L’Athalie, de Jean Racine, traduite par Cândido Lusitano : Réappropriation politique d’un genre antique

Résumé

C’est au XVIIIème siècle que les Portugais ont découvert la tragédie de Racine, Athalie, traduite en 1758 par l’Arcadien Francisco José Freire (connu sous le pseudonyme arcadien de Cândido Lusitano) et publiée en version bilingue en 1762, puis en 1783. Cette version n’a pas connu les planches des théâtres ; néanmoins sa conception visait des objectifs de correction des mœurs, d’édification de l’esprit et de régénérescence du théâtre portugais, comme en témoignent à la fois l’important appareil de notes et la longue dédicace à la reine Mariana Vitória accompagnant le texte traduit. Davantage que la traduction de la pièce en elle-même, ce sont ces péritextes qui seront étudiés ici dans la mesure où ils signalent non seulement les qualités de critique littéraire – dithyrambique à l’égard de Racine et de son respect total des règles de la tragédie classique – mais véhiculent également une vision politique tout à fait favorable de la monarchie absolue. Cândido Lusitano était, en effet, un Oratorien dont l’idéal régalien a, pendant un temps, séduit le marquis de Pombal au détriment des Jésuites. Il transmet l’idée que la tragédie de Racine n’est pas seulement une parfaite illustration d’un épisode biblique mais correspond aussi à l’actualité portugaise en matière de pouvoir politique. La publication de 1762, postérieure à la tentative de régicide de 1758, a certes permis à Freire d’ajouter à la traduction des commentaires qui convergent vers la notion de défense de la personne royale et d’obéissance inconditionnelle à la monarchie régalienne, mais dissimulent peut-être aussi un souci tout personnel de prévention de sa propre personne contre les foudres potentielles de Pombal à l’égard des Oratoriens.

Plan

Texte

L’avant-dernière pièce de Racine, Athalie, destinée à l’éducation des jeunes filles de la Maison de Saint-Cyr, fut, après Esther, la deuxième commande de Madame de Maintenon qui la fit représenter par ses Demoiselles dans la plus grande simplicité, le 5 janvier 1691, devant le roi Louis XIV et quelques privilégiés. Elle fut éditée la même année mais ce n’est qu’en 1702 qu’elle connaîtra au théâtre de Versailles sa seconde représentation et son premier succès public, avant celui de la Comédie-Française en 1716.

Après un long engouement, le genre tragique, prospère dans la France du Grand Siècle, va se flétrir au XVIIIème siècle, en raison de son académisme rigoureux1, jugé caduc, monotone et déraisonnable2. On lui préfère à présent le drame sérieux proposé par Diderot, dont les thèmes, loin des sujets bibliques ou mythologiques, sont liés à la société civile contemporaine. Le discours se fait militant et aborde les conditions de vie des classes populaires et bourgeoises. Les péripéties se multiplient et l’esprit de la tragédie se perd avec le désintérêt pour la catharsis, la purgation des passions par la terreur et la pitié.

Dans le même temps, au Portugal, les Arcadiens redécouvrent avec retard la tragédie classique et tentent de l’imposer sur les scènes et chez les typographes, les principes esthétiques de l’Arcádia Lusitana correspondant en effet à ceux de l’époque austère de Racine et de Corneille3.

Cette tragédie, inspirée d’un épisode biblique du Second Livre des Rois (2, Rois, 11), celui de la tentative d’assassinat par la reine Athalie de son petit-fils et héritier Joas, afin d’usurper définitivement le trône de Jérusalem, est connue au Portugal, grâce au père oratorien Francisco José Freire, également connu sous le pseudonyme arcadien de Cândido Lusitano. Il est l’un des pères fondateurs en 1756 de l’Arcádia Lusitana, cette sorte de société savante qui se donne en effet la mission de restaurer la correction et la rigueur dans les Lettres portugaises par la revalorisation et l’imitation des genres littéraires antiques et classiques4. Même s’il n’est pas le premier Portugais à faire connaître dans son pays le nom du dramaturge français5, Cândido Lusitano acclimatera l’art de Racine, d’abord en y faisant maintes fois allusion dans sa traduction de l’Art poétique6 d’Horace en 1748, puis par sa traduction en hendécasyllabes d’Athalie en 1758, éditée en 1762 et réimprimée en 1783, à chaque fois en version bilingue7. Il semble que cette traduction n’ait jamais connu les planches ; elle a été conçue comme un texte davantage à lire qu’à déclamer, même si, dans ses commentaires, le traducteur introduit diverses réflexions liées à la présence des personnages sur scène et à leurs actions face au public.

Les deux éditions d’Atália se composent des éléments suivants :

- une longue dédicace à son altesse la princesse Mariana, épouse du roi Joseph 1er

- la traduction de la préface de Racine, intitulée « Prólogo de monsieur Racine »

- la « Dissertação do Tradutor sobre a presente tragédia  »

- le texte français sur la page de gauche au regard duquel figure la traduction portugaise

- dans l’édition de 1783, au bas de chaque page, des notes du traducteur rédigées « em benefício dos pouco inteligentes » (p. xxviii), complètent l’argumentaire de la Dissertação et sont autant de commentaires exclusivement laudatifs, traitant des aspects stylistiques, esthétiques ou techniques du texte français et de sa traduction. Dans la première édition (1762), ces mêmes notes sont regroupées en fin de volume, formant ainsi une sorte de postface intitulée « Ilustração » et découpée comme la pièce, en 5 parties (pour les 5 actes).

Outre la page de titre, cela porte ainsi à quatre le nombre de péritextes (dédicace, préface, « dissertação » et notes de bas de page8), pour ainsi dire tous destinés à faire l’éloge du génie racinien en des termes emphatiques et pompeux.

Quelques critiques portugais, en particulier Ana Clara Santos9, ont étudié la présence et la réception de Racine au Portugal, faisant apparaître son apport capital, ainsi que celui de Corneille, aux bases esthétiques du théâtre arcadien. Ana Clara Santos propose une analyse de ces péritextes en y soulignant l’alternance des remarques sur l’exercice même de la traduction et des réflexions d’ordre esthétique liées aux règles de composition de la tragédie classique. Effectivement, les annotations de Cândido Lusitano illustrent parfois, justifient le plus souvent, son attachement à ce genre dramatique hérité de l’Antiquité, qui constitue pour lui un vecteur idéal de correction des mœurs et un modèle de régénérescence pour le théâtre portugais jugé décadent. Déjà, dans son ouvrage Verdadeiro Método de Estudar (1746), le philosophe Luís António Verney qualifiait d’exemplaire le théâtre tragique, en opposition à l’art dramatique espagnol :

« O Drama, ou seja Tragédia ou Comédia, não é mais que uma instrução que se dá ao Povo em alguma matéria. A Tragédia trata de algum caso extraordinário, sucedido a pessoa grande. Com isto se modera a grande ambição dos homens, ensinando-lhes a conhecer que as condições desta vida estão sujeitas a todas as infelicidades. […] Nunca achei comédia espanhola que se pudesse sofrer. Raras vezes o Espanhol imita a Natureza : reina a afectação e as subtilezas em tudo10. »

