De la morphosyntaxe du pronom complément indirect en espagnol : * Le lo, ge lo, se lo

Résumé

La grammaire traditionnelle a retenu l’hypothèse selon laquelle l’espagnol « remplacerait » le pronom COI le par une forme se dans le cas où il serait associé au pronom COD. Toutefois, la comparaison avec d’autres langues romanes (italien et portugais, mais aussi léonais) laisse entrevoir une réalité plus complexe. On est sans doute face à la trace laissée par un usage du latin vulgaire qui, pour être fréquent, n’a, cependant, pas donné lieu à une évolution homogène. Il apparaît que le latin s’est doté d’un pronom synthétique contracte, ce qui explique les variations de morphosyntaxe pronominale au sein même des langues romanes. Mais, au-delà, c’est bien le statut et la nature des pronoms en latin qui est mis en lumière par ce simple fait de langue.

Dédicace

À la mémoire de Marie-France Delport qui m’a tant appris.

Texte

Il est, dans la langue comme ailleurs, des idées qui ont la vie dure quand bien même elles sont infirmées à la fois par l’histoire et le bon sens. Sans doute faut-il accepter, par simple humilité, une dose de mythologie grammaticale qui aurait le mérite de rendre accessibles aux élèves et étudiants des phénomènes dont la complexité pourrait, dit-on, les rebuter. C’est ainsi qu’on invente des moyens prétendument mnémotechniques, des règles qui, pour être simples à manier, sont cependant totalement erronées, des fables linguistiques qui troublent la compréhension de ces subtils phénomènes qui sont une image de la pensée humaine. Les exemples foisonnent et encombrent jusqu’aux ouvrages de grammaire, même les plus sérieux. C’est ainsi que le mythe de l’opposition entre les copules/auxiliaires ser et estar fondé sur la question de la durée hante encore, malgré tout ce qui en été dit, nombre de salles de cours, y compris à l’Université. Les fidèles de cette religion sont bien marris lorsqu’on leur oppose « estar muerto » qui, quoi qu’on en dise, recouvre une durée certaine. De même pense-t-on avoir tout résolu en affirmant que « le subjonctif est le mode du virtuel », ce qui conduit à une simplification plus abusive encore lorsqu’on pense que le « virtuel » ici désigné recouvre ce qui n’a pas d’existence ou dont l’existence est sujette à caution. Comment expliquer, dès lors, des propositions telles que « me alegro de que hayas venido » ? C’est dire combien la formulation de la règle grammaticale et, au-delà, de la description du phénomène peut troubler, gauchir, fausser la compréhension d’un fait de la langue qui n’obéit qu’à sa logique propre. Or, le travail du linguiste consiste, à l’aide de son outillage conceptuel, à trouver et à mettre au jour cette logique et à en décrire les mécanismes. Pour ce faire, il s’appuiera sur des éléments objectifs et parmi eux, en premier lieu, ce qui constitue un bien commun de la langue : le signifiant.

Mais que penser lorsque le signifiant semble conduire dans une fausse direction ? Comment expliquer un phénomène dont l’histoire même paraît, à première vue, chaotique ? Lorsque l’explication habituelle est manifestement, objectivement, peu convaincante mais que tout à la fois, il ne semble pas y en avoir d’autre, c’est bien de cette dernière qu’il faut partir. Ainsi, dans le cas de la tournure se lo/la/los/las, c’est-à-dire une structure attributive constituée d’un pronom complément d’objet direct (COD) et d’un autre pronom complément, indirect celui-là, dit d’objet second ou d’attribution (COI), la doxa grammaticale déclare-t-elle que le pronom le, forme naturelle du COI, est remplacé par se. Par exemple : « À la troisième personne du singulier et du pluriel, les pronoms COI le et les sont remplacés par se lorsqu’ils sont suivis d’un COD de la troisième personne : lo, la, los, las. » (Gerboin Pierre, Leroy Christine, Grammaire d'usage de l'espagnol contemporain, Paris, Hachette, 1991, §73.2, p. 69). Ou encore : « En cas d’accumulation de deux pronoms de la 3° personne (français : le lui, la lui, le leur, etc.) les pronoms c. o. i. le et les sont invariablement remplacés par la forme se ; seul varie le c. o. d. (lo, la, los, las) qui se place après se. » (Bedel, Jean-Marc, Grammaire de l'espagnol moderne, Paris, PUF, 2002, §116.d, p. 109).

Ces deux exemples1 font état d’un remplacement qui n’avait échappé à personne : quand l’espagnol dit le digo una cosa et lo digo a Fulano, il dit se lo digo lorsque les deux pronoms se succèdent. On en déduit que le est remplacé par se tout comme l’on dit que le temps s’écoule ou que le soleil se lève ou se couche. Ce sont des facilités de description, des raccourcis commodes que le physicien ou l’astronome peuvent employer dans la vie de tous les jours mais qu’ils savent peu conformes à la réalité scientifique. Dès lors, on peut bien parler de remplacement de le par se, c’est, en effet, ce que l’on observe puisque là où se trouvait le se trouve, dans certaines conditions, se — mais cela n’explique en rien ledit remplacement ni ne dit s’il s’agit d’une évolution du signifiant ou si nous sommes face à une modification plus profonde. L’idée même du remplacement est suspecte. Dirait-on que dans, le cas d’un passage au pluriel, l’article el est remplacé par los ? À coup sûr, on verrait là une bizarrerie. Parler de remplacement suppose, en outre, que l’on pallie un manque, une incapacité. C’est d’ailleurs ce que la tradition scolaire a fini par ériger en dogme : le remplacement de le par se serait d’ordre euphonique, comme si la succession de deux latérales était une incongruité aux palais espagnols. Ce serait faire peu de cas du prénom Lola, des adjectifs lelo, lila ou pililo (amer.) ou du substantif pelele pour ne citer que quelques exemples. Il n’y a donc aucune raison pour que cette alternance de liquides soit sentie, précisément dans le cas des pronoms atones, comme difficile ou peu conforme aux sonorités habituelles de la langue. En un mot, l’argument phonétique n’a aucun fondement, et l’idée même d’un remplacement est-elle totalement saugrenue. La phonétique historique le montre parfaitement : « A diferencia de lo que ocurrió en otras lenguas romances (fr. Je le lui donnerai ‘Se lo daré’) el grupo latino illi illud se palatalizó en el español medieval y dio lugar a la forma gelo (también ge lo), que alternó durante un tiempo con se lo (§35.f). Esta forma es análoga a la del italiano glielo. Todos los pronombres dativos de tercera persona que preceden a un acusativo átono en el español actual toman la forma se. No existen, por tanto, las combinaciones *les lo, *le las y otras análogas, sino únicamente se lo, se las, etc. » (Real Academia Española de la lengua, Nueva gramática de la lengua española §16.11j). Et aussi : « No existe acuerdo entre los especialistas acerca de cuál sea la verdadera razón del paso de series como illi illud a se lo, se las etc., en lugar de a *le lo, *le las, que nunca existieron en español. Algunos piensan que en la elección de se pudo influir la analogía con las combinaciones en las que se no es dativo (atóselo, echóselo). Otros entienden que pudo producirse un intercambio de sibilantes inverso al que se reconoce en otras evoluciones del latín al español, como en tonsorĭa > tijera, pronunciado antiguamente con palatoalveolar fricativa sonora. » (Idem, § 16.11k).

