La traduction SHS en Albanie

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Texte

I. Introduction

L'albanais, en tant que langue, occupe une position périphérique sur la scène mondiale de la traduction, non seulement en raison du faible nombre de locuteurs (Heilbron, 1999), mais également en raison de sa visibilité limitée et de sa présence restreinte dans les échanges scientifiques internationaux. Cette perspective de flux nous plonge dans la « sociologie de la traduction », une approche globale qui intègre des éléments tels que la politique et les échanges culturels.

L'évolution de la traduction dans le contexte des sciences humaines et sociales en Albanie est étroitement liée à l'évolution même de ces disciplines. Sous le régime communiste de 1945 à 1990, les SHS ont été entravées par des contraintes politiques, se basant principalement sur la littérature scientifique soviétique, engendrant une stagnation et une dépendance aux paradigmes de l'époque (Tarifa, 1993). Les premières années suivant la chute du régime communiste, décrites par F. Tarifa (1996: 108), étaient marquées par des conditions difficiles, avec un manque flagrant de ressources pour la recherche en SHS.

La chute du régime communiste a ouvert de nouvelles perspectives, favorisant l'évolution des études en SHS en Albanie. Depuis 1990, une diversification remarquable s'observe dans les langues utilisées pour les traductions, reflétant la volonté de participer à des dialogues transnationaux et d'enrichir les connaissances à partir de différentes cultures. L'augmentation des traductions est également influencée par des événements régionaux, notamment au Kosovo, pays albanophone très proche de l'Albanie.

Centrée sur les SHS en Albanie, cette étude présente le travail que nous avons réalisé, examinant les traductions publiées dans des disciplines telles que la psychologie, la sociologie, la philosophie, l'histoire, l'archéologie et l'anthropologie. Cette analyse vise à mettre en lumière le rôle des traductions dans les échanges académiques dans ces domaines, tant vers que depuis l'albanais.

II. Travaux précédents

D'autres chercheurs ont élargi le champ d'investigation de la traduction en abordant spécifiquement les textes dans les sciences humaines et sociales, en se penchant sur les acteurs du marché international de l'édition, sa logique ainsi que le mécanisme économique, notamment Gisele Sapiro et al. dans Translatio. Une autre étude qui présente des similarités avec notre projet actuel est celle menée par Ester Torres Simón sur la traduction du coréen en anglais entre 1950 et 1974.

En ce qui concerne l'albanais, comme nous l'avons mentionné précédemment,

le déficit en travaux traductologiques en Albanie s'inscrit dans un contexte plus vaste de lacunes dans la recherche scientifique dans le pays. Selon le rapport de Scimago Journal pour la période 1996-2022, ainsi que pour l'année 2022, l'Albanie figure parmi les trois derniers pays d'Europe de l'Est en termes d'activité de recherche1. Cette situation précaire s'applique également aux sciences en général, incluant les sciences sociales et la traductologie.

Cependant, il est important de souligner que les données de l'Index Translationum et quelques initiatives européennes, comme le Balkan Translation Collider, se concentrent principalement sur la traduction littéraire. Ce projet, soutenu par le programme Europe Créative et dirigé par le Réseau Européen des Centres Internationaux de Traducteurs littéraires (RECIT), avait pour objectif de cartographier les traductions littéraires des langues des Balkans vers d'autres langues européennes pour la période 2015-2020.

III. Méthodologie

Nous avons entrepris une démarche visant à dresser un « état des lieux » des flux de traduction dans le domaine des sciences humaines et sociales (SHS) en Albanie. Notre choix s'est porté sur l'analyse du support du livre, avec une exclusion délibérée des rééditions. Cette approche vise à examiner les tendances du marché dans une perspective diachronique, couvrant une période de trois décennies, de 1990 à 2022. Cette sélection s'est justifiée par le désir d'obtenir une vision précise de l'évolution des flux de traduction au fil du temps, en mettant l'accent sur des publications spécifiques dans le territoire de la République d'Albanie.

La période choisie englobe la transition post-communiste, marquée par des changements significatifs sur les plans politique, social et linguistique en Albanie. De plus, notre choix de couvrir jusqu'à l'année 2022 permet d'observer les éventuelles incidences des événements, tels que la pandémie de Covid-19, sur les flux de traduction dans les SHS en Albanie.

