Le fiodorovisme au début de l’ère post-soviétique et l’écroulement du projet méta-impérial

La comparaison entre le marxisme soviétique et les doctrines religieuses est bien connue. Certes, le marxisme, dans sa forme dogmatique, est devenu « métaphysique » pour ainsi dire, et a fait la tentative non seulement d’une transformation ultime de la société, mais de la façon de rendre l’humanité immortelle et de la répandre à travers tout l’univers. Ce courant du marxisme, dans son interprétation soviétique, est bien en accord avec une tradition philosophique nationale, le « cosmisme » russe. Un bon exemple en est donné par l’enseignement de Nikolaï Fiodorov. L’effondrement de l’URSS fut une grande catastrophe pour de nombreux intellectuels russes. Ce n’était pas seulement la fin d’un rêve slavophile vieux d’un siècle, intégré au discours soviétique et qui répondait au but de la Russie qui était de sauver et diriger l’humanité ; la catastrophe avait des implications métaphysiques beaucoup plus profondes : c’était la fin du rêve que l’humanité était différente des autres espèces et qu’elle n’était pas condamnée à disparaître comme elles dans le futur. Le rêve de l’immortalité personnelle et de la résurrection des morts, telle qu’elle était prêchée par Fiodorov, devait être aussi abandonné. Et pourtant, pour certains, le rêve du « cosmisme russe » est toujours vivant, et ils croient que ces rêves peuvent un jour trouver un cadre socio-politique pour se réaliser.