Récits, dénonciation et diffusion des crimes en milieu rural : la Commission pastorale de la terre et les cahiers "Conflitos no Campo" (1990-1995)

Résumé

Entre 1990 et 1995, l’État brésilien du Pernambouc a connu une montée importante des conflits de terre dans la zone de la canne à sucre. La Commission pastorale de la terre (CPT), organisation d’Église, entreprit alors un travail de dénonciation des violences qui y étaient commises. Elle a publié annuellement des cahiers intitulés Conflitos no Campo. Ceux-ci rendaient compte des crimes contre les travailleurs pratiqués à l’instigation des producteurs de canne et raffineurs. La zone de la canne connaissait, à la même époque, une reprise progressive des mouvements paysans. Outre la CPT, ils étaient soutenus par les syndicats ruraux et le Mouvement des sans-terre. Leur objectif principal était la mise en place d’une réforme agraire dans les terres improductives. Ce texte se propose donc d’analyser le rôle de la CPT dans cette zone du Pernambouc et son travail de récit et dénonciation des violences commises. Dans un contexte à forte tension sociale, ce travail ne constituait-il pas une nouvelle forme de soutien à la réforme agraire ? Par quels moyens cela se mettait-il en place ?

Plan

Texte

Entre 1990 et 1995, l’État brésilien du Pernambouc a connu une montée importante des conflits de terre dans la zone de la canne à sucre. La Commission pastorale de la terre (CPT), organisation d’Église, entreprit alors un travail de dénonciation des violences qui y étaient commises. Elle a publié annuellement des cahiers intitulés Conflitos no Campo. Ceux-ci rendaient compte des crimes contre les travailleurs pratiqués à l’instigation des producteurs de canne et raffineurs. La zone de la canne connaissait, à la même époque, une reprise progressive des mouvements paysans. Outre la CPT, ils étaient soutenus par les syndicats ruraux et le Mouvement des sans-terre. Leur objectif principal était la mise en place d’une réforme agraire dans les terres improductives. Ce texte se propose donc d’analyser le rôle de la CPT dans cette zone du Pernambouc et son travail de récit et dénonciation des violences commises. Dans un contexte à forte tension social, ce travail ne constituait-il pas une nouvelle forme de soutien à la réforme agraire ? Par quels moyens cela se mettait-il en place ?

Le milieu choisi est la zone de culture de la canne à sucre de l’État brésilien du Pernambouc. Il correspond à la zone de la forêt (Zona da Mata) et constitue, à la fois, un espace géographique et de luttes sociales. Celles-ci opposaient, au cours des années 1990, deux groupes d’acteurs : les travailleurs de la canne et les grands propriétaires terriens. À ce propos, Christine Dabat parle d’une composition de la société qui se traduisait historiquement par "un corps social bipolaire"1, appuyé sur une structure foncière très concentrée.

Le milieu et les acteurs dans le contexte des années 1990

En tant qu’espace géographique, la zone de la forêt se situe au Nord-est du Brésil, région correspondant à 19% du territoire national (1.542.000 Km2) et à 22% de sa population2. Le climat et le paysage prédominants permettent de distinguer trois zones principales : Zona da Mata, Agreste et Sertão, qui se succèdent d'Est en Ouest, du littoral à l’intérieur des terres. Dans la première, prédomine un climat chaud et humide, alternant deux saisons bien définies (pluvieuse et sèche). La deuxième constitue une zone de transition contenant des parties humides et sèches. La troisième connaît, enfin, un climat chaud et extrêmement sec, régulièrement atteint par la sécheresse3.

Dans tout cet ensemble, la zone de la forêt occupe les terres les plus à l’Est et baignées par l’océan Atlantique. Au Pernambouc, elle désigne une frange côtière comprise entre les communes de Goiânia et Itambé, au nord, et São José da Coroa Grande, au sud. Encore que son nom rappelle une couverture forestière originelle, elle est aujourd’hui complètement occupée par la canne à sucre. Son climat humide et sa situation pluviométrique favorable font qu’elle soit consacrée à cette culture depuis le XVIe siècle. Entre 1960 et 1970, celle-ci occupait moins de 9,4% du territoire du Pernambouc et employait 18,5% de sa population, mais dominait toujours son économie4. La superficie cultivée en canne, quant à elle, est passée de 114 mille hectares en 1940 à 306 mille en 1975. La plus grande extension a été atteinte au début des années 19805.

Dans cet espace agricole, la structure foncière s’est alliée dès 1570 à la monoculture de la canne. Le système économique a priorisé l’occupation des terres pour l’installation de "fabriques à la campagne"6. L’exclusivité fut alors donnée aux couches sociales les plus favorisées et directement liées aux élites seigneuriales. Elles étaient bénéficiées par les autorités métropolitaines et leurs représentants dans la colonie7. Cela a amené à la constitution progressive d’une "civilisation éminemment agraire"8. C’est-à-dire, une société où la répartition des terres s’est faite en grands domaines, destinés à l’installation d’un moulin entouré de cannaies (l’engenho) et reposant sur la main-d’œuvre esclave provenant d’Afrique. Une société où s’est constituée en quelque sorte une polarisation sociale fondée sur la longévité de la concentration foncière et la bipolarité de sa dynamique9.

À la fin du XIXe et au début du XXe, les moulins furent progressivement remplacés, d’abord par les moulins centraux et ensuite par les raffineries. Celles-ci ont mis en place la moderne fabrique de sucre dans les terres des propriétaires les plus riches de la région. Elles se sont, par la suite, répandues et ont commencé à absorber les moulins environnants. Au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, les raffineries ont commencé à absorber, à leur tour, les petites et moyennes raffineries. Enfin, dans la décennie 1960-1970, l’amélioration technologique et l’augmentation de leur capacité industrielle ont permis l’extension de la superficie cultivée et la formation de grands groupes économiques concentrant plusieurs unités productives10. À partir des années 1980, le secteur a connu, toutefois, une période de crise qui a améné à la fermeture de nombre d’entre elles. Ce déclin s’est largement accentué dans les années 1990 et a provoqué une démission en masse des travailleurs des cannaies11.