3.1 Collecte des données

Selon les informations fournies par le personnel de la bibliothèque de la plus grande faculté de sciences sociales en Albanie (l'Université de Tirana), il n'existe pas de logiciel professionnel de recensement bibliographique exhaustif pour les œuvres publiées dans notre domaine d'étude. Par conséquent, nous avons identifié le catalogue de la bibliothèque nationale comme la source la plus complète et fiable. Nous avons également pris en compte l'utilisation de bases de données commerciales de niveau international, telles que Amazon, ainsi que des bases de données nationales, telles que Adrion Ltd., Libra.al et Bukinisti, afin d'obtenir un aperçu plus complet du nombre de livres traduits et disponibles au public. Cependant, nous avons constaté certaines limitations dans l'utilisation de ces bases de données. En particulier, il n'était pas possible d'effectuer une recherche avancée en fonction de la langue d'origine. De plus, les informations sur la langue source n'étaient pas mentionnées dans les fiches de chaque livre.

Il est important de noter que nous n'avons pas opté pour une collecte de données directe auprès des maisons d'édition. Cette décision découle principalement du grand nombre de maisons d'édition actives dans le pays, rendant l'obtention et l'analyse croisée des données extrêmement chronophages et complexes. Cependant, nous avons pris soin de considérer cet aspect lors de notre sélection de sources de données alternatives, dans le but d'obtenir une représentation pertinente et significative du flux de traduction en sciences sociales et humaines en Albanie.

Bibliothèque nationale d’Albanie comme base de données : avantages et limites

Fondée en 1920, elle est la principale bibliothèque du pays et une importante institution de recherche scientifique. Elle joue également le rôle de la principale agence ISBN pour les publications albanaises depuis 19982. En plus de recueillir des informations dans la bibliographie actuelle, son département bibliographique s'emploie à établir des bibliographies rétrospectives, y compris des bibliographies d'ouvrages en albanais publiés à l'étranger. Depuis 2009, la Bibliothèque nationale d’Albanie met ses catalogues à disposition du public, avec des documents de différentes typologies : livres, articles, dissertations en version numérique et papier, documents audiovisuels, etc. La recherche ici peut aussi se faire en limitant les résultats selon la langue, l’année de publication, les mots-clés et le format.

Avantages :

La bibliothèque nationale possède une large base de données complète et unique pour la publication en langue albanaise, répertoriant tout livre publié dans le territoire albanais, comme les maisons d'éditions ou les éditeurs indépendants, ainsi que les publications de la presse universitaire. Tous les éditeurs sont tenus de soumettre leurs ouvrages à la Bibliothèque nationale d'Albanie et d'y déposer plusieurs copies. Au niveau plus concret, dans la fiche de chaque livre nous pouvons trouver les informations bibliographiques typiques : auteur, traducteur, mots-clés, éditeur, année de publication.

Limites :

Malheureusement, la base de données fournie par cette institution présente plusieurs difficultés et lacunes, ce qui limite notre étude dans certaines dimensions. L'un des problèmes majeurs est le manque de consistance dans les données, ce qui rend la collecte des informations assez complexe. Par exemple, il n'existe pas de filtre permettant d'exclure les nouvelles éditions d'un même ouvrage. Bien que la plupart des fiches mentionnent si l'ouvrage est une réédition ou non, nous ne pouvons pas trier les données de manière automatisée.

Un autre problème, voire plus important, est l'absence d'un champ spécifique pour indiquer la « langue originale » ou la « langue traduite ». Dans de nombreux cas, les seules informations disponibles sont le titre traduit et le nom de l’auteur (écris phonétiquement en albanais), sans aucune indication sur la langue d'origine. Outre le fait que la recherche de la langue originale d'un ouvrage est une tâche chronophage, cela limite notre capacité à analyser l'utilisation des langues intermédiaires pour la traduction de nombreux ouvrages, ce qui aurait pu apporter une dimension significative à notre travail.

De plus, nous avons rencontré des défauts avec les filtres existants. Bien que nous ayons effectué toutes les recherches en utilisant le filtre « Langue : albanais », nous avons constaté que certains résultats incluent des ouvrages rédigés dans des langues étrangères.

Un autre inconvénient de l'utilisation de cette plateforme est la présence de répétitions, où un même ouvrage avec le même numéro ISBN apparaît jusqu'à quatre fois dans les résultats. De plus, il n'est pas possible de télécharger la liste des ouvrages dans un format exploitable, ce qui rend le processus de travail long et laborieux. En raison de toutes ces limitations, la seule manière d'obtenir des résultats pertinents a été de procéder à une extraction manuelle des données.

Utilisation de l'Index Translationum pour les traductions depuis l'albanais

Pour examiner les flux sortants, notre analyse s'appuie sur la base de données de l'Index Translationum, établie en 1932 par la Ligue des Nations et transférée à l'UNESCO en 1946. En plus de son accès libre, cette ressource bibliographique embrasse plus de 200 langues sur une période étendue, offrant ainsi une perspective exhaustive des flux de traduction. Cependant, les données de l'Index Translationum disponibles pour notre étude se limitent à l'année 2010 pour les langues sources et cibles.

