Mário de Sá-Carneiro et les démones de la danse

Résumé

Loin d’être une scène de genre, une relecture du mythe de Salomé, figure éculée de la littérature fin-de-siècle, le spectacle donné par « l’Américaine » dans A Confissão de Lúcio de Mário de Sá-Carneiro, est, bien au contraire, tout empreint de modernité, dont l’affirmation d’une homosexualité féminine décomplexée n’est pas des moindres. A la Salomé d’Oscar Wilde revisitée par Strauss dans son opéra, l’auteur préfère des figures moins mythiques, et bien plus réelles, des danseuses de la Belle-Epoque qui par leur Art génèrent un vent de nouveauté, et dont les pratiques sexuelles bouleversent l’hétéronormativité. En ouvrant sa nouvelle sur un personnage féminin affranchi du modèle patriarcal et hétéronormatif, l’auteur se veut résolument moderne.

Texte

Le poète Mário de Sá-Carneiro, qui s’installe à Paris en 1912, voit naître la modernité et s’engage totalement dans sa divulgation au Portugal, avec Fernando Pessoa pour relais, constellation moderniste à lui tout seul, et la revue Orpheu comme moyen de diffusion. La génération d’Orpheu viendra rompre avec les langueurs artistiques lusitaniennes et en finir avec un XIXe siècle qui s’attarde encore dans ce pays « à esquina do Planeta », en marge de l’Europe et de l’Histoire. La littérature et les arts en général y sont toujours plongés dans des courants encore très traditionnalistes et passéistes, Saudosismo et mouvances néoromantiques, bien loin des vœux de Pessoa qui souhaitait « criar uma arte cosmopolita no tempo e no espaço1 ». Symbolisme, Naturalisme, Parnassianisme, Décadentisme sont toujours aussi vivaces au Portugal alors que ces écoles ont été balayées dans le reste de l’Europe par le vent d’une modernité éprise de nouveauté, avide de machines et de vitesse, désireuse de Futurisme.

Néanmoins, bien que participant à l’introduction de la modernité, la critique ‘‘taxonomiste’’ qui s’est essayée à définir de manière normative le style et l’imaginaire de notre auteur, éprouve certaines difficultés face à la diversité du style et des thèmes abordés dans une œuvre protéiforme, ce que Fernando Cabral Martins résumera par la formule de « um lugar incerto2 ».

Toutefois, les exégètes de son œuvre sont quasi unanimes pour y voir sinon une continuation du Décadentisme, du moins une résurgence de ses thématiques, faisant du Dandy Mário de Sá-Carneiro un auteur ‘‘entre deux siècles’’ : « a sua poesia (como em boa parte, a sua novelística […]) não se deixa apreender fora da relacionação com a literatura finissecular, nem à margem das assimilições e rejeições que intertextualmente essa literatura lhe suscita3 ».

 Cette lecture est induite par la récurrence d’un imaginaire décadent, celui du « féminin fatal4 » et de l’effémination dandy notamment. Comme chez les auteurs fin-de-siècle, les personnages masculins perdent de leur masculinité :

Gervásio Vila-Nova […] tinha estilizações inquetantes de feminilismo histérico [...]. Em todas as multidões ele se destacava, era olhado, comentado. [...] Todo ele encantava as mulheres [...] mas esse olhar, no fundo, era mais o que as mulheres lançam a uma criatura do seu sexo, formosíssima e luxuosa, cheia de pedrarias…

- Sabe meu caro Lúcio [...] não sou eu nunca que possuo as minhas amantes; elas é que me possuem...5

Pour les décadents, cette effémination devient la voie d’une critique larvée des valeurs et de l’univers bourgeois prônés par le Réalisme-Naturalisme, par les idées philosophiques du positivisme comtien. L’inscription du féminin dans le texte devient la voie de la modernité, de l’avant-garde littéraire dont Sá-Carneiro est un éminent représentant.

Ce refus des modèles traditionnels de la masculinité va à l’encontre des conventions liées au genre. Le féminin n’est plus seulement l’apanage des femmes, mais aussi celui de quelques hommes, mot emblématique qui condense à lui seul la crise de l’identité masculine naissante. L’effémination constitue alors un contre-discours à la « domination masculine6 » dont sont également victimes les hommes, un moyen détourné d’affirmer des sentiments et une sensibilité hors norme, réprimée par la doxa7. Pour Jacques Le Rider :

[…] la déconstruction du masculin apparaît liée à l’idée même de modernité. […] l’homosexualité n’est qu’un des noms qu’on peut choisir pour désigner cette révolte contre les données ‘‘naturelles’’ de la sexualité, et cette féminisation de l’art et de la littérature, qui caractérisent la modernité de l’époque 1900 et du début du siècle. […] Le rejet des fausses certitudes de l’identité mâle traduit une révolte contre un ordre social et culturel ressenti comme étouffant et répressif8.