La structure foncière qui s’est historiquement constituée tendait donc à la concentration de la propriété et à la précarisation des conditions de travail des petits cultivateurs, métayers et journaliers de la canne à sucre. On y observait une quantité réduite de propriétés par rapport au nombre de familles de travailleurs. Les raffineries possédaient, quant à elles, de vastes étendues de terre rassemblant des dizaines de grandes plantations. Cette centralisation du pouvoir économique s’expliquait par le caractère commercial de l’agriculture de la région. Caractère qui se perpétuait en raison de la protection gouvernementale et des aides financières dont bénéficiaient les grands propriétaires au détriment des petits cultivateurs. Le résultat obtenu était la concentration dans les mains des grands propriétaires. Même s’ils étaient peu nombreux, ils regroupaient eux-seuls 70% de toute la superficie cultivée au début des années 199012.

À cette concentration foncière, déjà fortement consolidée, s’est ajouté un contexte de crise socioéconomique croissante. Au cours des années 1980, le secteur sucro-alcoolier du Pernambouc a connu une période de déclin de sa production industrielle. C’est, d’ailleurs, ce qu’a révélé une analyse économique plus détaillée du secteur :

La production dans l’agro-industrie de la canne, qui domine le secteur économique de la région depuis plus de quatre siècles, a stagné dès la fin des années 80 et a atteint une phase critique plus récemment. L’activité accumule des difficultés et perd son importance relative dans l’économie régionale13.

Cette crise a eu des conséquences importantes et a obligé les industriels du secteur à fermer grand nombre de raffineries et à licencier les employés des cannaies. Elle a provoqué aussi une plus grande précarisation des conditions de vie et de travail de la main-d’œuvre14 :

[...] Il n’est pas que le problème du chômage qui se maintient mais aussi celui des rapports de travail. Leurs formes plus traditionnelles s’intensifient, avec la présence des travailleurs temporaires, le sous-emploi [..] le travail infantile [...], les bas salaires et les journées de travail très longues pour le milieu rural15.

Selon Marcos Figeiredo, "autour de 150 mille postes de travail"16 ont été sacrifiés et ont mis des travailleurs ruraux au chômage. Cette situation économique a entraîné, par conséquent, une grave crise sociale et la réaction des travailleurs atteints par ses effets immédiats17.

Les sujets de la réforme agraire et leurs formes d’action

C’est ainsi que cet espace géographique est devenu à nouveau un lieu d’importants conflits sociaux dès la deuxième moitié des années 1980. Ils opposaient deux groupes d’acteurs sociaux. D’un côté, les planteurs et raffineurs, peu nombreux mais propriétaires de très vastes domaines. D’un autre, des milliers de travailleurs ruraux, atteints par le chômage et expulsés des terres cultivées18. Ces derniers, porteurs notoires de la tradition de lutte des Ligues paysannes et des syndicats ruraux des années 1960, s’articulaient dans leurs propres organisations19. Ils comptaient, en outre, sur le Mouvement des sans-terre et la Commission pastorale de la terre. Leur but était alors, en grande mesure, la conquête de la terre comme forme de dédommagement des pertes provoquées par le chômage et l’expulsion20.

Pour ce faire, ils avaient recours à une forme de lutte similaire à celle employée par les Ligues paysannes, du député Francisco Julião, lors de l’expropriation de la plantation Galiléia (Pernambouc) en 195921. Ils occupaient la propriété revendiquée – ou alors ils y résistaient, malgré les tentatives d’expulsion – pour en exiger l’expropriation par voie judiciaire. Ils cherchaient ensuite à obtenir un lopin de terre pour la production vivrière. Cette mobilisation ramenait le souvenir de la devise des Ligues, nationalement diffusée au début des années 1960 et créant la marque de leur forme d’action : "La réforme agraire par la loi ou par la force"22.

Cette tradition de luttes héritée des années 1960 ne s’est pas étendue de manière homogène à tous les mouvements qui ont émergé à partir de 1985. Il existait encore chez quelques-uns (dont les syndicats ruraux et leur fédération) une plus grande mobilisation autour des droits liés au monde du travail (salaires, retraites et congés payés). La revendication du droit à un lot de terre est pourtant devenue la marque des agitations sociales dès la deuxième moitié des années 1980 et au long des années 199023.

Les travailleurs mis au chômage revendiquaient la démocratisation des terres des plantations et raffineries en faillite à travers la promotion de la réforme agraire. Ils sont devenus en quelque sorte les sujets des grandes mobilisations paysannes et des occupations de terres improductives. Cela a entraîné l’éclosion de plusieurs conflits de terre. Cela a permis, en outre, une plus grande visibilité des crimes et de la violence vécus au quotidien par les travailleurs de la zone de la canne24.

Ces mobilisations dépendaient directement "de l’initiative des travailleurs pour organiser des actions sociales collectives"25. Les expropriations de terre prévues par le Plan national de réforme agraire (PNRA) et dont était chargé l’Institut national de réforme agraire (INCRA), traînaient en longueur. Ces expropriations dépendaient de l’État, qui soutenait la grande propriété et l’entreprise sucrière. Elles avaient pour but de calmer la tension sociale et non pas de changer la structure foncière du pays et de la région. Les mesures prévues ne constituaient point une politique publique de répartition des terres. Elles révélaient plutôt une intervention éphémère du gouvernement au sujet de la déconcentration foncière au Pernambouc. Ainsi, il revenait aux mouvements paysans eux-mêmes d’organiser des actions pour contraindre les autorités publiques à exproprier les terres improductives revendiquées. Ils étaient les protagonistes de cette réforme agraire qui se traduisait par leur seule initiative et qui provenait d’en bas26.

La lutte pour la réforme agraire révélait une force de mobilisation des acteurs sociaux. Ceux-ci émergeaient sur la scène régionale et devenaient, selon Alain Touraine, "un acteur historique" qui était "guidé par un projet". Ils n’étaient pas que l’expression de contradictions sociales, car ils étaient guidés par un "appel à l’historicité" et le sens de leurs luttes était placé au niveau de leur propre action27. Malgré le nombre largement insuffisant d’expropriations face à la demande des travailleurs ruraux, elles constituaient un fait inédit dans l’histoire locale. Elles étaient représentatives de l’établissement d’un nouveau mode de vie et d’une société alternative28. C’est-à-dire, elles ouvraient la voie en quelque sorte à ce qu’Alain Touraine conçoit comme un "contre-modèle de société"29, dans la mesure où leurs acteurs défendaient l’établissement d’une autre société.