Dans la mesure où l’objectif de son article ne se limite pas à la seule étude de la traduction d’Athalie par Cândido Lusitano, Ana Clara Santos commente rapidement sa technique de traduction, évoquant les réflexions de l’Oratorien quant à ses difficultés à transposer en portugais les vers de Racine (dans la « Dissertação » et dans l’« Ilustração »). Elle souligne ensuite parfaitement les divers éléments doctrinaires exprimés dans ces péritextes et qui constituent l’arsenal théorique de Freire sur ce que doit être une tragédie néoclassique, tout particulièrement les lois de la vraisemblance et de la bienséance, la simplicité et l’unicité de l’action, le respect des unités. Athalie concentre les caractéristiques propres à l’idéal des Arcadiens, nourris de culture antique et auto-investis de la mission quasi sacrée de restaurer les arts et les mœurs :

« Réécrire Athalie […] c’est participer définitivement à la reconstruction du sens d’une tragédie française qui sert un seul objectif, celui de l’Arcadie au sein de la théorie littéraire et l’avènement de préceptes nouveaux, ceux du classicisme11. »

Cristina Marinho s’est également penchée sur la réception de Racine au Portugal. Dans un article de 1997, elle contextualise la traduction et, plus largement, la place occupée par les tragédies de Racine dans la perspective de la restauration du théâtre portugais selon l’Arcadie Lusitanienne, se concentrant tout particulièrement sur la personne et l’œuvre d’un autre dramaturge, Manuel de Figueiredo.

On tentera ici de poursuivre l’analyse. Pour l’Arcadien, remettre au goût du jour par le biais d’une traduction un modèle littéraire antique, la tragédie, construite selon les règles aristotéliciennes, les « indispensáveis leis da poesia trágica » (p. xv), relève d’une double gageure : d’une part, la restauration d’un théâtre national de haute qualité et, d’autre part, l’éducation et l’édification de la population. Cette sorte de double obsession traverse de bout en bout l’esprit de la Dissertação et de l’Ilustração. Toutefois, ce programme bifide n’est pas exclusivement philanthropique et altruiste. Il est sous-tendu, plus ou moins implicitement, par une apologie sans réserve du pouvoir en place, ce qui le rend presque suspect de fausseté. En outre, certains intérêts plus personnels pourraient bien se glisser dans ce discours de célébration sans limite du pouvoir royal. Ces quelques suggestions de lecture seront abordées plus avant.

Des règles dramatiques classiques au service du renouveau du théâtre national

Pour restaurer le théâtre national, l’Arcadie, en l’occurrence Francisco José Freire, s’en remet aux sacro-saints principes aristotéliciens de la purgation des passions et de l’imitation de la nature. Aristote considère que les objets de la nature ne doivent pas être imités servilement et de façon restrictive, mais être poétiquement façonnés, selon les termes de Cruz e Silva, « de todas as graças e perfeições possíveis » et exposés « aos nossos olhos não como a  Natureza os produziu, mas como deveria produzi-los se os quisesse criar no grau mais sublime de perfeição12 ». Cette imitation de la Nature serait l’expression exacte de la réalité, matérielle ou spirituelle, expression qui ne supporte pas l’exubérance baroque des mots, des sonorités, des antithèses mais, au contraire, le parfait équilibre entre la forme et l’objet. Cruz e Silva illustre cette notion par la métaphore des cristaux de sel dans le fond d’une mine, parfaitement organisés et ordonnés, formant ainsi des objets parfaits, dénués d’affectation ou de préciosité. Dans ses propos dithyrambiques, Cândido Lusitano assure que Racine a su atteindre ce degré de perfection car il est « [Um] grande poeta que sabe bem a linguagem da natureza » (p. 107). La Nature, objet de l’imitation comprend trois domaines : le domaine céleste, le domaine humain et le domaine matériel, en d’autres termes toute la Réalité sensible et intelligible13. La vision de la nature de Cândido Lusitano se définit en fonction de la poésie, seule capable de concentrer l’imitation de la Nature de ces trois mondes. Esprit beaucoup moins scientifique que Locke ou que Luís António Verney, il s’en remet pourtant invariablement à la raison pour traiter de la Vérité. Cette Vérité n’en reste pas moins dogmatique car Freire possède « um inabalável compromisso com o catolicismo e com a monarquia absoluta14 » ; sa Vérité représente l’Absolu que tout homme doit chercher à atteindre et dont les limites sont Dieu et royauté, lesquels ne se discutent pas. Ainsi que le résume Ivan Teixeira, « Na prática, a razão seria uma espécie de dogma dos dogmas, responsável pela ética legitimadora do Estado e da Religião, em nome do que se justificava, sobre as coisas, a obediência ao Rei15 ». Or, si la tragédie racinienne est précisément un « théâtre de raison16 » qui légitime le pouvoir royal, elle concorde alors exactement avec les conceptions dramatiques et politiques de Freire. Parmi les genres poétiques, le théâtre représente pour l’Arcadien un outil potentiellement puissant, participant d’une idéologie politique vouée tout entière à la préservation d’une unité nationale autour de la personne royale, elle-même représentation de Dieu sur terre.

Il importe, pour énoncer avec conviction cette pensée dans le champ dramatique, de respecter des règles précises, gages de la vraisemblance sans laquelle il n’est guère possible au public d’adhérer à un spectacle et d’en retirer les bénéfices de l’édification.

Freire souligne abondamment combien la structure de la tragédie Athalie respecte rigoureusement les modèles aristotéliciens issus de l’exégèse d’Horace qui impose la règle des trois unités (temps, lieu et action), ainsi que les éléments spécifiques de la tragédie grecque. Cette règle des trois unités est rappelée dès le début de la « Dissertação do Tradutor » : la logique d’une action unique au profit d’un objet unique, « o objecto principal da Tragédia » (p. XVII), et autour d’un seul personnage devant inspirer compassion et terreur chez le récepteur (public spectateur ou lecteur).

Freire accorde une attention particulière à l’espace, régulièrement mis en avant, comme dans la note p. 56 :

«  Mathan justamente fica atónito de achar a Atália no continente do Templo; e este seu espanto serve ingeniosamente para o auditório refletir que o lugar da cena é sempre o mesmo, circunstância precisíssima para o verosímil Dramático, e, como tal, é uma das três unidades da Fábula. »

C’est pourquoi il admire la capacité de Racine à changer de scène sans changer de situation :

« Este artifício merece particular recomendação, pois, sem fazer perder a unidade do lugar [en italique dans le texte], indispensável na fábula teatral, surpreende o auditório por ver repentinamente a acção como em um novo lugar.  » (p. 212)

Le traducteur frôle parfois les limites de la cohérence lorsqu’il s’agit pour lui de justifier la règle en question. Il a, pour cela, recours à quelques contorsions de langage comme celle consistant, au sujet de l’unité de lieu,  à parvenir à rapprocher des contraires (variedade-unidade):

« O desejo da novidade quer contudo, que haja alguma alteração na unidade de lugar : a arte está em saber conciliar a variedade do lugar com a unidade dele. […] Sem mudar de lugar, achou Monsieur Racine modo (digamos assim) de variar a cena levantando a cortina que escondia o interior do Templo […]. » (p. xviii-xix)

Outre l’unité de lieu, le poète doit conduire le récepteur à suivre l’action, unique, jusqu’à son dénouement pour que ce dernier concentre ses sentiments sur le héros. Si sa compassion, sa terreur et sa pitié sont accordées à plusieurs personnages, elles en seront affaiblies et les effets dramatiques se perdront. Ce théâtre, au fond très intellectualisé, très pensé en termes d’effets et de structures, est destiné à conditionner les attentes et les réactions des spectateurs ; il les dirige fermement et limite leur liberté d’interprétation. La sévérité de Pombal en matière de politique sociale trouve ainsi, en quelque sorte, sa transposition, sinon sur les planches, du moins dans les conceptions dramatiques de l’Arcadie. Duarte Ivo Cruz17 rappelle, du reste, combien la tragédie est en adéquation parfaite à la fois avec les idéaux rigoureux de l’esprit arcadien18 et avec l’autorité du ministre de Joseph 1er. Formellement, la construction tragique s’harmonise avec la rigueur politique. Idéologiquement, elle lui emboite le pas.

