Langues nationales et traduction (Séance du 28/03/2014)

Plan

Texte

Meritxell SORIA ORTI (UAB) : La autotraducción “in mente” en obras africanas postcoloniales de lengua portuguesa de Mozambique: el caso de Amor de Baobá de Suleiman Cassamo

La reflexion s’appuie sur les définitions de l’autotraduction suivantes :

Rainier Grutman : le processus de traduction de ses propres textes dans une autre langue ou bien au résultat de cette opération” (GRUTMAN, 2000.)

Francesc Parcerisas :“proceso por el cual un autor vierte su propia obra en otra lengua” (PARCERISAS, 2002, p. 13-14)

L’autotraduction est vue comme une traduction privilégiée et l’autotraducteur comme un traducteur privilégié.

Selon Helena Tanqueiro, les conditions de traductions dans le processus d’autotraduction sont les suivantes :

  • Connaissance du processus de création ;

  • Accès à la véritable intention de l’auteur ;

  • Connaissance de l’importance des éléments de l’œuvre ;

  • Invisibilité ;

  • Distance zéro entre autor et traducteur ;

  • Autorité ;

  • La bilinguisme/biculturalisme de l’auteur/traducteur annule les difficultés.

Selon Helena Tanqueiro, l’autotraduction “in mente” est ce processus opaque et invisible que l’auteur ne matérialise pas dans un texte, mais qui est un processus mental simultanné à celui de l’écriture originale1. Une œuvre écrite par un auteur bilingue ou biculturel pour des lecteurs qui ne connaissent pas les deux cultures présente des caractéristiques de traduction étant donné que l’auteur assume le rôle d’auteur-traducteur d’une œuvre qui serait originale.

Pour les auteurs postcoloniaux mozambiquais comme Suleiman Cassamo, la littérature est un élément fondamental pour la construction d’une identité nationale. Ecrivant en portugais, S. Cassamo recherche des procédés linguistiques leur permettant de faire entendre le multilinguisme (bantou-portugais) du contexte de leur oeuvre (formes de résistances sémantiques, lexicales et syntactiques, représentation de la tradition orale, question de la mémoire et du sang)

Amor de baobá (1998 Maputo/ 1997 Lisboa) est un recueil de nouvelles qui relate la vie urbaine dans le sud du pays. Cette oeuvre, critique politique et sociale, met en scène la dichotomie élites/habitants de la périphérie et recrée un contexte multilingue.

L’étude des nouvelles montre une série de stratégies utilisées par l’auteur/traducteur qui renvoient à l’existence de l’autotraduction “in mente” (notamment en ce qui concerne les référents culturels). Ainsi, la majorité des problèmes culturels qui peuvent se poser en traduction ont déjà été résolus par l’auteur mui-même.

Les littératures africaines en langues européennes, lorqu’elles sont écrites par des auteurs bilingues sont en elles-même des traductions.

Francesc PARCERISAS (UAB) : Consideraciones sobre la asimetría en las traducciones entre las lenguas peninsulares

Le propos est de fournir quelques éléments sur l’asymétrie en traduction, particulièrement dans l’état espagnol.

Il y a actuellement 7000 langues vivantes dans le monde et 900 sont menacées de disparition. Certaines langues sont utilisées comme langues intermédiaires (“langue-passerelle”) pour communiquer au plus grand nombre. Elles jouent donc un rôle essentiel pour la divulgation de certaines œuvres écrites en mangues minoritaires mais, en même temps, elles tendent à s’imposer au détriment de certaines langues et le risque est de fausser le rapport aux œuvres originales dans ces langues dites “minoritaires”. Une langue ne devient pas langue-passerelle toujours parce qu’elle permet d’ouvrir des portes vers de nouveaux horizon mais aussi parfois, comme c’est le cas de l’espagnol, pour des raisons coloniales.

Cette asymétrie des langues est très manifeste dans la péninsule espagnole Les locuteurs en euskera, catalans, galicien o asturien sont non seulement en moindre nombre que ceux qui parlent en espagnol mais ils parlent également tous l’espagnol, comme les personnes parlant breton parlent aussi le français.

Nous pourrions croire que les langues qui bénéficient du plus grand nombre de locuteurs (chinois, anglais, espagnol) sont les langues vers lesquelles on traduit le plus Mais ce n’est pas le cas. Selon l’Index Translationum2 les langues vers lesquelles on traduit le plus sont l’allemand et le français. Des langues à faibles démographie peuvent aussi figurer dans les 30 premières langues de traduction (tchèque, finnois, slovène, catalan…)

Top trente des langues de traduction :

1

German

301934

2

French

240043

3

Spanish

228557

4

English

164499

5

Japanese

130649

6

Dutch

111270

7

Russian

100806

8

Portuguese

78905

9

Polish

76705

10

Swedish

71209

11

Czech

68921

12

Danish

64864

13

Chinese

63123

14

Italian

59937

15

Hungarian

55214

16

Finnish

48311

17

Norwegian

35161

18

Greek, Modern (1453-)

30459

19

Korean

28168

20

Bulgarian

27457

21

Serbian

23732

22

Estonian

20508

23

Romanian

20468

24

Croatian

19729

25

Slovak

19644

26

Slovenian

18692

27

Catalan

17972

28

Lithuanian

15389

29

Arabic

12711

30

Turkish

11919

Notons que, dans un certain nombre de cas, la traduction dans un pays ne se confond pas avec la traduction vers une langue. L’ISBN espagnol repertorie toutes les traductions publiées en Espagne, tant vers l’espagnol que vers le catalán etc.

Top trente des pays qui traduisent le plus :

1

Alemania

269724

2

España

232850

3

Francia

198573

4

Japón

130496

5

USSR (hasta 1991)

92734

6

Países Bajos

90560

7

Polonia

77715

8

Suecia

73230

9

Dinamarca

70607

10

China, República Popular de

67304

11

Txèquia

62480

12

Federación Rusa

58491

13

Hungría

56868

14

Italia

53322

15

Estados Unidos de Amèroca

52515

16

Finlandia

51710

17

Brasil

50183

18

Noruega

46314

19

Reino Unido

42647

20

Grecia

31486

21

Suiza

31284

22

Canadá

30356

23

Bélgica

29714

24

Bulgaria

28431

25

Corea

27270

26

Portugal

24460

27

Rumania

23231

28

Yugoslavia (hasta 2002)

22294

29

Croacia

22019

30

Estonia

21817

L’Index nous montre que la traduction est la colonne vertébrale de l’Europe, indépendamment du rôle international joué par le pays en question. Dans les 30 premiers pays de traduction apparaissent 24 pays européens. La traduction a dans ces cas joué un rôle de contacts et d’échanges : incorporant au système du pays d’accueil des œuvres majeures d’autres cultures renforçant par là même l’identité linguistique de la culture d’accueil.