Leur rôle social dépendait pourtant de la collaboration d’organisations liées à la cause des travailleurs ruraux. Les plus importantes étaient les Syndicats de travailleurs ruraux (STRs), le Mouvement des sans-terre (MST) et la Commission pastorale de la terre (CPT). Ces organisations les soutenaient et les aidaient dans leur organisation et mobilisation. Outre les occupations de terres et la pression exercée sur les autorités publiques, elles menaient un travail de dénonciation des crimes et violences commis dans le milieu rural du Pernambouc. Elles cherchaient justement à dénoncer cette atmosphère de violence latente régnant dans la zone de la canne et dont témoigne Robert Linhart :

Je me dis que tout pourrait devenir très brutal tout à coup au moindre soupçon d’agitation, qu’il doit y avoir des armes dans les cabines des camions, des hommes de main prêts à intervenir. La police n’est pas loin. Dans une petite ville proche, j’ai vu la prison municipale, au bord d’une rue qui monte : une cage en public, avec un homme enfermé. Derrière la somnolence routinière [...], on perçoit une violence terrifiante en réserve30.

En effet, cette région s’affirmait à l’échelle nationale comme un espace de tension et au nombre très élevé de crimes et violences (agressions, expulsions, meurtres). Elle fait preuve d'une intense conflictualité sociale. D’une part, les travailleurs s’organisaient pour occuper et résister sur les terres qu’ils revendiquaient. D’autre part, les grands propriétaires défendaient le maintien de leurs domaines et tentaient de désarticuler les revendications sociales qui planaient sur elles. Pour cela, ces derniers comptaient largement sur l’appui institutionnel (la force policière et la justice) et disposaient de milices privés et hommes de mains agissant pour leur compte31.

Les hommes de main, la plupart du temps armés, agissaient en bandes et étaient chargés de "protéger le patrimoine de l’entreprise"32. Ils travaillaient souvent en collaboration avec la police militaire et les administrateurs des plantations et raffineries. Ils étaient engagés par les producteurs de canne et raffineurs pour défendre leurs biens et propriétés et aussi pour surveiller les travailleurs dans les cannaies. De manière générale, ils constituaient les principaux responsables des crimes et violences commis dans la zone de la canne.

Les mécanismes d’expulsion et d’agression étaient divers. Ils s’étaient largement diffusés depuis le début des années 1960, pour faire face aux importantes conquêtes sociales obtenues à la suite de la promulgation du Statut des travailleurs ruraux (ETR, mars 1963). Ce Statut réglementait les rapports de travail à la campagne et provoquait la réaction des grands propriétaires : "Empêchés d’entreprendre l’expulsion des plantations de la manière qui leur convient le plus, les propriétaires soumettent leurs travailleurs à divers types de pression qui entraîneront l’abandon des plantations"33.

Ces pressions pouvaient être directes ou indirectes. Elles cherchaient, en général, à punir un travailleur insurgé, ou qui avait porté plainte ou encore qui avait une participation active dans un syndicat. Elles pouvaient également relever d’un simple désir du propriétaire de libérer une partie de son domaine ou d’intimider les autres travailleurs. La pratique la plus courante était de reprendre le lopin de terre cultivé sous prétexte de devoir étendre la plantation. L’objectif principal était, au demeurant, de "briser la résistance des travailleurs"34 et de les chasser des terres où ils vivaient et qu’ils occupaient depuis plusieurs années.

Les organisations et leur travail de dénonciation de la violence

Les STRs étaient parmi les premières organisations à avoir soutenu les travailleurs ruraux. Ils formaient depuis juin 1962 la Fédération des travailleurs dans l’agriculture de l’État du Pernambouc (FETAPE)35. Surgis, pour la plupart, au début des années 196036, leur principale revendication était, jusqu’au début des années 1990, l’application des lois du travail prévues dans l’ETR. En 1963 et 1964, ils ont organisé de grandes grèves et manifestations. Après le coup d’État de mars 1964 et au long des années 1970, ils ont encouragé les travailleurs ruraux à recourir à la justice du travail. À partir de 1979 et au long des années 1980, ils ont repris l’organisation des grèves et l’exigence d’augmentations de salaires et contrats de travail37. À ce temps, la réforme agraire, quant à elle, figurait déjà parmi les exigences manifestées. Cependant, ce n’est vraiment qu’à partir du début des années 1990 qu’elle a pris la forme d’une grande lutte pour l’expropriation des terres improductives des plantations et raffineries38.

La participation des STRs dans les occupations de terres a émergé effectivement à partir de 1992. À ce moment-là, fut créée la Direction de politique agraire (1993) au sein de la FETAPE39. Dès lors, les syndicats ont commencé eux-aussi à occuper les terres improductives des raffineries et plantations en faillite et à les revendiquer auprès de l’INCRA. En 1997, ils détenaient déjà, statistiquement, la plus grande partie des occupations. Ils ont, par ailleurs, souvent pris la relève des mouvements que le MST lui-même avait commencé. Ils avaient pour cela plus d’infrastructure et financements (avocats, équipements, moyen de transport)40.

En outre, les STRs et la FETAPE ont entrepris une activité de publication des violences commises dans la zone de la canne. Leur travail a été mis en place à travers la dénonciation des meurtres et agressions à l’encontre des travailleurs des cannaies. Ils ont publié un dossier intitulé Açúcar com gosto de sangue : violências na zona canavieira de Pernambuco (1984). Ils y dénonçaient sur un ton tragique :

Le sucre produit dans la zone de la canne du Pernambouc a un goût de sang. Le sang des travailleurs ruraux violemment battus et assassinés par l’agressivité de ces producteurs de canne et raffineurs qui ont implanté un vrai climat de terreur dans leurs propriétés, dans le but satisfaire leur avidité de superprofits à travers la surexploitation des travailleurs ruraux des cannaies41.

Ils cherchaient dans ces quelques lignes à montrer les effets pervers de la sacchariculture et le climat de terreur dont les grands propriétaires étaient la cause. Ils y dénonçaient encore les divers types de violence commis et caractérisés par la violation des lois du travail : indemnités (licenciement et préavis), congés payés, 13e salaire, durée du travail, droit de recours à la justice du travail et de syndicalisation. Le dossier faisait, enfin, le récit de quelques cas de violence. Il dénonçait, par exemple, la mort du travailleur Ananias Oliveira da Silva dans la plantation Una, de la raffinerie Central Barreiros, dans la commune de Barreiros, au sud de la zone de la canne :

Le 2 mars 1983, le travailleur rural Ananias Oliveira da Silva a été assassiné par une balle dans le dos, tirée par l’administrateur de la plantation Baeté, de la même raffinerie [...]