Il ne peut donc être question de remplacement puisque la langue espagnole n’a jamais retenu une tournure de type analytique comme l’a fait le français. Puisque la structure *le lo n’existe pas et n’a jamais existé, parler de « remplacement » est abusif et ne saurait constituer une explication du phénomène aussi schématique soit-elle. C’est donc bien gelo qui constitue le point de départ de la tournure qu’utilise l’espagnol actuel. La Nueva Gramática ne dit pas autre chose, qui explique l’évolution de la façon suivante : « Téngase en cuenta que una vez que se llega a la forma gelo, con prepalatal sorda2, quedaban abiertas dos opciones : la velarización, que seguiría un proceso natural desde el punto de vista fonológico, pero crearía una forma pronominal aislada, y la asimilación analógica a las combinaciones con el reflexivo, que se vio facilitada por la proximidad fonética de la prepalatal con la retrofleja. » (Ibidem). Le jugement de la Real Academia est largement fondé sur les études diachroniques telles que celle menée dans La langue espagnole par Bernard Pottier et Bernard Darbord :

Sur l’évolution de gelo à se lo, on observera d’abord l’affinité phonétique entre les deux fricatives. Celle-ci devenait de plus en plus grande, à mesure que l’opposition de sonorité tendait à disparaître (ž / š ) — cogecha >cosecha. En outre, dans la chaîne discursive, se côtoie souvent le pronom accusatif : se lo comió, se lo hizo, etc.

Il faut observer que la combinaison se lo (se = datif, humain, indiscrimination générique et numérique) se rencontre sous le support sémantique de verbes trivalents impliquant un destinateur, un destinataire, une entité objet passant de l’un à l’autre : verbes de « dire », de « don », d’ « échange » (Schmidely, p. 184). On constate que la seule spécificité nouvelle introduite par se lo réside dans la non identité du destinateur et du destinataire (mais decírselo signifie ‘se le dire’ ou ‘le lui dire’). Une telle spécificité est annoncée par le sémantisme des verbes en question, ainsi que par la marque personnelle attachée au verbe. Ce nouvel emploi est observé à toutes les personnes (se lo doy) et non pas seulement à la troisième, comme dans les autres emplois de se. (§176, p. 129)

On reviendra sur cet extrait qui porte en germe nombre de remarques qui seront explicitées plus loin. On se contentera pour l’heure de relever ce qui est le point essentiel de cette analyse, à savoir le caractère spécifique de se lo (et avant cela, ge lo) sous l’espèce d’un complément de verbes appelés trivalents. Jack Schmidely, à propos de gelo parle d’un « conglomérat pronominal »3 Là où certaines grammaires francophones postulent un impossible remplacement, il faut donc voir l’évolution normale, spontanée à partir d’un état plus ancien de la langue, rien de plus, rien de moins. Si l’on s’arrête un instant sur ce que déclarent ces mêmes grammaires francophones, on se rend compte que le désir de simplification à outrance non seulement conduit à une erreur mais fait, en outre, obstacle à l’analyse objective du phénomène : dire que le est remplacé par se laisse entendre que les logiques du français et de l’espagnol sont similaires. Or, manifestement, il n’en est rien et c’est ce que l’on se propose de démontrer dans les lignes qui suivent. En effet, si l’on suit la tradition grammaticale sur ce point, on conclura que la langue espagnole, comme la française procède par juxtaposition des compléments indirect et direct. « Je le dis » et « Je lui dis » mis en relation donnent « Je le lui dis ». Évoquer une substitution suggère que l’espagnol opère selon la même logique: « Lo digo », « Le digo » devraient donner, pense-t-on, * « Le lo digo». Comme ce résultat n’est jamais atteint et que l’on obtient « Se lo digo », on en infère une opération dont on ne peut percevoir les raisons ni les causes et on se contente donc de déclarer qu’un élément est mis à la place d’un autre. Piètre logique, au vrai, qui ne prend même pas en compte l’ordre des composantes de la tournure. Or, cet ordre, depuis l’émiettement du latin en raison notamment du phénomène de déflexivité, est le principal vecteur de sens dans les langues romanes. Lorsque le français dispose les composantes selon une logique de transitivité, d’abord directe puis indirecte, privilégiant en cela le lien avec le verbe, l’espagnol ordonne les choses au rebours. Le français déclare « Je le lui dis », l’espagnol traduit dirait *«Je lui le dis ». Cette modification de la structure montre bien qu’il est vain de vouloir calquer les mécanismes d’une langue sur une autre. L’inversion constatée prouve donc que l’espagnol ne procède pas selon le mécanisme de juxtaposition choisi par le français, du moins pas le même.

Tentative d’explication du phénomène. Selon les meilleurs auteurs consultés, la forme gelo (ou ge lo) se constitue à partir d’une structure latine datif + accusatif de type DARE illi illud (ou illum, illam, illos, illas, voire illa). À partir de la forme illi + illu par aphérèse, on obtiendrait phonétiquement gelo (> [(e)ljelo] qui analogiquement serait étendu au datif pluriel (illis). C’est cette explication que donne Pidal (§ 94.3) et qui est reprise chez Pottier et Darbord (§176). Or, l’idée d’un calque analogique du pluriel sur le singulier ne laisse pas de présenter des difficultés d’ordre logique. En effet, le système des pronoms de troisième personne du latin présente des spécificités qui, apparemment, n’ont pas été prises en compte : le pronom-adjectif ille, illa, illud de troisième rang a connu une destinée remarquable. Dès les premières heures du latin classique, il tend à pallier le manque d’article que connaît cette langue4 tout en assumant le rôle d’un pronom anaphorique5. C’est pourquoi, dans les langues romanes, le signifiant de l’article est semblable à celui du pronom complément6. Cependant, on remarquera que l’espagnol fait apparaître, de façon plus évidente peut-être que les autres langues romanes, la logique de répartition des formes dérivées de cet étymon unique. On est face à un mécanisme complexe, subtil que l’on peut qualifier de morphonétique (morpho-phonétique sur le modèle morphonologie) c’est-à-dire un phénomène bien connu, la motivation du signe. C’est peut-être dans l’évolution de ille que la connotation sémiotique7 dont parle Michel Launay se révèle le plus clairement en contribuant au processus de fixation d’un signifiant. On a coutume de dire que les formes actuelles des pronoms compléments, des articles, voire des pronoms personnels de troisième rang sont essentiellement liées à la position de ille qui, dans ces deux dernières fonctions, est en position proclitique.

El artículo es átono desde su origen ; eso causa la simplificación anormal de la ll, que ya es corriente en las formas primitivas del siglo X : « elos cuerpos, ela mandatione », si bien aun en el siglo XII subsiste como forma rara la ll : « ellos ifantes », ir alla cort » en el Poema del cid. Por el mismo desgaste extraordinario de la partícula átona, se perdió la sílaba primera del pronombre, la que llevaba el acento cuando tenía su plena fuerza pronominal. Sólo el nominativo masculino ĭlle, por su –e final caduca, mantuvo la inicial ; en los demás casos se conservó la sílaba final por llevar vocal más resistente y por expresar la flexión. (Menéndez Pidal, Ramón, Manual de gramática histórica del español, Madrid, Espasa-Calpe, 1989, §1002, p. 261 (1904).

