Le point de vue de Jacinto Octavio Picón (1852-1923) sur la traduction et l’adaptation des œuvres dramatiques étrangères sur la scène espagnole de la Restauration

Résumés

Il s’agit dans cet article de présenter le point de vue de Jacinto Octavio Picón, écrivain, journaliste et intellectuel dans l’Espagne de la Restauration, sur la traduction, l’adaptation et la représentation d’œuvres dramatiques étrangères sur la scène espagnole. Avant de rappeler le grand flux de traductions du théâtre européen (Ibsen, Hauptman, Strindberg, Suderman, Björnson, Wilde, D’Annunzio, Maeterlinck, Rostand, etc.) qui s’opèrent au cours de cette période vers l’Espagne, et notamment entre Madrid et Barcelone, nous soulignons l’importance que revêt le concept de transfert interculturel (Hibbs, Coutel, Ortega y Gasset, etc.) dans le processus de traduction. L’Espagne de l’époque offre un environnement littéraire et culturel propice à l’importation d’œuvres théâtrales étrangères, en l’occurrence françaises, car essor du théâtre. L’activité théâtrale tient en effet une place non négligeable dans la vie sociale et culturelle du moment. Picón s’intéresse surtout à des auteurs français (Sardou, Dumas fils, Erckmann-Chatrian, Zola, Meilhac, Verne, etc.) dont les œuvres sont traduites et adaptées pour la scène espagnole. Tout en étant en faveur d’un dialogue culturel ouvert et tolérant, Jacinto Octavio Picón insiste sur la nécessité de préserver une certaine identité propre, une certaine idiosyncrasie de la créativité dramaturgique nationale, proprement hispanique.

Se trata en este artículo de presentar el punto de vista de Jacinto Octavio Picón, escritor, periodista e intelectual en la España de la Restauración, acerca de la traducción y adaptación de obras dramáticas extranjeras para la escena española. Antes de recordar el importante flujo de traduccionnes del teatro europeo (Ibsen, Hauptman, Strindberg, Suderman, Björnson, Wilde, D’Annunzio, Maeterlinck, Rostand, etc.) que hubo en aquel período hacia España, principalmente entre Madrid y Barcelona, recalcamos la importancia que tiene el concepto de transferencia intercultural (Hibbs, Coutel, Ortega y Gasset, etc.) en el proceso de la traducción. La España de la época ofrece un entorno literario y cultural propicio a la importación de obras teatrales extranjeras, en este caso francesas, gracias al desarrollo del teatro. En efecto, la actividad teatral desempeña un papel notable en la vida social y cultural del momento. Picón se interesa sobre todo por autores franceses (Sardou, Dumas fils, Erckmann-Chatrian, Zola, Meilhac, Verne, etc.) cuyas obras se traducen y se adaptan para el teatro español. Está a favor de un diálogo cultural abierto y tolerante, pero también insiste en la necesidad de preservar cierta identidad propia, cierta idiosincrasia de la creatividad dramatúrgica nacional, propiamente hispánica.

Texte

Au-delà du fondamental besoin de communication entre les peuples, la rencontre de cultures différentes demeure très souvent au centre de la plupart des entreprises de traduction et d’acclimatation d’une représentation du monde à une autre. Aussi, avant d’aborder le sujet qui nous occupe précisément, à savoir Jacinto Octavio Picón et la traduction et la représentation du théâtre étranger en Espagne pendant la Restauration, il serait sans doute pertinent d’entreprendre une réflexion préalable sur les transferts interculturels dans une perspective traductologique. En effet, en considérant le concept de transfert interculturel, l’on remarquera que l’histoire des traductions fait partie de cette histoire plus large des transferts interculturels. Il existe des flux de traductions entre plusieurs cultures nationales et l’analyse de ces flux peut aider à comprendre les relations et hiérarchies interculturelles ainsi que l’impact, littéraire ou autre, d’une culture sur une autre. L’on devra par ailleurs tenir grand compte de la figure du médiateur. Dans le cas qui nous concerne ici, Picón est un passeur dans le sens plein du terme, dans la mesure où il s’implique dans plusieurs réseaux, aussi bien nationaux qu’internationaux et cumule plusieurs activités (traduction, écrivain, critique d’art et littéraire, journaliste, etc.). Solange Hibbs, se référant par ailleurs à Charles Coutel et José Ortega y Gasset, met l’accent sur cette interpénétration culturelle dont pourrait difficilement se passer le phénomène de traduction :

Las identidades culturales no son entidades cerradas y experimentan transformaciones continuas mediante intercambios con otras culturas. Las transferencias generan y revelan la volatilidad cultural, fuente de inestabilidad y de innovación. La misma historia europea, como señala acertadamente Charles Coutel en su esclarecedor ensayo L’Europe comme traduction, es un ejemplo incuestionable de la densidad e importancia que llegaron a tener los intercambios culturales: Europa no es una entidad cultural definida y homogénea sino un espacio de civilizaciones donde las culturas se confrontan en busca de una humanidad común. […] Otro convencido europeo, José Ortega y Gasset, proponía en 1930 que, frente a la visión de las culturas como realidades estancas, impermeables, es posible concebir el espacio europeo como un paisaje abierto en que se producen flujos culturales cada vez más caudalosos y en el que las diversas culturas nacionales son el resultado de complejos procesos de simbiosis, mestizajes y préstamos mutuosi.

L’écrivain-journaliste Jacinto Octavio Picón, né à Madrid le 8 septembre 1852 et mort dans la capitale espagnole le 19 novembre 1923, est notamment connu pour ses romans. Il est en effet l’auteur de huit œuvres romanesques qui paraissent entre 1882 et 1914 (La hijastra del amor, 1884, El enemigo, 1887, La honrada, 1890, Juanita Tenorio, 1910, etc.), parmi lesquelles compte la plus acclamée depuis sa première publication en 1891, Dulce y sabrosaii. En tant que conteur et nouvelliste (Novelitas, 1892, Cuentos de mi tiempo, 1895, Cuentos, 1900, La vistosa, 1901, Drama de familia, 1903, La prudente y otros cuentos, 1905, El último amor, 1910, etc.), Picón bénéficie également d’une réelle reconnaissance qui se concrétise en cette année 2007 avec l’étude complète que lui consacre Esteban Gutiérrez Díaz-Bernardo dans sa thèse de doctoratiii. Quant à son abondante production journalistique entre 1873 et 1919, selon les données rassemblées actuellement, celle-ci a fait l’objet d’une étude d’ensemble dans la thèse de doctorat que nous avons consacrée à Picón en 2009iv. Il s’agit d’un intellectuel et d’un homme de lettres dont l’œuvre est réévaluée et réhabilitée depuis la fin du XXè siècle (Gonzalo Sobejano, Noel Valis, Esteban Gutiérrez Díaz-Bernardo, Nelly Clémessy, etc.) et les chercheurs n’ont de cesse de s’y intéresser désormais.

Jacinto Octavio Picón se présente ainsi sous les traits du polygraphe qui s’intéresse à divers domaines, aussi bien les arts et les lettres que l’Histoire et la sociologie. Il est romancier, conteur, nouvelliste, journaliste, critique littéraire, critique d’art, historiographe et sociologue. C’est en fin érudit que Picón s’adonne à toutes ces activités culturelles, dans lesquelles il allie volontiers esthétique et autorité scientifique et intellectuelle. En effet, l’éclectisme dont Picón fait preuve dans ses différents écrits lui procure une aisance d’analyse et d’écriture qui rend ses travaux intellectuellement captivants et idéologiquement pondérés, indépendamment de sa filiation bien connue à la politique libérale et républicaine de la Restauration.

Picón est pleinement engagé dans la vie intellectuelle et culturelle de l’époque de la Restauration, où il prend part aux grands débats du temps sur la société (sur le statut social et juridique de la femme, l’anticléricalisme, le caciquisme, le desastre, etc.), les lettres et les arts (sur le réalisme, le naturalisme, les nouveautés artistiques comme l’impressionnisme et le modernisme etc.), les relations internationales (France, les Expositions universelles, etc.), entre autres, aux côtés d’autres intellectuels et écrivains tels Benito Pérez Galdós, Leopoldo Alas Clarín, Emilia Pardo Bazán, Juan Valera, José Ortega Munilla, Joaquín Dicenta, Enrique Gaspar, Eugenio Sellés, Leopoldo Cano, Sinesio Delgado, Eusebio Blasco, Marcelino Menéndez Pelayo, Antonio Maura, Luis Coloma, etcv. Les écrits de Picón sont parfaitement contemporains de productions comme Pepita Jiménez (1874), La de Bringas (1883), La cuestión palpitante (1883), La Regenta (1884-1885), Los Pazos de Ulloa (1886), Pequeñeces (1891), etc. Picón est par ailleurs bien connu des hauts lieux culturels de l’époque que sont l’Académie de la Langue, l’Ateneo de Madrid, le Patronato du Musée du Prado, la Junta de Iconografía Nacional, etc.

Comprendre le théâtre et la scène espagnols de la Restauration (1875-1902) suppose de prendre en compte la profusion et la diversité des œuvres littéraires qui furent diffusées à cette période de la fin du siècle. Les dramaturges européens entrent ainsi en Espagne par plusieurs canaux dont la presse, la critique, etc., comme nous le rappelle Jesús Rubio Jiménez dans cet extrait :

Uno de los aspectos más llamativos y que más dificultan el acceso a la cultura del pasado fin de siglo es la enorme cantidad y diversidad de las obras literarias entonces difundidas. Alcanzó también al teatro, y los intentos de renovación surgidos en España no se entienden si no se considera la difusión de las propuestas de los dramaturgos europeos que fueron divulgándose entre el público español por diversos caminos. […] Debe completarse la delimitación de este horizonte de posibilidades con el estudio de los repertorios de las compañías extranjeras que actuaron en las grandes ciudades españolas, la información que enviaban a sus periódicos diversos corresponsales en ciudades europeas, la crítica, las publicaciones extranjeras que se recibían privadamente o en instituciones como los casinos, o bien el conocimiento adquirido de forma directa durante viajes al extranjero que en no pocos casos resultó de decisiva influenciavi.