Le mobile du crime a été le plus ignoble possible : menacé de licenciement par l’administrateur de la raffinerie Central Barreiros, la victime insistait de recevoir son salaire intégral42.

Toutefois, cet effort d’informer à propos de la violence et des crimes produits en milieu rural ne dépassait pas le stade d’une quantification de la violence. C’est-à-dire, d’une quantification qui se traduisait par la production de chiffres de la violence. Des descriptions aussi détaillées étaient davantage rares. L’objectif principal était de démontrer les violations des droits des travailleurs ruraux, sans pour autant remettre en question le système de production prédominant. Les STRs et la FETAPE cherchaient surtout à discipliner ce système de production en dénonçant les violations dont il était à l’origine : "nous saurons trouver le chemin pour mettre un terme à la violation de nos droits et à la violence patronale dans la zone de la canne du Pernambouc"43.

Le Mouvement des sans-terre, quant à lui, a participé dès le début à la lutte pour la réforme agraire dans la zone de la canne. Il y est arrivé en 1989, lors d’une action dans la commune de Cabo (au sud). Environ 400 familles y ont occupé une propriété le 19 juin 1989. Elles en ont été expulsées par la police militaire dix jours plus tard44. Cette opération n’a pas vraiment abouti et le MST a donc décidé de se concentrer dans les propriétés à l’intérieur de l’État45. Il n’est revenu dans la zone de la canne qu’à partir de 1992. Il y a organisé alors deux occupations marquantes, le 28 avril à Rio Formoso, au sud, et le 21 juillet à Itaquitinga, au nord46. Dès lors, son rôle dans les occupations des plantations n’a fait que s’étendre. Cela s’est ajouté aux occupations des STRs et a poussé l’INCRA à mettre en œuvre des expropriations de plantations dans la région dès 1994.

Comme les STRs et la FETAPE, le MST s’est également consacré au travail de dénonciation de la violence pratiquée dans les cannaies. Il l’a fait surtout à l’échelle nationale, lors de la publication d’un grand dossier à São Paulo et intitulé Assassinatos no campo : crime e impunidade (1964-1985). Ce livre faisait, tout de même, allusion à l’État du Pernambouc et à la situation de violence dans son milieu rural, comme dans le cas du meurtre du travailleur Pedro Gonçalves da Silva, de la plantation Guerra, dans la commune de Maraial (au sud) : "Assassiné à coups de revolver et carabine de gros calibre, en plus d’un violent coup de bêche sur la tête, quand il se dirigeait vers son lieu de travail, vers 8h30"47. Le travailleur en l’occurrence avait été tué pour avoir exigé de meilleures conditions de travail dans la plantation et pour avoir mobilisé ses collègues de travail.

De cette manière, le récit des crimes et violences produit par le MST était, en général, bien plus complet que celui des STRs et de la FETAPE. Il dépassait le stade de la simple quantification. En outre, il ne cherchait pas seulement à dénoncer la violation des lois du travail. Au contraire, il allait bien au-delà d’une prise de position face aux contradictions sociales présentes dans le milieu rural. En ce sens, il cherchait à placer le MST et les travailleurs ruraux qu’il soutenait dans un projet de construction d’un nouveau système productif, dans une autre société48. C’est, d’ailleurs, ce que révélait cette prise de position du mouvement dans la présentation du dossier sur la violence :

[...] nous souhaitons rendre public ces faits que les autorités, le Pouvoir judiciaire et la grande presse omettent constamment et de propos délibéré. Il est connu que cette guerre sale et non déclarée ne se produit pas au hasard, mais qu’elle est le résultat d’un modèle économique, d’une politique agraire et d’un modèle de société qui est orienté uniquement vers les intérêts du capital et d’une minorité.

[...]

[...] nous exigeons une politique agraire qui aille à la rencontre des intérêts des travailleurs ruraux, l’immense majorité de la population qui vit en milieu rural, pour l’implantation de la Réforme Agraire ample et radicale49.

Toutefois, l’approche de la publication, faite en 1986, était nettement plus abstraite et distante de la réalité locale et ne pénétrait pas sa dynamique sociale. Elle ne s’insérait point dans le contexte de crise du secteur sucro-alcoolier qui a marqué la zone de la canne dans les années 1980 et 1990. Elle présentait surtout des données de l’exploitation des employés des cannaies, mais pas des conflits de terre. Un type de conflit que le MST a connu lui-même, lors de son arrivée en 1989. Quant à la réforme agraire, le récit produit se plaçait donc à un niveau très ample et vague de la critique des autorités et de la structure foncière.

La Commission pastorale de la terre, pour sa part, a été officiellement créée au Pernambouc en août 1988. Elle provenait d’expériences pastorales de l’Église catholique en milieu rural dans les années 1960 et 1970. Ainsi que les STRs et la FETAPE, ces premières expériences ont connu, pendant ces deux décennies, une plus grande participation dans la lutte syndicale et pour de meilleures conditions de travail. Cela avait été effectué principalement par deux mouvements catholiques, le Service d’orientation rurale du Pernambouc (SORPE) et l’Animation chrétienne en milieu rural (ACR). Leur travail a été ensuite poursuivi par la Pastorale rurale (PR), qui a surgi en 1971 dans le diocèse de Recife (capitale du Pernambouc). Cette dernière a été, enfin, remplacée par la CPT à la suite d’un conflit avec l’archevêque de Recife, dom José Cardoso Sobrinho. Celui-ci a renvoyé toute la direction de la PR. La solution trouvée par les anciens membres de la PR fut leur rattachement à l’Église nationale, en tant que Comission pastorale de la terre régionale. Au niveau national, celle-ci est, en effet, une organisation catholique associée à la Conférence nationale des évêques brésiliens (CNBB). Elle a son siège dans la ville de Goiânia, à quelques kilomètres de la capitale brésilienne, Brasília50.

Au départ, la CPT régionale était encore fortement associée à la lutte syndicale des travailleurs de la canne à sucre. Elle accompagnait les premières occupations de terre qui se déroulaient à la fin des années 1980, notamment celle de la plantation Pitanga, dans la commune d’Igarassu (au nord)51. Cependant, elle le faisait dans la perspective d’un accompagnement et d’une assistance aux travailleurs ruraux et aux victimes des premiers conflits. Le travail réalisé était plutôt un service de soutien aux mouvements qui éclataient. Elle ne le faisait pas encore comme un soutien à leur cause : à leur prise de conscience et à leur organisation. Cette nouvelle perspective d’engagement sociopolitique n’a émergé qu’au début des années 1990, moment où les conflits de terres se sont largement répandus dans la région.