De ce qui précède, on tirera quelques conclusions partielles. En ce qui concerne le pronom personnel sujet , dans sa forme existentielle, pour reprendre la terminologie de Gérard Moignet et Jean-Claude Chevalier, le passage de ille, illa (nominatif) à él, ella est transparent et, comme il a été dit auparavant, on ne s’y attardera pas. Il convient toutefois de remarquer l’importance de la morphologie : comme le dit Pidal, le pronom sujet, maintient sa voyelle initiale en raison de la disparition de la finale qui n’est pas support morphologique (genre). Le français procède à l’identique en partant d’une forme de nominatif singulier reconstruite illi qui explique l’alternance il, elle8. En ce qui concerne l’article défini, bien que différentes quant au résultat, les logiques française et espagnole sont comparables. En effet, la position proclitique n’explique pas tout et le conditionnement de la forme est pour une large part morphologique. Phonétiquement les étymons latins donnent les formes espagnoles elo, ela qui conduiront aux modernes el, la. Sans entrer dans le détail d’une histoire bien connue, on remarquera que l’espagnol a fait subir à l’article défini le même traitement qu’à l’adjectif qualificatif. Le passage de elo omne à el hombre ne diffère en rien de ce qui se produit avec un hombre bueno, un buen hombre. Il s’agit tout bonnement d’un cas d’apocope tel que l’avait défini Michel Launay9. La seule différence est le figement de cette forme dans la morphologie de l’article. Face à ce cas d’apocope, l’article féminin maintient le morphème du genre marqué la. La raison de l’aphérèse du e doit sans doute être recherchée dans la volonté de conserver à l’article une forme monosyllabique, sans doute liée à sa nature même ; on ne s’étonnera pas de voir que l’article défini, considéré comme une forme affaiblie du démonstratif apparaît comme un allègement du signifiant du démonstratif ille. Le français, se démarque de l’espagnol en ce que l’étymon n’est pas la forme classique ille mais illi qui conduit à le (opposé à la) ; l’homogénéité du paradigme (consonne + marque) s’explique par le fait que l’apocope ne se pratique pas dans les mêmes conditions en français. Sans doute faut-il mettre en relation ce phénomène avec le fait que le français manifeste le genre marqué avec un e généralement muet. Il reste à considérer le pronom complément qui dans sa flexion, vise à conserver exclusivement les éléments morphologiques de genre et de nombre, pour le complément direct, de nombre pour l’indirect, seules informations nécessaires à l’identification de l’être qu’il désigne anaphoriquement. Bien que l’on puisse parfois trouver à date ancienne le maintien d’une latérale palatale en position intervocalique dans le cas de l’article (voir Pidal, op. cit.§ 1002« […] en lo antiguo ell ante vocal, mantenida la -ll- como medial de palabra (ell estudio, ell apostóligo) ; […]. »), la tendance dans ces formes est à une réduction de la géminée à une simple latérale. Ainsi, pour ce qui est du pronom : « La –ll- se redujo a l tanto por el uso átono (comp. el artículo § 1002), como por influencia de la forma tónica él y porque el español no conoce en general ll- inicial de palabra o tras consonante y había de preferir dizen-lo a dizen-llo ; el leonés, que usa mucho la ll- inicial o tras consonante, usa también bastante repondiéronlle, arrendrallos, quello aya, sillo quesier ». Or, de ce point de vue, force est de constater que gelo va au rebours de cette tendance puisque, s’il est vrai que l’origine de cette tournure est illi illu, elle apparaît dès lors à la faveur d’un renforcement palatal, de [ḻ] à [ž ]. Il y a là matière à s’interroger sur la raison d’une telle variation. On peut, cependant, d’ores et déjà affirmer que gelo constitue, sur le plan phonétique, une forme marquée en raison même du renforcement que l’on vient d’évoquer. Ainsi, la formation de gelo apparaît-elle comme un refus de *le lo, ce qui confirme qu’il ne saurait y avoir remplacement, substitution ou tout autre synonyme. La structure gelo se constitue donc comme une forme spécifique qui n’a que peu à voir avec les pronoms compléments indirect et direct. C’est la preuve que l’espagnol en cette circonstance, ne procède pas par accumulation.

—Cuando el dativo va unido al acusativo del mismo pronombre (dedit illi illum), el castellano antiguo usa la forma gelo, -s, gela,-s, que es el resultado regular del grupo ĭllī-ĭllŭ > (i)lliello>gello (compárese para lly intervocálico collĭ(g)it >coge) y con reducción analógica de la segunda ll, >gelo. El leonés usa las formas gello y gelo al lado de yelo y llelo, como al lado de muger usa muyer y muller. Este gelo se propagó por analogía al plural, y en vez de dedit illis illum> dio-les-lo, se dijo como en singular, dió—gelo. (Pidal op. cit., §943, p. 253)

Bien qu’il s’en défende, Pidal semble avoir lui aussi en tête une manière de substitution qui se serait produite au pluriel. Rien ne l’interdit, certes, mais elle semble, si l’on accepte d’y prêter attention, peu évidente. Que illi conduise phonétiquement à ge, on peut en convenir pour le moment mais alors pourquoi le pluriel illis n’aurait-il pas donné *ges ? Et inversement si illis aurait dû donner les (forme qui est attestée lorsque le COI est employé seul), pourquoi illi a-t-il conduit à ge alors même que le existe et que l’alternance singulier/pluriel était marquée par le/les ? En d’autres termes, pourquoi l’espagnol a-t-il refusé la simple juxtaposition des pronoms ? Pidal, semble-t-il, nous livre la première partie de la solution. Les formes léonaises qu’il relève ont en commun une palatalisation initiale qui contraste avec la consonne intervocalique : la fricative palatale s’oppose à une latérale palatale dans gello, ou à une simple latérale (comme c’est le cas en castillan) dans gelo ; de même les formes yelo ou llelo présentent-elles le même type de contraste entre une initiale palatale et une latérale. Dans tous les cas, le caractère palatal de l’initiale est affirmé, renforcé. En outre, si l’on se réfère au schéma proposé par Robert Omnès10, la variante palatale est plus proche du « pôle consonantique » que la simple latérale, ce qui constitue là encore un renforcement consonantique, c’est-à-dire une fermeture dans l’échelle d’aperture et un accroissement de la tension. On le voit, sur ce point, le léonais et le castillan ne se distinguent pas. À ce moment, une remarque s’impose : si l’on parle de consonne initiale, c’est que, comme le montrent nombre de graphies, en particulier celle qu’adopte Pidal, il faut considérer gelo non comme la somme de deux signifiants mais comme un groupe unitaire, un conglomérat pronominal pour reprendre l’expression de J. Schmidely. On l’aura compris, l’hypothèse qui sous-tend ce travail est la suivante : le système des pronoms compléments de l’espagnol ne repose pas sur une bipartition lo(s), la(s) opposés à le, les mais sur une tripartition où à la dualité COD/COI s’ajoute un troisième pronom oblique spécifique pour ce que la grammaire traditionnelle appelait complément d’objet second11. L’espagnol rassemble objets premier et second dans un même signifiant dont la spécificité est pour le léonais et le castillan un renforcement consonantique (passage à la fricative palatale sonore). Le résultat est une forme gelo qui correspond en tous points à ce que R. Omnès appelle un « modèle » de structure :