Dans le monde actuel, les nécessités opposées d’homogénéisation et de préservation des diversités représentent un défi dans lequel la traduction doit jouer un rôle clé.

Il faudrait répertorier les titres des ouvrages traduits en Europe tout au long du 20ème siècle. La connaissance de ce que nos prédécesseurs considéraient comme des classiques de la littérature universelle nous apprendrait beaucoup sur l’évolution de la pensé dans ces pays.

La traduction part du principe de l’asymétrie. Sans asymétrie, il n’y aurait pas de traduction. Le concept de fidélité ne peut s’entendre que dans un contexte de diversité. Le plus passionnant en ce qui concerne la traduction est de déterminer que qui rapproche et sépare deux cultures et fait qu’à un moment donné l’une des deux cultures va ressentir le besoin de traduire depuis l’autre culture.

Dans l’état espagnol, la traduction entre les langues nationales a toujours été plutôt modeste. D’après Panoramica de la edición española de libros3, voici la totalité des livres édités en Espagne, classés par langue durant l’année 2012 :

LANGUES

NOMBRE D’ISBN CONCÉDÉ EN 2012

% DU TOTAL

NOMBRE DE TRADUCTIONS

% DE TRADUCTIONS

104.724

23.063

22%

castillan

83.079

85,3%

catalan

9.326

9,6%

27.7%

euskera

1.810

1,9%

34,5%

galicien

1.621

1,7%

14,4%

valencien

1.487

1,5%

asturien

65

0,1%

aranais

12

0,0%

aragonais

8

0,0%

Le nombre de traductions entre langues d’Espagne fut :
Du castillan vers le catalan 940
Du castillan vers l’euskera 387
Du castillan vers le galicien 119
Du castillan vers le valencien 94
Du catalán vers le castillan 336
Du castillan vers l’euskera 18
Du castillan vers le galicien 13
Du castillan vers le valencien 24
De l’euskera vers le castillan 37
De l’euskera vers lecatalan 4
De l’euskera vers legalicien 1
Du galicien vers le castillan 65
Du galicien vers lecatalan 7
Du galicien vers l’euskera 5

Une première question se pose à la lecture de ces données : pourquoi le castillan est-il la première langue à partir de laquelle on traduit le plus en catalan, euskera…? N-est-il pas supposé que les locuteurs catalans, euskera, etc. comprennent le castillan? Peut-être s’agit-il de manuels scolaires, textes administratifs. Il faudrait également déterminer à quel point ces textes sont autres que de la littérature infantile ou juvénile. De quelle manière deux textes dans deux langues connues par les mêmes personnes entrent-ils en compétition?

Signalons quelques initiatives remarquables à ce sujet :

  • La collection “La Senda” de la maison d’édition La Polígrafa (Barcelone, Felip Cid, 1969). Editions bilingues castillan-catalan qui ont duré le temps de 17 titres.

  • Projet ambitieux du poète José Agustín Goytisolo de traduire en castillan des oeuvres du patrimoine de la littérature catalane (1985), une initiative soutenue institutionnellement. La maison d’édition qui devait publier ces libres était Llibres del Mall et elle a fait faillite, laissant de nombreuses traductions et préfaces sans publication.

  • Publication à partir de 1986 par Alianza Editorial et Enciclopedia Catalana, soutenue par le ministère de la culture et la real Academia d’œuvres catalanes en castillan. La collection fut inaugurée par 4 titres et elle ne prospéra pas.

Ces trois initiatives rendent compte de l’asymétrie idéologique : le “petit” système culturel catalan n’intéresse pas le reste de l’Espagne, alors qu’en théorie le système espagnol aurait dû servir de passerelle.

Les textes traduits à un momeno donné sont toujours au service d’une histoire, d’une idéologie. L'avenir des traductions dépend de ces jeux de force.

La diversité culturelle est un grain de sable dont le système ne veut pas car il veut se maintenir tel quel. Dans la revue World Literature Today, Lawrence Venuti signale que l’intérêt des cultures dominantes envers les cultures minoritaires « se situe entre le superficiel et l’assimilation » (VENUTI, 2005).

Pour une perspective contrastive, évoquons également les cas de deux auteurs (l’un galicien et l’autre catalan) qui, dans les années franquistes, furent, par le biais entre autre de l’autotraduction, les “représentants” de leur propre culture : Alvaro Cunqueiro (1911-1981) Sebastián Juan Arbó (1902-1984). Le succès d’un auteur peut être l’arbre qui cache la forêt. Nous pensons connaître la jeune littérature galicienne, euskera et catalane parce que nous avons lu, en traduction, Manuel Rivas, Bernardo Atxaga et Quim Monzó. C’est comme si on considérait que pour connaître la littérature castillane actuelle il suffisait d’avoir lu Javier Marías ou Almudena Grandes.

Parfois, la traduction vers une langue-passerelle supplante l’original, surtout lorsqu’il s’agit d’autotraduction, comme dans le cas de Bernardo Atxaga. En général, l’autotraduction a lieu dans un seul sens : de la langue minoritaire vers la langue dominante. Il faudrait savoir si les éditions dans les deux langues ont lieu simultanément ou si elles sont très distanciées chronologiquement, si la réception est meilleure quand il s’agit d’une autotraduction que quand il s’agit d’une traduction. Le danger est également de rendre invisible par la traduction l’origine des œuvres écrites en langues minoritaires, par des opérations éditoriales commerciales qui tendent à publier de manière indifférencié les deux produits : l’original et sa traduction. Le degré zéro de la traduction qui met en péril les cultures minoritaires en les effaçant. Ainsi, la position limite serait pour un auteur de refuser d’être traduit pour ne pas voir disparaître son langage littéraire.