Parmi les diverses activités que réalisait alors la CPT dans la zone de la canne, la publication des cahiers Conflitos no campo a joué un rôle fondateur dans sa constitution en tant qu’acteur social de lutte pour la réforme agraire. Ces dossiers de la violence et des crimes pratiqués au Pernambouc ont été publiés pendant six années consécutives, de 1990 à 1995, sans interruption. Ils faisaient en moyenne cinquante pages et étaient composés de deux rubriques principales : Conflits de terre et Conflits du travail. Dans la première, la publication détaillait les agressions contre les personnes (meurtres, menaces de mort, tentative de meurtre et lésions corporelles) et les agressions contre la propriété (destruction de plantations et de maisons, expulsions et tentatives d’expulsion). Le souci des détails était la principale caractéristique du récit de la violence qui était produit. En effet, tous les cahiers contenaient une rubrique Critères de lecture des données sur les conflits en milieu rural. Dans celle-ci, la CPT expliquait la façon dont elle répartissait les conflits qu’elle présentait, ainsi que les sources utilisées (la presse et les rapports de ses équipes locales) et les limites des données quantitatives.

Parmi les lacunes de la publication se trouvaient les données se rapportant aux conflits du travail. La CPT ne cherchait, d’ailleurs, pas à les cacher : "Les données des conflits du travail, si comparées à celles des conflits de terre, sont encore précaires [...]"52 Cela révélait en quelque sorte le choix que faisait alors la CPT par rapport à la dénonciation faite par les STRs et la FETAPE dans leur publication. La priorité était déjà largement donnée à la question foncière au détriment de la question syndicale et des lois du travail. Dès le premier cahier, cette priorité avait déjà émergé et plaçait la CPT comme une organisation de soutien aux travailleurs ruraux dans leurs luttes pour la terre et pour la réforme agraire53.

Elle ne délaissait pas complètement le caractère tribunitien de son propos : la dénonciation des crimes et violences en milieu rural. Elle a dénoncé, par exemple, trois meurtres dans la zone de la canne. 1) José Francisco Lins travaillait dans l’engenho Linda Flor, de la raffinerie Central Barreiros, dans la commune de Barreiros (au sud). Il a été tué parce qu’il refusait de "couper les cannes à sucre d’une partie inondée". L’assassin : Valdomiro, l’administrateur. 2) Birajam Rodrigues da Silva Martinho travaillait dans la plantation Paú, dans la commune de Palmares (au sud). Il a été assassiné parce qu’il avait arraché "une canne à sucre pour la sucer". L’assassin : José Terto da Silva, le vigile de l’engenho. 3) José de Andrade travaillait dans la raffinerie Santa Tereza, dans la commune de Goiana (au nord). Il a été assassiné "lorsqu’il coupait des branches d’arbres, destinées à clore un lopin de terre qu’il avait acheté à Goiana". L’assassin : l’administrateur, surnommé Pedrão54.

Au premier abord, celle-ci semblait même être la finalité principale du travail de la CPT: "la lutte contre l’impunité des commanditaires et assassins"55. C’est-à-dire, la dénonciation de "la pédagogie de la terreur des fermiers, des entreprises et des gouvernements et leurs polices"56. Toutefois, une analyse plus fine du rôle social de la CPT au Pernambouc en disait tout autrement. En la replaçant dans le milieu et le contexte où elle intervenait, son travail de publication de la violence prenait une autre dimension. Il ne restait pas au niveau de la divulgation et de la prise de conscience des violations. Il cherchait aussi à dénoncer tout un modèle économique qui avait des conséquences sur les conditions de vie et de travail de la population rurale qui y était employée.

Une nouvelle forme de soutien à la réforme agraire ?

Plus que les autres organisations qui agissaient dans la zone de la canne, la CPT s’est largement spécialisée dans le récit et la divulgation des crimes et violences. Cependant, il s’avère que ce travail de publication débordait la simple ambition d’informer sur les crimes pratiqués contre les travailleurs. Il se plaçait bien au-delà et cherchait à dénoncer "le modèle économique qui a historiquement marqué la région et fondé sur la monoculture de la canne à sucre, sur la concentration foncière et sur l’exploitation de la force de travail"57.

Pour ce faire, les thématiques étaient diverses et l’échelle d’analyse variait du national au local. Les cahiers dénonçaient le système économique ample (le capitalisme industriel) et l’associait à son implantation dans la zone de la canne à travers les "chefs d’entreprises modernes"58, les raffineurs. Ceux-ci investissaient leur capital dans la production sucrière et s’alliaient aux grands propriétaires terriens, plus traditionnels, pour l’exploitation des travailleurs. On critiquait les autorités politiques nationales, comme le président de la République et son ministre de la réforme agraire, mais on se rapportait aussi au gouverneur du Pernambouc59. On les accusait tous de ne pas mettre en place une politique de réforme agraire et d’expropriations des domaines revendiqués. À ce propos, l’argument principal était l’indifférence des autorités nationales et régionales vis-à-vis des revendications sociales et de la démocratisation des terres. À cet argument s’ajoutait le manque d’articulation entre elles et le manque de financements pour la région et le secteur agraire. Ces financements n’étaient destinés qu’à la production industrielle du sucre de canne.

Ce contexte décrit par les cahiers révélait une conjoncture politique et économique éminemment défavorable à la mise en place d’une réforme agraire. Une conjoncture que la CPT elle-même devait aider à combattre. Elle démontrait ainsi son inefficacité à gérer les conflits sociaux et les privilèges qu’elle concédait à une petite partie de la population.

La dénonciation prenait un ton critique et non pas simplement tragique. On montrait les conflits de terre comme la conséquence d’un modèle économique qui était contesté. Un modèle qui s’appuyait sur la monoculture, la concentration foncière et l’exploitation de la main-d’œuvre60. Un modèle qui provoquait l’exode rural, la précarisation des conditions de vie et de travail61. Cela entraînait, en plus, la création de bidonvilles dans la périphérie de Recife et l’augmentation de la violence en milieu urbain62. Un modèle, enfin, qui n’avait pas aidé à construire la richesse de la région, mais qui, au contraire, avait créé la pauvreté et la misère et qui avait amené à atteindre les pires indicateurs sociaux. Ces indicateurs témoignaient, selon la CPT, de la situation de misère, d’exclusion et d’oppression des travailleurs, dont la valeur de la vie humaine était très réduite63. Elle les convoquait pourtant à réagir et à résister face à l’oppression : "Le pouvoir par la force ne survivra que jusqu’au moment où les pauvres de la terre prendront conscience de leur force collective. Cette conscience s’accroît chaque jour chez les travailleurs ruraux"64. La publication de la CPT cherchait à dénoncer la précarité et la soumission dans laquelle les travailleurs vivaient, mais pour les inciter en quelque sorte à se mobiliser et à résister.