A mesure que l’appétit sexuel de l’homme diminue, celui de la femme grandit, finissant par occuper le pôle actif traditionnellement dévolu à l’homme. Etudiant les romans de la fin du XIXe siècle, Eléonore Roy-Reverzy constate que :

[…] les pôles masculin et féminin ne semblent plus vivre sur le mode de la complémentarité […] mais sur celui de la mésentente et de l’affrontement. Les valeurs attachées à chacun des sexes semblent avoir subi une vaste inversion — entre l’activité masculine et la passivité féminine, l’actif et l’affectif comtiens9

Dans cet univers, la vision de l’éternel féminin se dégrade ; la femme est réifiée, l’amour se résume à un acte charnel. La femme idéalisée héritée du Romantisme disparaît peu à peu, mais avec elle s’efface aussi la polarité passif/actif instaurée par le clivage des sexes. Elle devient artificielle, triviale, adultère, une virago voire une Salomé avide de sang :

Assim, ora nos beijávamos os dentes, ora ela me estendia os pés descalços para que lhos roesse – me soltava os cabelos ; me dava a trincar o seu sexo maquilado, o seu ventre obsceno de tatuagens roxas…[…]

E só depois de tantos requintes de brasa, de tantos êxtases perdidos – sem forças para prolongarmos mais as nossas perversões – nos possuímos realmente. [...] E em verdade não fui eu que a possui – ela, toda nua, ela sim é que me possuiu... (p.104-105)

C’est par ailleurs la résurgence du mythe de Salomé, du féminin pervers et de l’ambiguïté sexuelle qui poussent les critiques à qualifier l’auteur d’écrivain décadent10. Néanmoins, comme l’a démontré Paula Morão11, la figure de Salomé a non seulement hanté la littérature fin-de-siècle portugaise, à l’instar des autres littératures européennes, mais également les auteurs du premier Modernisme portugais, Fernando Pessoa inclus.

C’est ainsi que les exégètes de l’œuvre rattachent le personnage de l’Américaine du premier chapitre de A Confissão de Lúcio à la figure mythique de Salomé et des femmes fatales fin-de-siècle qui, selon Paula Morão, « são inscrições literárias, são símbolos da dança, do pecado e da culpa, da nostalgia de um paraíso perdido, tudo se desenrolando no espaço imenso e ensombrado, de uma alma doente12 ». Or, pour le personnage en question et les danseuses qui l’accompagnent, il s’agit moins d’une « inscription littéraire » que de l’inscription de modernes et bien réelles Salomés que Mário de Sá-Carneiro va incorporer dans sa nouvelle. A la danse mythique réinventée par le peintre Gustave Moreau et Oscar Wilde, viennent se substituer des danses d’un nouveau genre que le poète aura pu voir de visu à Paris dans les music-halls qu’il aimait à fréquenter, dans les théâtres des beaux quartiers ou dont il aura pu lire les comptes rendus dans la presse française à laquelle il était abonné.

Si les critiques ont hâtivement rattaché la scène de « A Orgia do Fogo » (p.76) à une très fin-de-siècle danse de Salomé déjà chantée par Sá-Carneiro13, ils oublient d’en décrire toute la modernité. En effet, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, le ballet tombé en désuétude et la danse reléguée au rang de pur divertissement dans les cabarets, vont subir une transformation retentissante. Terpsichore renaît et vient irradier de son rythme et mouvements la peinture, la poésie, le cinéma naissant, les arts décoratifs14.

D’ailleurs Marinettipape du Futurisme (et futur académicien raillé par Pessoa15), voyant souffler un vent nouveau là où il ne l’attendait pas, élargit son champ d’action et se pique de chorégraphie. Toutefois son « Manifeste de la danse futuriste16 » apparaît tardivement puisqu’il n’est publié qu’en 1917, bien après la révolution des Ballets Russes et le manifeste de sa rivale dans ce domaine, la sulfureuse Valentine de Saint-Point17 qui publie son « Métachorie18 » en 1914. En outre, cette dernière précise que « les danses de la métachorie sont données dans un enveloppement de lumière et de parfums19 », ce que Sá-Carneiro avait déjà idéalisé pour le spectacle donné par l’Américaine et qu’elle résume en ces termes: « […] o meu espectáculo – o meu Triunfo ! Quis condensar nele as minhas ideias sobre a voluptuosidade-arte. Luzes, corpos, aromas, fogo e água – tudo se reunirá numa orgia de carne espiritualizada em ouro! » (p. 72).

L’auteur inscrit donc dans son texte un élément de la modernité naissante, celui de danses créées par des femmes qui, bien que « sœurs de Salomé20 », se sont émancipées de leur aînée fin-de-siècle mais aussi, en tant que créatrice, du pouvoir symbolique masculin21. En outre, l’Américaine de Sá-Carneiro est une femme affranchie du système patriarcal puisqu’il choisit d’en faire une lesbienne assumée, aux relations multiples : « Aquelas duas pequenas são amantes dela. É uma grande sáfica. » (p. 69). Si l’auteur mêle ainsi sexualité lesbienne et danse, c’est que les modernes Terpsichores, l’américaine Loïe Fuller (1862-1928) et la danseuse Ida Rubinstein (1885-1960), égérie des Ballets Russes, sont adeptes de Sappho.