Cette réflexion sur l’asymétrie des langues nous enseigne qu’il ne faut pas vouloir tendre vers l’équilibre ou l’égalité (cette mythique « fidélité » dont parlent les critiques de traduction) non vers l’homogénéité que nous propose la globalisation mais qu’il faut plutôt défendre avec force la différence afin que l’autre féconde notre culture4.

Fabrice CORRONS (Université de Toulouse – Jean Jaurès) : Hacia un estado de la cuestión de la traducción del teatro catalán y de su programación en el tejido teatral madrileño (1980-2013)

Introduction : la traduction théâtrale, une question singulière à l’intérieur des études de traductologie. Pourquoi ?

  • Théâtre au croisement de l’oral et de l’écrit

  • Art vivant

  • Art direct et chaque représentation connaît des variations

Une traduction théâtrale peut varier en fonction de l’expérimentation sur la scène. La traduction est transitoire dans la vie du texte théâtral et de son actualisation scénique.

  1. La traduction du théâtre catalan vers d’autres langues et notamment le castillan

  2. La programmation de ces traductions sur la scène madrilène

La traduction du théâtre catalan hors de Catalogne

Théâtre catalan : théâtre produit en Catalogne par au moins un membre de la communauté catalane

L’aspect territorial est très important et le théâtre catalan n’a a priori pas besoin de sortir de son territoire pour vivre. Le théâtre catalan sort peu de Catalogne et la Catalogne intègre peu de représentation du théâtre non catalan. C’est un théâtre autonome ou dépendant de son territoire.

Cette autonomie implique une esthétique propre.

La co-présence sur le territoire catalan de deux langues a pour conséquence que les compagnies choisissent souvent plusieurs langues de communication ou aucune (théâtre visual comme la Fura del Bahaus), choix qui facilitent l’exportation et le visibilité à l’étranger. Certains auteurs écrivent en catalan (Josep Maria Miro), d’autres alternent catalan et castillan (Lluisa Cunillé), et la plupart ont été formé par un auteur catalan d’expression castillan (Sanchis Sinisterra.

Quelques exemples d’influences de la question du bilinguisme sur la création :

Sanchis Sinisterra qui écrit en castillan alors que la Generalitat accorde ses subventions plutôt au théâtre en catalan : il a concentré son écriture, recentré sur l’essentiel, l’acteur et le texte

Influence du castillan d’Eduardo Mendoza (œuvre romanesque) sur son œuvre dramatique exclusivement écrite en catalan mais beaucoup moins fournie

Relation entre les deux langues chez Sergi Belbel, le connu des dramaturges catalanistes et qui, bien que né en Catalogne, est de langue maternelle castillane. Belbel affirme utiliser sa distance avec le catalan pour le manipuler de manière plus ludique qu’il ne ferait en castillan. Belbel s’autraduit.

Quelques exemples de la présence d’un mot d’une langue dans un texte écrit dans l’autre langue :

El métode Gronhölm de Jordi Galceran, cette coprésence des deux langues disparaît dans les autotraductions en catalan. Les références à la catalanité se dissolvent dans la traduction au profit d’un développement d’une langue urbaine.

Exemple de co-présence des deux langues de manière non explicite :

Barcelona, mapa d'ombres (Barcelona, mapa de sombras) de Lluïsa Cunillé que se estrenó en castellano en el Centro Dramático Nacional en 2005: la escena con el inmigrante argentino en una de las habitaciones de un piso del Eixample barcelonés, escena donde hay catalán y castellano, es ahora solo en castellano. En esta obra, la referencia a la capital catalana desde el mismo título parece desplazar en la traducción la pérdida de esta co-presencia lingüística hacia una referencia más territorial con sus connotaciones o proyecciones socio-lingüísticas (bien se sabe que en Barcelona, conviven fácilmente castellano y catalán).

En otras obras en las que no se hace mención de manera explícita de Barcelona - como en Germanes (Hermanas) de Carol Lopez o Un home amb ulleres de pasta (Un hombre con gafas de pasta) de Jordi Casanovas -, la co-presencia lingüística suele desaparecer en la traducción sin ser compensada por, por ejemplo, inserciones sobre Catalunya (como en la obra de Jordi Galceran). No se puede sin embargo generalizar tal procedimiento puesto que no hemos podido analizar todas las obras plurilingües escritas desde 1980 y traducidas.

Cabe, en este apartado sobre el llamado grado 3, hacer mención de las adaptaciones que pueden hacer creadores cuando la obra original, plurilingüe, ocurre explícitamente en Barcelona. Es el caso, por ejemplo, de Campanades de boda (Campanades de boda) de La Cubana, creada en 2012. Los protagonistas son miembros de una familia de floristas vinculados históricamente con las Ramblas de la ciudad condal (espacio que las floristerías casi copaban en el siglo 20). Para la gira de la obra, Jordi Milan, director y dramaturgo de la obra, ha decidido cambiar levemente el pasado biográfico de la familia para adaptarlo a cualquier ciudad fuera de Barcelona: en la versión traducida al castellano, que de hecho no parece mantener en ningún momento la co-presencia lingüística original, la familia vive en la ciudad en la que se hace la función pero es oriunda de Barcelona. Tal estrategia localista se integra en un humor basado en tópicos sobre cada región o nación de España que es característico de las creaciones de La Cubana.

El grado 4 de la co-presencia, último eslabón de nuestra propuesta de escala seria la co-presencia tematizada y problematizada de las dos lenguas en el texto original... rasgo que no se puede traducir sin alterar el meollo de la obra. En este caso, no hay por consiguiente traducciones, como lo vemos en La rialla inacabada (La sonrisa inacabada), título deliberadamente bilingüe de una obra de Angels Aymar que ganó el premio estatal María Teresa de León y que se publicó en 2000 tal cual, al lado de obras (las que obtuvieron un accésit) íntegramente en castellano.