La loi de la bienséance, quant à elle, implique de limiter au maximum les effets de mise en scène, de bannir la violence sur scène en racontant les événements effroyables sans les montrer afin de provoquer la compassion et la terreur19 sans « ensanguentar o teatro », selon les préconisations de Correia Garção dans sa Dissertação primeira, car « Assim se mistura o útil com o deleitoso20 ». Cândido Lusitano énonce le même précepte dans les notes de sa traduction, considérant à son tour qu’une bonne tragédie doit susciter « o deleite do auditório » (p. 42), dans la pure acception du genre tragique tel qu’il est conçu depuis l’Antiquité et encore au XVIIème siècle : la souffrance du héros, sa douleur, doivent s’accompagner du plaisir libérateur des spectateurs car la catharsis est à la fois une purgation et un plaisir. Cette règle de la bienséance s’accompagne de la notion de vraisemblance (parfois au détriment du « vrai ») et de la nécessité qui, selon Racine dans sa préface, ont été respectées. En dépit de la violence latente de l’épisode biblique d’Athalie, ni l’irrationnel ni le monstrueux ne sont montrés sur scène, ce qui conduirait à l’incrédibilité du spectateur. Toutefois, montrer des caractères monstrueux sur scène présente des avantages, selon Freire qui module cette règle si le besoin s’en fait sentir :

« No teatro (diz La Mothe) hão-de se pôr homens e não monstros. A esta impugnação respondemos com Racine que destes monstros de ambição e de maldade, nos dão as Histórias mil exemplos. O confessar Mathan os seus vícios e detestáveis ideias, nada tem contra o inverosímil porque os confessa a outro malvado como ele. Mathan é um apostata. […] Enquanto às confissões que faz Mathan de seus remédios, é verdade (diz Fontenelle) que não são mui verosímeis, mas são coisas necessárias no teatro, sem as quais não poderia o auditório saber o que passa no interior de certos actores ; e sabido que seja, dá maior luz à acção e a encaminha bem em todos os seus lances. » (p. 113-116)

Son habileté rhétorique permet à Freire d’affirmer à la fois une chose et son contraire dans la même phrase. Ainsi, l’invraisemblance doit être proscrite… sauf si elle est nécessaire ! Cette notion qui paraît, par endroits, relativement plastique dans ses propos, demeure sans doute l’un des critères les plus sensibles pour le traducteur arcadien qui y fait référence à l’envi dans les péritextes d’Athalie. À titre d’exemple, il souligne l’imagination fertile de Racine qui invente une cicatrice sur le corps de Joas. Quoique non véridique (du moins, non attestée par le texte biblique), il juge la proposition acceptable puisqu’elle est vraisemblable (p. 217). Par ailleurs, prévoyant les possibles critiques à l’égard de la loi sur la vraisemblance dans certains passages de la tragédie, il devance l’attaque comme, par exemple, lorsqu’il commente les répliques fermes et convaincantes du jeune Joas affrontant Athalie :

« Se parecer a alguém que esta narração, ou pela eloquência, ou pela erudição que há nela, excede a capacidade de um mancebo de poucos anos, reparem que este é um menino criado no Templo e filho do Sumo Sacerdote e, como tal, educado com cultura, e bem instruído na história da sua Nação. » (p. 45)

Le défaut de crédibilité de la scène est justifié, une fois de plus, par l’instruction et l’éducation de la jeunesse, salut d’une société moderne. Le texte dramatique, tant dans sa forme que dans son contenu, ne tend qu’à cet objectif didactique, formant une sorte de cercle vertueux. Les mêmes arguments sont déployés tout au long de sa Dissertação : même si la vraisemblance atteint parfois ses limites, l’essentiel est qu’il y ait suffisamment d’éléments plausibles pour produire encore et toujours de l’instrucção21.

Le faisceau de ses arguments suggère, implicitement, comme cela a déjà été relevé, que l’esprit du récepteur doit être manœuvré adroitement pour assurer un effet dont l’efficacité sera proportionnelle au talent du poète.

L’ensemble des notes constitue une analyse détaillée de la pièce de Racine confrontée à l’aune des principes aristotéliciens et horaciens, une analyse de l’adéquation de la pièce aux canons antiques. Comme de juste, le traducteur s’en enthousiasme, qualifiant la tragédie de « perfeita », « maravilhosa », « de raro artifício », apresentando toda a arte de um grande orador » (p. XXVIII). Il se félicite en creux de lui être le plus fidèle possible en tout. En réalité, sur le plan formel, la plus grande distorsion arcadienne aux règles aristotéliciennes est l’usage de l’hendécasyllabe blanc qui fut, du reste, justifié par tous les poètes de l’Arcadie comme plus propre à la sacro-sainte imitation de la Nature22 :

« Nós para o traduzirmos, demos alguma liberdade à pena, afastando-nos da ideia do teatro grego, e da metrificação francesa, para assim o fazermos acomodado à nossa música, a qual é de um gosto totalmente diverso do que tem o teatro francês nos seus coros, e do que tinham os gregos. »  (p. 39-41)

Car il s’agit avant tout de capter l’attention et l’intérêt du public national en charmant son oreille par une musicalité et un rythme linguistiques adaptés. Freire annonce à la fin de sa « Dissertação » qu’il ne se justifiera plus sur le choix du mètre dans sa traduction car il a abondamment commenté ce point dans son « Discurso preliminar do tradutor » de Arte Poética de Horácio Flacco23. Mais c’est surtout l’abandon de la rime qu’il s’emploie à motiver, toujours dans la perspective de l’efficacité du message. La rime provoque un plaisir facile et superficiel et empêche le texte de toucher directement la raison et la pensée du récepteur, tout particulièrement dans le théâtre :

« Não é nossa tenção reprovar geralmente o uso da rima ; antes confessamos que aumenta a graça às composições e áquelas breves poesias, que servem a música ; porém corre mui diversa razão para não se dever usar naquelas obras em que o Poeta fala, e muito mais nas outras em que ele se esconde, como é o drama. Em obséquio da verdade, deve-se claramente dizer que, com a introdução da rima, passou para os ouvidos aquele deleite que antes causava a Poesia ao entendimento e à imaginativa, pagando-se os homens muito de um som material e de uma espécie de música plebeia […]. Do que deixamos dito concluimos que, se a rima é tão fatal à liberdade do Poeta quando inventa muito mais o é quando traduz, porque está ligado a pensamentos e expressões alheias. »

Le « deleite » dont les Arcadiens se revendiquent de manière systématique n’est donc pas tant celui des sens que celui de la raison. Comment s’étonner que leur théâtre n’ait jamais touché le public ?