Les points forts en termes de revendications se situaient à des niveaux différents. D’une part, il fallait changer la structure sociale et économique et ses composantes. Au niveau économique, il fallait éliminer la monoculture, la concentration foncière et les privilèges concédés par l’État aux grandes entreprises. Au niveau social, il fallait aussi changer la situation d’exploitation, de violence, d’humiliation et de misère. D’autre part, tout cela dépendait d’un profond changement de conscience chez les travailleurs comme dans l’opinion publique. Cela permettrait la fin de l’impunité, de l’arbitraire et de la connivence.

L’approche adoptée par la CPT lors de la publication des cahiers Conflitos étaient ainsi favorable à un changement de la structure sociale et foncière au profit des travailleurs de la canne. Ceux-ci devaient, selon elle, prendre conscience de leur situation de misère et d’oppression et essayer de s’articuler pour changer la conjoncture économique. La façon de voir les événements de la part de la CPT relevait donc d’un point de vue d’acteur, d’un point de vue entièrement militant. Elle n’était pas neutre. Au contraire, elle se situait à l’autre extrême de la société de la monoculture de la canne à sucre et cherchait à contribuer à sa fin. Elle exige, par conséquent, un effort d’analyse plus distancié.

En ce sens, la CPT avait pour objectif principal non seulement de susciter l’indignation, mais surtout la prise de conscience de la nécessité d’un "changement rapide". C’est, en tout cas, le sens qu’elle semblait donner à son travail de publication. Son projet était l’élimination de cette société fondée sur la concentration foncière et la production sucrière : "Nous remettons profondément en question le modèle d’exclusion de la grande agriculture mécanisée qui attribue des bénéfices à quelques-uns au détriment de la majorité paysanne"65. Elle soutenait la nécessité d’une réforme agraire radicale, où les journaliers, métayers et petits producteurs de la canne à sucre auraient accès à la propriété des terres qu’ils travaillaient et cultivaient pour le compte des grands producteurs et raffineurs66. Pour proposer ce changement radical, elle développait une argumentation où elle cherchait à dénoncer et à condamner "les effets pervers du maintien du latifundium, sa pratique violente"67.

Ainsi, le travail de publication effectué par la CPT n’était pas une exclusivité de cette organisation d’Église. Elle n’était pas la seule à diffuser les violences commises contre les travailleurs ruraux. Toutefois, à la différence des autres organisations qui agissaient dans la région, elle a cherché à se spécialiser en la matière, à travers la publication de statistiques plus rigoureuses et distinguant plusieurs niveaux de violence. En outre, elle a abordé la question au début des années 1990, moment où la réforme agraire était à l’ordre du jour dans la zone de la canne. Jusqu’alors la priorité était largement donnée à la lutte syndicale et pour de meilleures conditions de vie et de travail. De cette manière, la CPT a su transformer ses cahiers annuels en une nouvelle manière de défendre les travailleurs sans-terre et de soutenir leur projet de lutte pour la réforme agraire. Et elle l’a fait en essayant de déconstruire les éléments constitutifs de l’économie sucro-alcoolière du Pernambouc et les mécanismes qu’ils mettaient en œuvre.

Sources

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Entretien de l’auteur avec José Rodrigues da Silva, président de la FETAPE (1979-1993). Recife, FETAPE, le 8 février 2010. Durée : 2 h 15 min.

Entretien de l’auteur avec Euclides do Nascimento, secrétaire (1964-1966) et président de la FETAPE (1966-1972). Recife, FETAPE, les 3 et 24 février 2010. Durée : 2 h 50 min.

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Notes

1 Retour au texte

Christine Rufino Dabat, "Sucre et tropiques : une équation "naturelle" justifiant un modèle social pérenne", texte présenté lors des journées d’étude Culture et nature dans les Amériques : représentations, usages et gestion différenciée des ressources et des territoires, Institut universitaire d’études du développement (IUED), Genève, du 19 au 20 novembre 2004, p. 6.

2 Manuel Correia de Andrade, A terra e o homem no Nordeste : contribuição ao estudo da questão agrária no Nordeste, 7e éd., São Paulo, Cortez, 2007, p. 60 et 61. Retour au texte

3 Ibid., p. 36 et 37. Josué de Castro, Une zone explosive : le Nordeste du Brésil, Paris, Seuil, 1965, p. 39 et 40. Retour au texte

4 Maria de Nazareth B. Wanderley, L’économie sucrière du Pernambouc : contribution à l’étude des rapports entre la propriété foncière et le capitalisme, thèse de doctorat, Paris, Université de Paris, 1975. Cité par Christine Rufino Dabat, Moradores de Engenho : relações de trabalho e condições de vida dos trabalhadores rurais na zona canavieira de Pernambuco segundo a literatura, a academia e os próprios atores sociais, thèse de doctorat, Recife, UFPE, 2007, p. 50.  Retour au texte

5 Christine Rufino Dabat, Christine Rufino Dabat, "Sucre et tropiques : une équation "naturelle" justifiant un modèle social pérenne", op. cit., p. 7. Retour au texte

6 Sidney W. Mintz, Sweetness and Power, New York, Viking Penguin, 1986. Traduit en portugais par Christine Rufino Dabat, O poder amargo do açúcar : produtores escravizados, consumidores proletarizados, Recife, Editora Universitária da UFPE, 2003. Retour au texte

7 Manuel Correia de Andrade, Nordeste : alternativas da agricultura, Campinas, Papirus, 1988, p. 9-11. Retour au texte

8 Traduit par l’auteur comme les autres citations. "civilização eminentemente agrária". Manuel Correia de Andrade, A terra e o homem no Nordeste, op. cit., p. 74. Retour au texte

9 Christine Rufino Dabat, Moradores de Engenho, op. cit., p. 53 et 54. Retour au texte

10 Manuel Correia de Andrade, A terra e o homem no Nordeste, op. cit., p. 65-67, 113-117. Retour au texte

11 Gustavo Leal de Albuquerque, A crise do setor sucro-alcooleiro e as suas conseqüências para a reforma agrária na Zona da Mata de Pernambuco : uma análise a partir da década de 90, mémoire de M 2, Recife, UFPE, 2004, p. 48 et 62. Retour au texte