Aunque nos hemos centrado en los grados 1, 2, 3 y 4 del contacto de lenguas, es necesario hablar del grado cero, o sea lo que sería la ausencia de co-presencia, o la elección de una sola lengua, como es el caso, si no me equivoco, de toda la obra, en catalán, de Josep Maria Miro i Coromina, por ejemplo, o la obra castellana de Jaime Salom, dramaturgo barcelonés de los años 70 y 80. Estas obras monolingües son en términos cuantitativos mucho más numerosas durante nuestro periodo que las obras plurilingües (aunque quedaría por analizar más profundamente la obra de varios dramaturgos de los años 80 o 90 para intentar hallar textos de grado 1 que no sean al fin y al cabo la ilustración de una variación lingüística del castellano propia de Barcelona o de Catalunya – en este sentido, la estructura lingüística del castellano hablado y escrito en Galicia es un ejemplo tajante). Si no nos hemos centrado en este grado cero, es, por una parte, porque, al nivel traductológico, corresponde a planteamientos muy generales y trillados, y, por otra parte, porque la tendencia plurilingüe, algo discreta en las producciones de los años 80 y 90, se ha desarrollado bastante en la última década. Esta evolución nos parece ser simbólica de la confianza de los dramaturgos y de los receptores en el futuro de la lengua catalana tras el movimiento de difusión y normalización lingüística que caracterizó sobre todo este periodo post-franquista. Nos parece revelar también una reconfiguración identitaria más territorial que lingüística, parámetro que de hecho permite entender la voluntad popular de cambiar el Estatuto desde 2006 y la fuerza actual del movimiento independentista.

Parte de dramaturgos catalanes, sea cual sea el grado de plurilingüismo en su obra, son auto-traductores, como lo hemos visto con los ejemplos anteriormente citados. No todos los creadores catalanes lo son: un ejemplo claro es la presencia aquí de Josep Maria Miro i Coromina, dramaturgo que, con su obra El principi d'Arquimedes, empieza a tener una trayectoria internacional – de hecho, esta obra ha sido premiada con el prestigioso Born de Teatre el año 2011, estrenada con éxito de público y de crítica en 2012, y ahora doblemente estrenada en su traducción castellana en México y Buenos Aires.... todavía no se ha visto en Madrid. Otros conocidos no se auto-traducen como Carles Batlle. Para los estudios de traductología, la ventaja del auto-traductor es poder observar cómo el propio autor consigue traducir lo intraducible, como por ejemplo el plurilingüismo.

Más allá de esta cuestión de la figura del traductor, enfocaremos a partir de ahora nuestra contribución en la recepción de este teatro catalán traducido (o no traducido) fuera de sus fronteras.

Para hablar de recepción, es necesario tratar primero de las estrategias de difusión del teatro catalán, aunque sea de manera resumida. En este aspecto, existen obviamente las iniciativas individuales, la red de contactos de cada creador, el interés de personas “extranjeras” en un creador, como lo son por ejemplo los programadores, los críticos o los académicos, los premios estatales, como por ejemplo el prestigioso premio Born de Teatre que permite una publicación en las 4 lenguas oficiales del Estado del texto seleccionado. Cabe también destacar la existencia desde 2009 de la plataforma de difusión de las dramaturgias catalanas por la Sala Beckett, estructura teatral que fue en gran parte la cuna de la “nueva dramaturgia” catalana de los 90, y por el Institut Ramon Llull, organismo de difusión y promoción de la lengua y cultura catalanas. La web es una base de datos que ofrece la posibilidad de solicitar las traducciones vía Internet y de manera gratuita. Estas muy rápidamente enunciadas estrategias de difusión logran de vez en cuando permitir o bien la gira de una obra o bien su montaje fuera de Catalunya. Veamos cómo se concreta esta recepción en la programación del teatro catalán en el tejido teatral madrileño, en nuestro periodo (1980-2013) y precisamente esta temporada. ¿Por qué elegir la ciudad de Madrid? No solo, por supuesto, porque presentamos esta contribución en esta misma ciudad, sino también, y sobre todo, porque Madrid es la otra gran capital teatral española con Barcelona. La recepción del teatro catalán en Madrid aparece por consiguiente como sintomática de la recepción del teatro catalán en España - históricamente el primer espacio de recepción “internacional” de nuestro objeto de estudio.

Su programación en el tejido teatral madrileño (1980-2013)

-Grandes éxitos comerciales o de critica, como las comedias o los espectaculos de teatro de calle y visual :

*La Cía Tde Teatre, a partir de los 90 : ¡Homes! / Criaturas / Delicadas – pudieron integrarse a la cartelera madrileña gracias, en parte, a los contactos de Sergi Belbel, autor y director de sus primeros montajes que ya era conocido de los teatreros de Madrid / La cía, exclusivamente femenina, propuso en su momento una teatro frontal, muy lúdico, donde se burlaban de los hombres, lo que entraba en sintonía con la evolución de la mujer en la sociedad española.

*La Cubana : a partir de Cómeme el coco, negro (finales de los ochenta) – y actualmente con Campanadas de boda - un teatro que se inspira de las diferentes manifestaciones del teatro musical (Cabaret, revista, producción norteamericana) y que fue considerada como una aportación muy catalana, frente a la importancia de la zarzuela (como producto típicamente castellano)

*Fura dels Baus (teatro performativo conocido por sus puestas en escenas transgresivas y descomunales)

*Comediants (Cia de teatro de calle que, inspirándose en las aportaciones de la antropología teatral, logró convertir en obras estéticas las fiestas tradicionales y comercializarlas)

*Dagoll Dagom (teatro musical, con fuerte influencia inglesa o norteamericana)

  • les autores que lograron llegar a Madrid en los años 80 o 90 y quedarse sobre todo : Sergi Belbel + Jordi Galceran (sus obras suelen arrasar en la cartelera madrileña) y también Lluïsa Cunillé, Josep Maria Benet i Jornet

  • También autores más jóvenes como Pau Miró, Albert Espinosa, que fueron programados por el Centro Dramatico Nacional. Es también el caso más reciente de Guillem Clua, cuya obra La pell en flames (La piel en llamas) fue programada por el CDN la pasada temporada.