Fréquentant à Paris les lieux les plus sélects (Bois de Boulogne, Café Riche, Le Cardinal, Café de la Paix, Café de la Régence, Café Balthazard, Pavillon d’Armenonville) ou ceux de la bohême artistique de la rive gauche (Closerie des Lilas, Bal Bullier22), notre Dandy lusitanien aura sans doute croisé ou du moins entendu parler de la plus célèbre des lesbiennes du Paris Belle-Epoque, Natalie Barney (1876-1972), riche héritière américaine qui défrayait la chronique par ses amours multiples et ses écrits ouvertement lesbiens23. Rien d’étonnant alors à ce que le personnage inventé par l’auteur soit une « americana excêntrica » (p.68), « uma mulher riquíssima que vive num palácio […] em plena avenida do Bosque de Bolonha ! » (p.64). En effet, lorsque Barney s’installe à Paris en 1902, elle ira vivre dans un hôtel particulier, au 24 rue du Bois de Boulogne, à Neuilly, où elle organisera des fêtes avec la fine-fleur du Paris lesbien et bisexuel d’alors (Colette, Renée Vivien, Gertrude Stein, Isadora Duncan24, la duchesse de Clermont-Tonnerre, Liane de Pougy, Lucie Delarue-Mardrus, la princesse de Polignac, Eva Palmer, pour ne citer qu’elles). Toutefois, la confusion entre rue du Bois de Boulogne et avenue du Bois de Boulogne25 n’est pas anodine. En effet, c’est dans cette même avenue, l’une des plus élégantes du Paris Belle Epoque, qu’habitent la poétesse Renée Vivien (au n° 23) et la richissime Baronne Hélène de Zuylen (1863-1945), née Rothschild (au n° 64). L’anglaise Renée Vivien (1877-1909) sera durant quelques années la maîtresse de Barney avant d’être celle de la Baronne26. Ces relations étaient de notoriété publique et participent même à la création d’une identité lesbienne qui, le statut social de ces femmes aidant, sort « du secret pour entrer en société27 ». Les ‘‘scandaleuses fêtes’’ de Barney se poursuivront dans ses nouveaux appartements du 20 rue Jacob, lorsqu’elle y emménagera en 1909, après la mort de Renée Vivien.

Sa nouvelle demeure avait la particularité de posséder un temple néo-classique au fond du jardin, précédé d’un portique aux colonnes doriques. Elle y donnait parfois des réceptions et y recevait ses amis les plus intimes. Celui-ci était singulièrement composé d’une pièce ronde aux pilastres ornés de chapiteaux et surmonté d’une coupole invisible de l’extérieur, avec un oculus en son centre, seule prise de lumière du bâtiment. Cette ambiance irréelle frappait tous ses visiteurs. Or, il semblerait que Sá-Carneiro ait eu quelques échos des soirées de l’Amazone28 et de son temple de l’amitié ; il aura pu en lire les descriptions dans la presse française de l’époque, à laquelle il était abonné : « […] des fêtes de nus très chastes sous les ombrages de son jardin de Neuilly. Miss Eva Palmer29 dont la chevelure rousse miraculeuse flamboie dans les toiles d’Arman-Jean […] donna la réplique à Colette Willy.30 » Ces fêtes que le journaliste qualifie de « chastes » ont tôt fait d’être transformées en ‘‘parties fines’’ par les fantasmes et la rumeur, accentués par la sexualité hors-norme de Barney et celle de quelques-unes des célébrités/ées qui y participent :

[des] soirées extravagantes, où Mata Hari apparaît sur un cheval blanc, uniquement habillée de pierres fines, où les hommes amis arrivent en tunique courte ou en chlamyde et les femmes en péplos...qu'elles abandonnent éventuellement à la fin de dîners exquis et parfaitement agencés.31

Rien d’étonnant alors à voir dans le salon de l’Américaine « uma multidão bizarrada e esquisita. Eram estranhas mulheres quase nuas nos seus trajos audaciosos de bailes, e rostos suspeitos32 sobre as uníssonas vestes masculinas de cerimónia. » (p.72). C’est ainsi que « A Orgia do Fogo » se déroule dans un hôtel particulier qui condense les deux adresses de Barney à Paris :

[n]um magnífico palácio da Avenida do Bosque, todo iluminado através de cortinas vermelhas de seda, fantasticamente. [...] Uma grande sala elíptica, cujo tecto era uma elevadíssima cúpula rutilante, sustentada por colunas multicolores em mágicas volutas. [...] o aspecto da grande sala era o de um opulento, fantástico teatro.33 (p.70-71)

Lorsqu’il voit pour la première fois l’Américaine, le narrateur souligne que « calçava umas estranhas sandálias, nos pés nus… » (p.68). Or, les femmes de la haute société de l’époque (Natalie Barney ne faisait pas exception) ne sortaient jamais dans un tel accoutrement, et encore moins pour aller dans un endroit aussi raffiné que le Pavillon d’Armenonville où a lieu la rencontre. Sauf une, l’écrivaine américaine Gertrude Stein (1874-1946) qui, faisant fi de son statut social, délaisse les bottines pour les sandales grecques34. Arrivée à Paris la même année que la scandaleuse Amazone, elle y rencontrera sa compagne, Alice Babette Toklas (1877-1967), américaine également, avec qui elle se mettra en ménage en 1909. Si elle ne fréquentait pas le Pavillon d’Armenonville ni les cafés de la rive droite, Sá-Carneiro l’aura sans doute entraperçue à la Closerie des Lilas, café de la rive gauche très prisé par l’avant-garde littéraire et les peintres cubistes ; Picasso, dont Stein a été l’une des premières collectionneuses35, est l’un d’eux. C’est d’ailleurs ce café que Sá-Carneiro choisit comme espace pour la première rencontre entre Lúcio et Ricardo de Loureiro, présentés par l’artiste Gervásio Vila-Nova, avatar littéraire du peintre portugais Santa-Rita Pintor :

Marcámos rendez-vous para a noite seguinte, na Closerie […]. E apresentou-nos:

- O escritor Lúcio Vaz.