 L’influence du modèle est tellement forte que certains mots tout à fait acceptables peuvent subir de profondes transformations qui aboutissent à une reproduction de ce modèle ou à un notable rapprochement de celui-ci. Cette influence se manifeste par :

-Le renforcement de la consonne (parfois du glide) placée à l’initiale ; c’est notamment le cas dans les parlers populaires :

ex. : [jéso] >[džéso]

[wéso]>[gwéso] (op. cit, 2.3.4, p. 65)

L’espagnol n’est pas la seule langue romane à avoir adopté ce modèle. Outre le léonais, on citera aussi l’italien avec le pronom glielo où le premier membre indiscrimine masculin et féminin, singulier et pluriel et dont l’orthographe est celle d’un signifiant unique, toutes choses qui s’apparentent à la morphologie de gelo ; le rapprochement est aussi à faire sur le plan phonétique puisque [gli] est, en italien, un son mouillé, palatal. Le cas de gelo semble donc n’être pas aussi isolé que l’on pouvait le croire au seul examen du castillan. Mais il y a plus : le portugais aussi connaît un pronom contracte lho(s), lha(s), constitué de lhe(s) et de o(s), a(s) dont les similitudes avec gelo sont manifestes. Au-delà de la constitution d’un signifiant unitaire, dont on a vu que la forme gelo était une expression plus que probable puisque le pronom ge n’apparaît que dans la composition avec un pronom COD (on est bien loin du mythe du « remplacement »), le fonctionnement syntaxique est identique. En effet, seul est déclinable le pronom complément direct : explico-lhos agora mesmo déclare la pluralité des choses expliquées mais ne dit rien sur le nombre (ou le genre) du destinataire de l’explication. Là encore le parallélisme avec la forme gelo est patent, preuve que le phénomène de crase des pronoms est sans doute beaucoup plus fréquent qu’on ne pouvait le croire. On est donc face à un phénomène analogue qui, en raison même de sa fréquence dans un certain nombre de langues romanes doit avoir son origine en latin. Or, dans la littérature consultée, aucun cas de crase de pronoms susceptible de donner les formes analysées n’est attesté. Le mécanisme, néanmoins, est assez aisé à reconstituer. Certes, il ne s’agit que d’une hypothèse mais les formes décrites ici concourent à la valider quand bien même il n’existe pas la caution du témoignage écrit. Il y a fort à parier que c’est un phénomène qui appartenait exclusivement au latin vulgaire, sans doute tardif.

Reconstruction de la forme GELO

Le castillan, le portugais, le léonais et l’italien présentent donc la particularité d’avoir un pronom oblique contracte destiné à pourvoir les postes de COI et COD, exclusivement dans cet ordre. Toutes ces formes ont à l’initiale une palatale plus ou moins renforcée qui ne se trouve pas obligatoirement dans les formes simples : le portugais lhe qui indiscrimine le genre et l’italien avec le masculin gli (par opposition avec le féminin le) connaissent des formes simples palatalisées ; le castillan, lui, ne voit se produire le renforcement palatal que dans le cas de la troisième forme (gelo). Par ailleurs, on remarque que le pronom COD est marqué par une latérale simple et la déclinaison en genre et nombre. Outre la palatalisation, il est un point commun à toutes ces formes : l’invariabilité en genre et en nombre de la particule pronominale COI dans la combinaison avec le COD. Soit le tableau :

COI

COD

Forme contracte

Italien

Gli

Le

Lo ; Li

La ; Le

Glielo (la, li, le)

Portugais

Lhe

Lhes

O ; Os

A ; As

Lho(s) ; Lha(s)

Castillan

Le

Les

Lo ; Los

La ; Las

Gelo (la, los, las)

Seule la partie finale est susceptible de variations en genre et en nombre, preuve, si nécessaire, que c’est bien un vocable qui s’est constitué, un nouveau signifiant comme l’avait déjà évoqué Hanssen, de façon allusive, il est vrai :

 Según la opinión de Lenz, ge lo se deriva de illi illud, y la forma intermedia fué *li elo. Históricamente sería más correcto escribir g-elo ; comp. ital. Gli-elo (M.-L. , Gr. II, 106 ; Hanssen, An.1908). No se puede decir por qué se convirtió en tiempos posteriores gel o en se lo (Baist, G. 910 ; Men. , R. D. II, 125 ; Ford, Readings 286). Prevalece ge lo hasta el siglo XV y desaparece en el siglo XVI (Gessner, Z. XVII, 7). No se distingue entre singular y plural : *geslo fonéticamente no habría podido subsistir (Förster 294 ; Staaff, L. 267). […]. El portugués tiene lhe, lhes en dativo y o, a, os, as en acusativo (Cornu, G. 1016). Hanssen, Federico, Gramática histórica de la lengua castellana, Buenos Aires, El Ateneo, 1945, §172, p.76-77.

On aura soin de remarquer que Hanssen, alors même qu’il prône une surprenante graphie séparée des deux éléments (g-elo) et qu’il semble s’astreindre à les maintenir à distance, ne peut s’empêcher cependant de les réunir lorsqu’il est question de phonétique en relevant qu’une forme *geslo était impossible. Indirectement et presque malgré lui, il valide l’hypothèse d’un signifiant unique. Une fois cela établi, demeurent cependant certaines difficultés. La séquence originelle est, ainsi qu’on a pu le voir, illi(s) illud(-um, am, -os, -as, -a). Or, si le pronom latin au datif indiscrimine masculin et féminin (d’où l’italien gli, le et l’espagnol le) et ainsi que le relève Hanssen, le pluriel illis devrait avoir pour résultat *ges. Il a été vu plus haut que dans ce troisième pronom oblique de certaines langues romanes, la partie initiale est invariable. Pourtant, l’espagnol comme le portugais maintiennent la variation de nombre, ce qui n’est pas le cas, il est vrai, en italien, qui peut, au pluriel, utiliser loro (Risponderò loro) ou employer gli (Ai ragazzi, gli domano di… ; Alle ragazze, gli rispondo che…)12. En d’autres termes, le pronom gli a comme référents principaux soit un singulier masculin, soit un pluriel indifféremment masculin ou féminin ; il s’agit donc d’une forme qui confine à l’invariabilité. Par contre, en castillan et portugais, l’invariance du COI n’apparaît généralement qu’à la faveur de la composition pronominale bien que Hanssen remarque que : « En castellano vulgar, le puede ser plural (Cuervo, R. XXIV, 96 nota ; Pietsch, Modern Language Notes, April 1911). Lo mismo sucede en portugués y mirandés (Nobiling 578. 595 ; Vasconcellos I, 352) » (Hanssen, op. cit, p. 77). De même, le Diccionario Panhispánico de Dudas :

« En castellano vulgar, le puede ser plural (Cuervo, R. XXIV, 96 nota ; Pietsch, Modern Language Notes, April 1911). Lo mismo sucede en portugués y mirandés (Nobiling 578. 595 ; Vasconcellos I, 352) » (Hanssen, op. cit, p. 77).

