Science et politique : Ioulian Grigorevitch Oksman (1895-1970)

Historien hors pair de la littérature russe du XIXe siècle, spécialiste de l’œuvre de Pouchkine et des courants d’opposition au tsarisme, Oksman joua un rôle central dans la science soviétique des années 1920-1930 avant d’être arrêté en 1936. À sa libération du camp en 1946, il enseigna dix ans à Saratov, puis, réhabilité, retrouva à partir de 1958, son prestige académique et s’installa à Moscou. Un des plus déterminés à réclamer la dénonciation publique et la mise à l’écart de ceux qui avaient été les soutiens les plus actifs de la répression dans les milieux littéraires pendant la terreur, il insistait également pour le rétablissement de relations normales avec la science occidentale et avec la diaspora russe. Cette volonté de communiquer avec l’étranger, y compris en contribuant aux éditions américaines de Mandelstam, Goumilev, Akhmatova, fut la source d’une nouvelle confrontation avec le pouvoir en 1963-1964 qui fit de lui à nouveau un paria dont le nom fut quasiment tabou jusqu’à la perestroïka. L’article met en lumière le rôle d’Oksman en tant que figure centrale de la déstalinisation culturelle. Il insiste sur l’originalité de son action qui s’exerçait à travers des formes insoupçonnées, dépassant largement le cadre de l’édition érudite et du rattrapage culturel. L’étude s’achève par l’évocation de ses pages de mémoires et par l’analyse d’un texte consacré à Gorki, qu’il a approché lorsqu’il était directeur-adjoint de la Maison Pouchkine dans les années 1930.