Ces transferts d’œuvres étrangères dramatiques en Espagne sont facilités par un environnement littéraire et culturel espagnol propice à leur importation car il y a un essor du théâtre au cours de cette période. En effet, le théâtre à cette époque joue un rôle important dans la vie sociale et culturellevii.

Picón consacre une dizaine d’articles journalistiques à la critique d’œuvres théâtrales étrangères, et principalement françaises (Emile Zola, Victorien Sardou, Erckmann-Chatrian, Alexandre Dumas fils, Henri Meilhac, Jules Verne, etc.). Dans les journaux et revues culturelles où sont publiées des traductions de productions étrangères, le castillan et le catalan étaient les deux principales langues employées, et parmi les traducteurs, peuvent être mentionnés des noms comme Eduard Vidal i Valenciano, Rossend Arús, Carles Costa, Josep María Jorda, F. Gomis, etc. Plusieurs entreprises de traduction peuvent être citées, comme La España Moderna qui traduit en 1892 l’essai de Zola intitulé El Naturalismo en el teatro (1879), ainsi que la traduction en 1883 de L’Assommoir par Mariano Pina Domínguez (traduction dont Picón rend compteviii). D’autres œuvres du romancier naturaliste français furent traduites au cours de la fin du siècle du fait de la dimension sociale qu’elles véhiculaient et qui était fort appréciée des jeunes écrivains radicaux : une autre traduction de L’Assommoir est entreprise en 1884 par Eduard Vidal i Valenciano et Rossend Arús, ainsi qu’une troisième, assurée par Luis Suñer Casademunt, sans oublier la traduction et l’adaptation de Germinal par Jean Paul Rivas. Albert Bensoussan rappelle la forte influence de Zola en Espagne en cette fin du XIXè siècle, en insistant sur trois œuvres qui ont profondément marqué la scène espagnole de cette période, à savoir La Taberna (1883), citée supra, de Pina Domínguez, Emilio Zola o el poder del genio (1903), de José Fola Igúrbide, et Daniel (1907), de Joaquín Dicenta :

A l’écrivain de gauche espagnol en quête d’un modèle d’écriture et d’un type d’engagement, Emile Zola, dont on n’a pas encore assez souligné tout l’impact en Espagne, s’impose avec tout le poids de ses Rougon-Macquart. Trois représentations théâtrales nous semblent bien illustrer cette courbe d’influence : La Taberna, de Mariano Pina Domínguez, le 1er décembre 1883 au théâtre Novedades de Madrid, Emilio Zola o el poder del genio, de José Fola de Igúrbide, le 12 avril 1903 au Circo Barcelonés de Barcelone, et enfin et surtout Daniel, de Joaquín Dicenta, le 7 mars 1907 au théâtre Español de Madridix.

Dans les années 90 et au-delà, plusieurs dramaturges nordiques sont traduits, parmi lesquels Henrik Ibsen, Bjornstjerne Björnson, Gerhart Hauptmann, Hermann Suderman ou August Strindbergx. Ces œuvres étrangères furent diffusées par de nombreux journaux dont La Guirnalda (1867-1876), El Globo, La Vanguardia, Revista Nueva, Revista de Arte Dramático, La Correspondencia de España (1861-1884), La Vida Galante (1898-1900), Juan Rana (1897-1906), etc. C’est aussi au cours de ces années que le théâtre symboliste se propage, avec Maurice Maeterlinck, qui joua un rôle non négligeable dans les nouvelles voies qu’allait prendre le théâtre espagnol de l’entre-deux-siècle. De même certains dramaturges méditerranéens comme Edmond Rostand, Marco Praga, Gabriele D’Annunzio, qui allaient davantage se faire connaître au début du siècle suivant, commencent à faire leur apparition sur la scène espagnole. Dans ces échanges culturels qui se déroulent principalement entre Madrid et Barcelone, l’on notera par exemple la proximité qui existe entre Leopoldo Alas Clarín et José Yxart d’une part, et entre Benito Pérez Galdós et Narcís Oller, Angel Guimerá d’autre part, sans oublier les bonnes relations qu’entretiennent le cercle moderniste de La Vida Literaria (1899) et le Teatro Artístico de Madrid avec les différents cercles modernistes catalans (Adriá Gual, Santiago Rusiñol, etc.)xi. Passant par Paris, après une représentation de Espectros au Théâtre Libre en 1890, Ibsen est largement vulgarisé en Espagne au cours de la décennie 90. En effet, en 1893 à Barcelone, Carles Costa et Josep M. Jordá traduisent Un enemigo del pueblo en castillan pendant que Nora est traduit en catalan par Pompeu Fabra et J. Casas en 1896. A Madrid, d’autres œuvres du dramaturge norvégien sont publiées dans diverses revues, comme El Globo (La dama del mar, 1896), Revista Nueva (El pato silvestre, 1899), Revista de Arte Dramático y de Literatura (Despertaremos de nuestra muerte, 1902), etc. En 1894 est représenté à Barcelone Una quiebra de Bjornson et la même année à Madrid est adapté Los tejedores de Silesia de Hauptmann par González Llana et Francos Rodríguez avec le titre El pan del pobre. Deux ans plus tard, en 1896, cette même œuvre de Hauptmann est traduite à Barcelone par R. Mella et publiée par la revue anarchiste La Ciencia Social. Il en va de même avec Sudermann dont l’œuvre intitulée El honor est traduite en 1893 par Miguel de Unamuno pour le journal El Nervión de Bilbao. Avec Magda, une autre production du dramaturge, la pièce El honor fut représentée à Madrid en 1897, sur une adaptation de Fernández Villegas avec le titre El bajo y el principal. Quant à Strindberg, il est publié en Espagne notamment au tout début du XXè siècle, avec L’inspector Axel Borj à Barcelone en 1902, La señorita Julia (1903), Padre (1905). Comme Ibsen, Maeterlinck passe par la France, où l’écrivain Octave Mirbeau le présenta dans le journal Le Figaro du 24 août 1890, un an avant la représentation de son œuvre La intrusa (1891) au Théâtre d’Art à Paris, avec le soutien du poète Paul Fort. A Barcelone, la traduction catalane de La intrusa est assurée par Pompeu Fabra en 1893. José Martínez Ruiz Azorín entreprend la traduction de La intrusa à Madrid et la publie en 1896 à Valence, suivi en 1899 de la traduction de Interior par Ramón María del Valle-Inclán. L’œuvre dramaturgique de l’auteur belge eut une influence considérable sur les productions de certains écrivains et artistes espagnols comme Gual (Nocturn)xii, Rusiñol (L’alegria que passa), Azorín (La fuerza del amor, 1901, Diario de un enfermo, Lo invisible), Valle-Inclán (Ceñizas, Tragedia de ensueño, Comedia de ensueño), Pérez de Ayala (La dama negra), Martínez Sierra (Teatro de ensueño), etc. Peu à peu d’autres dramaturges européens apparaissent dans ces dernières années du XIXè siècle, comme Oscar Wilde, Marco Praga, Gabriele D’Annunzio, Edmond Rostand (Cyrano de Bergerac, 1897), etcxiii.

Picón est un intellectuel qui est soucieux de la promotion de la culture nationale. Ses positions sur la création d’un opéra typiquement espagnol (afin de mettre fin à l’envahissement de la scène espagnole par les productions italiennes), ses combats pour une Espagne mieux connue à l’étranger, montrent l’attachement de cet écrivain à sa patrie. En effet, en faisant en 1888 une critique élogieuse de la zarzuela de Ramos Carrión et Ruperto Chapí intitulée La Bruja, Picón en profita pour soutenir l’idée d’un opéra qui serait totalement indépendant des productions venues d’Italie, en prenant l’exemple d’autres pays qui ont su se faire une identité propre dans ce domaine (France, Allemagne, Grande-Bretagne, Portugal, etc.) à travers des productions telles que Fidelio (1805-1814) de Beethoven, Dinora de Meyerbeer, Faust (1859) de Gounod, et Carmen (1875) de Bizet. Picón considère que Ramos Carrión et Ruperto Chapí ont, avec La Bruja, marqué de manière très prometteuse la renaissance de la zarzuela et l’initiation d’un possible opéra national (que le critique appelle de tous ses vœux). Selon Picón, l’œuvre de ces auteurs est assortie de la meilleure tendance musicale moderne, de laquelle doivent s’inspirer les librettistes et compositeurs espagnols. Picón soutient :

La ópera nacional no es un sueño de omposible realización, ni pensar en fundarla es un disparate. Dentro de casa tenemos todos los elementos necesarios : lo que urge es utilizarlos bien. Chapí, Marqués, Bretón y Brúll son músicos que, si hallan medios de trabajar, lo hará seguramente con fruto ; orquestas y coros se forman en Madrid excelentes a poco empeño que se ponga en ello ; público ávido de recompensar el esfuerzo de todos no es lo que falta, pues a penas se representa una zarzuela regular, allí acude la gente dispuesta a pagar y aplaudir. […] Estas son las ideas despertadas al calor del éxito de La Bruja, y en esto radica su principal importancia. La transición de la zarzuela a la ópera sería insensible y acaso innecesariaxiv.

Et pourtant, ce patriotisme ne l’a jamais conduit à oublier ses aspirations internationalistes et cosmopolites : les peuples du monde doivent apprendre à se connaître et à partager leurs cultures respectives en vue du progrès de l’humanité. Picón anticipe ici ce que François Ost désigne comme l’inéluctabilité d’une mondialisation culturelle sans frontières dans son livre Traduire. Défense et illustration du multilinguismexv. Sans courir le risque de tomber dans un quelconque anachronisme, ces idées d’ouverture universelle des cultures traversent les siècles et la fin du XIXe siècle, l’époque de Picón, préfigure déjà assez fortement ces velléités de dialogue des peuples, rencontre des cultures que l’Unesco appelle de tous ses vœux aujourd’hui, comme le souligne, entre autres, la Déclaration universelle de l’Unesco sur la diversité culturellexvi. L’ambivalence du point de vue de Picón qui se manifeste par un attachement profond à son pays et une volonté ferme de s’ouvrir à l’Europe et au monde est un sentiment largement partagé par les Espagnols de l’époque. Dans son article sur Concepción Arenal et l’utopie européenne, Aurélie Pirat écrit :

L’attitude des Espagnols face à l’Europe au XIXè siècle est souvent ambiguë et toujours liée, d’une part à une prise de conscience du retard de l’Espagne dans des domaines variés, face à des nations plus agressives d’un point de vue économique, industriel et colonial ; d’autre part liée à la peur viscérale de perdre leur identité nationale. En effet, le désir et la nécessité de s’ouvrir à la modernité européenne et la crainte de perdre leurs valeurs authentiques, font que nombre d’auteurs espagnols (Larra, Unamuno, Galdós) se sentent tiraillés par les raisons les plus contraires. Leurs écrits s’en ressentent puisque s’y mêlent l’admiration et la critique ; l’appel à l’européanisation de l’Espagne et la défense réactionnaire de lo español face à l’omnipotence de l’Europexvii.