De même, le Diccionario Panhispánico de Dudas :

A menudo, cuando el pronombre átono de dativo concurre en la oración con el complemento indirecto preposicional, se utiliza el singular le, aunque el referente sea plural; esta discordancia está extendida tanto en España como en América, incluso entre hablantes cultos, por lo que son frecuentes, aunque normativamente desaconsejables, oraciones como*«Colombia le propuso a los Gobiernos de Estados Unidos y Venezuela una alianza» (Tiempo [Col.] 18.4.97). (s. v. : « pronombres personales átonos »)

Il est donc possible, dans un usage relâché, que le COI ne respecte pas l’alternance numérique. Ces quelques exemples laissent à penser que, familièrement au moins, il existe une tendance à l’invariabilité du pronom datif. Cependant, on le répète, il n’existe en latin aucune attestation écrite de confusion entre illi et illis. Mais peut-on trouver des indices de la possibilité d’un tel phénomène ? La séquence latine illi(s) illu n’a pu aboutir à gelo et ses équivalents des autres langues romanes que par un mécanisme dans le fond assez simple. La constitution d’un pronom contracte tel qu’il a été décrit plus haut doit avoir commencé en latin, ce qui est prouvé par l’existence de cette forme à la fois en italien (Romania de l’est) et dans des langues de la péninsule ibérique (castillan, portugais, léonais). C’est donc en latin même que naît cette forme contracte ou comme on l’a dit plus haut, cette « troisième forme oblique ». Si l’on tente de remonter le chemin de l’évolution depuis gelo, il apparaît que ce n’est pas l’œuvre de la seule phonétique. En effet, il n’échappera à personne que les langues considérées ont fait évoluer le pronom COD selon une même logique, à savoir la conservation exclusive des marques morphologiques car elles sont, cela a été dit plus haut, indispensables à la fonction anaphorique. Le pronom n’est pas à la place d’un nom, il ne le remplace pas, il le rappelle, il fait signe vers lui. En ce sens, dans les langues romanes, le pronom complément garde une part, aussi infime soit-elle, des propriétés du démonstratif dont il est issu. Dans un énoncé tel que « je la vois », la ne remplace pas voiture, femme, sauterelle, maison…, mais déclare que l’identité de l’être concerné est portée par un nom dont les caractéristiques morphologiques sont féminin singulier. « Je la vois » m’interdit de faire correspondre le verbe voir avec vélo, ou allumettes qui ne présentent pas les mêmes spécificités. À cet égard, le signifiant du portugais est des plus explicites, qui s’est débarrassé de la consonne latérale. C’est sans doute ainsi qu’il faut comprendre la simplification consonantique de la géminée de illum, illam, illud, illos, illas, dans les autres langues romanes considérées. Dès lors, on constate que l’évolution de la séquence illi(s) illu est conditionnée par cette réalité : la partie finale verra la simplification de la géminée *illi(s)ilo. On le comprendra aisément, il est nécessaire que le pronom datif illi ait été, à un moment ou un autre, invariable. Que l’on suive bien, la lexie gelo aurait pu, ainsi que le dit Pidal, se constituer d’abord au singulier, puis par analogie se transporter au pluriel. Cependant, le fait que d’autres langues romanes connaissent le phénomène plaide en faveur d’un étymon latin. Comme on l’a répété, la confusion des datifs singuliers et pluriels n’est nulle part attestée. Cependant, au vu des pratiques relevées plus haut en castillan et en portugais, il semble bien qu’elle ne soit pas improbable. Deux indices incitent à le penser. Le premier, assez diffus, on l’accorde, est au confluent du latin et des langues romanes, plus particulièrement l’italien :

Au pluriel, le génitif, notamment illōrum (qui finit par éliminer illārum ) reste vivant et fait concurrence au datif suivant l’usage populaire qui confond souvent les deux cas, par ex. Fredeg. 3,51 viriliter illorum resistens (Norberg, Beiträge, pp 34-42). Le gén. pl. tend en outre à remplacer suus comme possessif (§284). Illōrum survit avec ses fonctions en roman, excepté la plupart des parlers de la Péninsule ibérique : roum. -lor, it. loro, fr. leur ; de même roum. acestor, it. costoro <eccum-istórum, tandis que le dat. illīs est représenté par esp. les et it. gli, régimes indirects pluriels. (Väänänen, Veikko, Introduction au latin vulgaire, Paris, Klincksieck, 1981, §276, p. 122).

La confusion, au pluriel, du datif et du génitif est la preuve de l’affaiblissement de illis qui tend à se modifier en vertu de la loi phonétique qui a conduit à l’affaiblissement des [s] finaux. De plus, si l’on en croit Väänänen, la forme commune de l’italien gli est héritée du pluriel, ce qui montre qu’il y a eu, dans le courant de l’évolution, une disparition du pluriel illis au profit du singulier illi. Si « remplacement », il y a eu, il est là. Devenu, originellement, singulier gli (qui a pour pluriel loro) finira par s’employer aussi avec une valeur plurielle. Rien n’interdit de penser que cette confusion a pu se produire en latin même, d’autant que le paradigme de ille a été largement remanié à partir de ce que Michel Banniard appelle le « latin tardif 1 » (à partir du IIIe siècle). Le changement le plus remarquable est l’effacement du datif au profit du génitif, plus particulièrement au pluriel. Le tableau ci-dessous concerne la première évolution de ille dont on a vu qu’il donnera naissance à plusieurs formes.

En latin parlé tardif 1, ce paradigme s’était reconstitué de la manière suivante. Naturellement c’est une reconstruction, dont seules certaines formes sont attestées en latin écrit mérovingien, tandis que d’autres sont postulées par le résultat en ancien français classique.

Singulier

Pluriel

Masc.

Fém.

Masc.

Fém.

N

illi

ella

illi

ellas

G/D

illui

ellei

illoro

ellaro

illi

Abl/Acc

illo

ella

illis/os

ellas

Banniard, Michel, du latin aux langues romanes, Paris, Nathan Université, coll.128, 1997, p. 75.