  • Este año, otros autores intentan estar en las pequeñas salas de teatro que se multiplican en Madrid, siguiendo una tendencia nacida en Argentina después de la gran crisis de principios de siglo : Marta buchaca (con Las niñas no tendrian que jugar al futbol) y Jordi Casanovas (con Un hombre con gafas de pasta)

Muchos autores no han logrado todavía ser representados en Madrid pese a que sus textos y/o puestas en escena han recibido muy buenas críticas. Estos desdichados desconocidos del público de Madrid son, por ejemplo, Josep Maria Miró i Coromina, Carles Batlle, Esteve Soler. Quizás Esteve Soler es uno de las casos más paradigmáticos de lo absurdo de esta invisibilidad madrileña en la medida en que su trilogía, Contra el progrés/l'amor/la democràcia, creada a partir de 2007, ha sido traducida a más de 20 lenguas, estrenadas y reestrenadas en 50 países, y premiada muchas veces. Solo son tres nombres de una lista que, sin duda, es más larga que la suma de todos los nombres precedentes.

Esta lista de creadores catalanes en la programación madrileña solo puede ser un esbozo, incompleto, del panorama y, de hecho, nos falta por analizar las de tesis de doctores del T (grupo de investigación especializado en historia teatral dirigido por el catedrático José Romera Castillo de la UNED) sobre tal tema. Pese a ello, nos parece representativa de la diversidad de presencia de autores/creadores (y no directores, actores, escenógrafos, etc.) en Madrid y de las incoherencias ya mencionadas. También es relevante para analizar, y aquí va el final de nuestra contribución, la imagen del teatro catalán que configura esta presencia ( y la consiguiente ausencia de otras obras) en la cartelera madrileñas. Pretendemos aproximarnos a la historia de la recepción de la traducción en su vertiente teatral. Es menester señalar en un principio unas precauciones metodológicas sobre esta idea de imagen del teatro catalán, y para ello nos valdremos de la reflexión de la periodista Nuria Cuadrado en 2003 (referencias en la tesis):

¿Señas de identidad? Qué difícil es encontrarlas. ¿Cuáles son las de un amigo?, ¿cuáles, las de una cultura?, ¿las de un país?, ¿las de una comunidad? Difícil es incluso decidir si las señas de identidad existen, si hay un rasero que homogeniza, que divide en normalidad y excepciones, en típico y tópico o atípico y anormal.

La periodista pone de realce la dificultad – por no hablar de imposibilidad – de reducir la pluralidad (real y necesaria) del teatro a una supuesta unidad coherente y facilmente identificable – problema aún más relevante en nuestra caso, en la medida en que el abanico de expresiones del teatro catalán queda, en su programación madrileña, bastante reducido. Pese a ello, tal visibilidad es importante para entender la construcción de la identidad del llamado « teatro catalán » desde Madrid, puesto que, como afirma Altay Manço (cf referencias en la tesis)  :

[…] l’identité se construit dans la rencontre soi-autrui où l’expérience de la différence remplit une fonction constitutive du moi […]. La question de l’altérité apparaît ainsi inexorablement à la notion d’identité. Celle-ci ne peut se définir que par une approche comparatiste : il ne saurait être question d’identités sans différences.

Estas diferencias aparecen ya en el discurso de Wilfried Floeck, especialista alemán muy reconocido, en 1997 (fecha importante por situarse en el centro de nuestro periodo) :

Madrid es la ciudad de los teatros privados tradicionales y de los grandes centros públicos, con una dotación bastante rica y tendencia hacia un cierto convencionalismo e inmovilismo. Barcelona, por el contrario, es la ciudad teatral más crítica y experimental, en la que el espíritu del Teatro Independiente se ha mantenido con más fuerza. (cf referencias tesis)

Una afirmación que aparece también en el punto de vista de la dramaturga andaluza Gracia Morales en 2008 : « la diferencia [con las otras Comunidades] es quizá que en Cataluña lo innovador es lo que más se reclama » (Cf referencias tesis). Dicha visión del teatro catalán es además, enunciada por los mismos creadores catalanes, como es el caso de Calixto Bieito que, en 1998, compara los dos públicos: « El públic de Madrid es difícil definir-lo. Però bé, per mitjana, el públic de Madrid està acostumat a un teatre molt realista, i quan trenques aquest esquema, tens un públic més jove » (cf tesis). Tal imagen, constrastiva, de los teatros madrileño y catalana, ya resaltaba en las palabras del crítico y dramaturgo Alberto Miralles en 1994 (cf referencias tesis), el cual insistía en una diferencia de prioridad entre el fondo y la forma para caracterizar las distinciones Madrid-Barcelona:

Por una parte, en Barcelona, José Sanchis Sinisterra está influenciado por Samuel Beckett, Heiner Müller y por una saludable investigación que llama fronteriza, consiguiendo ciertos hallazgos como resultado de mezclas estéticas que rozan otros géneros. Esta investigación margina los contenidos ideológicos y su tema más recurrente es el desencuentro y la soledad, con mucha influencia cinematográfica: desmembración secuencial, flash-back, minimalismo, reiteración, saltos en el tiempo, montaje paralelo, etc.

Por el contrario, los profesores de Madrid, Guillermo Heras, Fermín Cabal, Marco Antonio de la Parra, insisten más en los problemas sociales y políticos. Su influencia produce obras menos experimentales y más comprometidas: xenofobia, racismo, marginación (mendigos, prostitutas, sin techo, droga y antifascismo).

Tales comparaciones dramatúrgicas parecen haberse desplazado hacia otras formas teatrales en el periodo más reciente. Como lo veremos en la cita siguiente – del año 2008 –, se hace hincapié más bien en la fuerte presencia de teatro-danza y oras expresiones intermediales o interartísticas que sugieren de por sí connotaciones experimentales, prolongando así mismo la imagen formalista del teatro catalán :

José Henríquez – En los últimos años, salvo contadas excepciones, en Madrid conocemos más y mejor el trabajo de artistas y compañías catalanes de danza, teatro físico o híbridos (Marta Carrasco, Mal Pelo, Andrés Corchero, Senza Tempo, Sonia Gómez, Sergi Fäustino, Álex Serrano, Los Corderos, por citar a algunos). Imagino que en Cataluña desconocéis trayectorias y obras de las últimas promociones en lengua castellana. ¿La circulación del teatro de texto es cuestión de idiomas o de voluntad cultural y política?