12 Manuel Correia de Andrade, A terra e o homem no Nordeste, op. cit., p. 62-65. Retour au texte

13 "A produção na agroindústria da cana, que vem dominando o ambiente econômico da região por mais de quatro séculos, estagnou-se a partir do final da década de 80, chegando a uma fase crítica mais recentemente. A atividade vem acumulando dificuldades, perdendo a sua importância relativa dentro da economia regional". Cláudia Satie Hamasaki, O setor sucroalcooleiro e seus trabalhadores : emprego e pobreza na Zona da Mata de Pernambuco, mémoire de M 2, Recife, UFPE, 1997, p. 44 et 45. Retour au texte

14 Eliane Maria Monteiro da Fonte, "Reestruturação produtiva na área canavieira pernambucana : as soluções propostas e o papel do Estado", in Maria de Nazareth B. Wanderley (dir.), Globalização e desenvolvimento sustentável : dinâmicas sociais e rurais no Nordeste brasileiro, São Paulo, Polis, 2004, p. 175 et 176. Retour au texte

15 "O problema do desemprego não só se mantém como também são reforçadas as relações de trabalho sob as formas mais tradicionais, com presença do trabalhador temporário, além do subemprego [..] e da presença de trabalho infantil [...] juntamente com baixos salários e jornadas elevadas para o campo". Cláudia Satie Hamasaki, O setor sucroalcooleiro e seus trabalhadores, op. cit., p. 50. Retour au texte

16 "Cerca de 150 mil postos de trabalho". Marcos Antonio B. Figueiredo, "Resistência e reprodução camponesa a partir da conquista da terra na região canavieira pernambucana", in CLIO. Revista de pesquisa histórica, nº 26-2, Recife, Editora Universitária da UFPE, 2008, p. 191. Retour au texte

17 Benoît de l’Estoile et Lygia Sigaud (dirs.), Ocupações de terra e transformações sociais : uma experiência de etnografia coletiva, Rio de Janeiro, Editora FGV, 2006, p. 45 et 47. Retour au texte

18 Christine Rufino Dabat, "Sucre et tropiques : une équation "naturelle" justifiant un modèle social pérenne", op. cit., p. 6. Retour au texte

19 Maria do Socorro de A. e Lima, Revisitando o campo : lutas, organização, contradições – Pernambuco 1962-1987, thèse de doctorat, Recife, UFPE, p. 14. Retour au texte

20 Manuel Correia de Andrade, A terra e o homem no Nordeste, op. cit., p. 267. Retour au texte

21 Josué de Castro, Une zone explosive : le Nordeste du Brésil, op. cit., p. 31-35. Retour au texte

22 "Reforma agrária na lei ou na marra". Francisco Julião (dir.), "Na lei ou na marra", Liga, le 20 novembre 1963, p. 5. Hebdomadaire des Ligues, dont Francisco Julião était le directeur. Manuel Correia de Andrade, O Brasil e a questão agrária, Recife, Editora Universitária da UFPE, 2002, p. 94. Retour au texte

23 Cândido Grzybowski, Caminhos e descaminhos dos movimentos sociais no campo, 3e éd., Petrópolis, Vozes, 1991, p. 22 et 23. Retour au texte

24 Robert Linhart, Le sucre et la faim : enquête dans les régions sucrières du Nord-est brésilien, Paris, Les Éditions de Minuit, 1980, p. 47 et 48. Retour au texte

25 "Da iniciativa dos trabalhadores em organizar ações coletivas". Marcos Antonio B. Figueiredo, "Resistência e reprodução camponesa a partir da conquista da terra na região canavieira pernambucana", op. cit., p. 200. Retour au texte

26 Ibid., p. 199-201. Retour au texte

27 Alain Touraine, La voix et le regard, Paris, Seuil, 1978, p. 105-108. Retour au texte

28 Benoît de l’Estoile et Lygia Sigaud (dirs.), Ocupações de terra e transformações sociais, op. cit., p. 45. Retour au texte

29 Alain Touraine, La voix et le regard, op. cit., p. 107. Retour au texte

30 Robert Linhart, Le sucre et la faim, op. cit., p. 31. Retour au texte

31 Marcos Antonio B. Figueiredo, "Resistência e reprodução camponesa", op. cit., p. 193 et 198. Retour au texte

32 "proteger o patrimônio da empresa". Benoît de l’Estoile et Lygia Sigaud (dirs.), Ocupações de terra e transformações sociais, op. cit., p. 50. Retour au texte

33 "Impossibilitados de conduzirem o esvaziamento dos engenhos da forma que mais lhes convém, os proprietários vão no entanto exercer sobre seus trabalhadores diversos tipos de pressão que culminam no abandono dos engenhos". Lygia Sigaud, Os clandestinos e os direitos : estudo sobre trabalhadores da cana de açúcar de Pernambuco, São Paulo, Duas Cidades, 1979, p. 51. Retour au texte

34 "quebrar a resistência do trabalhador". Ibid., p. 53. Retour au texte

35 FETAPE, Informations sur la fondation de la FETAPE, Recife, 2001. Retour au texte

36 FETAPE, Évolution de l’affiliation syndicale à la FETAPE, Recife, 2005. Anthony Pereira, "O declínio da Liguas Camponesas e a ascenção dos sindicatos", in CLIO. Revista de pesquisa histórica, nº 26-2, Recife, Editora Universitária da UFPE, 2008, p. 259. Retour au texte

37 Maria do Socorro de A. e Lima, Revisitando o campo, op. cit., p. 77-85, 133-143 et 175-182. Retour au texte

38 Benoît de l’Estoile et Lygia Sigaud (dirs.), Ocupações de terra e transformações sociais, op. cit., p. 32 et 38. Retour au texte

39 FETAPE, Composition de la direction de la FETAPE entre 1962 et 2010, Recife, 2010, p. 3. Retour au texte

40 Entretien de l’auteur avec José Rodrigues da Silva, président de la FETAPE (1979-1993). Recife, FETAPE, le 8 février 2010. Durée : 2 h 15 min. Entretien de l’auteur avec Euclides do Nascimento, secrétaire (1964-1966) et président de la FETAPE (1966-1972). Recife, FETAPE, les 3 et 24 février 2010. Durée : 2 h 50 min. Cette partie a été conseillée par Christine Rufino Dabat. Retour au texte