- O poeta Ricardo de Loureiro. (p.70)

De plus, lors du spectacle donné par « a americana bizarra » (p.66), le narrateur va être saisi par sa robe :

Um deslumbramento, o trajo da americana. Envolvia-a uma túnica de um tecido muito singular, impossível de descrever. Era como que uma estreita malha de fios metálicos – mas dos metais mais diversos – a fundirem-se numa cintilação esbraseada, onde todas as cores, ora se enclavinhavam ululantes, ora se dimanavam, silvando tumultos astrais de reflexos. Todas as cores enlouqueciam na sua túnica. [...] Mordiam-lhe nos braços serpentes de esmeraldas. (p.71)

Cette première robe portée par l’américaine lors de sa soirée, n’est pas sans rappeler la tunique revêtue par Loïe Fuller36 lors des représentations de sa fameuse « Danse Serpentine » (créée en 1892) dont on retrouve un écho à travers l’allusion aux « serpentes de esmeraldas », « toda ela serpenteava », « rodopiar », « carne ondeando » (p.75). Il ne s’agit pas, pour Fuller, de renouer avec la tradition qui lie serpent et féminité dévorante, ni de réinventer une quelconque danse orientale associée à la mythique Salomé et dont de célèbres danseuses se sont fait une spécialité, Mata Hari37 (1876-1917) notamment38. Il s’agit au contraire de « quelque chose de plus radical, le rejet du modèle classique de la beauté, celui du corps bien proportionné. […] Le serpentin, c’est la destruction de l’organique comme modèle du beau.39 » C’est ainsi que la danseuse américaine œuvre doublement pour la modernité, en rompant avec la représentation classique du corps, en particulier du corps féminin, mais également en s’emparant de dispositifs techniques pour transformer le corps dansant « en laboratoire de la perception40 ».

Pour cette danse qui sera maintes fois jouée et imitée, suffisamment pour que Sá-Carneiro l’ait vue, Loïe Fuller crée une tunique formée de longs voiles qu’elle agite à une vitesse vertigineuse, mais également capable de refléter la lumière et de capter les couleurs, comme celle du personnage de A Confissão de Lúcio. Cet élément sera par ailleurs amplement développé par la danseuse qui cherchera à perfectionner son costume de scène en utilisant des sels phosphorescents appliqués sur le tissu. La danse de l’Américaine n’est donc qu’un condensé de spectacles donnés régulièrement à Paris par Fuller (ou ses imitatrices), notamment sa « Danse Serpentine », ses « Danses Lumineuses », sa « Danse du Feu » librement réinterprétées par l’auteur :

E começou dançando…[…] E toda ela serpenteava em misticismo. […] Mas finalmente, saciada após estranhas epilepsias, num salto prodigioso, como um meteoro – ruivo meteoro – ela veio tombar no lado que mil lâmpadas ocultas esbatiam de azul cendrado. (p.75)

Par ailleurs, Fuller sera l’une des premières artistes à utiliser la lumière électrique comme élément scénique à part entière, jouant sur les couleurs projetées selon les mouvements de la danse effectuée ou de l’idée suggérée, éblouissant la scène à travers un jeu de projecteurs41, de murs couverts de pierreries à facettes ou de miroirs, décomposant le mouvement au moyen de lumières stroboscopiques produites par un dispositif de lanternes à disque tournant et provocant d’« estranhas epilepsias » (p.75), autant d’éléments repris par l’auteur pour décrire la scène où se déroule le spectacle :

Essa luz – evidentemente eléctrica – provinha de uma infinidade de globos, de estranhos globos de várias cores […] mas, sobretudo, de ondas que projetores ocultos nas galerias golfavam em esplendor. Ora essas torrentes luminosas, todas orientadas para o mesmo ponto [...] se projetavam sobre paredes e colunas, se espalhavam no ambiente da sala, apoteotizando-a. [...] a maravilha que nos iluminava nos não parecia luz. Afigurava-se-nos qualquer outra coisa – um fluido novo. (p.72)

Pour la « Danse du Feu », Fuller se tenait sur une plaque de verre qui recouvrait une trappe dissimulant une lumière rouge, créant l'impression que sa jupe s'enflammait et l'avalait. C’est ce dispositif qui est décrit par Sá-Carneiro. La plaque de verre par où surgissait la lumière rouge qui, se reflétant sur les volutes de ses voiles, donnait l’impression d’un corps en flamme, est ici remplacée par une surface tout aussi réfléchissante et hyaline, un miroir d’eau soudain en feu :

Entretanto, ao fundo, numa ara misteriosa, o fogo ateara-se…[…] E toda ela [...] escarlate a querer dar-se ao fogo...

Mas o fogo repelia-a...

[...] esbraseada e feroz, saltava agora por entre as labaredas, rasgando-as: emaranhando, possuindo, todo o fogo que a cingia. [...] Toda a água azul, ao recebê-la, se volveu vermelha de brasas, encapelada, ardida pela carne que o fogo penetrara...E numa ânsia de se extinguir, possessa, a fera nua mergulhou...Mas quanto mais se abismava, mais era lume ao seu redor... (p.75)

La démarche de Sá-Carneiro s’éloigne donc de l’univers de la décadence et de sa mythique Salomé. La trilogie mouvement, vitesse, lumière exploitée par Fuller sont autant d’éléments de la modernité naissante que l’auteur capte et retranscrit, bien avant l’intérêt que lui portera ‘‘l’inventeur’’ du Futurisme, Marinetti : « Nous autres futuristes préférons Loïe Fuller et le cake-walk des nègres (utilisation de la lumière électrique et de la mécanique).42 »

