La dialectique de l'inclusion et de l'exclusion dans le cosmisme russe

Cet article présente une interprétation socio-psychologique des idées-clés de Nikolaï Fiodorov, notamment sur la « ressuscitation » des pères et la nécessité de peupler les autres planètes avec ces ancêtres-zombies. Les études de l`image des zombies dans la culture de masse sont souvent basées sur l’interprétation par Freud des relations propres au complexe d’Œdipe entre les frères et leur père tyrannique ; c’est le besoin de surmonter l’angoisse suscitée par ce père qui les pousse à se révolter contre la horde primitive afin de tuer le tyran. L’interdit du meurtre de la victime substitutive totémique est donc lié à l’angoisse de voir le père revenir sous forme de zombie (ou de fantôme). C`est à ce moment qu’apparaît l’ambivalence des sentiments d’amour-haine et une reconstitution symbolique de la fonction et du nom paternel (Lacan). En ce sens, on ne peut examiner La Philosophie de l’œuvre commune de Fiodorov comme une alternative au modèle des Lumières qu’à un niveau purement déclaratif. Dans le contexte d’une structure de persécution généralisée, telle qu’elle a été formulée par René Girard, on peut voir l’image des pères ressuscités comme une inclusion-résurrection qui prend la forme d’une exclusion-transfert des pères-zombies vers d’autres planètes. Dans le cas particulier de Nikolaï Fiodorov – fils naturel d’un prince Gagarine (la coïncidence avec le nom du premier cosmonaute russe a une allure spécialement sinistre), le désir de « ressusciter les pères » peut être vu comme une tentative pour prendre le contrôle, de façon ludique et symbolique, du moment où le père s’en va, quitte sa femme et son enfant – tentative qui atteint son point culminant dans l’idée de la « ressuscitation » qui peut être considérée comme une vengeance à l’égard d’un père qui, de son vivant, ne l’avait jamais reconnu comme son fils.