La seule forme qui n’a pas de correspondant exact au pluriel est le datif singulier, ou, plus exactement laisse ouvertes deux possibilités. La première est celle que choisit le castillan en maintenant le singulier qui donnera le et en lui donnant une forme plurielle, sans doute largement influencée à la fois de la forme classique illis et de l’ablatif/accusatif comme indiqué sur le tableau. La possibilité d’une réfection analogique le, les n’est d’ailleurs pas à exclure13. Quoi qu’il en soit, le castillan et le portugais ont maintenu une forme dative singulière et un pluriel correspondant ; le français, pour sa part, a opté pour la substitution du datif par le génitif (leur) au pluriel et pour une forme de datif en –ui (illui) au singulier. Il n’en demeure pas moins que illi datif se trouve isolé, ce qui le rend apte à s’intégrer à des structures plus complexes. De fait, une lexie *illi illu, avec déclinaison de la partie finale, selon le genre et le nombre (-um, am,- os, -as) est donc plus que probable. Par haplologie, apparaîtrait alors *illillu qui évoluerait, selon les principes morphologiques énoncés plus haut en *illilo. Eu égard à la structure du pronom complément évoquée (schéma consonne + voyelle) et pour des raisons phonétiques (prédominance de sons palataux), se produit une aphérèse *llilo. Surviendrait alors le renforcement consonantique initial (palatalisation) pour donner les formes castillane, portugaise, italienne et léonaise. Le français, parce qu’il a choisi d’ordonner autrement les pronoms compléments ne connaît pas cette nouvelle forme du pronom complément. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, la création d’un pronom à même de déclarer que le schéma d’attribution est complètement constitué, que tous les postes sont occupés. Ainsi, ge ne serait donc pas isolé comme on a coutume de le dire, il ne s’agirait que d’une nouvelle consonne de rang 3, apte à signifier le caractère inédit de ce pronom, une manière là encore, de motivation du signe. De plus, la complétion de la relation attributive trouve son illustration dans la forme dissyllabique du vocable ainsi constitué. Hypothèse dira-t-on, mais largement confirmée semble-t-il par des indices indirects. On pourra aussi objecter que le latin n’avait pas de nécessité de se constituer une lexie qui mettrait sur le même plan, et rassemblés dans un même signifiant, les pronoms compléments direct et indirect. Rien en effet, ne le dit mais on peut rapprocher ce phénomène d’un point de syntaxe latine, fort ancien et dont on trouve des vestiges dans la langue classique : il s’agit du double accusatif tel qu’on le rencontre dans le tour doceo pueros grammaticam où l’objet et le destinataire obéissent à une même flexion casuelle. La logique est la même si les moyens, et pour cause, sont différents. Il s’agit de montrer que tous les actants de cette relation attributive sont identifiés et exprimés. On signalera, au détour, que la conséquence de cette volonté est de laisser un certain nombre d’éléments dans une indéfinition que le contexte (ou le bon sens) se chargera de lever. C’est ce qui se produit avec la confusion des cas en latin et c’est aussi ce que l’on remarque dans l’invariance de ge dont l’identification est laissée, tant pour le nombre que pour le genre, aux soins de l’allocutaire.

Si l’on veut bien admettre que gelo soit un vocable autonome, une nouvelle sorte de pronom, il semble cependant que la forme moderne se lo, ne fonctionne pas de la même manière. Graphiquement, les deux éléments sont maintenus à distance et ne sont agglutinés qu’en position enclitique : voy a decírselo, mais se lo digo. Le passage de gelo à se lo par le triple conditionnement de la phonétique (assourdissement), de la syntaxe (formes pronominales des verbes transitifs) et de la morphologie (invariabilité de ge comme de se, les deux déclarant le destinataire d’une opération) semble s’être accompagné de la dislocation de la structure. Rien n’est moins sûr. Le signifiant s’est, certes, modifié et la solution la plus simple, celle de la vélarisation de ge, qui aurait maintenu le pronom dans sa configuration initiale ne s’est pas produite. Il faut donc en conclure que le signifié s’est modifié et que ce que déclarait gelo jadis, se lo n’est plus apte à le dire. C’est prendre les choses par un bout de lorgnette beaucoup trop petit. Dans le fond, gelo tel qu’il a été défini plus haut signale que la structure attributive est complète, que les postes fonctionnels sont occupés en totalité. De là, la constitution de ce signifiant. Le déséquilibre introduit par l’assourdissement doit être réglé soit au seul plan de la phonétique (vélarisation) soit par d’autres moyens (morphosyntaxe ou/et sémantique). Le désintérêt pour la solution phonétique est sans doute à mettre au crédit de la connotation sémiotique  que définit Michel Launay et qui se manifeste par une tendance à l’analogie. Mais, dans le fond le passage de ge à se ne change que peu les choses14.

Si l’on s’attache à ce que déclare se, on remarque qu’il a toujours la même valeur, celle d’un procès qui ne quitte pas des limites préalablement fixées, celle d’un procès qui a atteint par là une complétude. Le verbe à la forme réfléchie ou pronominale ne dit pas autre chose. Ainsi à propos du tour « se ven », Jean-Claude Chevalier écrit-il :

L’affaire est simple si l’on veut bien considérer que sous le « pronominal » se fait, et simultanément, une double déclaration :

1) Cet être auquel je réfèrerai une opération en est le gène et le site.

2) C’est dans sa fonction de gène que je veux le prendre et que je veux en parler.

L’effet de « réflexion » et le partage bien net de l’ « actif » et du « passif » qui est censé l’accompagner ne sont que les conséquences possibles et tout extérieures de cette seconde affirmation. Que l’opération en cause me permette de cerner en elle tout ce qui est du gène, et ces impressions me viendront sinon nécessairement du moins sans peine. Qu’elle ne s’y prête point, et malgré la même mécanique sous-jacente, l’appréhension globale de l’événement me sera imposée. Ce qui reviendrait à dire que certains emplois du « pronominal » réputés « moyens », parce que la division de l’ « actif » et du « passif » ne s’y laisse pas apercevoir, ne se distingueraient guère de ceux qui sont tenus pour des « réfléchis », sinon par le fait totalement étranger à leur distribution interne, que pour les uns, je suis capable dans la chose qu’ils rapportent de faire deux parts, de les décrire, ce qui n’est pas le cas pour les autres. (Chevalier, Jean-Claude, Verbe et phrase. Les problèmes de la voix en espagnol et en français, Paris, Éditions hispaniques, 1978, p. 157

On retiendra de ces lignes de Jean-Claude Chevalier que la distinction entre « réfléchi », « pronominal moyen » ou, et cela est dit plus loin dans le texte, le pronominal, n’est valable dans le fond que du point de vue de l’interprétation qui en est faite. Ainsi qu’il le dit « la mécanique sous-jacente » est identique. Dans tous les cas, ce que déclare le verbe précédé de se (se vende, se mata, se pelean), c’est le fait que l’être auquel on réfère est vu comme le site et le gène de l’opération, donc que les postes fonctionnels sont pourvus et que l’opération est complète et strictement circonscrite à l’être dont il est fait mention. Cette délimitation de l’opération apparaît comme un achèvement de la structure mise en œuvre. Ce que dit la langue dans se alquilan coches est que l’être coches sature les postes de site et de gène, donc que le processus est complet. Il est difficile de ne pas faire le rapprochement avec ce qui a été dit plus haut à propos de ge. Et c’est précisément le rôle de se que de dessiner les contours, les frontières de cette délimitation qu’elle se centre sur le gène et le site ou exclusivement sur le site comme dans le cas de la structure attributive. Dès lors, le remplacement de ge par se s’explique et on comprend mieux, semble-t-il, pourquoi le morphème se est apte à déclarer à la fois un être identique au sujet grammatical et ce qui est obligatoirement différent de lui. Seul change le point d’application.