A la Belle-Epoque, la Ville Lumière est non seulement la capitale de spectacles élitistes qui font et défont des carrières, mais également du Music-Hall et de genres mineurs plus ou moins « indecentes, para esquentar os ‘‘vieux messieurs’’43 ». Dans les cabarets montmartrois se succèdent spectacles dansants et mimes, joués pour la plupart par des actrices ; les rôles masculins y sont tenus le plus souvent par des femmes. En 1907, la pantomime intitulée « Le Rêve d’Egypte », jouée dans le plus célèbre des cabarets parisiens, le Moulin Rouge, défraie la chronique. Colette y campe le rôle d’une momie, réveillée de son profond sommeil par un égyptologue qui n’est autre que la Marquise de Belbeuf (1863-1944), alias Missy, issue d’une des plus grandes familles de l’aristocratie française44. Sur scène, des bandages de la momie, émerge une femme au port altier, aux formes généreuses rehaussées par l’usage d’un corset, portant bijoux exotiques et bracelets enroulant ses bras, vêtue d’une robe diaphane. Débute alors une danse langoureuse et ondoyante face à l’égyptologue qui, séduit, lui donne un long et profond baiser. Cette scène va outrer le public, d’autant plus que les deux actrices sont amantes à la ville, et ne font rien pour le cacher. Le spectacle est perçu comme une débauche lesbienne et interdit aussitôt45. Ce genre de scandale était somme toute assez fréquent et relayé par la presse, soit pour les condamner au nom de la morale, ou les défendre au nom de l’Art : « Eu tenho lido muita vez, que a dança é arte sublime, toda emoção, que nos liberta da terra e nos amplia a alma etc. Muitas dançarinas nuas perseguidas pelos tribunais daqui têm evocado a ARTE em face dos conpíscuos juízes pouco dados a concordarem com as Phirnées.46 »

Il semblerait que Sá-Carneiro se souvienne de ce trouble « Rêve d’Egypte ». La démarche et l’ambiance du spectacle de l’Américaine n’est pas sans évoquer la danse orientale de Collette et les univers de harem mis en scène dans de nombreux music-halls, avec Mata Hari pour figure de proue, qui n’hésitait pas à se dénuder intégralement lors de soirées privées :

[…] e o pano rasgou-se sobre um vago tempo asiático…[...] ela surgiu, a mulher fulva…

E começou dançando...

Envolvia-a uma túnica branca, listada de amarelo. Cabelos soltos, loucamente. Jóias fantásticas nas mãos; e os pés descalços, constelados...

Ai, como exprimir os seus passos silenciosos, húmidos, frios de cristal; o marulhar da sua carne ondeando [...] toda a harmonia dos seus gestos; todo o horizonte difuso que o seu rodopiar suscitava, nevoadamente... (p.75)

Avant cette Apparition47, trois danseuses vont donner un spectacle des plus osés, qui n’est pas s’en rappeler le ‘‘streap-tease’’ de Colette se libérant peu à peu de ses bandages, et du ‘‘scandaleux’’ baiser Missy :

Entanto o baile prosseguia. Pouco a pouco os seus movimentos se tornavam mais rápidos até que por último, num espasmo, as suas bocas se uniram e, rasgados todos os véus – os seios, ventres e sexos descobertos – os corpos se lhes emaranharam, agonizando num arqueamento de vício. (p.74)

Toutefois, à ces pantomimes et ballets électriques, viennent s’ajouter d’autres danses tout aussi spectaculaires et novatrices, celles des Ballets Russes. Sá-Carneiro arrive à Paris en 1912, quelques mois après la première de L’Après-Midi d’un faune dont la chorégraphie angulaire et géométrique, les gestes fragmentés et figés de Vaslav Nijinsky (1889-1950), vont révolutionner l’art de la danse et pousser encore plus loin l’idée de modernité. Rien n’indique que l’auteur ait vu les ballets de Serge de Diaghilev, dont la troupe se présente régulièrement à Paris et dans les principales capitales européennes à partir de 190948. Néanmoins, il en aura forcément entendu parler, notamment par la presse et ce, depuis le Portugal. En effet, Sá-Carneiro était abonné à deux journaux essentiels pour la diffusion et réception de ces ballets, Comoedia et Comoedia Illustré, qu’il continuera de lire à Paris. D’autre part, comme le précise François Castex, « la presse portugaise n’est pas, non plus, avare de commentaires et d’informations sur la France. Que ce soient les journaux conservateurs ou républicains, tous ont des chroniques sur la vie parisienne49. » Par ailleurs, ce journal semblait lui ternir particulièrement à cœur puisqu’il y publie une lettre pour y déclarer être l’auteur, avec Tomás Cabreira, d’une pièce intitulée Amizade (1912), qu’il souhaitait ne pas voir confondue avec la pièce homonyme annoncée par Jules Lemaître50. De plus, c’est avec une pointe de fierté qu’il écrit à Fernando Pessoa : « Como já tencionava mandei o meu livro acompanhado duma carta ao redator da Comoedia G. De Pawlowki. Ele deu-me esta resposta interessante (ler o papelinho junto). [...] Na “Semana Literária” do Comoedia noticiou o recebimento51. »