Afin de clarifier cette limitation temporelle, nous avons pris l'initiative de contacter le bureau bibliographique de la Bibliothèque nationale de l'Albanie. Cependant, nous n'avons pas obtenu d'explications détaillées sur la disponibilité des données sur le site de l'Index. Néanmoins, la bibliothèque a généreusement fourni des documents au format PDF contenant les titres traduits, permettant ainsi de recueillir des informations sur les traductions en albanais.

Il est important de souligner que ces documents présentent une disponibilité limitée d'ouvrages traduits dans la langue albanaise. De plus, les données sont fournies sous forme de texte plutôt que de tableau, ajoutant une complexité à l'analyse qui requiert un investissement de temps et d'efforts supplémentaires.

3.2 Analyse des données

Dans cette étude, nous avons examiné différentes variables pertinentes pour analyser les flux de traduction dans le domaine des sciences humaines et sociales en Albanie. Les variables sélectionnées incluent la langue de l’œuvre originale, la discipline à laquelle elle appartient et l’année de publication.

Nous avons calculé la fréquence de chaque langue dans l'ensemble des traductions vers l'albanais. Pour la variable « discipline », nous avons déterminé la répartition des ouvrages traduits dans différentes disciplines. En ce qui concerne la variable « année de publication », une analyse de la distribution temporelle des traductions a été effectuée.

Nous avons présenté la distribution des langues en termes de fréquence, accompagnée du calcul de la moyenne du nombre de traductions pour chaque langue originale ou traduite, offrant ainsi une indication de la tendance centrale des données. Pour évaluer l'impact des disciplines sur les traductions en SHS vers l'albanais, nous avons analysé la fréquence des langues pour chaque discipline.

IV. Résultats de l’analyse statistique

Répartition des langues depuis et vers lesquelles on traduit

Nous pouvons observer une grande variété de langues sources dans le contexte de la traduction en Albanie. En examinant les données, on constate la présence d'une multitude de langues, lorsqu’on se penche sur les langues sources les plus prédominantes, l'anglais se démarque nettement avec 870 ouvrages, soit près de la moitié du total des titres traduits. Le français occupe la deuxième position, suivi de près par l'italien et l'allemand. En plus des langues plus répandues, on observe également la présence de langues issues de la région des Balkans, telles que le grec avec 20 titres, ainsi que d'autres langues comme le russe et l'arabe.

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Source : BNA

Quant au flux sortant, les données des traductions de l'albanais révèlent que l'anglais est la langue cible la plus fréquente, ce qui en fait la mode statistique. Avec 49 titres traduits, représentant près de 35 % du total, l'anglais se positionne en tête du classement. Suivi par le français et l'allemand, respectivement avec 27 % et 12 % des titres traduits, ces langues confirment leur présence significative dans le domaine de la traduction de l'albanais. On observe également la présence de langues régionales telles que le grec, le macédonien, le turc, etc., mais elles apparaissent plus loin dans le tableau des fréquences. La moyenne annuelle des traductions depuis l'albanais pour la période 1990-2009 s'élève à 7 livres.

Langues vers lesquelles les traductions sont réalisées

      Langues vers lesquelles les traductions sont réalisées

Source : Index Translationum.

Langues et disciplines : tendances

L'anglais se démarque comme la langue source la plus fréquente dans toutes les disciplines étudiées. Dans le domaine de la psychologie, on constate que l'anglais est suivi de près par l'allemand. Par ailleurs, il est pertinent de mentionner la présence du turc dans la discipline de l'histoire avec 38 titres. Ce phénomène peut s'expliquer par les liens historiques de l'occupation ottomane. Le français, l'allemand et l'italien sont également des langues sources fréquentes, témoignant de leur importance dans des domaines spécifiques tels que la philosophie, la sociologie, l'histoire et les sciences politiques. Selon notre analyse, la moyenne annuelle des livres traduits vers l'albanais s'élève à 56 titres.

Les données analysées révèlent une répartition significative des ouvrages traduits selon les différentes disciplines. L'histoire se positionne en tête avec le plus grand nombre d'ouvrages traduits pendant la période étudiée, suivie de près par la philosophie et la psychologie. Cette dominance de l'histoire s'explique en partie par le contexte géopolitique du pays et de la région.

Tendances temporelles au cours des décennies

Dans notre étude, nous avons également cherché à analyser les tendances temporelles afin de mieux appréhender l'évolution de la traduction dans les sciences humaines et sociales au cours des 32 dernières années. Cette analyse, que ce soit selon la langue d'origine ou la discipline, nous a permis d'obtenir une vision plus claire des fluctuations et des changements dans ce domaine.