Mais le caractère unitaire de se lo peut aussi être montré par un autre biais, celui de l’erreur commise par les locuteurs dans l’utilisation de la tournure. Ainsi, dans Lituma en los Andes de Mario Vargas Llosa trouve-t-on l’occurrence suivante : « -Ustedes dos son unos mentirosos -dijo el borracho, otra vez furioso, golpeando la mesa y acercando la cabeza al cantinero con insolencia. En su cara se los digo. »15

Ou encore dans Rayuela de Julio Cortázar : « […] ellos se habían vuelto despacio a la orilla alta del río, apoyándose contra la caja de un bouquiniste, aunque a Oliveira las cajas de los bouquinistes le parecían siempre fúnebres de noche, hilera de ataúdes de emergencia posados en el pretil de piedra, y una noche de nevada se habían divertido en escribir RIP con un palito en todas las cajas de latón, y a un policía le había gustado más bien poco la gracia y se los había dicho, mencionando cosas tales como el respeto y el turismo, esto último no se sabía bien por qué. »16

La pluralité déclarée dans ces deux exemples est celle du pronom COI qui, étant invariable, refuse la forme *ses. Le fait même que le s de pluriel se transporte vers le seul élément qui puisse la porter, le pronom COD, montre le lien étroit entre les deux pronoms, ou, comme on est en droit de le penser, entre les deux parties du pronom gelo devenu se lo. On peut, dès lors, dire que si le lien graphique est brisé, ce qui a conduit à l’agglutination des deux éléments demeure encore avec une certaine vivacité dans l’esprit des locuteurs. Le phénomène est d’ailleurs relevé dans le Diccionario Panhispánico de Dudas :

En el español de muchos países de América, es frecuente, especialmente en registros populares o coloquiales, trasladar a la forma singular del pronombre átono de acusativo en función de complemento directo el rasgo de plural correspondiente al complemento indirecto, cuando este va representado por la forma invariable se:* ¡No entienden que este es mi espacio, es mi lugar! Cuántas veces quieren que se los diga» (Purroy Desertor [Ven. 1989]), en lugar de Cuántas veces quieren que se lo diga. Aunque en algunos países esta transferencia indebida se ha extendido incluso entre hablantes cultos, se recomienda evitarla en el habla esmerada. (s. v. « Se »)

Le phénomène est aussi évoqué dans la Nueva Gramática de la Lengua Española qui situe le phénomène plus étroitement dans l’aire américaine : « Como se ve, el efecto de este traslado es el hecho de que el grupo (o conglomerado) de pronombres átonos muestra rasgos de plural en alguno de sus componentes. Mientras que en algunas áreas lingüísticas se extiende progresivamente esta construcción a los registros cultos (México, El Caribe continental y parte de las áreas centromaericanas, rioplatense y andina), en otras (Chile, España y parte de las áreas andinas y antillana) no se considera propia de estos registros. » (§35.2h). Mais le phénomène ne se limite pas à ce transfert de la marque du pluriel. Au § 35.2j est relevé aussi le cas d’un accord par le genre (nommées « DISCORDANCIA DE GÉNERO ») comme dans l’exemple « Aquello se las dije bien claro a tus hermanas ». Ces exemples d’ « erreurs » révèlent non seulement la persistance du lien qui existe entre les deux éléments constitutifs de la structure, mais aussi la représentation sous-jacente de ce pronom polymorphe dans l’esprit des locuteurs. Si l’on admet que se lo, hérité de la forme synthétique gelo, constitue une unité morphologique, alors il convient d’admettre que toute pluralité, qu’elle soit du COD ou du COI sera portée par le vocable à l’endroit où il est d’usage de la faire, c’est-à-dire dans sa partie finale déclinable. Il en va de même pour le genre. Dès lors, on peut affirmer que « se las dije a tus hermanas » ne déclare rien d’autre que la pluralité d’un des actants de l’opération, qu’il s’agisse de l’objet ou du destinataire. Là encore le contexte se chargera de lever toute ambiguïté. On aurait tort de croire qu’il s’agit d’un fait moderne. Déjà Hanssen, citant Cuervo, en faisait état : « El castellano vulgar emplea se los con relación a varias personas (Cuervo, B. 235). Formas parecidas admite Eugui : non lo sopieron los romanos fasta que los de Mansiella geles imbiaron dezir 58 (geles=gelo ; comp. Hanssen, Espicilegio, An. 1911) » (op., cit., §171, p. 76). L’exemple geles est révélateur de l’interpénétration des deux éléments de la locution. En effet, il semble que nous soyons là face à ce que la Nueva Gramática appelle « falso leísmo » qui constitue une disparition complète du COD, ce qui s’expliquerait de la façon suivante «[…] en la consciencia lingüística de algunos hablantes parece prevalecer la necesidad de que exista presencia morfológica tanto del caso dativo como del número plural » (§ 35.2i). À certains égards, c’est cette tournure qui explique la genèse de la lexie. En effet, cette dernière variante, *se les pour se lo, montre bien qu’il n’y a pas de fonctions précise attribuée à tel ou tel élément et que la répartition entre COD et COI n’a de valeur qu’aux yeux du grammairien. Il semble bien que, pour le locuteur, ce qui importe est tout à fait différent. Dans la tournure utilisée, il voit une représentation d’une structure attributive (quelque chose est donné à quelqu’un), d’où la tendance (qui n’est pas générale, on l’admet) à marquer plus fortement la valeur dative ; laquelle structure attributive présente une pluralité (s final). Mais une chose est sûre : les deux éléments sont intimement liés et quoi qu’en dise l’orthographe, ne peuvent pas être dissociés. Dès lors, ce n’est pas se qui remplace le mais se lo(la, los, las) qui remplace lo(s), la(s), le(s), ou comment certaines langues romanes ont inventé un autre pronom complexe.

Au terme de ce parcours, qu’il soit permis une réflexion plus générale. Certes, ainsi que le disait Michel Launay, « le signifiant ne ment pas » mais il serait hasardeux de lui donner le Bon Dieu sans confession. L’exemple du castillan le montre : alors que gelo manifestait une certaine unité, montrait la douce figure d’un signifiant sûr de ses capacités, l’histoire en a fait se lo, moins transparent, plus équivoque, plus patelin, en somme. De là est née la fable d’un remplacement de le par se. Certes, comme on l’a vu, des raisons, et de forts bonnes, existent pour expliquer comment, par analogie, on a vu ge devenir se. Toutefois, on peut aussi considérer qu’en ce cas, l’analogie a contribué à rendre le signifiant plus opaque alors même que s’exerçait, en parallèle, la puissante force de conservation du signifiant qui maintenait la séquence phonologique originelle constituée d’un phonème palatal suivi d’un phonème latéral. Mais la connotation sémiotique a pris des détours et, en définitive, a induit les locuteurs en erreur. Or, la langue n’a pas de volonté trompeuse et les chemins pris par l’évolution sont ceux que les locuteurs eux-mêmes empruntent. C’est donc parce qu’il y avait dans l’esprit de ces mêmes locuteurs un lien, si ténu fût-il, entre ce qu’à une époque, disait ge et ce qu’à une autre pouvait déclarer se que le changement s’est produit. Il faut donc en conclure que, parfois, l’esprit peut se troubler et que les voies choisies par les locuteurs ne sont pas aussi bien pavées que leurs intentions le laissaient espérer. Sans doute l’évolution morphologique est-elle sujette, comme celle du lexique à ce que Littré appelait des pathologies verbales.

