L’empire russe et le hassidisme : enjeux politiques et gestion administrative d’un conflit religieux interne (1770-1860)

Cet article analyse la politique menée par le gouvernement tsariste à l’égard d’une secte juive, le « hassidisme » depuis la fin du XVIII^e siècle jusqu’à la seconde moitié du XIX^e siècle. Il montre que la perception du hassidisme a évolué selon des ressorts et des enjeux à la fois externes et internes : la politique tsariste à l’égard des minorités religieuses et du judaïsme d’une part ; d’autre part, le rôle joué par deux autres fractions religieuses et culturelles de la population juive, les opposants au hassidisme (misnagdim) et les esprits éclairés (maskilim), dans ce qui s’avéra être une lutte politique acharnée. Cette histoire des relations entre hassidisme et État impérial russe comprend trois phases. À la fin du XVIII^e siècle, le hassidisme était perçu comme une secte relativement inoffensive qu’il n’y avait pas de raison de priver de la liberté religieuse accordée aux représentants du judaïsme traditionnel. Le Statut de 1804 lui donna une reconnaissance officielle qui lui permit de s’implanter partout dans la zone de résidence. Cependant dans les années 1840 et 1850, la méfiance à l’égard de ce qui était perçu comme une secte fanatique et nocive amena le gouvernement à renforcer le contrôle administratif et policier sur les hasidim. Enfin, avec l’avènement d’Alexandre II et l’annonce d’une libéralisation, les hasidim organisèrent la résistance aux réformes et s’allièrent aux misnagdim pour constituer un véritable parti orthodoxe capable de défendre les intérêts des Juifs traditionnels, avec lequel le gouvernement décida de collaborer.