Concernant le phénomène de traduction et d’adaptation des œuvres étrangères sur la scène espagnole de la Restauration, Picón maintient sa conception de l’échange entre les cultures et de leur enrichissement mutuel : tout ce qui est propice à la bonne intelligence des peuples mérite d’être soutenu et promu, et ce dans le respect et la reconnaissance de la souveraineté des nations. Il publia une dizaine d’articles et chroniques de presse où il donnait ses avis sur la représentation de pièces de théâtre étrangères sur la scène nationale. Ces œuvres provenaient notamment de la France et Picón, esprit humaniste et progressiste, était sensible à l’enrichissement que pouvait apporter la culture théâtrale française, même s’il était par ailleurs très attentif au maintien et à la promotion d’un certain caractère national de la pratique scénique et de la vie du théâtre espagnol. Picón n’est pas traducteur mais maîtrise des langues étrangères et a un avis sur la qualité de la traduction. Entre 1883 et 1889, il s’intéresse particulièrement à des auteurs comme Zola (Thérèse Raquin, 1883, L’Assommoir, 1883), Erckmann-Chatrian (L’ami Fritz, 1884, Les Rantzau, 1886), Victorien Sardou (Georgina, 1886, Ferreol, 1888, Belle Maman, 1889), Dumas filsxviii (Le demi-monde), Henri Meilhac (Mam’zelle Nitouche, 1888) et Jules Verne (La llama errante, 1888), El general Montleón (1886), El cura de Longueval (1889)xix. Ces traductions et adaptations sont généralement prises en charge par Mariano Pina Domínguez, Luis Valdés, Javier Santero, Javier de Burgos, Torres Reina, Carlos Fernández Shaw, etc. Il n’est peut-être pas inutile de rappeler que ces traductions et adaptations sont effectuées avec un certain décalage temporel par rapport aux dates de création des œuvres originales françaises, ainsi que le souligne, par exemple, Rosa María Calvet Lora, au sujet des productions de Victorien Sardou :

Otro detalle significativo es el anacronismo de la mayoría de las versiones, el desfase temporal entre el estreno de la obra en París y su representación en Madrid. Si exceptuamos Nos intimes !, Georgette y Thermidor, que fueron traducidas al año de su estreno en París ; L’Affaire des poissons a los dos años ; Dora a los tres ; Mme Sans-Gêne y Divorçons !, que son de las obras más emblemáticas del autor, a los cinco años ; el resto supera casi siempre los diez años, llegando algunas a los veintiocho, como es el caso de Les Ganaches. Patrie !, una obra también característica del autor, se adaptó a los veintitrés años. Enrique Gaspar acometió la traducción de Séraphine, que convirtió en Serafina la devota, a los veintidós años del estreno en Parísxx.

Une fois de plus, Picón tend à mettre au-dessus de toute considération la créativité artistique. Il se soucie moins de l’appartenance identitaire de telle ou telle pièce théâtrale que de sa capacité à se faire valoir artistiquement et de susciter un enthousiasme raisonné auprès du public. En effet, le public, comme Picón le soulignera en janvier 1903 dans ABC, doit être guidé et soutenu dans ses goûts esthétiques, et plus encore en ce qui concerne les représentations théâtrales. Picón préconise que l’on éduque le public afin de créer une minorité capable d’influer sur le théâtre. L’art dramatique devant alors être dynamisé par l’intervention de personnes préparées, en vue d’une optimisation de ses moyens. Il faut donc faire de la pédagogie auprès du public, afin que celui-ci apprenne à mieux apprécier le génie des dramaturges et des œuvres que ces derniers produisent. Ici, Picón semble faire écho aux recommandations de Jacinto Benavente qui revendiquait un théâtre de qualité littéraire, où le goût du public serait éduqué et s’éloignerait de la vulgarité qui s’était emparée de la scène espagnole de l’époque. Picón affirme :

En materia de teatro nuestras costumbres conceden importancia exclusiva a los autores y a los actores ; las obras y sus intérpretes absorben la atención de los aficionados ; en cuanto al público, estamos acostumbrados a considerarlo como rey absoluto a quien es necesario servir y aun adular, dándole la razón en todo y no discutiendo nunca sus fallos. Y, sin embargo, acaso más que nadie sea él digno de estudio y en gran parte de censura por faltas y errores que con frecuencia se echan en cara a cómicos y poetas. No falta quien sostenga que, pues el público paga, es dueño de imponer su capricho ; mas nadie negará que el gusto y el sentimiento artístico son susceptibles de educación, y que, bien dirigido, el pueblo que hoy se divierte con una mojiganga puede mañana deleitarse con un buen drama. Yo me atrevo a creer que quien con la autoridad y prestigio necesarios emprendiera la crítica de los fallos del público, haría grandísimo beneficio a la literatura dramática, contribuyendo a crear, poco a poco, una minoría capaz, en momentos determinados, de influir poderosamente en el éxito de las obrasxxi.

Le défaut majeur qu’il constate dans l’adaptation des œuvres romanesques à la scène est la perte de la densité, de l’épaisseur de la création du romancier, qui souvent perd de sa valeur, estime-t-il, lorsque l’œuvre est transposée à la scène. Il cite des exemples de grands romans (L’Assommoir, Le Nabab, le Quichotte) qui ont parfois connu des adaptations théâtrales assez mauvaises, ainsi qu’il le constate par ailleurs dans la critique qu’il fait en 1883 de Thérèse Raquin d’Emile Zola. Concernant l’adaptation des romans au théâtre, Picón soutient :

Las obras del novelista se leen ; las del poeta dramático se ven. […] En el libro puede y debe hacerse el proceso de los móviles y del carácter que impulsan a cada personaje : en el teatro el carácter debe formarse por sí, con hechos que vayan sintetizando la marcha y desarrollo de sus pensamientos. De una obra tan magistral como L’Assomoir [sic], salió un drama muy flojo ; Le Nabab se hizo otro todavía peor ; con otras muchas novelas ha sucedido lo mismo ; hasta el Quijote se ha llevado a las tablas siempre con muy mala suertexxii.

Il considère ainsi que le roman doit s’en tenir à l’observation et à l’analyse de la société et de la psychologie des individus, comme nous le constatons dans sa filiation au roman réaliste de l’époque, et que l’œuvre de théâtre doit inclure cette dimension d’immédiateté de la réception par le public, sans oublier bien entendu son rôle de vitrine de la société contemporaine.

Picón est pour la valorisation de la culture, des arts et spectacles, et le théâtre participe grandement à ces aspirations qui sont des ressorts sûrs pour la vie sociale, ce qui nous rappelle, entre autres, sa désolation au sujet de la fermeture du Teatro Real en 1896xxiii.

En 1883, il juge assez défavorablement les adaptations des deux romans de Zola Thérèse Raquin et L’Assommoir, qui avaient respectivement été adaptés par une troupe théâtrale portugaise et par Mariano Pina Domínguez. Nous pouvons rappeler que Thérèse Raquin est un roman que le chef des romanciers naturalistes français publie en 1867, juste avant la fresque des Rougon-Macquart qui s’ouvre en 1871 (La Fortune des Rougon) et se referme en 1893 (Le Docteur Pascal). Il s’agit, dans ce récit, du destin tragique de la protagoniste éponyme dont la soif d’amour avec son amant Laurent n’a d’égal que la vivacité de leur remords au sujet du meurtre de Camille, le mari, remords qui conduira fatalement les deux amants à la mort. Picón rappelle particulièrement la difficulté que constitue la transposition d’une œuvre romanesque pour la scène, car les deux genres littéraires, souligne-t-il, sont essentiellement différents et touchent le public de façon distincte. Aussi, dans la critique qu’il fait de l’adaptation de Thérèse Raquin par la troupe portugaise, Picón juge celle-ci peu réussie, mais loue toutefois l’exécution des acteurs (Luscinda Simoes, Furtado Cohelo) qui ont su donner à la pièce la force avec laquelle elle a pu captiver le public. Se pose ici la question des modalités d’adaptation entre l’original de l’œuvre et l’horizon d’attente de celle-ci. En effet, Picón suppose que l’œuvre originale de Zola ne semble pas avoir gardé toute son expressivité dans l’adaptation qui en a été faite par la troupe théâtrale, or, de par la performance des protagonistes, celle-ci a fini par enthousiasmer le public. Ressort ainsi l’importance de la représentation théâtrale, indépendamment du genre et de la matière de la pièce, la mise en scène et les rôles joués par les personnages deviennent déterminants pour le succès de l’œuvre. Cette dimension n’échappe pas à Picón, qui en profite pour attirer l’attention des auteurs dramatiques et des acteurs espagnols afin que ces derniers prennent désormais suffisamment en compte cette dimension de l’œuvre théâtrale. Picón semble par ailleurs souligner, en filigrane, une trop grande perméabilité du public espagnol aux productions étrangères, un public espagnol dont il estime qu’il devrait s’intéresser davantage aux créations nationales. D’ailleurs, il n’hésite pas à rappeler que cette même œuvre de Zola (Thérèse Raquin) avait déjà été adaptée par un Espagnol (Hermenegildo Giner de los Ríos), deux ans auparavant, sous le titre Historia de un crimen, et que cette adaptation espagnole était bien meilleure que celle qui en a été faite par la troupe portugaise. Nous remarquerons encore que l’ouverture d’esprit de Picón demeure assez maîtrisée, pour ne pas dire limitée (ce qui serait d’ailleurs assez inexact, dans la mesure où il est ouvert à d’autres aires culturelles, sans pour autant abdiquer de la spécificité nationale). Au sujet de cette adaptation de Thérèse Raquin par la troupe portugaise, Picón déclare : 

El público acepta todos los géneros cuando se le ofrecen bien hechos. Y aún es preciso hacer constar que la dificultad con que se entiende el portugués había de disminuir naturalmente el efecto de muchas escenas. […] De la representación dada anteanoche por la excelente compañía portuguesa se desprende una observación muy provechosa para los actores y autores españoles: que nuestro público acepta con aplauso aun los géneros que menos le agradan, cuando se le ofrecen bien representados. Habrá quien diga que esto será mientras escuche las obras en idioma extranjero; pero podrá el público rechazar mañana, escrito en español y en buenas condiciones literarias, lo que ahora acepta en italiano, francés o portugués ? »xxiv.