Carles Batlle – Creo que es evidente: en Madrid se conocen más los grupos catalanes de danza o de teatro físico que los autores de texto. (2008, referencias en la tesis)

Al revés, el teatro catalán poco conoce la diversidad del teatro madrileño, o al menos sus formas experimentales, como lo podemos deducir de la afirmación de la dramaturga catalana Mercè Sarrias en 2008: “crec que el teatre a Catalunya és, en general, més modern i de més qualitat que el que es fa majoritàriament a la resta de l’Estat » (referencia tesis). Más allá de las opiniones sobre Catalunya y España o Madrid que han de tener, supuestamente, una influencia en la valoración precedente y también en la siguiente, es imprescindible aclarar que el teatro madrileño que llega a Catalunya solía ser (hasta hace muy poco) las grandes producciones comerciales, con leves o nulas pretensiones experimentales/innovadoras, lo que motiva, sin duda, el crítico catalán para enunciar que « Si almenys des del teatre a Madrid s’hagués optat per l'exemple barceloní, ara la competència idiomàtica estaria només en el terreny de la política lingüística. Però Disney parla castellà » (referencias tesis). Estamos, finalmente, ante un debate teatral entre dos capitales que viven escénicamente de espaldas y se desconocen, una reflexión nutrida/contaminada por lo extra-teatral, como afirma Nuria Cuadrado (2003)

‘Derbi’ teatral. La capital mesetaria, contra la mediterránea. Cierta envidia desde Madrid por el hervidero de nuevos autores en Barcelona. Menos prejuicios entre el público madrileño frente al teatro convencional que en el catalán, que mira un poquito por encima del hombro (como históricamente) a su vecino castellano. Hasta aquí los tópicos. ¿Cuando el río suena, agua lleva? ¿Será todo eso cierto? [Lo que hay es, sin duda] falta de autocrítica, por ejemplo. Al fondo, quizás la política emborrona el panorama.

Gérard GUIX (Écrivain et dramaturge) : Comment surmonter sa panique face à une mauvaise traduction de sa propre œuvre littéraire ?

Traduire, c’est dire « presque la même chose »(ECO, 2008, traduction de ECO, 2003).L’idée empruntée à Umberto Eco ouvre l’exposé de Gérard Guix. La lecture de cet essai et de la note liminaire de sa traductrice lui ont suggéré de multiples interrogations qui servent de point de départ à une réflexion sur sa propre pratique de la traduction. Dire la même chose : qu’est-ce-que « dire » ? Qu’est-ce-que « la même chose » ?

Gérard Guix: dramaturge et romancier

Gérard Guix5 écrit dans sa langue natale, le catalan, et s’est illustré dans la pratique de plusieurs genres littéraires : quatre romans, une trilogie pour adolescents et plusieurs pièces de théâtre.

Son expérience de dramaturge avec la troupe trilingue Jogijo6,qui compte trois comédiens de trois langues maternelles différentes (l’italien, le portugais et le catalan), lui a permis de se confronter directement aux problèmes que posent le plurilinguisme et la traduction. Dans plusieurs pièces trilingues, il a pu tester les capacités d’un public à comprendre plusieurs langues romanes non connues et approfondir sa propre connaissance de ces mêmes langues.

Cette expérience linguistique dans le cadre de la pratique dramaturgique n’a pourtant pas poussé Gérard Guixà se charger de la traduction en castillan de son roman Tot el que hauries de saberabans d’estimar-me (2011). La crainte de réviser et de transformer le texte au cours de la traduction l’a retenu (HINA, 2001).C’est dans ces circonstances qu’il s’est vu confronté aux difficultés d’un romancier face à la traduction de son texte par un tiers.

Gérard Guix et la traduction romanesque

Sa première expérience de traduction, une nouvelle traduite par Anna Carreras (GUIX, 2010), avait été très concluante. Lorsque la maison d’édition Suma de letras voulut lui acheter les droits de Tot el que hauries de saber abans d'estimar-me pour le publier en castillan, il accepta sans appréhension, en insistant toutefois pour connaître le traducteur et en proposant de répondre aux questions qui pourraient se poser à lui au cours de la traduction. Sa surprise fut grande lorsqu’il reçut, quelques mois plus tard et sans autre nouvelle, un manuscrit achevé de la traduction. Plus grande encore lorsqu’il constata qu’il ne reconnaissait pas son roman dans ce texte en castillan. Outre l’omission arbitraire de certains fragments qui ôtait toute cohérence au texte, la traduction littérale le privait de son ironie et de ses affects originaux. Gérard Guix fut pris de panique et corrigea lui-même l’intégralité du manuscrit.

Cette difficile expérience de la traduction n’empêcha pas Gérard Guix de confier d’autres de ses travaux à un traducteur, quoique dans des circonstances bien différentes. Le 12 avril 2012, il présenta la traduction espagnole Todolo que deberías saber antes de amarme à la librairie Un jardin de Livres de Montpellier. Une traductrice, très enthousiaste à la lecture du roman, avait traduit quelques passages en français pour le présenter au public local. Ainsi commença une nouvelle traduction. Cette fois-ci, de nombreux doutes et questions surgirent, par exemple le traitement des fragments qui étaient déjà en français dans le texte. Le travail de la traductrice, en étroite collaboration avec l’auteur, garantit la qualité de la traduction et la tranquillité de ce dernier.

L’expérience de l’auto-traduction

Ces trois expériences de traduction poussèrent Gérard Guix à changer ses méthodes de rédaction dans un nouveau roman, El cementiri. Anticipant la possibilité d’une traduction en castillan, il décida d’écrire le roman en même temps en deux versions, en catalan et en espagnol : après une première version en catalan, il la traduisit en espagnol, la corrigea, puis reporta les corrections à la version catalane, et ainsi de suite, nourrissant ainsi son écriture dans les deux langues en même temps. L’alternance constante entre les deux langues pour un même texte fut cependant troublante.

Il expérimente actuellement une autre méthode : écrire une première version en espagnol, puis la traduire en catalan. Bien que l’espagnol ne soit pas sa langue maternelle, la rédaction se révèle fluide et il espère tirer parti de cette nouvelle configuration linguistique.

Comment faire confiance à nouveau à un traducteur

Cette vaste expérience de la traduction permet à Gérard Guix d’indiquer une série de conditions nécessaire à la confiance entre auteur et traducteur. Celui-ci doit, tout d’abord, s’intéresser à l’œuvre et se sentir investi dans le projet. L’auteur et le traducteur doivent pouvoir échanger autour de la traduction et autour des doutes et des difficultés qu’elle ne peut manquer de susciter.