Bibliographie

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Les citations littéraires sont tirées de :

Cortázar, Julio, Rayuela, edición de A. Amoros, Madrid, Cátedra Letras hispánicas, 1988 Vargas Llosa, Mario, Lituma en los Andes, Barcelone, Planeta, 2000, (1993).

Notes

1 Ces fadaises sont répétées à l’envi, jusque dans des opuscules pourtant destinés à l’instruction grammaticale de nos étudiants : « Dans le cas de Combinaison COI/COD, les pronoms COI LE ou LES sont remplacés par SE » [je souligne le verbe], Cuaderno de gramática aplicada (TEB) y cuaderno de comprensión, fascicule destiné aux étudiants de ES0001X (1ère année) de l’Université de Toulouse-Le Mirail (auj. Jean-Jaurès). Retour au texte

2 Il faut comprendre : après l’assourdissement dans le champ des affriquées et fricatives qui se produit à la fin du Moyen-Âge. Retour au texte

3 « Cet état de langue moderne a été précédé jusqu’au XVIe siècle (cf. Hanssen §172 ; Menéndez Pidal §94,3) par une combinaison gelo= [Ʒelo], issue de l’évolution phonétique du conglomérat pronominal latin ĭllĭ ĭllŭ (cf. Menéndez Pidal, §94). La question qui se pose est de savoir pourquoi l’élément ge, “ isolé dans la série morphologique ” (Pottier 1957 §108,4) des pronoms, a été substitué par se plutôt que par le. » Jack Schmidely, La personne grammaticale et la langue espagnole, Paris, Éditions Hispaniques, 1983, p. 105. On remarquera que la notion de substitution bien qu’infiniment mieux exploitée et appuyée sur des faits historiques est néanmoins reprise par J. Schmidely, comme si l’on avait du mal à se défaire de cette première impression. Dans le fond, il y a là toute la difficulté de l’analyse d’un signifiant. Cependant, la substitution dont parle J. Schmidely a sans doute dû se produire dans les derniers temps de la latinité, conduisant à ce « conglomérat » dont il parle. Mais cela est la marque d’un mouvement plus profond et plus complexe qui sera analysé plus avant. Retour au texte

4 […], ille, d’où provient essentiellement l’article en roman, joue presque déjà ce rôle dans divers passages proches de la langue parlée : Pl., Mi. 168 : nihili facio quod illis faciat ceteris « peu m’importe ce qu’il fait aux autres » ; Tri. 493-94 : aequo mendicus atque ille opulentissimusǁ censetur censu « le mendiant et le richard sont classés dans la même classe » (avec réminiscence de ille emphatique ») ; Sal., J. 16,5 : illam alteram (partem) « l’autre partie » […] » Ernout, Alfred et Thomas, François, Syntaxe latine, Paris, Klincksieck, 2002, p. 192-193, (1953). Retour au texte

5 « Ille, encore plus que hic, tendait à se substituer à is comme anaphorique : Pl.,Tri. 328 : bene volo ego illi (sc. adulescenti) facere « je désire lui venir en aide » ; Cic., Quir. 3 : posteaquam vos me illi et mihi eum reddidistis « depuis que vous m’eûtes rendu, moi à lui et lui à moi ; […]. Avec cette valeur, il se répand beaucoup à partir du Ier siècle ap. J.-C. : par ex. Petr 43, 6 : habuit… oracularios servos qui illum pessum dederunt « il écoutait comme des oracles, certains esclaves qui l’ont mené à sa perte » = (eum) ; […], Ernout et Thomas, op. cit, p. 190. Retour au texte

6 Ille donne aussi les pronoms sujets il, elle et él, ella mais c’est, à tout prendre, l’évolution la plus naturelle de ce pronom. Il n’en sera pas fait mention ici. Retour au texte

7 Cette expression est tirée de Michel Launay, «  Effet de sens, produit de quoi ? », Langages, 21ème année, n°82, 1986. pp. 13-39. Retour au texte

8 Voir sur ce point, Moignet, Gérard, Grammaire de l’ancien français, Paris, Klincksieck, 2002, p. 37 (1973) Retour au texte

9 Voir Michel Launay, « Trois questions sur l’apocope », Bulletin Hispanique, Année 1985, V. 87 N° 3 pp. 425-445. Retour au texte

10 Voir Omnès, Robert, Phonétique, phonologie, orthographe et prononciation de l’espagnol, Paris, Nathan Université, 1995, §2.3.1, p. 61. Retour au texte

11 « Le complément d’objet indirect peut être le seul complément essentiel, comme dans les ex. donnés ci-dessus [nuire à son prochain. Se souvenir de son enfance]. Mais il peut aussi accompagner un complément d’objet direct, que l’on appelle alors objet premier tandis que l’objet indirect est dit objet second (ou secondaire) : Retour au texte

Donner quelque chose À QUELQU’UN.— Séparer le bon grain DE L’IVRAIE. » Grevisse, Maurice, Le bon usage Paris-Gembloux, Duculot, 1986, §271, p. 415.

12 Les exemples en italien sont tirés de Barrère, Jean, Grammatichetta. Précis de grammaire italienne, Paris, Colin, coll. Flash, 1994. Retour au texte

13 Le tableau de Michel Banniard permet, en outre, de poser une question spécifique au castillan : la forme illis de l’ablatif/accusatif qui a pu donner les, peut permettre d’éclairer autrement la question du leísmo. Une confusion les/los pour le COD (régime) n’est dès lors pas impossible, ce qui reviendrait à dire que sur ce point le pluriel aurait précédé le singulier alors même qu’aujourd’hui c’est le singulier (le veo) et non le pluriel qui est accepté. Il conviendrait d’étudier plus longuement ce point. Retour au texte

14 Voudrait-on à toute force défendre l’hypothèse d’une modification profonde que l’on se heurterait, à bien y regarder, au principe de la conservation du signifiant.. Il est évident que de ge à se, se produit un changement, mais ce dernier est avant tout graphique. En effet, phonologiquement, le /s/ castillan est palatal (v. Alarcos Llorach, Emilio, Fonología española Madrid, Gedos, 1991 (1954) : « /s/ fonema no líquido, oral, denso y agudo, esto es, palatal (frente à /θ/ , /x/ y / f/) fricativo (frente a /ĉ/). » §114, p. 177. La séquence palatal /latéral définie plus haut pour gelo est donc maintenue et l’on pourrait dire que le vocable constitué n’a subi que l’assourdissement propre aux affriquées et fricatives qui caractérise les modifications phonologiques de la fin du Moyen-Âge. Retour au texte

15 Vargas Llosa, Mario, Lituma en los Andes, Barcelone, Planeta, 2000, p. 306. Retour au texte

16 Cortázar, Julio, Rayuela, Madrid, Cátedra Letras hispánicas, 1988, p. 358. Retour au texte

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Référence électronique

Renaud CAZALBOU, « De la morphosyntaxe du pronom complément indirect en espagnol : * Le lo, ge lo, se lo », Reflexos [En ligne], 3 | 2016, mis en ligne le 19 mai 2022, consulté le 19 avril 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/reflexos/787

Auteur

Renaud CAZALBOU

UT2J – CEIIBA

Maître de conférences

renaud.cazalbou@univ-tlse2.fr

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