Pour ce qui est de l’adaptation de L’Assommoir, Picón fut particulièrement satisfait du travail de traduction et de transfert culturel que Pina Domínguez avait réalisé, car il estime que ce dernier avait su transposer l’œuvre française à la scène espagnole, avec un jeu des différents personnages que Picón trouve fort réussi. Rappelons tout d’abord que L’Assommoir est l’un des romans les plus célèbres du cycle des Rougon-Macquart. C’est en 1877 qu’il sort en librairie, après être paru en feuilleton dans le journal républicain Le Bien public à partir d’avril 1875. L’action de ce récit en treize chapitres se déroule à Paris, dans le quartier ouvrier de la Goutte-d’Or, de 1850 à 1868, correspondant à la période historique française du Second-Empire (1852-1870). Zola, dans ce roman, et à travers les personnages de Gervaise (blanchisseuse), Coupeau (ouvrier zingueur), Auguste Lantier (ouvrier couvreur), Nana, entre autres, soulève la problématique des conditions de vie et de travail du milieu ouvrier, et de l’alcoolisme qui est à l’origine de bien des déchéances physiques et morales. L’intérêt que Picón trouve à cette adaptation tient peut-être également de la matière de l’œuvre. En effet, L’Assommoir étant, avec Germinal, l’une des productions naturalistes les plus emblématiques du célèbre romancier français, Picón ne pouvait que manifester de la sympathie pour les thématiques soulevées par cette création. Le monde ouvrier, l’alcoolisme et la déchéance dont parle Zola dans son œuvre sont autant de sujets qui se rapprochent des préoccupations de Picón et de beaucoup d’autres écrivains espagnols de la fin du siècle, qui font du combat social l’objet principal de leurs créations. Au théâtre, la pièce de Joaquín Dicenta intitulée Daniel devient l’emblème du théâtre social et engagé, comme nous le rappelle très précisément Albert Bensoussan :

C’est dans ce climat d’admiration dévote envers Zola que Joaquín Dicenta compose sa pièce la plus engagée socialement, Daniel. […] Il s’agit d’un drame ouvrier qui offre avec Germinal de très grandes ressemblances. […] Il y a donc, au niveau de l’intrigue, des parentés évidentes entre Daniel et Germinal. Au nieau des personnages, cette similitude se précise. […] Daniel, dont la forme théâtrale doit énormément à Germinal, représente l’aboutissement des reportages effectués par l’auteur aux mines de plomb de Linares, publiés dans El Liberal, de Madrid, du 2 janvier au 13 février 1903, sous le titre « Entre mineros » et repris dans l’ouvrage Espumas y plomo (Madrid, 1903). […] Pièce à thèse, inscrite dans le courant de pensée socialiste du début du siècle, œuvre d’un homme qui fut tout à la fois dramaturge, journaliste et politicien, d’un homme qui fut à la tête d’un mouvement libertaire tel que « Democracia Social » et d’un journal tel que El País, Daniel est une œuvre de combat. […] Joaquín Dicenta touche avec Daniel aux possibilités extrêmes du théâtre social. Cet homme, en dépit des dénigrements multiples dont il fut victime de la part de ses contemporains, à l’instar de l’auteur des Rougon, s’impose à nous, avec le recul, comme la figure exemplaire de l’écrivain de gauche engagé, mettant, comme son illustre aîné Emile Zola, une plume vigoureuse et ardente au service du combat social.

Ainsi, en plus de la dextérité dont Mariano Pina Domínguez a fait preuve dans l’adaptation de l’œuvre pour le paysage culturel espagnol, les arguments mêmes développés dans celles-ci, contribuent immanquablement à susciter l’enthousiasme de Picón. Nous pouvons rappeler que pour Picón, la scène théâtrale est une tribune de la vie sociale, comme l’avait déjà proclamé Victor Hugo à Paris quelques décennies plus tôt, et ainsi qu’il le rappelle lui-même dans son discours d’entrée à l’Ateneo de Madrid en 1884. En effet, Hugo déclarait en 1833 dans la préface à sa pièce de théâtre Lucrèce Borgia :

Le théâtre, on ne saurait trop le répéter, a de nos jours une importance immense, et qui tend à s’accroître sans cesse avec la civilisation même. Le théâtre est une tribune. Le théâtre est une chaire. Le théâtre parle fort et parle haut. […] L’auteur de ce drame sait combien c’est une grande et sérieuse chose que le théâtre. Il sait que le drame, sans sortir des limites impartiales de l’art, a une mission nationale, une mission sociale, une mission humainexxv.

Picón lui-même, lors de sa réception à l’Ateneo, soutenait :

El teatro radica en la sociedad, como el árbol arraiga en la tierra. […] La tendencia personal del poeta ha de acusar, no las ideas del autor, lo cual traería consigo propósito de finalidad ajeno a la índole artístico del Teatro, sino sus modos, sus procedimientos artísticos, la manera de ver, entender y acusar el natural ; la forma, la expresión, el estilo ; en una palabra, los caracteres de que reviste la belleza. […] Tal creo. Así, aunque la misión del Teatro no es misión exclusivamente civilizadora, es innegable que la escena, al par que refleja las costumbres, influye en ellas: los que quizá no leen en su casa cosa sana, ni cogen en la mano nunca un libro, van al Teatro buscando mero entretenimiento, y entre lágrimas y risas tal vez, escuchan la lección moral o admiran la belleza que no percibirían de otra suertexxvi.

Pour Picón, cette traduction et cette adaptation semblent avoir un retentissement doublement favorable : d’une part, il s’agit de s’ouvrir à une autre culture tout en demeurant dans un panorama culturel national, et, d’autre part, il s’agit d’apprécier le génie sociologique du grand écrivain de l’époque qu’est Zola. Picón l’estime en tant qu’homme de lettres, mais également pour son engagement dans la sociétéxxvii. Les éloges que Picón adresse à l’auteur des Rougon-Macquart en 1883 (pour son roman Au Bonheur des damesxxviii) montrent bien l’estime qu’il porte à Zola, une admiration qu’il témoigne par ailleurs à des écrivains espagnols comme Galdós (qu’il appelait el maestro Galdós), Clarín, Valera, Leopoldo Cano, Enrique Gaspar, Joaquín Dicenta, Eusebio Blasco, etc. La représentation de L’Assommoir (1883) paraît dépasser le seul espace scénique et semble s’inscrire dans le processus général de l’engagement de la littérature dans les questions sociales de l’époque. Picón salue le travail de Mariano Pina Domínguez sur L’Assommoir (1883) en ces termes :

La tarea de Mariano Pina era muy difícil: ni aun el título tenía cómoda traducción, porque L’Assomoir [sic] no es precisamente La taberna, es algo más bajo y más repugnante : parece que debiera ser la tasca o el chiscón ; pero estas dos palabras, que muchos recordarán haber leído en autores que son autoridades, no están en el diccionario. Además, la obra francesa está escrita de suerte que todo es en ella argot de París, dialecto de la gente baja de los barrios exteriores, cuajado de modismos, frases hechas y conceptos convencionales, que no tienen interpretación posible en castellano. Pina ha hecho lo que podía hacerse; imprimir a las escenas y tipos carácter español, tratándolos como cuadros madrileños. […] En resumen: el trabajo de adaptación a nuestra escena está bien y la obra muy aligeradaxxix.

En s’intéressant en 1884 et 1886 aux pièces d’Erckmann-Chatrian intitulées respectivement El amigo Fritz (1884) et Los Rantzau (1886), Picón rendait un hommage particulier à la représentation de la réalité, du naturel et de la vérité au théâtre. Erckmann-Chatrian sont un duo de romanciers-dramaturges, Emile Erckmann (1822-1899) et Alexandre Chatrian, dont les créations trouvent leur ancrage dans un folklore réaliste et populaire, propre à rendre assez fidèlement la réalité qui environne l’artiste. Ces écrivains, bien que peu cités parmi les auteurs les plus connus de leur temps (Gustave Flaubert, Edmond et Jules de Goncourt, Emile Zola, Guy de Maupassant, Joris-Karl Huysmans, Alphonse Daudet, Jules Vallès, Jules Renard, etc.), s’inspirent pleinement de la veine réaliste et surtout naturaliste qui prévaut dans ces années de la fin du XIXè siècle. Erckmann-Chatrian eurent une production abondante, mais furent traditionnellement considérés comme des auteurs pour la jeunessexxx. En profitant de la critique qu’il fait de la traduction et de l’adaptation de la pièce El amigo Fritz (1884) de Erckmann-Chatrian, Picón loue ces hommes de lettres dont il estime qu’ils ont favorisé l’avènement du naturalisme au théâtre, succédant ainsi à la froideur néoclassique et au délire romantiquexxxi. L’auteur et critique espagnol manifeste de la sorte clairement ici sa préférence pour un théâtre réaliste et naturaliste, propre à représenter la société avec la maximum de réalisme et de vérité possible. D’ailleurs, il n’hésite pas à déclarer que Erckmann-Chatrian ont ouvert la voie aux dramaturges Augierxxxii, Dumas fils et Sardou, qui ont, selon Picón, réconcilié le théâtre français avec la vérité. Dans cette présentation qu’il fait de El amigo Fritz (1884), c’est en même temps un hommage fervent que Picón adresse au théâtre naturaliste et au naturalisme littéraire et artistique en général, qu’il s’agisse du roman ou de la peinture. Nous remarquerons qu’il y a chez Picón une certaine cohérence dans ses choix esthétiques. Le rejet qu’il manifeste face aux créations littéraires nordiques qu’il juge trop symbolistes ou mystiquesxxxiii, ou la peinture du début du XXe sièclexxxiv qui s’éloigne des modèles réalistes, sont autant de tonalités artistiques qu’il rejette. Il s’en tient à la représentation de la réalité sociale et à l’observation, à l’analyse de la psychologie des individus à travers des créations littéraires ou picturales susceptibles de répondre à ce besoin de représenter le plus fidèlement possible la vie contemporaine. Le plaidoyer qu’il semble formuler ici en faveur du naturalisme au théâtre réaffirme le soutien qu’il apporte à Zola, d’une part, mais également la promotion d’une conviction intime selon laquelle l’art peut participer efficacement à la connaissance de l’Homme et de la société, et donc influer sur les mécanismes de son fonctionnement : l’écrivain et l’artiste en général ont un rôle primordial à jouer dans la société. Picón juge la pièce El amigo Fritz (1884) d’Erckmann-Chatrian comme une œuvre bien de son époque, loin des lourdeurs néoclassiques et des exagérations du romantisme. Il estime en effet que le succès de El amigo Fritz (1884) tient notamment à la simplicité qui la caractérise et aussi au réalisme qui en est le moteur. Les deux termes que Picón utilise pour qualifier cette œuvre sont simplicité et vérité. Tout autant qu’il loue la pièce originale française, Picón salue la traduction et son adaptation pour la scène espagnole, transfert assuré par Luis Valdés et à qui il adresse des mots très élogieux. Picón acclame ce travail de « translation » de El amigo Fritz (1884) de Paris à Madrid en ces termes :

