência com os pares lusófonos (1948-1999), Porto, Afrontamento, 2018, p. 173. Retour au texte

15 Idem. Retour au texte

16 Vogt, Jochen, « Exílio em Portugal – estudos sobre o exílio na República Federal da Alemanha. Reflexões de um germanista alemão », in Oliveira, T. M. et Teixeira, M. A. G., De passagem : artistas de língua alemã no exílio português, Porto, Instituto de Literatura Comparada Margarida Losa (FLUP) et Edições Afrontamento, 2019, p. 14. Retour au texte

17 Ses ouvrages O Mundo em que vivi (1949), Sob céus estranhos (1962) e Caminhos sem destino (1991) ont été traduits en allemand, le deuxième titre a été traduit par l’auteure elle-même : Ilse Losa, Die Welt in der ich lebte, Maralde Meyer-Minnemann (trad.), Fribourg, Beck & Glückler, 1990 ; Unter fremden Himmeln, Ilse Losa (trad.), Fribourg, Beck & Glückler, 1991; Tagträume und Erzählungen der Nacht, Elfriede Engelmayer et Gesa Hasenbrink (trad.), Fribourg, Beck & Glückler, 1992. Retour au texte

18 Avec Óscar Lopes, Ilse Losa a publié une anthologie de conteurs portugais en Allemagne, Portugiesische Erzähler (1962), et une anthologie de poètes modernes portugais, Ich kann die Liebe nicht vertagen : Moderne portugiesische Lyrik (1969). Avec Óscar Lopes et Egito Gonçalves, elle a publié un recueil de contes portugais modernes, Erkundungen : 30 portugiesische Erzähler (1973). En outre, elle a traduit plusieurs écrivains de l’allemand en portugais dont nous pouvons citer Anna Seghers, Bertolt Brecht, Erich Kästner, Günter Eich, Hans Christian Andersen, Ivo Andric, Max Frisch et Thomas Mann. Elle a encore traduit du portugais vers l’allemand le roman Seara de Vento (Saat des Windes) de Manuel da Fonseca. Nous pouvons mentionner, enfin, la traduction de Le Journal d’Anne Frank directement du hollandais vers le portugais. Retour au texte

19 Cf. Marques, Ana Isabel, As Traduções de Ilse Losa no Período do Estado Novo: Mediação Cultural e Projecção Identitária, op. cit., 2009. Retour au texte

20 Denis, Benoît, Littérature et engagement. De Pascal à Sartre, Paris, Éditions du Seuil, 2000, p. 30. Retour au texte

21 Ibidem, p. 30 et 31. Retour au texte

22 Maingueneau, Dominique, « Ethos, scénographie, incorporation », in Amossy, R. (org.), Images de soi dans le discours. La construction de l’ethos, Lausanne, Delachaux et Niestlé, 1999. Retour au texte

23 Diaz, Brigitte, L’épistolaire ou la pensée nomade, Paris, PUF, 2002, p. 215. Retour au texte

24 Marques, Karina, Ilse Losa : estreitando laços. Correspondência com os pares lusófonos (1948-1999), op. cit., p. 12. Retour au texte

25 Maingueneau, Dominique, “Ethos, scénographie, incorporation”, op. cit., p. 76. Retour au texte

26 Marques, Karina, Ilse Losa : estreitando laços. Correspondência com os pares lusófonos (1948-1999), op. cit. p. 115. Retour au texte

27 Ibid., p. 213. Retour au texte

28 Ibid., p. 176. Retour au texte

29 Gama, Manuel, « Da censura à auto-censura », CEH - FC - Livros de Actas, Braga, Universidade do Minho, 2009, p. 2. Retour au texte

30 Marques, Karina, Ilse Losa : estreitando laços. Correspondência com os pares lusófonos (1948-1999), op. cit., p. 127. Retour au texte

31 Ibid., p.140. Retour au texte

32 Diaz, Brigitte, « Correspondances et archives de la création », in Revue de l'Aire. Épistolaire : archives de la création ; expériences du temps dans les correspondances, N° 38, Paris, Honoré Champion, 2012, p. 9. Retour au texte

33 Amossy, Ruth, « La notion d’ethos de la rhétorique à l’analyse du discours », Images de soi dans le discours. La construction de l’ethos, Lausanne, Delachaux et Niestlé, 1999, p. 17. Retour au texte

34 Méchoulan, Éric, « Introduction. Des archives à l’archive », Intermédialités / Intermediality, No 18, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2011, p. 9. Retour au texte

35 Marques, Karina, Ilse Losa : estreitando laços. Correspondência com os pares lusófonos (1948-1999), op. cit., p. 198. Retour au texte

36 Communication orale présentée dans le cadre de la table ronde « Centenaire de Mário Dionísio (1916-1993). Écrivain, peintre, intellectuel engagé » le 6/04/2016 à l’Université Rennes 2, organisée par Karina Marques, Pauline Champagnat et André Belo, < http://noticias.centromariodionisio.org/?p=5521 >, consulté le 13/12/2020. Retour au texte

37 Idem. Retour au texte

38 Idem. Retour au texte

39 Site Casa da Achada – Centro Cultural Mário Dionísio : < http://www.centromariodionisio.org/>, consulté le 13/12/2020. Retour au texte

40 Site John Hay LibraryBrown University : <https://library.brown.edu/exhibits/archive/migueis/>, consulté le 13/12/2020. Retour au texte

41 Cf. Marques, Karina, « A construção do ‘ethos’ autoral losiano através do diálogo epistolar entre Ilse Losa e Mário Dionísio », in Interdisciplinar-Revista de Estudos em Língua e Literatura, São Cristóvão, UFS, v. 26, sep.-déc. 2016, p. 137-150. Disponible en ligne : <https://seer.ufs.br/index.php/interdisciplinar/article/view/6303>, consulté le 13 décembre 2020. Retour au texte

42 Maingueneau, Dominique, « Ethos, scénographie, incorporation », op. cit., 1999, p. 76. Retour au texte

43 Idem. Retour au texte

44 Harel, Simon, Les passages obligés de l’écriture migrante, op. cit., 2005, p. 60. Retour au texte

45 Diaz, Brigitte, L’épistolaire ou la pensée nomade, op. cit., 2002, p. 215. Retour au texte

46 Amossy, Ruth, « La notion d’ethos de la rhétorique à l’analyse du discours », op. cit., 1999, p. 17. Retour au texte

47 Maingueneau, Dominique, « Ethos, scénographie, incorporation », op. cit., 1999, p. 76. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Karina Marques, « La correspondance d’Ilse Losa avec ses pairs lusophones (1948-1999) : engagement, construction auctoriale et enjeux archivistiques », Reflexos [En ligne], 5 | 2022, mis en ligne le 07 novembre 2022, consulté le 19 avril 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/reflexos/245

Auteur

Karina Marques

Maîtresse de conférences à l’Université de Poitiers

karina.marques@univ-poitiers.fr

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