Il s’avère que ce journal était l’organe de diffusion des Ballets Russes, publiant des numéros spéciaux dans le Comoedia Illustré52 ainsi que les programmes officiels. Les photographies, les descriptions des spectacles, mais surtout les aquarelles de Léon Bask, créateur des costumes et de nombreux décors des Ballets, auront sans aucun doute inspiré Sá-Carneiro pour son ‘‘propre spectacle’’. C’est ainsi qu’à défaut de les avoir vus, notre auteur aura pu prendre connaissance des somptueux Ballets qui défraient la chronique par leur sensualité et ambigüité sexuelle, Cléopâtre (1909), Shéhérazade (1910) et Le Martyre de Saint Sébastien53 (1911), et dont le rôle-titre était joué par Ida Rubinstein qui hante non seulement la prose de Sá-Carneiro, mais également sa poésie :

Que grinaldas vermelhas, que leques, se a dançarina russa
Meia nua, agita as mãos pintadas da Salomé
Num grande palco a Oiro!
- Que rendas outros bailados!54

Shéhérazade, du chorégraphe Michel Fokine, basé sur la première histoire des Mille et une Nuits remises au goût du jour par la vague orientaliste et la nouvelle traduction de Joseph-Charles Mardrus, présente un Orient fantasmé, sous une débauche de couleurs et de corps de femmes démultipliés, dont les voiles laissent entrapercevoir une chair qui s’offre au regard. L’action se déroule au sérail où Zobeida, la favorite, laissée seule par le sultan, soudoie les eunuques afin qu’ils ouvrent les portes du quartier des esclaves. Elle et les autres concubines profitent de leur liberté et Zobéida se livre à l’Esclave Doré. Débute alors une sarabande frénétique plus que suggestive.

La danse et les costumes inventés par Sá-Carneiro pour les danseuses qui ouvrent le ballet de « l’Américaine », semblent tout droit sortis du Shéhérazade de Fokine, notamment ceux portés par les odalisques :

No palco surgiram três dançarinas. Vinham de tranças soltas – blusas vermelhas lhes encerravam os troncos, deixando-lhes os seios livres, oscilantes. Ténues gazes rasgadas lhes pendiam das cinturas. Nos ventres, entre as blusas e as gazes, havia um intervalo – um cinto de carne nua onde se desenhavam flores simbólicas.

As bailadeiras começaram as suas danças. Tinham as pernas nuas. Volteavam, saltavam, reuniam-se num grupo, embaralhavam os seus membros, mordiam-se nas bocas...

[...] – visões luxuriosas de cores intensas, rodopiantes de espasmos, sinfonias de sedas e veludos que sobre corpos nus volteavam... (p.73-74)

La grâce inventive et l’étrange beauté d’Ida fascinèrent le tout Paris. Sa maigreur, sa pâleur maladive et son air distant de femme venue du froid séduisirent aussi bien les femmes de la haute société, pour qui elle devint un modèle d’élégance, comme les hommes les plus en vue, dont le comte de Montesquiou et Gabriele d’Annunzio pour qui il écrivit Le Martyre de Saint Sébastien. Or, des trois danseuses de la première partie du spectacle de A Confissão de Lúcio, « a terceira era a mais perturbadora, era uma rapariga frígida, muito branca e macerada, esguia, evocando misticismos, doença, nas suas pernas de morte – devastadas » (p.74). Les traits de cette danseuse semblent tout à fait correspondre à ceux d’Ida, qui était, durant le séjour de Sá-Carneiro à Paris, l’amante de la peintre américaine Romaine Brooks (1874-1970) dont elle réalisa de nombreux portraits et nus.

Ainsi, loin d’être une scène de genre, une relecture du mythe de Salomé, figure éculée de la littérature fin-de-siècle, le spectacle donné par « l’Américaine » dans A Confissão de Lúcio est, bien au contraire, tout empreint de modernité, dont l’affirmation d’une homosexualité féminine décomplexée n’est pas des moindres. A la Salomé d’Oscar Wilde revisitée par Strauss dans son opéra, l’auteur préfère des figures moins mythiques, et bien plus réelles, des artistes qui par leur Art génèrent un vent de nouveauté, et dont les pratiques sexuelles bouleversent l’hétéronormativité. En ouvrant sa nouvelle sur un personnage féminin affranchi du modèle patriarcal et hétéronormatif, Sá-Carneiro adopte une posture résolument moderne.

Bibliographie

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Bonnet, Marie-Jo, Les Deux amies, Paris, Editions Blanche, 2000, 305 p.

Bourdieu, Pierre, La Domination masculine, Paris, Seuil, 1992, 142 p.

Campos, Álvaro de, Poesia, Lisboa, Assírio & Alvim, 2002, 671 p.

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Suquet, Annie, « Scènes », in Courtine, Jean-Jacques (org.), Histoire du corps, Paris, Seuil, Points, vol. 3, 2006, p. 407-429.

Notes

1 Pessoa, Fernando, Textos de Intervenção social e cultural, Nem-Martins, Europa-América, s.d., p. 67. Retour au texte

2 Martins, Fernando Cabral, O Modernismo em Mário de Sá-Carneiro, Lisboa, Editorial Estampa, 1997, p. 123. Aux pages 123-125 de cet ouvrage, l’auteur fait un relevé des différents courants associés à Sá-Carneiro par la critique. Retour au texte

3 Pereira, José Carlos Seabra, « Rei-Lua, destino dúbio », in Colóquio/Letras, n° 117-118, Lisboa, 1990, p. 163. Retour au texte

4 Nous reprenons le titre de Maingueneau, Dominique, Féminin fatal, Paris, Descartes & Cie, 1999. Retour au texte

5 Sá-Carneiro, Mário de, A Confissão de Lúcio, Nem Martins, Publicações Europa-América, 1989, p. 63-64. Nous indiquerons dorénavant le numéro de la page dans le corps du texte. Retour au texte