El amigo Fritz […] será eternamente considerada como obra artística de primer orden […]. El amigo Fritz causó verdadera sorpresa. […] Los que maldicen del naturalismo, los que suponen que la nueva escuela es el entronizamiento de lo feo, lo repugnante y lo obsceno ; los que sin haber leído a Zola le tachan de inmoral, vayan a ver El amigo Fritz, obra por él tan encomiada y defendida. […] Resumen: Una obra hermosa, puesta y ejecutada como no se había visto en Madrid, y un título de gloria para quien tal ha hecho. Esta gloria corresponde a Mario y Luis Valdés, que ha traducido El amigo Fritz con mucho talento y mucha discreción, poniéndolo en un castellano sobrio y castizo que pueden envidiar muchísimas comedias originales. El éxito del traductor, que en vano fue llamado desde el acto segundo, y el de los actores, fue tan justo y unánime como legítimo es el mérito de la obraxxxv.

Les impressions favorables qu’il réserve à Los Rantzau en 1886 sont plus mesurées, mais Picón est convaincu que cette dernière pièce est également une œuvre parfaitement représentative de l’étude des mœurs et des caractères et mérite à ce titre d’être appréciée à sa juste valeur. En outre, il salue la mise en scène exécutée par Emilio Mario et les rôles des différents acteurs interprétés avec beaucoup de talent. Ainsi, au-delà de la dimension sentimentale dont est imprégnée cette production dramatique, qui finalement peut rappeler sur certains points Thérèse Raquin (bien que les arguments soient d’une nature tout à fait différente), cette création d’Erckmann-Chatrian n’en est pas moins pertinemment paradigmatique de la nouveauté romanesque qui imprègne le paysage littéraire de la deuxième moitié du siècle. Ici, les genres semblent indifférenciés, car romans et pièces de théâtre sont notamment considérés en tant qu’ils répondent tous au besoin de l’art de l’époque : la représentation de la vie sociale contemporaine. Animé de ces convictions, Picón considère certainement l’œuvre de Erckmann-Chatrian avec le même regard favorable que lorsqu’il décrit les créations d’autres romanciers et dramaturges réalistes et naturalistes comme Balzac, Flaubert, Zola, les Goncourt, Daudet, Clarín, Leopoldo Cano, Enrique Gaspar, Joaquín Dicenta, Eusebio Blasco, etc. Il soutient :

Para hablar de esto sería necesario traer a plaza El candidato, de Gustavo Flaubert ; La arlesiana y algunos otros ensayos de Daudet ; varias obras inspiradas con poco acierto en otras tantas novelas, y la comedia La parisienne, trabajos todos con que se ha querido luchar en Francia contra las originalidades de Dumas hijo, que él solo puede sostener a fuerza de talento, y contra el grande pero artificioso ingenio de Sardou. […] Los Rantzau no puede considerarse, ni creemos que nadie la haya considerado, como el tipo de la comedia naturalista; no es la última palabra, ni el modelo de la dramática contemporáneaxxxvi.

De la même manière qu’il exprime son avis très favorable à propos de certaines des œuvres théâtrales françaises dont il parle, Picón ne s’embarrasse pas de détours pour prononcer des remarques assez défavorables quand il estime qu’une pièce ne répond pas aux attentes de la scène espagnole, ou que celle-ci n’entre tout simplement pas dans la ligne désormais dominante de la tendance littéraire générale de la période, à savoir le réalisme et le naturalisme (pour ce qui est du roman et du théâtre particulièrement). Ce sont notamment ces considérations qui motivèrent largement les appréciations élogieuses qu’il formule au sujet des œuvres comme L’Assommoir (1883), El amigo Fritz (1884) et Los Rantzau (1886). Picón formule des commentaires très réservés sur deux pièces de théâtre qui furent représentées à Madrid en 1885 et 1886. Il s’agit respectivement de Tres mujeres para un marido (1885), dont il ne mentionne pas le traducteur, et El general Montleón (1886), qui fut traduite et adaptée par Javier Santero. Les appréciations que Picón porte sur ces œuvres sont assez sévères et montrent l’exigence dont le critique fait preuve dans le choix des productions qu’il juge dignes d’être représentées sur la scène nationale et pour le public madrilène. Il impute à ces pièces jugées très mauvaises de porter atteinte à la réputation des auteurs espagnols qui les traduisent et les adaptent, de même que les acteurs, qui sont souvent des comédiens très talentueux, estime-t-il, pâtissent de cet insuccès dû à ces œuvres étrangères jugées inadéquates pour la scène de Madrid. Parmi ces œuvres, citons l’une d’entre elles que Picón critique très défavorablement et dont le titre est Tres mujeres para un marido (1885). Il dénonce vivement l’absence de qualités artistiques dans cette création théâtrale, une production qu’il évoque avec une indifférence illustrative du peu d’intérêt suscité auprès du critique. Picón se sert en effet de termes assez dépréciatifs (farsas burdas y groseras ; tonterías ; no deben tolerarse, etc.) pour définir cette pièce de théâtre qui avait pourtant connu un certain succès sur la scène parisienne. Nous retrouvons ici la dimension sélective dans la réception des œuvres étrangères, œuvres qui, quoique dignes de respect dans leur configuration originelle, doivent correspondre du mieux possible aux habitudes culturelles du public et du peuple espagnols. La traduction et l’adaptation des œuvres venues d’ailleurs doivent ainsi répondre à un souci de recevabilité des créations originales, car il ne s’agit pas d’inféoder la culture théâtrale nationale, mais de s’enrichir mutuellement en régulant de manière réfléchie les échanges culturels, pour le rayonnement et le progrès des différentes cultures en interaction. Picón est favorable à une réception critique des œuvres étrangères sur la scène nationale, et formule de profondes réserves concernant la représentation de la pièce Tres mujeres para un marido en 1885 au Teatro de la Alhambra. A ce sujet, voici les propos de l’auteur espagnol:

Que se traduzcan comedias admirables como Le Demi monde y Denise, santo y muy bueno ; pero farsas burdas y groseras en que el arte no entra por nada, obras como Tres mujeres para un marido, no deben tolerarse. Aquí, donde tenemos autores cómicos como Blasco, Ramos Carrión, Palencia, Vital Aza, Estremera y tantos otros, no pueden aceptarse engendros como el que ayer se puso en escena en el teatro de la Alhambra. […] La traducción de Tres mujeres para un marido está hecha, según de público se decía, por un distinguido escritor de clarísimo ingenio que no debe malgastar así sus facultadesxxxvii

Le ton reste tout aussi caustique lorsqu’il aborde la pièce qui fut prise en charge par Javier Santero, El general Montleón (1886), dont il souligne qu’elle participe à discréditer cet auteur dramatique et les différents acteurs qui sont intervenus pour la présenter au public madrilène. Picón prononce des mots acerbes pour proscrire ce type de productions théâtrales car celles-ci ne constituent ni une source de divertissement ni une oeuvre exemplaire et didactique. Il condamne la représentation de El general Montleón (1886) en ces termes :

El general Montleón, antes El suplicio de una madre, y en otros tiempos El honor de la familia, es uno de esos dramones absurdos, de asunto rebuscado, mala estructura y peor forma. […] En toda la obra no hay un momento donde el ánimo descanse de ver y oír cosas absurdas. […] La obra no merece siquiera que se hable de ella, y así lo comprendió anoche el público, que dio prueba de buen juicio tomando en broma cuanto veía, y riéndose con aquel tejido de falsedades y exageraciones mal pensadas y peor dichas. […] Lo realmente doloroso es que con obras de este género las empresas salen quebrantadas, pierde prestigio el autor que hace la traducciónxxxviii.

Picón s’intéresse par ailleurs à trois pièces de Victorien Sardou intitulées Georgina (1886), Ferreol (1888) et Belle Maman (1889), qui furent respectivement représentées en 1886, 1888 et 1889. Sardou, soutenu par la célèbre artiste Virginie Déjazet, fut un auteur dramatique prolifique dont les œuvres furent souvent représentées dans les plus grands théâtres de la capitale, à savoir le Palais-Royal, la Comédie-Française, la Porte Saint-Martin, le Gymnase, la Gaieté, le Vaudeville, le Théâtre-Français. Parmi les pièces de théâtre les plus connues de Sardou peuvent être mentionnées Nos intimes (1861), La Famille Benoîton (1865), Nos bons villageois (1866), Patrie (1869), La Haine (1875), Rabagas (1872), Daniel Rochat (1880), Thermidor (1891). Il produisit Divorçons (1880) en collaboration avec de Najac, qui fut représenté au Palais-Royal, et il écrivit, pour la célèbre actrice Sarah Bernhardt, Fedora (1882), Théodora (1884), La Tosca (1887), La Sorcière. Dans Mes plagiats (1883), il défend les droits de l’auteur dramatique. Admis à l’Académie française le 7 juin 1877, Sardou jouissait d’une grande notoriété aussi bien en France qu’en Europe ou aux Etats-Unis, comme nous le rappelle Rosa María Calvet Lora :

Del mismo modo que Scribe, Sardou es un autor fácilmente « exportable ». La superficialidad de sus planteamientos le hace conectar más fácilmente que un Dumas fils con los más diversos públicos, pertenecientes a tradiciones teatrales diferentes a la francesa. Así pues, a pesar de lo extraño que hoy día pueda parecer, fue uno de los autores de más éxito en la Europa del pasado siglo. En España, Sardou fue también uno de los autores más representados, ya que las compañías francesas e italianas que visitaban nuestro país incluían varias de sus obras en sus repertorios, además de las no pocas traducciones y adaptacionesxxxix.