Hormis l’usage du vers blanc, les velléités arcadiennes en matière d’esthétique se limitent à la reproduction aussi fidèle que possible des éléments structurels antiques, remis au goût du jour par les auteurs de la Renaissance puis, à leur tour, par les auteurs classiques français. Ainsi, le chœur à qui Racine attribue le même rôle que celui que lui confiait Aristote :

« Ce chœur […] fait les fonctions des anciens chœurs qu’on appelait le coryphée. J’ai aussi essayé d’imiter des anciens cette continuité d’action qui fait que leur théâtre ne demeure jamais vide, les intervalles des actes n’étant marqués que par des hymnes et des moralités du chœur, qui ont rapport à ce qui se passe24. »

L’argument de Racine n’a pas échappé à Cândido Lusitano qui le fait sien dans sa Dissertação (p. xxi), en lui attribuant une performance encore plus active sur l’esprit du récepteur. Le chœur n’est pas seulement élément de liaison entre les actes, il est moins associé au divertissement qui, lui, fait appel aux sensations, qu’à sa fonction normative agissant sur l’intellect du récepteur :

« […] e se formam as cinco partes, ou Actos da tragédia, que distinctos pelo canto do coro, servem para fixar como em cinco pontos o entendimento, e o coração do auditório, para que tenha tempo de ordenar bem em si mesmo os sentimentos, e ideias. » (p. xxi)

Les verbes fixar et ordenar, renvoyant à des actions injonctives, s’appliquent à la fois à l’ensemble coração/sentimento qu’à son opposé entendimento/ideias. Le récepteur est tenu (« fixado ») par la tragédie sur les plans de la conscience rationnelle et des sentiments diffus : il n’a pas d’échappatoire. En d’autres termes, une excellente tragédie est bien un outil puissant de conditionnement de l’âme et de l’esprit.

Le chœur fait également l’objet d’un commentaire spécifique, dans les notes de bas de page :

« Prouvera a Deus que todos os coros da tragédia se preocupassem em tão importante moral. Ela então seria não só lícita mas sumamente proveitosa. E se também os coros dos gregos dissessem igualmente, como os desta tragédia, relação ao argumento, não teriam a nota de escuros. » (p. 97-99)

Il est donc assigné au chœur un rôle édifiant. Il n’est qu’un instrument au service de la performance dramatique fondée sur la diffusion d’une morale. Comme on le constate, tous les éléments constitutifs d’une tragédie n’ont encore et toujours que cette même visée. On ne manquera pas, toutefois, de soulever le paradoxe suivant : Freire entend parler à la raison et à l’intelligence du récepteur et en même temps, lui arracher les larmes dans les moments les plus émouvants. À propos des vers 1384-6 (« Joad : Ô, mon fils, de ce nom j’ose encore vous nommer, / souffrez cette tendresse, et pardonnez aux larmes / Que m’arrachent pour vous de trop justes alarmes »), il a ce commentaire :

« Este passo deve ser um dos mais ternos para o auditório, ou leitor, vendo derramar lágrimas a um homem tão áustero, e de um coração tão constante. Mas não chora à vista do perigo em que está Joas : chora prevendo os perigos a que o exporá a dignidade de Rei. Tenho por certo que não haverá leitor de gosto tão corrupto que não se enterneça e se arrebate ao ler estes conselhos de Joad. […] Verdadeiramente, é para notar que toda esta tragédia, que pela qualidade do seu argumento parece devia ser toda cheia de moralidades, sejam nela raríssimas as sentenças. »  (p. 164-165)

Freire s’attache à lire le texte d’un point de vue moins humain que transcendant. Les larmes du sévère Joad sont senties exclusivement, non pas comme celles d’un père mais comme celles d’un sujet inquiet pour son roi (« chora prevendo os perigos a que o exporá a dignidade de Rei. »). Encore une fois, c’est la vision régalienne de la société qui est mise en relief et qui s’accompagne de la nécessaire morale, ennemie de la corruption des cœurs. Et l’habileté de Racine consiste précisément à montrer la morale (en actions) plutôt que de la faire proférer par ses personnages. Une telle habilité n’est guère remarquable chez Freire dont les péritextes, et surtout les notes, sont de lourds – et probablement stériles – rappels à l’ordre.

Une traduction au service d’une politique régalienne

Avec la première phrase de la « Dissertação » commençant par « Para instrucção daqueles que não sabem as leis do Teatro », le ton est donné. L’exercice sera fondamentalement et ouvertement didactique, le terme instrucção apparaissant, du reste, deux fois dans le même premier paragraphe. Cependant, Freire assure ne pas exposer d’opinions exclusivement personnelles. Pour être persuasif et convaincant, il prétend avoir recours à des textes d’auteurs français, qu’il ne nomme pas mais qui sont la caution scientifique de son exposé. Implicitement, on peut déduire de cette attitude la position dans laquelle le monde du théâtre portugais se place de lui-même : une épigone, un pâle imitateur des maîtres européens. L’analyse de la traduction, que Freire affiche comme fidèle à l’original racinien25, montre cependant qu’elle est inséparable de son intention idéologique, celle de la construction d’une dramaturgie nationale rénovée, instrument d’éducation morale du peuple. Au sujet des trois derniers vers de la pièce « Rei dos Judeus, aprende e não te esqueças,/De que os monarcas Deus severo julga,/Os inocentes vinga, ampara os órfãos. », Cândido Lusitano fait le commentaire suivant :

« Eis aqui em resumo a doutrina moral que o auditório deve tirar de toda esta tragédia. Segundo o nosso estilo sucinto, fizemos quanto pudemos para ilustrar, transcrevendo em grande parte as anotações que já lhe fizera o sábio monsieur Racine, filho deste insigne trágico. Muitas coisas acrescentámos, ou pelo que diz respeito à tradução, ou às muitas e esquisitas belezas poéticas que encontrámos neste grande drama : para deste modo se formar o bom gosto da verdadeira poesia trágica à estudiosa mocidade portuguesa, para quem unicamente escrevemos, e não para aqueles que nos podem ensinar. » (p. 222-223)

Comme si la structuration même de la tragédie n’était pas suffisante pour édifier le récepteur du texte, Freire s’est arrogé le droit de mettre en évidence à la fois son propre travail de traducteur et les passages qui l’ont le plus séduit. Son public est bridé de bout en bout, contraint d’emprunter la voie de l’analyse tracée pour lui, tout comme, en leur temps, étaient censés être captifs du message de Racine les jeunes gens en formation. Racine aurait en effet mis toute son énergie poétique à peindre le personnage d’Eliacin « para assim terem os principiantes, ou os de gosto estragado, um perfeito modelo que imitar » (p. 26). L’idée est maintes fois répétée dans les péritextes sous différentes formes qui toutefois varient assez peu sur le plan du vocabulaire : modelo, útil doutrina, correcção, instrução, deleite, homem polido e bem educado… tiennent la tête du palmarès lexical de Freire. Pourquoi une telle surcharge didactique ? Si Freire fait siennes les conceptions éducatives de la politique pombaline, c’est qu’il est oratorien. Or, Pombal a favorisé les Oratoriens dans sa politique de lutte contre leurs ennemis communs, les Jésuites. Après l’expulsion de ces derniers en 1759, soit l’année suivant la traduction, Pombal confie à la congrégation de l’Oratoire la charge de l’instruction, pour peu de temps toutefois. Dans la Casa das Necessidades, à Lisbonne, les Oratoriens passent pour enseigner les sciences fondées sur l’observation et la raison, de même qu’une philosophie moderne radicalement opposée à l’enseignement scolastique traditionnel des Jésuites. Il est, du reste, tout à fait clair dans les derniers mots des notes de bas de page que la traduction d’Athalie est exclusivement destinée à l’éducation de la jeunesse et en aucun cas à ses professeurs (sous-entendu jésuites) : « [Escrevemos] para, deste modo, se formar o bom gosto da verdadeira poesia trágica à estudiosa mocidade portuguesa, para quem unicamente escrevemos, e não para aqueles que nos podem ensinar » (p. 223). Or, certains grands noms de l’Oratoire affichent leurs affinités régaliennes, ce qui fait d’eux des soutiens efficaces de Pombal. Dans le jeu du pouvoir, ils bénéficient pour l’heure de l’avantage. Leurs divergences avec la Compagnie de Jésus ne sont pourtant pas si catégoriques dans la pratique, à en croire Jean Girodon : « Et puis, il faut dire la vérité : ce qui, au XVIIIème siècle oppose Jésuites et Oratoriens, ce ne sont pas tant les théories philosophiques que le désir violent de dominer26 ». En 1758, Freire, à la fois Arcadien27 et Oratorien, a le vent en poupe… Par conviction (ou par calcul ?), il s’implique dans le soutien total et inconditionnel de la politique pombaline par le biais de la critique littéraire et de la traduction. Sa défense de la tragédie classique s’insère dans le plan plus large de la revalorisation de la littérature antique, elle-même envisagée comme rouage du système régalien de gouvernement :