Gérard Guix est conscient de la difficulté que suppose la traduction des textes actuels, qui bien souvent n’ont ni la musique, ni la beauté caractéristique des classiques. Il en revient, pour terminer, à Umberto Eco : la fidélité du traducteur n’est pas seulement exactitude, loyauté, honnêteté, respect ni piété. C’est, en fin de compte, une question de sensibilité, aussi difficile que l’écriture en elle-même.

Questions relatives à l’intervention de Gérard Guix

Commentaire sur les conditions de travail des traducteurs

Plusieurs participants du séminaire soulignent que les mauvaises conditions de travail des traducteurs peuvent être dans une large mesure responsables des failles de certaines traductions.

Lise JANKOVIC

Faites-vous une distinction entre la traduction d’une pièce de théâtre et celle d’un roman ? Vous semblez donner plus de liberté aux acteurs sur scène qu’aux traducteurs de vos romans.

Gérard GUIX conçoit l’œuvre théâtrale comme un projet vivant, de collaboration et d’improvisation avec les acteurs. Pourtant, en tant que directeur, il est présent sur scène pour s’occuper des lumières et de la musique. Il se permet même, parfois, de jouer avec le rythme des éclairages et de la musique, pour exiger la plus grande sincérité dans le jeu des acteurs. Il ne donne pas à l’exactitude du texte une importance capitale, mais il exige que les oublis soient réparés et compensés au cours du spectacle.

Jamais il ne s’est vraiment proposé de traduire les pièces interprétées par la troupe Jogijo, car le trilinguisme des textes et leur enracinement dans le contexte culturel portugais, catalan et italien sont fondamentaux. Il faudrait adapter complètement l’ensemble du texte.

Carole FILLIERE

Nous sommes face au cas d’une œuvre multilingue qui est en même temps un parfait exemple des limites de la traduction.

Aude PLAGNARD : Votre expérience du bilinguisme dans la rédaction a-t-elle modifié votre écriture ? A-t-elle attiré votre attention sur des aspects plus formels ou plus strictement linguistiques ?

Gérard GUIX tente de rénover son écriture à chaque roman, pour offrir au lecteur une nouveauté constante. C’est pour cela qu’il invente de nouvelles expériences, dont certaines sont linguistiques. Dans le cas concret de l’écriture bilingue, il a senti en effet que cela lui permettait de jouer plus avant avec les expériences littéraires pour enrichir le texte.

Fabrice CORRONS

Dans le cas de la pièce de théâtre trilingue, il nous faut tenir compte de la composante corporelle des interactions entre les langues.

Josep María MIRÓ, pour revenir à la question de Lise Jankovic

Les changements qu’un acteur introduit dans votre texte ne vous gênent pas, mais ceux d’un traducteur, si ? Josep Maria Miró défend que l’écriture théâtrale appartient à la littérature. Elle ne justifie ni un langage familier ni en aucun cas d’écrire mal sur scène.

Gérard GUIX est d’accord. De fait, le texte théâtral doit pouvoir être lu et doit être d’une parfaite qualité littéraire.

Lise JANKOVIC : Paniqueriez-vous si naissait un projet de traduction de l’une de vos pièces de théâtre ? Par exemple, Génesis ?

Oui, Gérard GUIX paniquerait : il a écrit cette pièce de théâtre comme un roman, puis l’a soumise à de nombreuses adaptations génériques. Pourtant, il lui semble que la traduction d’un texte théâtral lui donnerait plus de liberté, car un texte dramatique peut être essayé, testé sur scène.

Samantha FAUBERT: Un texte peut aussi fonctionner de façon différente en fonction de la mise en scène…

Gérard GUIX est d'accord avec cette idée : c’est ce qui lui est arrivé lorsqu’il a adapté Génesis du genre dramatique au genre musical. Il pensait qu’il serait facile de l’adapter du théâtre au roman. Mais la grande difficulté fut de recréer le contexte de l’action nécessaire à un roman. Cela suppose de traduire et d’adapter au genre romanesque les didascalies, les pensées des personnages, etc.

Fabrice CORRONS : El cementiri alterne entre ce qui se passe à l’intérieur et ce qui ce passe à l’extérieur des personnages : cette technique romanesque vient directement de la pratique théâtrale de GérardGuix.

De fait, Gérard GUIX voit là un plus dont il dote l’écriture, en mêlant les apports de divers genres, ou de diverses traditions.

Carole FILLIERE : Toute cette discussion renvoie à la question du contrôle de l’auteur sur son œuvre, de la peur qu’il peut ressentir à l’heure de laisser vivre son texte. Une fois conclu, le roman n’appartient plus à l’auteur.

Et cependant, même au théâtre, Gérard Guix joue un rôle constant sur scène.

Josep Maria MIRÓ COROMINA (Dramaturge et scénographe): « La traduction théâtrale : générosité, complicité et sens scénique »

Josep Maria Miró, dramaturge et scénographe7, met l’accent sur la précision du texte : c’est elle qui détermine ses positions en ce qui concerne la traduction de ses œuvres. Comme locuteur catalan, il voit dans l’usage du castillan comme langue littéraire une entreprise d’auto-traduction. Traduire, ou faire traduire, ses œuvres sont des possibilités fortes et croissantes étant donné la communication entre la Catalogne et de nombreux autres territoires.

En 2005, 360” reçut un accessit au Prix Marqués de Bradomín8, décerné par un jury dont aucun des membres n’est catalan. Pour publier rapidement le roman, il fallait le traduire en castillan : Josep Maria Miró proposa une édition bilingue et traduisit son propre texte. Finalement, seule la traduction fut publiée, indice de la difficile relation linguistique qui lie l’Espagne et la Catalogne.

Pourtant, de la même façon qu’il n’est pas le meilleur metteur en scène de ses pièces de théâtre, il ne se sent pas le meilleur traducteur de ses propres textes. A partir de cette expérience, Josep Maria Miró décida de ne plus traduire lui-même ses textes en castillan : parce que cette activité ne l’intéresse pas beaucoup, et parce qu’il ne sent pas à castillan la fluidité et la précision auxquelles il parvient en catalan. Il préfère recourir au sérieux d’un traducteur professionnel pour passer d’une langue à une autre.