Les résultats ont également mis en évidence un nombre limité de traductions pour les premières années qui ont suivi la chute du régime communiste, jusqu'après l'année 1997, marquée par des émeutes causées par la crise des « pyramides financières3 » en Albanie. Ces événements historiques ont pu avoir un impact sur la production et la traduction des ouvrages dans les sciences humaines et sociales, entraînant une période de transition et d'incertitude.

Nous avons observé une augmentation significative du nombre de traductions et de publications à partir de l'année 2000, marquant une période de croissance importante dans le domaine de la traduction SHS en Albanie. Cependant, la décennie suivante a connu une légère baisse du nombre de titres traduits. Cette baisse s'est accentuée après le début de l'année 2020 avec la pandémie de COVID-19, entraînant une diminution drastique de 78,9 % des traductions. Celle-ci témoigne de l'impact de la crise sanitaire sur les activités éditoriales et de traduction.

Marché de l’édition

Le marché de l'édition en Albanie est caractérisé par sa fragmentation et sa diversité. Selon les sources fournies par le ministère de la culture, on estime qu'il existe actuellement 174 maisons d'édition4 en Albanie, ce qui est un chiffre très élevé pour une population d'environ 2,76 millions d'habitants5. Il convient de noter que cette fragmentation peut également présenter des défis, notamment en termes de visibilité et de distribution des ouvrages. La concurrence entre les maisons d'édition peut rendre difficile la diffusion des livres et leur accès au public étranger. De plus, la diversité des acteurs et des pratiques sur le marché peut également entraîner des variations de qualité et de normes éditoriales.

Ces résultats soulignent une disparité importante entre le nombre d'ouvrages produits et publiés sur le marché albanais et ceux qui parviennent à atteindre un public étranger. Cette disparité est une caractéristique des langues périphériques en général. Cela peut s'expliquer par le fait que la promotion et la diffusion des traductions sur le marché international sont plus complexes et difficiles à réaliser. D’ailleurs, selon le rapport de Balkan Translation Collider, les budgets consacrés à la traduction dans les pays des Balkans sont généralement modestes, ce qui limite les ressources disponibles pour soutenir activement ce secteur. De plus, les rémunérations accordées aux traducteurs ne reflètent pas toujours la complexité et la responsabilité inhérentes à leur travail (Aida Čengić et al. 2021 :37).

L'instabilité politique et la transition post-communiste en Albanie ont profondément façonné le marché de l'édition, contribuant à sa nature éclatée et fragmentée. Après la chute du régime communiste en Albanie, le pays a connu une période de transition tumultueuse dans l'industrie de l'édition. Les institutions culturelles et les maisons d'édition d'État, qui étaient autrefois soutenues par le régime, se sont effondrées, laissant un vide important dans le paysage éditorial (Elsie, 2005). De plus, le marché de l'édition en Albanie a dû faire face à des défis économiques importants. Les maisons d'édition privées ont émergé dans un contexte de ressources financières limitées, ce qui a entraîné des budgets modestes pour la production, la promotion et la distribution des livres (Elsie, 2005).

L'un des obstacles majeurs réside dans le public restreint, étant donné qu'il s'agit « principalement de chercheurs en sciences humaines, généralement impliqués dans des réseaux internationaux » (Berrichi, 2012:20).

V. Conclusions et perspectives

Premièrement, nous avons constaté une prépondérance des langues telles que l'anglais, le français et l'italien dans les flux de traduction. Ces résultats ont confirmé nos attentes initiales et ont révélé des tendances et des motifs intéressants dans le domaine de la traduction ainsi que dans les sciences humaines et sociales. De plus, nos résultats ont mis en évidence une asymétrie dans les échanges de connaissances, avec un nombre important de titres traduits vers l'albanais par rapport aux traductions effectuées à partir de cette langue. Dans l'ensemble, nos résultats contribuent à une meilleure compréhension générale de la traduction des disciplines des SHS en Albanie.

L'interprétation de nos résultats souligne l'importance de la traduction pour la diffusion et l'accès aux connaissances en sciences humaines et sociales en Albanie. Les langues prédominantes dans les flux de traduction reflètent l'influence et l'accessibilité des publications dans ces langues étrangères. De plus, l'asymétrie dans les flux de traduction met en évidence des déséquilibres potentiels dans la circulation des savoirs, avec une focalisation plus importante sur la traduction vers l'albanais plutôt que depuis cette langue. Ces résultats soulignent la nécessité de promouvoir davantage les traductions depuis l'albanais afin de faciliter la diffusion des recherches menées localement.