6 Nous reprenons l’expression de Bourdieu, Pierre, La Domination masculine, Paris, Seuil, 1992. Retour au texte

7 Il s’agit là de la thèse défendue par Sedgwick, Eve Kosofsky, Epistemology of the closet, Los Angeles, University of California Press, 1990. Retour au texte

8 Le Rider, Jacques, Modernité viennoise et crise de l’identité, Paris, PUF, Quadrige, 2000, p. 119. Retour au texte

9 Roy-Reverzy, Eléonore, La Mort d’Eros, Sedes, Paris, 1997, p. 9. Retour au texte

10 Voir le chapitre « Salomé : O mito da mulher voraz » de Gomes, Fatima Inácio, in O Imaginário sexual na obra de Mário de Sá-Carneiro, Imprensa Nacional-Casa da Moeda, Lisboa, 2006, p. 166-179 et Barbas, Helena, « O Silêncio da bailadeira astral : “Salomé” de Mário de Sá-Carneiro », in Taíra, Université-Grenoble III, n° 4, 1992, p. 37-56. Retour au texte

11 Morão, Paula, Salomé e outros mitos, Lisboa, Edições Cosmos, 2001. Retour au texte

12 Morão, Paula, Salomé e outros mitos, p. 40. Retour au texte

13 Sá-Carneiro, « Salomé », in Poesias, Lisboa, Ática, 1991, p. 86-87. Retour au texte

14 Pour un aperçu de cette relation inter-arts, voir Macel, Christine ; Lavigne, Emma, Danser sa vie : Art et danse de 1900 à nos jours, Paris, Editions du Centre Pompidou, 2011. Retour au texte

15 Voir le poème de Álvaro de Campos, « Marinetti, académico » in Poesia, Lisboa, Assírio & Alvim, 2002, p. 368. Retour au texte

16 Marinetti, Filippo Tommaso, « Manifesto della danza futurista », in L’Italia Futurista, n° 28, 8 juillet 1917. Retour au texte

17 Elle avait répondu au « Manifeste Futuriste » (1909) de Marinetti par son « Manifeste de la Femme Futuriste » (1912). Retour au texte

18 « Métachorie », in Montjoie !, n° 1-2, janvier 1914. Retour au texte

19 Saint-Point, Valentine, « Mes débuts chrorégraphiques », in Manifeste de la femme futuriste, Paris, Editions Mille et Une Nuits, 2005, p. 48. Retour au texte

20 Nous reprenons ici le titre de l’ouvrage de Bentley, Toni, Sisters of Salomé, New Haven, Yale University Press, 2002. Retour au texte

21 Voir Sina, Adrien, « Avant-gardes féminines du début XXe siècle, dans le champ de la danse et de la performance », in Danser sa vie : Art et danse de 1900 à nos jours, op. cit., p. 110-117. Retour au texte

22 Voir Dias, Marina Tavares, Mário de Sá-Carneiro : fotobiografia, Lisboa, Quimera, 1988, p. 117-149. Retour au texte

23 Voir le chapitre « Lesbianisme et féminisme : Natalie Barney et Renée Vivien » de Izquierdo, Patricia, Devenir poétesse à la Belle-Epoque, Paris, L’Harmattan, 2009, p. 204-219. Retour au texte

24 On reconnaîtra par ailleurs la figure de la danseuse et chorégraphe Isadora Duncan (1877-1927) dans l’une des maîtresses de l’Américaine à laquelle Sá-Carneiro a donné le nom de « Dora » (p. 66). Le peintre José Pacheco, grand ami du poète, réalisera à Paris des sanguines de la danseuse. Il dessinera par ailleurs les couvertures de deux de ses livres et celle du 1er numéro de Orpheu. Retour au texte

25 Actuelle avenue Foch. Retour au texte

26 Après la mort de Vivien, Hélène de Zuylen rencontrera la femme avec qui elle vivra plus de 30 ans, l’écrivaine portugaise Olga Moraes de Sarmento. Voir notre article « Les Mémoires de Maria Olga Morais de Sarmento : discours public, amours secrètes », in Inverses, n° 11, 2011, p. 23-32. Retour au texte

27 Nous reprenons l’expression de Bonnet, Marie-Jo, Les Deux amies, Paris, Editions Blanche, 2000, p. 151. Retour au texte

28 Surnom donné par l’écrivain Rémy de Gourmont à Natalie Barney et dont elle fera fièrement usage. Retour au texte

29 Eva Palmer (1874-1952), riche héritière américaine, initia Barney au Saphisme. Elle était rousse, tout comme « l’américaine du roman, « de um ruivo incendiado, alucinante » (p. 65). Retour au texte

30 Comoedia, 23 mai 1909. Cité par Castex, François, La Belle Epoque de Mário de Sá-Carneiro, in Santa Barbara Portuguese Studies, Santa Barbara, vol. III, 1996, p. 183. Retour au texte

31 Paulvé,  Dominique ; Chesnais, Marion, Les Mille et Une Nuits et Les Enchantements du Docteur Mardrus, Paris, Norma Editions, 2004, p. 76. Retour au texte