Le critique est singulièrement sensible au succès que connaissent les deux premières, en dépit de quelques réserves, mais rejette sans appel la troisième œuvre, Belle Maman (1889), qu’il juge indigne de ce dramaturge français qui avait pourtant suffisamment conquis la faveur du public par des productions bien plus captivantes. Concernant Georgina (1886), c’est une question de facture morale que Sardou pose dans son œuvre : la fille d’une femme de mauvaise vie mérite-t-elle de vivre aux côtés d’un caballero ? C’est là une problématique qui ne pouvait laisser Picón indifférent car il s’agit précisément d’une question qui affleure dans ses propres réflexions littéraires et journalistiques, à savoir la socialisation des femmes, et notamment leur vie amoureuse et matrimoniale. Dans cette pièce de Sardou, le prétendant n’épousera pas la fille de la pécheresse, ce qui est un dénouement que notre critique littéraire trouve peu dynamique et sans doute moralement et humainement discutable. En effet, l’auteur de Dulce y sabrosa (1891) juge (sans nous surprendre) que les deux jeunes gens devraient s’unir sans se laisser écraser par les conventionnalismes sociaux et de plus, condamner la fille pour les péchés de la mère est sans doute éthiquement condamnable. Nous retrouvons ici dans une certaine mesure, l’idéal de l’amour libre que Picón a toujours professé, et, plus largement, la volonté de voir les gens vivre plus librement dans une société où les valeurs dominantes ont cette tendance forte à réprimer systématiquement tout ce qui ne voue pas une allégeance aveugle aux diktats traditionnels, conventionnels et réactionnaires. Ainsi, outre la dimension artistique qu’il salue vivement, Picón salue la manière juste avec laquelle Sardou aborde cette question dans son œuvre, même si le dramaturge français n’enrichit pas davantage sa réflexion en se libérant un peu plus du discours conservateur de la société. Dans tous les cas, cela donne une occasion de plus à Picón de réaffirmer son engagement pour l’émancipation des femmes, la promotion de l’amour libre, véritable et authentique, et enfin de rappeler son combat contre toutes formes de traditionalismes et d’intolérance. Les commentaires qu’il formule au sujet de Georgina (1886) de Sardou peuvent se résumer en ces termes :

Georgina está planeada de un modo admirable. La estructura de la obra es sencilla, y en esta misma sencillez se funda el vigor de la impresión que produce. […] La ejecución fue esmerada. […] En resumen, una noche muy agradable para el público y una comedia que llevará gente al teatro. Como esta obra tiene importancia por sí y por su autor, a nadie se le ocurrió anoche quejarse de que fuera traducida. No está el mal en traducir, sino en traducir lo malo. Obras como Georgina, nunca vienen mal, porque con ellas se acostumbra el público a oír en la escena y dicho en voz alta, lo mismo que se dice por lo bajo en palcos y butacas. Algunos males trae al teatro español la imitación de todo lo francés, pero también es causa de un gran bien: el público va poco a poco perdiendo aquella hipocresía clásica defendida por los moralistas al por menorxl.

Quant à la pièce intitulée Ferreol (1888) dont Picón rend compte deux ans plus tard dans Revista de España, il s’agit d’un drame, qu’il considère comme faisant partie de la dramaturgie conventionnelle et traditionnelle, car celui-ci ne suit pas les critères des créations dramatiques contemporaines : lutte des passions, étude des mœurs, problèmes sociaux, etc. Il estime que cette production de Sardou ressemble davantage à un feuilleton d’Emile Gaboriau. Le critique réaffirme sa préférence pour des œuvres modernes, encore qu’il soit en même temps ravi de constater le succès remporté par Ferreol (1888) auprès du public madrilène venu contempler cette pièce éminemment captivante. Picón soutient :

Se ha estrenado en el teatro de la Comedia el drama de Victoriano Sardou, Ferreol, traducido por Javier Santero, el aplaudido autor de Los guantes del cochero. […] Cuanto sucede en Ferreol pertenece a ese convencionalismo teatral, que unos juzgan inevitable y que otros consideramos conveniente ir desterrando poco a poco. La fuerza y el éxito de Ferreol están en el grandísimo interés que despierta el drama : después de ver uno o dos actos no es posible irse del teatro sin saber en qué concluye aquello. Y esta condición aparece en tal grado realizada, que durante cuatro actos, bastante largos, está el espectador pendiente de los labios de los actores. […] El traductor fue llamado a escena con marcada insistencia. […] En el acto cuatro las palmadas interrumpieron algunos minutos la escenaxli.

A côté de ces commentaires élogieux au sujet de Ferreol (1888), Picón rejetait sans appel la représentation de Belle Maman (1889), dont il parlait en ces termes :

Si M. Sardou no hubiese escrito más comedia que Belle Maman, o todas las suyas se pareciesen a ésta, no habría alcanzado la justa y envidiable reputación que hoy goza de excelente autor dramático. […] Belle Maman es, no una comedia, porque no merece tan hermoso nombre, sino una farsa burda urdida sin ingenio, planeada sin travesura y escrita con poquísima gracia. […] No quisiéramos perjudicar a nadie; mas es lo cierto que obras como Belle Maman no deben traducirse. En buen hora venga de Francia lo superior o igual a nuestro trabajo: si lo primero, para estudiar; si lo segundo, para comparar ; pero que no nos presenten lo que es seguramente malo, inferior a lo menos afortunado y más tonto que aquí se hacexlii.

En 1888, il se réjouissait du succès obtenu par le vaudeville Mam’zelle Nitouche, de Henri Meilhac, qui avait été traduit et adapté par Mariano Pina Domínguez pour le Teatro Lara. En effet, le critique soutient qu’il est parfaitement souhaitable que les œuvres françaises, quel que soit leur genre, soient représentées en Espagne, à la condition que celles-ci ne soient point suradaptées à la scène espagnole, car une altération excessive de ces dernières serait préjudiciable à leur originalité et leur intérêt s’en trouverait considérablement réduit. Dramaturge, Henri Meilhac fut de 1852 à 1855 dessinateur au Journal pour rire et eut plusieurs collaborateurs dont Ludovic Halévy, Busnach, Nuitter, Narrey, Millaud. Parmi ses œuvres dramatiques peuvent être citées Ma Camarade (avec Ph. Gille), Décoré (1889), Ma Cousine (1890), etc. Il succède à Eugène Labichexliii à l’Académie française le 26 avril 1888. Mam’zelle Nitouche (1888), opérette ou comédie-vaudeville, fut élaborée en collaboration avec Albert Millaud, sur une musique de Hervé, représentée pour la première fois au Théâtre des Variétés à Paris le 26 janvier 1883 avec Anna Judic dans le rôle-titre. Picón souligne qu’il serait profitable de considérer la plupart des productions théâtrales françaises contemporaines dans leur idiosyncrasie (longues tirades, liberté du langage, etc.), sans leur imposer trop de modifications. En outre, le critique estime que ces productions devraient être représentées dans des lieux où l’on puisse vraiment apprécier l’originalité et la force dramatique de ces œuvres traduites et adaptées, car il juge en effet que le mélange de plusieurs genres différents ne favorise pas une bonne appréciation des représentations. Ainsi, le Teatro Lara, qui est par ailleurs le lieu de représentation d’œuvres théâtrales purement espagnoles telles les saynètes (sainetes) et autres productions du terroir (Pepe la frescachona, El padrón municipal, Mimí, etc.), n’était sans doute pas l’espace idéal pour la figuration d’une œuvre étrangère comme le vaudeville Mam’zelle Nitouche (1888). Picón observe que ce mélange des genres est immanquablement voué à dérouter le public, qui ne sait plus exactement sur quels critères recevoir les différentes créations scéniques, ce qui finit par causer systématiquement un préjudice aux œuvres théâtrales dans leur ensemble :

Mariano Pina Domínguez ha traducido para el teatro Lara el vaudeville de Meillac [sic] titulado Mam’zelle Nitouche, con el buen tino de reducir a dos los tres actos del original francés. […] El público salió satisfecho, y la prensa diaria ha contribuido al éxito ; todo lo cual es de celebrar, a condición de que el caso presente no se convierta en línea de conducta. Las obras francesas verdaderamente notables deben traducirse al español, cualquiera que sea el género a que pertenezcan ; pero la repetición de arreglos como el últimamente hecho por Mariano Pina para el Teatro Lara tiene un doble peligroxliv.

Dans sa chronique de la même année 1888, Picón présentait avec enthousiasme La llama errante, œuvre de trois auteurs espagnols (Javier de Burgos, Torres Reina et Carlos Fernández Shaw) qui s’étaient inspirés du roman de Jules Verne intitulé La casa de vapor. Dans La llama errante (1888) domine l’élément dramatique, soumis aux besoins de ce genre d’œuvres à grand spectacle, qui avaient remplacé les anciennes comédies de magie. Le regard bienveillant que Picón porte sur cette adaptation de Verne tient sans doute au fait que l’œuvre originale ait été largement acclimatée à l’environnement théâtral espagnol, car le romancier français dont on sait le goût pour les créations fantastiques hautement soutenues par les différentes découvertes scientifiques (Voyage au centre de la terre, 1864, Vingt Mille Lieues sous les mers, 1869, Le Tour du monde en quatre-vingts jours, 1873, etc.), n’a pas souvent bénéficié des applaudissements de Picón. En effet, l’on se rappellera la réponse sans équivoque de Picón aux déclarations de Jules Verne qui estimait que la presse allait supplanter le roman. Picón soutenait alors :

Decir que la noticia puede matar la novela, es como afirmar que la fotografía suprimirá la pintura y la estatuaria, o que el fonógrafo acabará con el canto. Tales cosas no deben tomarse en serio, aunque se escriban en inglés. […] Lo que se desprende de semejante boutade es que las obras de Dikens, Balzac, Zola y Galdós quedarán destronadas por el relato de un crimen como el de la calle de Fuencarral o por la descripción de un choque de trenes. Buena idea de la inteligencia humana y del arte tiene Julio Verne ! […] Sólo en broma pudieran comentarse las afirmaciones de Julio Verne ; tomarlas en serio me parece que es perder tiempo y robárselo al lector, que lo necesita para cosas más entretenidas o más gravesxlv.