Il est important de souligner les limites de ce travail. Une des principales limitations de cette étude réside dans le caractère non exhaustif des données, principalement en raison des limitations inhérentes aux bases bibliographiques utilisées. Une approche permettant de surmonter cette limitation consisterait à croiser les sources commerciales avec des sources institutionnelles telles que les bibliothèques nationales et l'Index Translationum. Cependant, cette démarche s'avère complexe en raison des classifications différentes utilisées dans ces différentes sources, ainsi que du manque de critères de comparaison uniformes. Il convient également de noter que l'extraction manuelle des données peut entraîner une marge d'erreur plus élevée.

Il serait bénéfique de réaliser une étude ultérieure en adoptant une approche qualitative afin d'explorer plus en détail les flux et la circulation du savoir dans le domaine des sciences humaines et sociales. Cela pourrait être réalisé en menant des entretiens avec les acteurs clés du marché tels que les traducteurs, les éditeurs et les sociologues. Une approche qualitative permettrait d'obtenir des informations approfondies sur les pratiques, les motivations et les défis rencontrés dans le processus de traduction, ainsi que sur l'impact de ces traductions sur la circulation du savoir. Par ailleurs, il serait intéressant d'entreprendre une étude similaire sur les traductions dans le domaine des sciences humaines et sociales pendant la période communiste, afin de pouvoir comparer les résultats et observer les évolutions au fil du temps.

De plus, pour obtenir une image plus complète des traductions en langue albanaise, il serait pertinent d'inclure les traductions réalisées au Kosovo, en Macédoine du Nord et au Monténégro. Ces régions ont des particularités linguistiques et des politiques de subvention qui influencent le marché des traductions. Par exemple, l'albanais est la seconde langue officielle en Macédoine du Nord6. Au Monténégro, l'albanais est considéré comme une langue minoritaire, mais il bénéficie d'un « usage officiel7 » selon la constitution de 2007.

Dans le même ordre d'idées, il serait pertinent d'explorer l'impact des traductions réalisées par la diaspora albanaise, qui « joue un rôle important dans le développement économique, social et culturel de l'Albanie8 » (Barjaba, 2015). Une analyse approfondie des traductions issues de la diaspora permettrait de mieux comprendre les dynamiques spécifiques des marchés internationaux de la traduction.

Enfin, sur un plan plus large, il serait pertinent de mener une étude approfondie sur la traduction dans les sciences humaines et sociales, en explorant des aspects tels que l'utilisation de langues intermédiaires dans la traduction depuis l'albanais, la traduction de concepts philosophiques, la qualité des traductions, ainsi que la perception des étudiants et des spécialistes à l'égard des traductions dans ces domaines. Une telle étude permettrait d'approfondir notre compréhension des enjeux spécifiques liés à la traduction des sciences humaines et sociales et d'identifier d'éventuelles pistes d'amélioration.

Note de fin

1 SJR - International Science Ranking, https://www.scimagojr.com/countryrank.php?region=Eastern%20Europse.

2 Domi, Etleva. "Albanian Libraries in a Changing Society." Library Trends, vol. 63 no. 4, 2015, p. 647-662. Project MUSE, [doi:10.1353/lib.2015.0025] consulté le 27/05/2023.

3 Voir Gayraud, Jean-François. « Crises financières et escroqueries systémiques : l'exemple oublié de l'Albanie postcommuniste », Sécurité globale, vol. 12, no. 2, 2010, pp. 123-132.

4 Chiffre fourni par le ministère de la Culture, document disponible en annexe 3.

5 Chiffre obtenu à partir des données fournies par l'Institut des Statistiques Albanais : [https://www.instat.gov.al/en/themes/demography-and-social-indicators/population/publication/2023/population-of-albania-on-1st-january-2023/], consulté le 30/05/23.

6 On the official language of the republic of North Macedonia, https://www.bas.bg/wp-content/uploads/2020/12/Za-oficialnia-ezik-na-RSM-EN-Online-Version.pdf

7 Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, "Troisième Avis sur le Monténégro" https://rm.coe.int/3eme-avis-montenegro-fr/168096951c, consulté le 30.05.23

8 Traduit de l'anglais « Diaspora is playing an important role in the economic, social and cultural development of Albania. »

Illustrations

Citer cet article

Référence électronique

Rexhina Kulla, « La traduction SHS en Albanie », La main de Thôt [En ligne], 11 | 2024, mis en ligne le 05 février 2024, consulté le 28 avril 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/lamaindethot/1264

Auteur

Rexhina Kulla