« Quanto é útil a reimpressão de livros ! Hoje, ainda hoje choram os portugueses a perda de muitas obras incomparáveis que a injúria do tempos, ou a ambição de quem as tinha, ou a falta de conhecer o seu merecimento, arruinaram, perderam et soterraram em um profundo esquecimento. […] Indigna ambição, condenável esquecimento, repreensível frouxidão. Obras úteis e interessantes, ou ao Estado ou à Religião, às ciências e às artes, devem ser desenterradas e desenoveladas das espessas trevas dos esquecimento. O lustre, o esplendor da Nação é a sabedoria, e a notícia de composições antigas, e não a ignorância. Aquele Estado que é mais culto, nele são os monarcas mais temidos e obedecidos. Aonde há despotismo e ignorância, aí são todos os dias as sublevações28. »

Outre les références à l’éducation et aux bonnes mœurs, la question de l’inviolabilité de l’autorité royale exprimée dans les vers 1793-4 d’Athalie29, reçoit, dans les notes de Cândido Lusitano, ce commentaire dans lequel il faut souligner l’importance de l’adjectif « suprema » : « […] o sumo sacerdote […] só manda que tirem a vida à usurpadora, o que diz na presença do novo rei cuja suprema autoridade está representando » (p. 219). Le crime inconcevable d’attenter à la personne royale mérite la mort «  pois que, em nenhum caso, é permitido desejar a morte ao seu soberano » (p. 31). Cette phrase acquiert un sens d’autant plus puissant lorsque l’on se souvient que, précisément en cette même année 1758, une tentative de régicide contre Joseph Ier a été commise. Elle sera punie par la torture et l’exécution en 1759 des familles Távora et Aveiro, ainsi que celle du Jésuite Malagrida en 1761. La « dissertação » de Freire n’énonce pas clairement les critères de sélection de cette pièce ; cependant on constate qu’il accorde la plus grande gloire à Joad, dont la seule ambition est, à son sens, de faire reconnaître Joas comme le véritable roi et éliminer, « de um modo invencível » les ennemis de l’héritier du trône de David30. Il n’est pas interdit d’associer cette vision du personnage au ministre Pombal et à sa préoccupation de préserver la personne du Roi, tout particulièrement à la suite du tremblement de terre et de la tentative de régicide. Freire fait éditer son ouvrage exactement au sortir de cette crise. L’événement ne manque pas de résonnance avec l’épisode d’Athalie.

La rénovation du théâtre en tant qu’arme politique de consolidation de l’identité nationale que Teófilo Braga jugeait inexistante au Portugal à cette période31, passe, comme cela a été souligné, par l’imitation des Anciens. Freire fait état des nombreuses références intertextuelles évoquées par Racine pour qui « são muito familiares os trágicos gregos » (p. 93), tels qu’Euripide, Virgile ou Sophocle : « O poeta achou alguma coisa em Eurípides para exprimir o carácter de Joas. […] O Trágico francês valeu-se do grego » (p. 76). Notons toutefois que si le genre tragique est antique, le thème, lui, est biblique. Freire n’a pas choisi au hasard la pièce de Racine qui concentre la rigueur antique et celle de l’Église. C’est, avec l’épisode d’Athalie, la seule fois que la Bible justifie un régicide. Il y a trois raisons à cela. La première est politique : Athalie a usurpé un trône et mérite pour cela la mort. La seconde est religieuse : elle est idolâtre et pratique le culte de Baal. La troisième conjugue les arguments politique et religieux mais place le motif religieux au premier plan, subordonnant le droit des hommes à celui de Dieu. En effet, Joas est le dernier fils de la maison de David et son trône lui a été promis par Dieu depuis longtemps. Or le Christ est aussi « fils de David » (Mathieu, 1,1). Implicitement, le succès de l’entreprise d’Athalie aurait rompu la généalogie et, en conséquence, remis en cause le salut du monde par l’avènement de Jésus. Racine est, comme son traducteur portugais, un ecclésiastique qui s’adresse à un public profondément chrétien pour qui, ainsi que le souligne Gilles Ernst dans son excellente préface, « la promesse messianique et la doctrine sur le bon usage du pouvoir royal ont leur source dans la Bible, Ancien et Nouveau Testaments étroitement liés32 ». Ses motivations religieuses sont indissociables du choix politique de son sujet et de son traitement. Car Athalie est bien une pièce religieuse dotée de vertus en principe édifiantes. La mythologie antique fait évoluer et agir les dieux et présente la catastrophe comme une fatalité ; l’Histoire Sainte associe la catastrophe à la Divine Providence et si l’intrigue se place sur le plan humain, de la politique et des princes, il faut garder à l’esprit, selon les propos de Raymond Picard, la constance de la manifestation miraculeuse dans cette pièce, en d’autres termes celle de l’intervention de Dieu :

« […] pour qui sait voir, l’histoire d’Athalie est un miracle permanent […]. À chaque pas dans cette tragédie sacrée l’on est saisi par la présence efficace et terrifiante du Dieu Vivant. […] À l’absurdité de la fatalité dans les tragédies profanes s’oppose ici la finalité de la Providence33 ».