La différence entre les deux écrivains est par ailleurs tout à fait compréhensible dans la mesure où Picón se réclame fondamentalement du réalisme alors que les productions du romancier français donnent une large place à l’imaginaire et au légendaire, au fantastique. Picón juge cette pièce très bien montée et adaptée au public madrilène avec beaucoup d’efficacité. Les dramaturges ont su transformer ce roman français en un spectacle intéressant pour le public espagnol, et le Teatro de la Zarzuela était le lieu idoine pour représenter cette œuvre. L’on retrouve ici le point de vue de Picón concernant le transfert d’œuvres littéraires d’un pays vers un autre : tant que ce passage culturel se fait dans l’exaltation de l’Art et la reconnaissance de la dignité des peuples, les adaptations seront toujours bénéfiques et salutaires pour tous. La llama errante (1888) constitue un épisode des guerres menées par l’Angleterre en vue de consolider son empire en Inde, et son adaptation pour le public espagnol ne porte nullement atteinte au roman original de Jules Verne :

En el teatro de la Zarzuela se ha estrenado, con buen éxito, La llama errante. Sus tres autores, o, mejor dicho, sus arregladores, pues lo que han hecho ha sido convertir en drama lírico una novela de Julio Verne, son ya conocidos del público. […] En mi concepto, se han equivocado en dos cosas: en no dar bastante importancia al elemento cómico, lo cual hubiese prestado extraordinaria vitalidad a la obra, y en no haber preparado la exposición del asunto con un poco más de picardía, para que fuese de mayor efecto la aparición de La llama errante. Fuera de esto, la obra llena las condiciones propias de esta clase de espectáculos porque entretiene agradablemente al público, y viéndola se pasa divertida la nochexlvi.

La Restauration connut une grande vague de traduction d’œuvres étrangères. Des dramaturges tels Ibsen, Maeterlinck, Suderman, Strindberg ou Hauptmann ont considérablement influencé le théâtre espagnol du début du XXème siècle. Bon nombre d’écrivains et critiques littéraires participèrent à ces échanges culturels, entre Madrid et Barcelone notamment (Clarín, Yxart, Galdós, Oller, Guimerá, etc.). Cette activité de traduction est étroitement liée au foisonnement des revues culturelles et littéraires espagnoles à cette période. Elles constituent un apport culturel important pour une société marquée par l’émergence de nouveaux courants de pensée et qui ne voulait plus se contenter de ce que proposaient des publications plus ou moins hybrides et héritières des formats et contenus du romantisme. Ainsi apparaissent des périodiques comme La Vanguardia, La Guirnalda (1867-1876), La Vida Galante (1898-1900), Juan Rana (1897-1906), La Correspondencia de España (1861-1884), La Revista Contemporánea (1875-1907) fondée par José del Perojo ou La España Moderna (1889-1914) créée par Lázaro Galdiano. Pour sa part, Picón s’intéressa presque exclusivement à des auteurs français, dans une dizaine d’articles qu’il publia dans Revista de España et El Correo. Les écrits qu’il consacre à des auteurs comme Zola (L’Assommoir, 1883, Thérèse Raquin, 1883), Sardou (Ferreol, 1888, Georgina, 1886, Belle Maman, 1889), Dumas fils (Le demi-monde), Erckmann-Chatrian (L’ami Fritz, 1884, Les Rantzau, 1886), Meilhac (Mam’zelle Nitouche, 1888), Verne (La llama errante, 1888), etc. montrent le caractère plutôt mitigé, quoique globalement favorable, du regard qu’il porte sur la traduction, l’adaptation et la représentation des œuvres théâtrales étrangères sur la scène espagnole. Il s’agit finalement d’une réception sélective, qui oscille entre l’ouverture à l’autre et le maintien de la dimension spécifique du théâtre hispanique. Picón est ainsi ouvert aux créations des autres pays, tout en restant profondément attaché à l’idiosyncrasie culturelle nationale.

Note de fin

i Hibbs, S., « La traducción como mediación cultural en el siglo XIX : reflexiones epistemológicas y metodológicas sobre una práctica compleja », in Francisco Lafarga & Luis Pegenaute (éd.), Creación y traducción en la España del siglo XIX, Berne, Peter Lang SA, 2015, p. 198.

ii Sur l’œuvre romanesque de Picón, nous pouvons citer les travaux suivants : Peseux-Richard, H., « Un romancier espagnol : Jacinto Octavio Picón », Revue Hispanique, XXX, 1914, p. 515-585 ; Bretón, C., Jacinto Octavio Picón, novelista, Madrid, Université Complutense, 1951 ; Sobejano, G. (éd.), « Introducción », Dulce y sabrosa, par J. O. Picón, Madrid, Cátedra, 1976, p. 11-58 ; Gold, H., Jacinto Octavio Picón : El liberalismo y la novela del siglo XIX, thèse de doctorat, University of Pennsylvania, 1980 ; Valis, N. M., Jacinto Octavio Picón, novelista, Barcelone, Editorial Anthropos, 1991 ; Anaya, C., Honor y heroísmo en la novela de Jacinto Octavio Picón, Ann Arbor, UMI,1996 (thèse de doctorat, Temple University, 1993) ; Romera Sánchez, M. S., La obra de Jacinto Octavio Picón en el marco de la novela decimonónica. Análisis narratológico, thèse de doctorat, Université de Séville, 1997.

iii Gutiérrez Díaz-Bernardo, E., Edición crítica y estudio de los « Cuentos completos » de Jacinto Octavio Picón (1852-1923), thèse de doctorat, sous la direction de Emilio Palacios Fernández, Université Complutense, Madrid, 2007. En 1985, William Rosa avait déjà produit une thèse de doctorat sur les contes de Picón, cf. Rosa, W., Estudio temático y formal de los cuentos de Jacinto Octavio Picón, thèse de doctorat, Ohio State University, 1984.

iv Mackaya, A., L’œuvre journalistique de Jacinto Octavio Picón (1852-1923) dans l’Espagne de la Restauration, thèse de doctorat, sous la direction de Solange Hibbs-Lissorgues, Toulouse, Université Toulouse II-Le Mirail, 2009, 2 vols.

v Indépendamment de sa proximité aux idées progressistes, Picón a toujours entretenu des relations cordiales avec d’autres personnalités qui incarnaient d’autres sensibilités idéologiques (Maura, Menéndez Pelayo, etc., cf. Mackaya, A., op. cit.).

vi Rubio Jiménez, J. « Las traducciones del teatro europeo del fin de siglo », in García de la Concha, V. (dir.), Historia de la literatura española. Siglo XIX (I), Guillermo Carnero (coord.), Madrid, Espasa Calpe, 1996, p. 142.

vii Cf. Ferry, A. & Humbert-Mougin, S., « Théâtre », in Yves Chevrel, Lieven D’Hulst & Christine Lombez (coord..), Histoire des traductions en langue française. XIXe siècle, Lagrasse, Editions Verdier, 2012.

viii Cf. Picón, J. O., « Teatros. Novedades. L’Assomoir [sic], drama de Zola y Busnach, traducida por Pina Domínguez, con el título La taberna », El Correo, 2 décembre 1883.

ix Bensoussan, A., « Emile Zola sur la scène espagnole : De L’Assommoir à Germinal, de Juan José à Daniel, de Joaquín Dicenta », Mélanges offerts à Charles Vincent Aubrun, Paris, Editions Hispaniques, 1975, p. 70.

x Sans doute le silence de Picón sur des auteurs comme Ibsen, Strindberg ou Hauptmann tient-il à l’idée qu’il se faisait de la littérature nordique. Nous rappelons qu’il récusait cette littérature du Nord du fait du symbolisme et du mysticisme qui caractérisent leurs œuvres. Picón estime que les écrivains nordiques manquent trop souvent de réalisme, ce qui est un défaut, estime-t-il, pour les lettres contemporaines. Cf. Picón, J. O., « Dramas y novelas del norte », El Imparcial, 5 octobre 1896.

xi Gual faisait la promotion du Teatre Intim, et le célèbre peintre moderniste Santiago Rusiñol illustra l’œuvre Interior de Maeterlinck dont le montage était assuré par le Teatro Artístico, sur une traduction de Ramón María del Valle-Inclán.

xii Gual avait par ailleurs représenté l’oeuvre de Maeterlinck intitulée Interior au Theatre Intim en 1899 à partir d’une traduction de Pompeu Fabra.

xiii Au sujet de cette diffusion du théâtre européen en Espagne, l’on pourra se référer également, entre autres, aux travaux suivants : Gregersen, H., Ibsen and Spain, New York, Harvard University Press, 1936 ; Díaz-Plaja, G., « Strindberg en España », Estudios Escénicos, Barcelona, n° 9, 1963, p. 103-112. ; Litvak, L., « Maeterlinck en Cataluña », Revue des Langues Vivantes, Bruxelles, n° 34, 1968, p. 184-198 ; Litvak, L., « Naturalismo y teatro social en Cataluña », Comparative Literature Studies, Urbana, 1969, p. 279-302 ; Davis, L. E., « Oscar Wilde in Spain », Comparative Literature, n° 25, 1973, p. 136-152 ; Bensoussan, A., « Emile Zola sur la scène espagnole : De L’Assommoir à Germinal, de Juan José à Daniel, de Joaquín Dicenta », Mélanges offerts à Charles Vincent Aubrun, Paris, Editions Hispaniques, 1975 ; Lavaud, J.-M., « Ibsen et le théâtre d’idées à Madrid à la fin du XIXe », Théâtre et société, Pau, Université, 1977, p. 61-74 ; Siguán Boehmer, M., «  L’ideari de Adria Gual en el marc de la renovació del teatro catalá i la introducció de G. Hauptmann a Catalunya », Homenatge a Antoni Comas, Barcelona, Universidad, 1985, p. 435-446 ; Rubio Jiménez, J., « Edmond Rostand en España. Ensayo y aproximación », Investigación Franco-Española, Córdoba, n° 5, 1991, p. 59-72.