Dans la suite de son exposé, il identifie et développe trois des conditions qu’il juge indispensables chez un traducteur de théâtre : la générosité, la complicité et le sens scénique.

Générosité, complicité et sens scénique du traducteur de théâtre

Traduire est un acte de générosité, tant à l’égard de l’auteur, auquel on prête une voix dans une autre langue, qu’à l’égard du texte que sert le traducteur. Pour préserver cette double générosité, Josep María Miró s’efforce de travailler avec des traducteurs réguliers, capables de maintenir une continuité entre les œuvres traduites en leur langue et de percevoir les logiques profondes de son écriture.

Cette continuité permet aussi de nourrir la complicité indispensable entre l’auteur et son traducteur. Josep Maria Miró demande toujours à rencontrer ses traducteurs. Comme à ses acteurs, il leur révèle certains des choix qu’il a faits comme auteur et comme metteur en scène, qui ne peuvent transparaître pour le public mais sont nécessaires pour traduire correctement. L’importance qu’il confère au texte le pousse aussi à être très exigeant envers ses acteurs comme envers ses traducteurs.

Dans cette perspective, il conçoit les craintes que l’auteur peut sentir face à une traduction : qu’on ne lui permette pas de prendre contact avec le traducteur, qu’on traduise son texte vers une langue qu’il ignore (dans ce cas précis, la confiance de l’auteur devient un véritable exercice de foi), que le traducteur ne soulève aucun doute sur la traduction et ne le consulte pas… Ou pire, qu’il se rendre compte soudain que l’on a traduit l’une de ses œuvres sans le consulter.

De plus, la traduction d’un texte dramatique pose des problèmes bien spécifiques : elle suppose un respect attentif des rythmes et la conscience que, comme pour une partition de musique, ce texte est pensé pour être joué sur scène. D’autant que Josep Maria Miró n’a pas l’habitude de jalonner ses pièces d’indications de mise en scène ni de didascalies : il faut les tirer de la lettre du texte.

Quelques exemples concrets

Josep Maria Miró indique quelques cas concrets de difficultés de traduction qu’il a pu résoudre grâce à une bonne collaboration avec ses traducteurs. Limitons-nous ici à l’exemple du titre de la dernière œuvre, Nerium Park, en espagnol du Mexique. « Adelfa », le laurier-rose, traduction littéral du nom de cette fleur qui orne les complexes résidentiels, ne fonctionnait pas au Mexique : là-bas, il n’y a pas de lauriers-roses…

Note sur le rôle des petits théâtres

Josep Maria Miró est réservé quant à l’engouement pour les créations dans des théâtres de petite taille et pauvres en moyens financiers et techniques. C’est faute de moyens que les créateurs se voient obligés de travailler dans de telles conditions, il serait dangereux d’en faire un but en soi. Le professionnalisme de la création théâtrale doit être pris au sérieux et préservé.

Note sur la présence du théâtre catalan à Madrid

Les prix nationaux espagnols ne prennent pas suffisamment en compte la création catalane et les Catalans sont fréquemment cantonnés à des prix strictement catalans. Or, ces prix ne respectent pas non plus la spécificité de chaque langue. On voit par exemple des traductions vers l’espagnol récompensées par des prix espagnols – ou, à l’inverse, des traductions vers le catalan par des prix catalans –, comme s’il s’agissait d’œuvres originales. La vie théâtrale catalane à Madrid est très réduite et ne croît pas au même rythme que l’activité théâtrale globale de la ville.

Questions relatives à l’intervention de Josep María Miró

Francesc PARCERISAS : C’est une grande chance pour un traducteur de traduire le travail d’un auteur qui se rend disponible pour lui et pour l’entreprise de traduction.

Fabrice CORRONS : La fidélité de l’auteur pour un traducteur est un geste émouvant.

Gérard GUIX rappelle que, de la même manière, Kubrick confiait ses doublages en exclusivité à Carlos Saura.

Josep Maria MIRÓ n’est pas fidèle seulement à ses traducteurs, il l’est aussi à son équipe technique. D’autre part, il préfère sous-titrer ses œuvres plutôt que de les doubler, car cette dernière option amène à des situations absurdes, comme cette série doublée, dans laquelle Franco parlait catalan… De même, on a traduit le Quichotte en catalan, non pour rendre les textes plus accessible aux lecteurs, mais plutôt pour renforcer les capacités et les champs d’exercice de la langue.

Carole FILLIERE

La traduction a toujours un rôle d’enrichissement d’une langue et de sa littérature.

Note de fin

1 « proceso opaco e invisible que el autor no plasma en una traducción materializada, sino que se trata de un proceso mental simultáneo al de la escritura de la obra original » (TANQUEIRO, 2002).

2 http://www.unesco.org/xtrans/bsstatlist.aspx?lg=0, Consulté de 14 mars 2014

3 http://www.mcu.es/libro/docs/MC/Observatorio/pdf/PANORAMICA2012.pdf

4 Ce travail s’inscrit dans le Grup d’Estudi de la Traducció Catalana Contemporània (GETCC) (2009, SGR 1294), reconnu et fiancé par l’Agència de Gestió i Ajuts Universitaris de la Generalitat de Catalunya, et dans le projet “La traducción en el sistema literario catalán; exilio, género e ideología (1939-2000)”, numéro de référence FFI2010-19851-C02-01, financé par le Ministère des sciences et de l’innovation.

5 http://www.gerardguix.com

6 https://www.facebook.com/jogijo.

7 https://www.facebook.com/josep.coromina.

8 http://www.aat.es/premios-de-teatro/textos-teatrales-marques-de-bradomin-premios-injuve-para-la-creacion-joven/.

Citer cet article

Référence électronique

Aude Plagnard et Samantha Faubert, « Langues nationales et traduction (Séance du 28/03/2014) », La main de Thôt [En ligne], 2 | 2014, mis en ligne le 20 novembre 2017, consulté le 29 mars 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/lamaindethot/479

Auteurs

Aude Plagnard

EHEHI, Paris-Sorbonne

Doctorante

aude.plagnard@gmail.com

Samantha Faubert

Université du Havre

Maître de conférences

samantha.faubert@univ-lehavre.fr

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