Les personnages sont les créatures d’un Dieu dont ils sont les sujets et ne valent pas par eux-mêmes mais par les actions qui leur sont inspirées par le Divin. Cette perception jansénisante particulièrement dans l’air du temps avait de quoi satisfaire le pouvoir et la censure. Réaffirmer une foi inébranlable en son Dieu c’est magnifier son représentant sur terre qu’est le roi. C’est aussi recevoir de lui des faveurs plus terre-à-terre, celle de la reconnaissance et du succès, donc la subsistance, voire la survie…

Sur le plan religieux encore, la traduction d’Athalie donne à Freire l’occasion de fustiger l’idolâtrie, ou plutôt la superstition dont étaient accusés bon nombre de ses contemporains. Avec le commentaire des vers « De aplacar a seu Deus, qualquer que seja / E à força de presentes, reduzi-lo / A mostrar-se comigo mais humano », Cândido Lusitano se réfère à la politique pombaline de lutte contre cette défiguration de la foi :

« A superstição é filha do terror. Os idolatras ofereciam sacrifícios a toda a casta de deuses para lhes aplacar a ira, considerando-os também com natureza de fazer mal aos mortais. » (p. 63)

Il justifie dans ces lignes des pratiques politiques instaurées notamment depuis le tremblement de terre de Lisbonne, alors que Pombal s’est appliqué à combattre les Jésuites, en particulier en la personne du père Gabriel Malagrida, considéré par le pouvoir comme un promoteur de la superstition dans la ville ravagée par le séisme. Le choix de la pièce n’est donc pas purement esthétique, mais bien idéologique : la méchante reine Athalie, de « religião idolatra » (p. xv), devient le contre-exemple du bon chrétien. Plus loin, dans sa dissertation, Freire rappellera une fois encore que les références historiques ou légendaires doivent être familières aux auditeurs pour que l’action soit « proveitosa aos costumes por meio dos verdadeiros preceitos » (p. xix). Se servant de l’exemple du Grand Prêtre, il glisse un point de vue apparemment personnel, à l’adresse de Pombal, laissant percer l’expression d’une obéissance servile à son ministre : « Um ministro válido e astuto nunca falta a ter espias » (p. 70). Le même procédé se retrouve dans le commentaire du vers « Assaltemos a bárbara inimiga » pour lequel il affirme « Contra o inimigo público, todo o homem é soldado » (p. 162). Le parallèle entre l’intrigue de la tragédie et la situation politico-religieuse est affiché sans détour : « como verdadeiramente é o auditório ». C’est une unité nationale que Pombal espère opposer aux Jésuites et la pièce sert d’illustration édifiante au spectateur :

« Em uma palavra, Joad é como um cristão anticipado, e como verdadeiramente o é o auditório, não deve entristecer-se do funesto fim de Joas, sabendo muito bem por estas e outras antecedências, que a exaltação deste príncipe não é o grande objecto da tragédia. É certo que o poeta não tinha necessidade de fazer profetizar a Joad, mas uma vez que o figurou cheio do espírito divino, parecia que devia naturalmente só lembrar-se das mercês que Deus obrara a favor do povo […]. » (p. 175)

Le commentaire en bas de page de la dernière scène résume à lui seul la motivation politique de Cândido Lusitano. Les vers 1814-6 : « Apprenez, Roi des Juifs et n’oubliez jamais/Que les rois dans le ciel ont un juge sévère,/L’innocence un vengeur, et l’orphelin un père. », permettent à Freire de marteler une dernière fois son antienne : « Eis aqui, em resumo a doutrina moral que o Auditório deve tirar de toda esta tragédia » (p. 222).

Il semble intéressant de relever toutefois que cet exercice de traduction commentée officiellement pour le bien de tous n’a peut-être pas des visées exclusivement altruistes. La période qui voit naître ce travail de Freire est confuse en ce qui concerne les relations entre l’Oratoire et le Ministre de D. José. De fait, en 1758, en pleine campagne de propagande contre la Compagnie de Jésus, Pombal a besoin de tous les soutiens, celui des Oratoriens n’étant pas l’un des moindres. Mais dès 1760, un certain nombre d’entre eux ne sont plus en odeur de sainteté auprès du puissant Ministre et les persécutions vont commencer contre quelques célèbres membres de la congrégation, accusés d’être pernicieux pour la jeunesse34. Freire se montre habile et circonspect. Ainsi, on ne peut que très rarement suspecter ses commentaires de contenir des sous-entendus au revers de fortune des Oratoriens face à Pombal si ce n’est, peut-être, dans la note p. 9, au sujet de deux vers de la réplique d’Abner à Joad, critiquant la reine Athalie, idolâtre et cruelle. Les vers français « Dès longtemps votre amour pour la religion/Est traité de révolte et de sédition. » sont traduits ainsi : « […] Há longo tempo/Que chama sedição ao religioso/Teu zelo. » (p. 7) et reçoivent ce commentaire : « Naqueles que amam a religião como se pode suspeitar que tenham espírito de excitar tumultos ? ». Des accents de plaidoirie pointent en faveur des ecclésiastiques en général et des Oratoriens en particulier, eux qui œuvrent au bien du pays et de sa jeunesse et répondent à l’exigence pombaline de rénovation de l’éducation sans provoquer ni le pouvoir politique, ni l’équilibre social du pays. Comment pourraient-ils être accusés de causer le trouble ?

Les raisons de leur persécution sont en fait liées aux positions de certains d’entre eux envers la politique régalienne de Pombal35. Jean Girodon insiste toutefois sur le fait que tous n’étaient pas détestés par le Ministre qui a, au contraire, protégé des hommes tels que le père António Pereira de Figueiredo ou le père Manuel de Macedo Pereira de Vasconcelos. Ces derniers, ainsi que… Francisco José Freire36, quittèrent la Congrégation de la Casa das Necessidades au moment opportun. Ces précisions historiques permettent peut-être d’éclairer la dédicace de l’ouvrage d’une lumière plus personnelle que conditionnée par le genre consommé de l’éloge.  Pour éditer son ouvrage, peu de temps après le revers de fortune des oratoriens auprès de Pombal, Freire s’adresse directement à la personne la plus proche du roi, la reine Mariana Vitória, exprimant en creux sa soumission à la royauté. De fait, ce choix à double détente affiche son infaillible déférence à la personne royale et, par le même truchement, réclame sa protection personnelle en prétextant celle de sa traduction. Or, la dédicace ne doit évidemment rien à l’affection de Freire pour l’épouse du monarque, mais plutôt à son influence politique :

« […] parece incontestável que a rainha Mariana Vitória intercedeu por eles [os Oratorianos] pessoalmente e que o Prepósito da Congregação, Padre Bernardo Lopes geriu as dificuldades do tempo com extrema pudência e mestria, apaziguando, de algum modo, a ira de Carvalho e Melo37. »

Ainsi, même si Freire ne semble pas être une cible du Ministre, malgré son appartenance à l’Oratoire, il ne manque toutefois pas de prudence en se plaçant sous la protection de la Reine (« agradecido pela incomparável honra da sua protecção ») qu’il qualifie dans la dédicace de « princesa de compreensão tão sublime ». En somme, il semblerait que, pour loyal qu’il soit envers le régime et ses représentants, le ton outrageusement laudatif des péritextes de la traduction se teinte d’une certaine, mais banale, tartufferie...

À une époque où, à la suite du tragique tremblement de terre de 1755, le pouvoir entendait remettre de l’ordre tant sur le plan matériel que spirituel, fixant les règles morales et religieuses, les vers d’Abner (Eh ! Que puis-je au milieu de ce peuple abattu ? /Benjamin est sans force, et Juda sans vertu »), résonnent ainsi pour Freire :

« Pinta-nos o Poeta ao povo hebreu no mais alto ponto de depravação ; para que o auditório conheça logo que a Acção só a há-de executar Deus, pois que para ela o Sumo Sacerdote nada pode esperar de uma Nação sem zelo, nem ânimo, como claramente diz adiante Abner :

Pois eu que posso entre abatido povo ?