xiv Picón, J. O., « Revista de teatros », Revista de España, t. CXIX, janvier-février 1888, p. 283-285.

xv Ost, F., Traduire. Défense et illustration du multilinguisme, Paris, Fayard, 2009.

xvi Paris, Ed. de l’Unesco, 2002.

xvii Pirat, A., « L’Internationale d’en haut ou l’utopie pacifiste européenne de Concepción Arenal (1820-1893) », in Jacques Ballesté & Solange Hibbs, (dir.), Le temps des possibles. (Regards sur l’utopie en Espagne au XIXe siècle), Carnières-Morlanwelz (Belgique), Lansman Editeur, 2009, p. 103-104.

xviii Alexandre Dumas fils est notamment l’auteur de La Dame aux camélias (1852), l’une des réussites théâtrales les plus spectaculaires en France au XIXe siècle. D’autres titres comme Le Fils naturel (1858) ou Un Père prodigue (1859) accompagnent sa création, création dans laquelle ce romancier et dramaturge fustige sans réserves le sort réservé par la société aux femmes délaissées et aux enfants illégitimes. Jacinto Octavio Picón est particulièrement sensible à la dimension éminemment réaliste, psychologique et sociale des écrits de Dumas fils, thématiques qui rejoignent bien des aspects des propres productions littéraires de l’écrivain madrilène (critique du statut social de la femme, défense des défavorisés, etc.). Rappelons que Picón réserva des appréciations très élogieuses à l’œuvre La Dame aux camélias : cf. Picón, J. O., « París », El Imparcial, 7 octobre 1878.

xix Cf. Picón, J. O., « Teatros. Comedia. Teresa Raquin, drama de Zola, representado por la compañía portuguesa », El Correo, 16 mai 1883 ; Picón, J. O., « Teatros. Novedades. L’Assomoir [sic], drama de Zola y Busnach, traducido por Pina Domínguez, con el título La taberna », El Correo, 2 décembre 1883 ; Picón, J. O., « Teatros. Comedia. El amigo Fritz, de Erkman-Chatrian, traducido por D. Luis Valdés », El Correo, 8 novembre 1884 ; Picón, J. O., « Teatros. Alhambra », El Correo, 5 avril 1885 ; Picón, J. O., « Teatro de la Comedia. El general Montleón, drama arreglado a la escena española por D. Javier Santero », El Correo, 27 janvier 1886 ; Picón, J. O., « Teatro de la Princesa. Los Rantzau, comedia en cuatro actos de Erkman-Chatrian, traducida al castellano », El Correo, 5 février 1886 ; Picón, J. O., « Teatro de la Comedia. Georgina, comedia en cuatro actos de Mr. Sardou, traducida al castellano », El Correo, 12 février 1886 ; Picón, J. O., « Revista de Teatros », Revista de España, mars-avril 1888 ; Picón, J. O., « Revista de Teatros », Revista de España, mai-juin 1888 ; Picón, J. O., « Teatro de la Comedia. El cura de Longueval, comedia en tres actos y en prosa, traducida del francés por D. Luis Valdés », El Correo, 22 février 1889 ; Picón, J. O., « Teatro de la Comedia », El Correo, 22 novembre 1889.

xx Calvet Lora, R. M., « Las traducciones al castellano del teatro de Victorien Sardou », in Francisco Lafarga Maduell & Roberto Dengler Gassin (coord..), Teatro y Traducción, 1995, p. 164-166.

xxi Picón, J. O., « El público del teatro », ABC, 1er janvier 1903.

xxii Picón, J. O., « Teatros. Comedia. Teresa Raquin, drama de Zola, representado por la compañía portuguesa », El Correo, 16 mai 1883.

xxiii Cf. Picón, J. O., (Ana Grama), « Carta de una madrileña a una provinciana sobre cosas de la corte », Madrid Cómico, 18 janvier 1896.

xxiv Picón, J. O., « Teatros. Comedia. Teresa Raquin, drama de Zola, representado por la compañía portuguesa », El Correo, 16 mai 1883.

xxv Hugo, V., Préface à Lucrèce Borgia, 1833, cité par Nadine Toursel et Jacques Vassevière, in Littérature : textes théoriques et critiques, Lassay-les-Châteaux, Armand Colin, coll. « fac », 2005, p. 247.

xxvi Picón, J. O., Del teatro, lo que debe ser el drama, Madrid, Esta. Tip. de El Correo, 1884, p. 11-26.

xxvii Cf. La célèbre lettre ouverte « J’accuse… ! » que ce romancier engagé publie le 13 janvier 1898 dans le journal L’Aurore (1897-1914) pour dénoncer la condamnation injuste du capitaine Alfred Dreyfus (1859-1935).

xxviii Cf. Picón, J. O., « La última novela de Zola », El Imparcial, 19 mars 1883.

xxix Picón, J. O., « Teatros. Novedades. L’assomoir [sic], drama de Zola y Busnach, traducido por Pina Domínguez, con el título La taberna », El Correo, 2 décembre 1883.

xxx Nous pouvons signaler quelques adaptations qu’a connues la pièce L’ami Fritz depuis sa première représentation en 1876. Tout d’abord, ce fut une comédie en trois actes, créée à la Comédie-Française le 4 décembre 1876 sur une musique d’Henri Maréchal, avec Suzanne Reichenberg (Sûzel) et Paul Febvre (Fritz). Il y eut de nombreuses reprises à la Comédie-Française, dont celle du 7 octobre 1922 avec Madeleine Reynaud (Suzel), André Brunot (Fritz), Edouard de Max (David Sichel), et le 14 mai 1945 avec Gisèle Casadesus (Suzel) et Pierre Dux (Fritz). Une parodie en fut faite sous le titre L’ami Fritz-Poulet au Théâtre Taitbout le 23 décembre 1876 par Hector Monréal et Henri Blondeau. L’ami Fritz fut également mis en musique (1891), adapté au cinéma (1920, 1933), à la télévision (1959, 1967, 1968, 1975) et à la radio (France Culture, 1980).

xxxi Cf. Picón, J. O., « Teatros. El amigo Fritz, de Erkman-Chatrian, traducido por D. Luis Valdés », El Correo, 8 novembre 1884.

xxxii Emile Augier (1820-1889) est poète et dramaturge. Sa production théâtrale compte des créations comme L’Habit vert (1849, en collaboration avec Alfred de Musset et représenté pour la première fois à Paris, au Théâtre des Variétés, le 23 février 1849), La Chasse au roman (1851, avec Jules Sandeau, Paris, Théâtre des Variétés, 20 février 1851), Sapho (1851, avec Charles Gounod, Paris, Opéra, 16 avril 1851), Les Effrontés (1861, Paris, Théâtre-Français, 10 janvier 1861), Le Prix Martin (1876, avec Eugène Labiche, Paris, Théâtre du Palais-Royal, 5 février 1876).

xxxiii Cf. Picón, J. O., « Dramas y novelas del norte », El Imparcial, 5 octobre 1896.

xxxiv Cf. Picón, J. O., « La Exposición de 1912 y la pintura española », El Imparcial, 3 juin 1912 ; Picón, J. O., « La Exposición de 1912 y la pintura española », El Imparcial, 10 juin 1912.

xxxv Picón, J. O., « Teatros. El amigo Fritz, de Erkman-Chatrian, traducido por D. Luis Valdés », El Correo, 8 novembre 1884.

xxxvi Picón, J. O., « Teatro de la Princesa. Los Rantzau, comedia en cuatro actos de Erkman-Chatrian, traducida al castellano », El Correo, 5 février 1886.

xxxvii Picón, J. O., « Teatros. Alhambra », El Correo, 5 avril 1885.

xxxviii Picón, J. O., « Teatro de la Comedia. El general Montleón, drama arreglado a la escena española por D. Javier Santero », El Correo, 27 janvier 1886.

xxxix Calvet Lora, R. M., « Las traducciones al castellano del teatro de Victorien Sardou », in Francisco Lafarga Maduell & Roberto Dengler Gassin (coord.), Teatro y Traducción, 1995, p. 164.

xl Picón, J. O., « Teatro de la Comedia. Georgina, comedia en cuatro actos de Mr. Sardou, traducida al castellano », El Correo, 12 février 1886.

xli Picón, J. O., « Revista de Teatros », Revista de España, mai-juin 1888.

xlii Picón, J. O., « Teatro de la Comedia », El Correo, 22 novembre 1889.

xliii Le dramaturge vaudevilliste Eugène Labiche (1815-1888) sert notamment le théâtre de divertissement sous le Second-Empire (1852-1870) avec des œuvres comme Un Chapeau de Paille d’Italie (1851), qui est sa pièce la plus célèbre. Ecrite en collaboration avec Marc-Michel, cette œuvre dramatique fut publiée aux éditions Michel Lévy frères et fut représentée pour la première fois à Paris au Théâtre du Palais-Royal le 14 août 1851.

xliv Picón, J. O., « Revista de Teatros », Revista de España, mars-avril 1888, p. 434-435.

xlv Picón, J. O., « El porvenir de la novela », Nuestro Tiempo, année II, n° XXIII, novembre 1902.

xlvi Picón, J. O., « Revista de Teatros », Revista de España, n° 116, mai-juin 1888, p. 623-624.

Citer cet article

Référence électronique

Aymar Mackaya, « Le point de vue de Jacinto Octavio Picón (1852-1923) sur la traduction et l’adaptation des œuvres dramatiques étrangères sur la scène espagnole de la Restauration », La main de Thôt [En ligne], 3 | 2015, mis en ligne le 02 janvier 2024, consulté le 29 mars 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/lamaindethot/525

Auteur

Aymar Mackaya

Université Omar Bongo, Libreville (Gabon)

Enseignant-chercheur

mackaymar@yahoo.fr

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