41 "O açúcar produzido na zona canavieira de Pernambuco tem gosto de sangue. Sangue dos trabalhadores rurais espancados e assassinados pela truculência daqueles senhores de engenho e usineiros que implantaram um verdadeiro clima de terror em suas propriedades, com o objetivo de saciar a sua ganância de super-lucros através da super-exploração dos trabalhadores rurais da palha da cana". FETAPE, Açúcar com gosto de sangue : violências na zona canavieira de Pernambuco, Recife, 1984, p. 1. Dossier sur la violence dans la zone de la canne à sucre du Pernambouc. Retour au texte

42 "Em 02 de março de 1983, o trabalhador rural Ananias Oliveira da Silva, foi assassinado com um tiro nas costas, disparado pelo administrador do Engenho Baeté, da mesma Usina [...]. Retour au texte

O motivo do crime foi o mais torpe possível : a vítima insistia em receber o seu salário integral, ameaçado de corte pelo fiscal da Usina Central Barreiros". Ibid., p. 16.

43 "saberemos encontrar os caminhos para por fim ao descumprimento dos nossos direitos e à violência patronal na zona canavieira de Pernambuco". Ibid., p. 24. Retour au texte

44 MST, Jornal dos trabalhadores sem terra, nº 85, juillet 1989, p. 8. Retour au texte

45 Benoît de l’Estoile et Lygia Sigaud (dirs.), Ocupações de terra e transformações sociais, op. cit., p. 35. Retour au texte

46 MST, Jornal dos trabalhadores rurais sem terra, nº 115, mai 1992, p. 9. Mensuel du Mouvement des sans-terre. Retour au texte

47 "Assassinado a tiros de revólver e espingarda de grosso calibre, além de violento golpe de enxada na cabeça, quando se dirigia ao seu local de trabalho, por volta das 8:30h". MST, Assassinatos no campo : crime e impunidade (1964-1985), São Paulo, 1986, p. 205. Dossier sur les violences dans le milieu rural brésilien. Retour au texte

48 Alain Touraine, La voix et le regard, op. cit., p. 105-108. Retour au texte

49 "[...] queremos tornar público estes fatos que as autoridades, o Poder Judiciário e a grande imprensa omitem constantemente de forma deliberada. É sabido que essa guerra suja e não declarada não ocorre por acaso, mas que é fruto de uma modelo econômico, de uma política agrária e de uma forma de sociedade que está unicamente voltada para os interesses do capital e de uma minoria. Retour au texte

[...]

[...] exigimos uma política agrária que vá ao encontro dos interesses dos trabalhadores rurais, a imensa maioria da população que vive no campo, para a implantação da Reforma Agrária ampla e radical". MST, Assassinatos no campo, op. cit., p. 3.

50 Alder Júlio F. Calado, CPT no Nordeste : caminhos e buscas (1976-1995), João Pessoa, Almeida Gráfica e Editora Ltda, 1996, p. 9-28. Retour au texte

51 Maria de Nazareth B. Wanderley, "'Morar e trabalhar': o ideal camponês dos assentados de Pitanga (estudo de caso no Nordeste)", in José de Souza Martins (dir.), Travessias : a vivência da reforma agrária nos assentamentos, Porto Alegre, UFRGS, 2003. Tiago Thorlby, Pitanga : os outros quinhentos, Recife, Recife Gráfica Editora S.A. Retour au texte

52 "O registro dos conflitos trabalhistas, se comparado com os dos conflitos de terra, é ainda precário [...]" CPT Nordeste, Conflitos no campo - 1991, p. 56. Publication annuelle sur les conflits dans le milieu rural du Nord-Est du Brésil. Retour au texte

53 CPT Nordeste, Conflitos no campo – 1990, dans le dos du cahier. Retour au texte

54 "A cortar cana de uma área alagada", "uma cana para chupar" et "quando retirava feixes de vara, destinados a cercar um terreno que comprara em Goiana". CPT Nordeste, Conflitos no Campo – 1992. p. 8. Retour au texte

55 "Luta contra a impunidade de mandantes e assassinos". CPT Nordeste, Conflitos no campo – 1990, dans le dos du cahier. Retour au texte

56 "A pedagogia do terror dos fazendeiros, das empresas e dos governos e suas polícias". CPT Nordeste, Conflitos no campo – 1991, p. 3. Retour au texte

57 "O modelo econômico que marcou historicamente a região com base na monocultura da cana-de-açúcar, na concentração fundiária e na exploração da força de trabalho". CPT Nordeste, Conflitos no campo – 1994, p. 12. Retour au texte

58 "Empresário moderno". CPT Nordeste, Conflitos no campo – 1992, p. 6. Retour au texte

59 Ibid., p. 14 et 17. Retour au texte

60 CPT Nordeste, Conflitos no campo – 1994, p. 12. Retour au texte

61 "O poder pela força só sobreviverá até quando os pobres da terra não tomarem consciência de sua força coletiva. Esta consciência já cresce a cada dia nos trabalhadores rurais [...]" CPT Nordeste, Conflitos no campo – 1991, p. 31. Retour au texte

62 CPT Nordeste, Conflitos no campo – 1994, p. 12. Retour au texte

63 CPT Nordeste, Conflitos no campo – 1993, p. 9. Retour au texte

64 CPT Nordeste, Conflitos no campo – 1991, p. 20. Retour au texte

65 "Uma mudança rápida" et "Questionamos profundamente o modelo excludente da grande agricultura mecanizada que beneficia poucos em detrimento da maioria camponesa". CPT Nordeste, Conflitos no campo – 1993, p. 5. Retour au texte

66 CPT Nordeste, Conflitos no campo – 1992, p. 6. Retour au texte

67 "Os efeitos perversos da manutenção do latifúndio, sua prática violenta". CPT Nordeste, Conflitos no campo – 1994, présentation. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Samuel Carvalheira de Maupeou, « Récits, dénonciation et diffusion des crimes en milieu rural : la Commission pastorale de la terre et les cahiers "Conflitos no Campo" (1990-1995) », Reflexos [En ligne], 1 | 2012, mis en ligne le 18 mai 2022, consulté le 16 avril 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/reflexos/587

Auteur

Samuel Carvalheira de Maupeou

Doctorant
Université Toulouse – Jean Jaurès

samuelcdemaupeou@yahoo.com.br

Droits d'auteur

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