Força não há em Benjamim, em Juda

Não há virtude […]. » (p. 7)

Le péritexte de cette traduction éclaire donc sur le rôle assigné par l’Arcadien à la tragédie néoclassique, et tout particulièrement à Athalie. Elle est un outil du pouvoir destiné à l’édification et à la correction des esprits (« para que o auditório conheça… »). En 1758, année de la traduction d’Athalie, Freire ressentait-il confusément, ou non, que cette tragédie portait en elle la figure du schisme que Roland Barthes considère centrale dans l’univers racinien38 ? Les secousses matérielles et morales provoquées par le tremblement de terre sur la société portugaise exigeaient une action de reconstruction autour de la vraie foi, et non de la superstition jésuitique. Mais la publication de 1762, postérieure à la tentative de régicide, a permis d’ajouter les commentaires à la traduction du texte, des commentaires qui convergent vers la notion de défense de la personne royale et d’obéissance inconditionnelle à la monarchie régalienne, peut-être dans un souci tout aussi altruiste que personnel.

Roland Barthes autorise aux lecteurs de Racine une certaine liberté critique, voyant en lui un auteur d’une « transparence classique » tant ses œuvres ont pu se prêter à tous les types de commentaires et d’analyses (sociologique ou psychanalytique, biographique ou psychologique) et ce, jusqu’à nos jours :

« C’est qu’en fait, dit-il, la transparence est une valeur ambiguë : elle est à la fois ce dont il n’y a rien à dire et ce qu’il y a le plus à dire. C’est donc, en définitive, sa transparence qui fait de Racine un véritable lieu commun de notre littérature, une sorte de degré zéro de l’objet critique, une place vide mais éternellement offerte à la signification. […] Son génie ne se serait alors situé spécialement dans aucune des vertus qui ont fait successivement sa fortune […] mais plutôt dans un art inégalé de la disponibilité, qui lui permet de se maintenir éternellement dans le champ de n’importe quel langage critique39. »

Cândido Lusitano profite de cette liberté : il ne regarde pas seulement la tragédie de Racine comme un texte parfait du siècle précédent, ni comme la simple illustration d’un épisode biblique mais comme une image de sa propre époque, une mise à l’épreuve de sa propre idéologie politique et artistique. L’épisode biblique transcendé par les mots de Racine permet d’évaluer avec un œil neuf son actualité.

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Notes

1 Par exemple Jean-Jacques Rousseau dans sa Lettre à D’Alembert sur les spectacles, (1758) : « J'entends dire que la Tragédie mène à la pitié par la terreur; soit, mais quelle est cette pitié? Une émotion passagère et vaine, qui ne dure pas plus que l'illusion qui l'a produite; un reste de sentiment naturel étouffé bientôt par les passions; une pitié stérile qui se repaît de quelques larmes, et n'a jamais produit le moindre acte d'humanité. » Consultable en ligne : http://www.espacerousseau.ch/f/textes/lettre%20%C3%A0%20d%27alembert%20utrecht%20corrig%C3%A9e.pdf Retour au texte

2 Alain Couprie, Lire la tragédie, Paris Armand Colin, 2005 (1ère édition chez Dunod, 1998), p. 102-3. Retour au texte

3 « É preciso notar que a Arcádia corresponde em Portugal, não nas datas, mas nos instintos e tendêndias, ao austero e castigado período dos Corneilles, Racines e Boileaus. » Luís Augusto Rebello da Silva, “A Arcadia Portuguesa”, Annaes das Sciencias e Letras, 1857, 1° anno, p. 62. Retour au texte

4 Selon les termes de Rebello da Silva, ces Arcádiens « sectários dos autores antigos, ensinavam as regras e proclamavam os textos admirados de Homero e Pindaro (…) ». Luís Augusto Rebello da Silva, Ibid., p. 205. Retour au texte

5 D. Francisco Xavier de Meneses, le 4ème Comte d’Ericeira, dans son poème héroïque Henriqueida, cite pour la première fois en 1741 au Portugal le nom de Racine (in Henriqueida, Poema heróico, composto pelo ilustríss. e excelent. Conde da Ericeira D. Francisco Xavier de Menezes, Lisboa, na Oficina de António Isidro da Fonseca, 1741, 149 p.). Retour au texte

6 Francisco José Freire, Arte Poética, ou Regras da Verdadeira Poesia em Geral e de Todas as suas Espécies Principais, Lisboa, Oficina de Francisco Luiz Ameno, 1748, 431 p. Retour au texte

7 Jean Racine, Atália, traduzida por Francisco José Freire (Cândido Lusitano), Lisboa, Oficina Patriarcal de Francisco Luiz Ameno, 1762, 236 p. Com as licenças necessárias. Disponible intégralement sur : https://books.google.fr Retour au texte

2ème édition : Lisboa, Oficina da Academia das Ciências, 1783, 223 p. Com Licença da Real Mesa Censória. C’est de cette 2ème impression que sont extraits les passages cités dans cet article. Le numéro de page sera indiqué à la suite de la citation.

8 Le même souci de la précision et du commentaire se trouve dans son édition de l’Arte Poética, qui comporte aussi une version bilingue latin-portugais, un discours préliminaire, des notes de commentaire sur le texte et sa transposition en portugais ainsi que, en fin de volume, un supplément aux notes et des « Observations du Traducteur ». Voir Regina Helena Machado Aquino Corrêa, “Cândido Lusitano e o discurso preliminar do tradutor”, Terra Roxa e outras Terras (Revista de Estudos Literários), Vol. I, 2002. Publicação electrónica do Programa de Pós-graduação em Letras da Universidade Estadual de Londrina. Retour au texte

http://www.uel.br/pos/letras/terraroxa/g_pdf/vol1/V1a_RHMAC.PDF.

9 Henrique de Campos Lima Ferreira, « Racine et le Portugal », Bulletin des Etudes Portugaises, Lisbonne, Institut Français au Portugal, 1940, separata, 20 p.  Retour au texte

Cristina A. M. de Marinho, « Racine au Portugal au XVIIIème siècle : les projections romantiques d’un monument classique », Intercâmbio, Instituto de Estudos Franceses da Universidade do Porto, n°8, 1997, p. 93-105.

Ana Clara Santos, « La fortune de Racine au Portugal : traduction et mise en scène », Seventeenth Century Studies, volume 26, 2004, p. 209-219.

10 Luís António Verney, Verdadeiro Método de Estudar, vol. II  « Estudos Literários », Lisboa, Sá da Costa, 1950, p. 325 et 327. Retour au texte

11 Ana Clara Santos, Op. Cit., p. 216. Retour au texte

12 António Diniz da Cruz e Silva, « Dissertação sobre o estilo das Éclogas », Parte III, Poesias, vol. 2 ; cité par António José Saraiva, « Introdução », Obras Completas de Correia Garção, vol. II- Prosa e Teatro, Lisboa, Sá da Costa, 1958, p. XXXI. Retour au texte

13 Ivan Teixeira, « Ressonâncias de John Locke na Ilustração portuguesa : Luís Antônio Verney e Francisco José Freire »,  Revista USP¸ São Paulo (34), Julho-Agosto de 1997, p. 116. http://www.usp.br/revistausp/34/10-ivan.pdf Retour au texte

14 Ibid., p. 114. Retour au texte

15 Ibid., loc. cit. Retour au texte

16 « […] le poète tenait l’historie sacrée pour matériellement vraie. Il y a dans les deux pièces [Athalie et Esther] des éléments de miracle, mais qui n’offrent aucune difficulté d’interprétation puisqu’ils sont des manifestations rationnelles de la volonté de Dieu. Aussi est-ce, paradoxalement, ces deux cantates théâtrales, ces « mystères » de cour, qui incarnent le plus complètement l’art scénique du ‘théâtre de raison’. » George Steiner, La mort de la tragédie, Paris, Gallimard, Coll. Folio-Essais, 1993 (1ère éd. 1961), p. 98. Retour au texte