32 Nous soulignons. Ces « rostos suspeitos » sont sans aucun doute une référence aux homosexuels célèbres, assumés ou non, qui fréquentaient les salons de Barney, dont le comte Robert de Monstesquiou, célèbre Dandy fin-de-siècle, et le très flambloyant Jean Lorrain, écrivain décadent à scandale et journaliste à la plume plus que vipérine. On reconnaîtra le premier dans « o inquietante viscondezinho de Naudières, louro, diáfano, maquilado » et le deuxième en la personne du « jornalista Jean Lamy » (p. 66). Retour au texte

33 Nous soulignons. Retour au texte

34 Voir le chapitre consacré à Gertrude Stein et Alice B. Toklas par Benstock, Shari, Femmes de la Rive Gauche, Paris, Editions des Femmes, 1987, p. 151-196. Retour au texte

35 Voir le catalogue de l’exposition Matisse, Cézanne, Picasso…L’aventure des Stein, Paris, Réunion des Musées Nationaux, 2011. Dans les lettres qu’il envoie à Fernando Pessoa, Sá-Carneiro fait l’éloge de Picasso dont il a vu des tableaux, dont sans aucun doute son « Le Violon » (1912) acheté par Gertrude Stein en 1913-1914 et auquel le poète attribue un autre nom : « O Violinista » (Cartas de Mário de Sá-Carneiro a Fernando Pessoa, Lisboa, Assírio & Alvim, 2001, p. 53). Picasso a par ailleurs peint un portrait de l’écrivaine en 1906. Le peintre Amadeo de Souza Cardoso, peintre de la modernité portugaise, habitera durant les années 1910-1911 dans le même immeuble que Gertrude Stein, au 27 rue de Fleurus. Retour au texte

36 Pour un aperçu de la vie et l’œuvre de l’artiste américaine, voir Lista, Giovanni, Loïe Fuller, danseuse de la Belle Epoque, Paris, Hermann, 2007. Retour au texte

37 Voir le chapitre « The Hindu hoax » de Bentley, Toni, op. cit., p. 95-108. Retour au texte

38 Néanmoins, la technique de dévoilement adoptée par l’Américaine de Sá Carneiro n’est pas sans rappeler celle des danses hindoues de Mata Hari : « Vício a vício a túnica lhe ia resvalando, até que, num êxtase abafado soçobrou a seus pés…[…] Então, numa última perversidade, de novo tomou os véus e se ocultou » (p.75). Retour au texte

39 Rancière, Jacques, Aisthesis, Paris, Galilée, 2011, p. 121. Retour au texte

40 Suquet, Annie, « Scènes », in Courtine, Jean-Jacques (org.), Histoire du corps, Paris, Seuil, Points, vol. 3, 2006, p. 407. Retour au texte

41 Elle en utilisera jusqu’à une centaine pour certains spectacles. Retour au texte

42 Marinetti, Filippo Tommaso, « La Danse futuriste » (1917), in Danser sa vie : Ecrits sur la danse, Paris, Editions du Centre Pompidou, 2011, p. 57. Retour au texte

43 Sá-Carneiro, Mário de, Cartas, op. cit., p. 54. Retour au texte

44 Voir Francis, Claude ; Gontier, Fernande, Mathilde de Morny, Paris, Perrin, 2000. Retour au texte

45 Pour une analyse plus détaillée de cette pantomime, voir le chapitre intitulé « The kiss », Bentley, Toni, op. cit., p. 169-172. Colette était coutumière du fait. Son mimodrame « La Chair », défraiera la chronique quelques mois plus tard à cause de son final où le sein gauche et les fesses de l’actrice étaient à nu. Le scandale fut moindre car son partenaire de scène était un homme. Retour au texte

46 Sá-Carneiro, Mário de, Cartas, op. cit., p. 54. Retour au texte

47 On pourra également voir dans la description de cette Américaine, un écho très net du tableau de Gustave Moreau, L’Apparition (1876), où figure une ondoyante Salomé, très peu vêtue, couvertes de bijoux et de voiles diaphanes. Retour au texte

48 Les Ballets Russes seront représentés pour la première fois à Lisbonne le 13 décembre 1917, au « Colyseu dos Recreios » tout d’abord, puis au théâtre « São Carlos ». Le public portugais avait été ‘‘averti’’ au préalable par un texte-manifeste inséré dans l’unique numéro de la revue Portugal Futurista, signé par Almada Negreiros, Ruy Coelho et José Pachecko. Retour au texte

49 Castex, François, Mário de Sá-Carneiro, Paris, Centre Culturel C. Gulbenkian, 1999, p. 23. Retour au texte

50 Lettre reproduite par Castex, François, Mário de Sá-Carneiro, op. cit., p. 36. Retour au texte

51 Sá-Carneiro, Cartas, op. cit., p. 30. Retour au texte

52 La collection des plus beaux numéros de Comoedia illustré et des programmes consacrés aux ballets et galas russes depuis le début à Paris (1909-1921) a été mise en ligne par la Bnf : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8415200k/f60.image. Consulté le 12 janvier 2012. Retour au texte

53 Dans ce ballet, à forte connotation homosexuelle, la juive Ida Rubinstein y jouait le rôle de Saint Sébastien. Le scandale fut, là aussi, retentissant et le ballet condamné par l’Eglise. Retour au texte

54 Sá-Carneiro, Mário de, Poesias, op. cit., p. 171. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Fernando Curopos, « Mário de Sá-Carneiro et les démones de la danse », Reflexos [En ligne], 1 | 2012, mis en ligne le 17 mai 2022, consulté le 24 avril 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/reflexos/487

Auteur

Fernando Curopos

Maître de Conférences

Université Paris-Sorbonne – Paris IV
curoposfernando@yahoo.fr

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