17 Duarte Ivo Cruz, « O teatro no período de Pombal : doutrina, prática e ideologia », Revista Camões, n° 15-16, « Marquês de Pombal », Janeiro-Junho de 2003, p. 107. Retour au texte

18 Rebello da Silva rappelle que les Arcadiens « tinham-se obrigado a empenhar os maiores esforços para restituírem aos diversos gêneros, ou antes manifestações de arte, a severidade e correcção da forma, e a perfeição imitativa dos séculos de maior glória nas antigas e modernas letras.” Luís Augusto Rebello da Silva, “A Arcádia Portuguesa”, Annaes das Sciências e das Letras, 1857, p. 197. Retour au texte

19 Au sujet de la scène 7, Acte II : « Esta cena é certamente uma das mais prodigiosas desta tragédia. […] Que simplicidade e inocência reluz nas respostas de Joas ! […] Que perturbação e susto em todo o auditório, vendo aparecer na presença de Atália o úlitmo sucessor de David […]! Esta consideração faz temer ao teatro que um menino de oito anos em alguma das respostas diga coisa que faça irritar uma rainha bárbara. […] As respostas vão directamente a feri-la : o que mais aumenta o susto do auditório. » (p. 72-75)  Retour au texte

20 Pedro Joaquim António Correia Garção, Obras Completas, volume II : « Prosas e Teatro », ed. de António José Saraiva, Lisboa, Livraria Sá da Costa, 1958, p. 105-129. Ces deux critères sont longuement décrits et analysés par Correia Garção dans ses deux premières Dissertações, prononcées devant les membres de l’Arcádia en août et septembre 1757. Retour au texte

21 «  Nem é necessário escolher o mais verosímil e provável, como pede a história; mas basta aquele verosímil que tem mais disposição para produzir instrucção. » (p. xxi). Retour au texte

22 Déjà dans le “Discurso preliminar” à l’Arte Poética traduite d’Horace, Cândio Lusitano justifiait l’usage du vers blanc : “Como todo o nosso empenho foi exposto com liberdade e clareza os pensamentos e carácter de Horácio, […], escolhemos para esta tradução o verso solto, como o mais proporcionado para este fim ; porém como isto talvez parecerá [sic] mal a alguns, bom será que os persuadamos, mostrando-lhes brevemente o como a rima foi mui perniciosa à liberdade da poesia, e especialmente o é, e sempre o será, em traduções. […] A rima é tão fatal à liberdade do poeta quando inventa, muito mais o é quando traduz, porque está ligado a pensamentos e expressões alheias. » (Op. Cit., np) Retour au texte

23 Francisco José Freire, « Discurso do Tradutor », Arte Poética, Op. Cit., 1778, n. p. Retour au texte

24 Racine, « Préface », Athalie, in Œuvres Complètes, Présentation, notes et commentaires de Raymond Picard, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1950, p. 874. Retour au texte

25 « Nós por fidelidade não entendemos o traduzir literalmente; mas sim o exprimir (quando for possível) sentença por sentença, e figura por figura, não acrescentando coisa que não se leia no original, e não menos tirando ou mudando coisas que nele estejam. » (Cândido Lusitano, (trad.), “Discurso preliminar”, Arte Poética de Horácio Flacco, Lisboa, Livraria Rollandiana, 2a edição, 1778, np.) Retour au texte

26 Jean Girodon, Lettres du Père Bartolomeu do Quental à la congrégation de l’Oratoire de Braga (29.IX.1685-22.XI.1698), Paris, Fundação Calouste Gulbenkian-Centre Culturel Portugais, 1973, p. XXXII. Retour au texte

27 Les Arcadiens étaient des « Apologistas incansáveis » de Pombal (Rebello da Silva, Op. Cit., p. 208). Retour au texte

28 Cândido Lusitano, (trad.), “Aviso do Editor”, Arte Poética de Horácio Flacco, Lisboa, Livraria Rollandiana, 2a edição, 1778, np. Retour au texte

29 « Allez, sacrés vengeurs de vos princes meurtris, / De leur sang par sa mort faire cesser les cris. » Retour au texte

30 « Quem conduz desde o princípio até o fim a acção, é Joad, cujo zelo se deve reputar como uma espécie de santa ira, e diz tanto respeito à acção desta tragédia como a ira de Aquiles à acção da Ilíada. É ele quem a prepara, dispondo o ânimo de Abner, introduzindo os Levitas no Templo e recorrendo ao auxílio divino. É quem a começa, dando armas aos Levitas, sagrando Joas, e aclamando-o Rei à vista de todos os que estavam no Templo. É quem a continua, quando declarando o legítimo herdeiro […]. Enfim, é Joad quem termina a acção quando, fazendo por um modo invencível com que a mesma Atália reconheça a Joad por verdadeiro Rei, ordena que se tire a vida à usurpadora ». Freire, « Dissertação », Op. Cit, p. xvi. Retour au texte

31 Teófilo Braga, História do Teatro Português”, 4 vols., Porto, Imprensa Portuguesa, 1870-71, III,(1871), p. vii. Retour au texte

32 Gilles Ernst, « Préface », in Jean Racine, Athalie, Paris, Le Livre de Poche, 1993, p. 17. Retour au texte

33 Raymond Picard, « Présentation d’Athalie », Jean Racine, Œuvres Complètes, Op. Cit., p. 866-867. Retour au texte

34 Les excellents scientifiques Teodoro de Almeida et João Chevalier, entre autres, devront fuir Lisbonne et même s’exiler en France. Mais c’est le “groupe d’opposition rassemblé autour des Meninos de Palhavã” qui subira essentiellement les foudres du Ministre. Voir, par exemple, Jean Girodon, Op., Cit., p. XV. Retour au texte

35 « No reino de D. José I, sofreram os oratorianos mitas perseguições, por desaprovarem as ideias jansenistas e regalistas que dominavam no governo ». Fortunato de Almeida, História da Igreja em Portugal, Vol. III Porto, Porto Editora, nova edição, 1970, p. 96. Retour au texte

36 Fortunato de Almeida, Op. Cit., p. XX. Retour au texte

37 Eugénio dos Santos, “Pombal e os Oratorianos”, Revista Camões, Op. Cit., p. 83. Retour au texte

38 « L’origine du schisme est évidemment une rupture de l’Alliance qui unit Dieu et son peuple, le Père et le fils ; l’enjeu du conflit tragique est comme dans Esther la restauration de ce contrat collectif. » Roland Barthes, Sur Racine, Paris, Seuil, Coll. Points-Essais, 1963 (1ère édition), p. 126-7. Retour au texte

39 Ibid., p. 10-11. Retour au texte

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Référence électronique

Marie-Noëlle Ciccia, « L’Athalie, de Jean Racine, traduite par Cândido Lusitano : Réappropriation politique d’un genre antique », Reflexos [En ligne], 3 | 2016, mis en ligne le 19 mai 2022, consulté le 25 avril 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/reflexos/783

Auteur

Marie-Noëlle Ciccia

Université Paul Valéry Montpellier 3 – LLACS

Professeur des Universités

marienoelle.ciccia@gmail.com

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