Aux marges du Marché Institué de la Création : deux espaces « pauvres » de représentations féministes et queer

  • Aux marges du Marché Institué de la Création : deux espaces ‘pauvres’ de représentations féministes et queer
  • On the margins of the Creation Market and Institution: two “poor” spaces for feminist and queer representations
  • En los márgenes del Mercado Instituido de la Creación: dos espacios “pobres” de representaciones feministas y queer

Cette étude s’attache à des espaces alternatifs contemporains (hors du marché culturel et médiatique dominant) de représentations féministes et queer, en explorant aussi bien leurs potentialités émancipatrices que leurs éventuelles limites artistiques ou politiques. Elle montre en quoi ces espaces présents sur Internet (plateformes, sites) mais aussi à l’Université (événements de recherche, cours de pratique en arts, créations étudiantes), parce qu’ils ne dépendent pas de moyens importants ni des réseaux de production ou de diffusion traditionnels, peuvent échapper aux formatages esthétiques et idéologiques imposés, souvent implicitement, par les institutions culturelles, artistiques et médiatiques qui continuent de définir, en termes de valeur, de forme et d’identité, les objets « légitimes » de représentation. Certaines œuvres libérées dans ces espaces marginaux travaillent à des représentations du genre et des sexualités qualifiables de critiques, de fantasmatiques ou d’utopiques, interrogeant des binarités liées à celles que trouble le point de vue queer (comme féminin/masculin ou homo/hétéro), qui conditionnent toujours le Marché Institutionnalisé de la Création (MIC) : art populaire/savant ; expérimental/militant, performance/fiction, amateurisme/professionnalisme, création/réception, recherche/création/pédagogie. L’analyse esthético-politique concrète d’un manga coréen yuri (lesbien), Her Shim Cheong de Bi-wan et Seri, découvert sur you-tube, et d’une performance plasticienne Auto-exhibition 23 novembre 2018 de Pou Sein, produite dans le cadre d’un colloque universitaire, révèle qu’aux marges du MIC apparaissent des œuvres originales et exemplairement féministes et queer.

This paper deals with two alternative contemporary spaces open for feminist and queer visions (outside of the dominant cultural and media market), exploring their emancipatory possibilities as well as their possible artistic and political limits. It shows how these spaces on the internet (web platforms, web sites) but also at the university (scientific events, art practical courses, the university theatre), depending neither on substantial resources nor on traditional production or broadcast networks, can escape – often implicitly – from ideological and aesthetic conformity through cultural, arts and media institutions that continue to define the « legitimate » issues of representation, their value, forms and identities. Some works that appear in these unusual spaces deal with gender and sexuality issues in a critic, fantasmatic or Utopian way, questioning the binarism linked to the dualities that a queer approach may disrupt (female/male; gay/straight, etc.), still conditioning the Creation Market and Institution (CMI); popular/intellectual; experimental/militant; performance/fiction; amateurism/professionalism; creation/reception; scientific research/creation/pedagogy. The concrete study – conducted from a political and aesthetic point of view – of a yuri (lesbian) manga, Her Shim Cheong by Bi-wan and Seri, found on a video platform (you-tube), and of the art performance Auto-exhibition 23 novembre 2018, given by Pou Sein during an academic conference, shows how original and exemplary feminist and queer works appear in the margins of the CMI.

Este artículo explora, fuera del mercado cultural y mediático dominante, los espacios alternativos contemporáneos de representaciones feministas y queer, evocando tanto sus potencialidades emancipadoras como sus posibles límites artísticos o políticos. Estudia cómo aquellos espacios presentes en la red (plataformas, sitios web) y también en la Universidad (congresos científicos, cursos prácticos de arte, creaciones universitarias) ya que no dependen de recursos importantes ni tampoco de redes tradicionales de producción o difusión pueden escapar de las normas estéticas e ideológicas que siguen definiendo los objetos legítimos de representación, sus valores, formas e identidades. Algunas obras que se encuentran en estos espacios marginales tratan de representaciones del género y de las sexualidades que podemos considerar como críticas, fantasmáticas o utópicas, porque cuestionan los dualismos relacionados con los que inquieta el punto de vista queer (femenino/masculino; gay/hetero) y que aún condiciona el Mercado Institucional de la Creación (MIC) : arte popular/arte culto; experimental/militante; « performance »/ficción; amateurismo/profesionalismo; creación/recepción; búsqueda universitaria/creación artística/ pedagogía. El análisis concreto de un « manga » coreano yuri (lesbiano), Her Shim Cheong de Bi-wan y Seri, descubierto en el canal you-tube, y de una « performance », Auto-exhibition 23 novembre 2018, de Pou Sein, actuación producida durante un congreso universitario, revela que en los márgenes del MIC aparecen obras originales y ejemplarmente feministas y queer.

Plan

Texte

Dans la lignée de recherches récentes portant sur le vidding queer et la recherche-création universitaire, je m’attacherai ici à penser des espaces alternatifs existants, hors du Marché culturel et médiatique dominant, ou Marché Institué de la Création (MIC1), de représentations extrême-contemporaines marginales, féministes et/ou queer, en explorant aussi bien leurs potentialités émancipatrices que leurs éventuelles limites artistiques (en termes de subversion et de transgression des formes dominantes) ou politiques (en termes de critique et de performativité). Il s’agit de montrer en quoi, parce qu’ils ne dépendent pas de moyens importants et ne s’insèrent pas dans les réseaux de production ou de diffusion traditionnels, ces espaces récemment élaborés ou réélaborés comme, sur Internet, la plateforme you-tube ou certains sites de fans, et comme, à l’Université2, des événements de recherche, des activités artistiques étudiantes ou des cours de pratique dispensés dans les formations en arts échappent, dans les meilleurs des cas, aux formatages esthétiques et politiques imposés, souvent implicitement, par des institutions culturelles, artistiques et médiatiques qui, sous une apparence postmoderniste d’ouverture totale à l’expérimentation et de prime à la transgression, continuent en réalité de définir et de promouvoir, en termes de valeur, de forme et d’identité, les objets-sujets « légitimes » de représentation.

Après avoir décrit ces espaces marginaux de création-réception-diffusion en contexte, je m’efforcerai, à partir de l’analyse esthético-politique3 d’un manga coréen, Her Shim Cheong, de Bi-wan et Séri, découvert sur you-tube, d’une part, et d’une recherche-création universitaire, Auto-exhibition 23 novembre 2018 de Pou Sein, d’autre part, de montrer en quoi ces deux œuvres très différentes, mais exemplaires d’une création alternative hors MIC, incarnent au plus haut point un art extrême-contemporain féministe et queer.

MIC et représentations féministes et queer en contexte postmoderne

Les cultures de masse sont peut-être genrées, c’est-à-dire codées comme féminines de manière péjorative. Elles sont peut-être produites « par des hommes » qui se réservent le pouvoir économique, mais cela ne veut pas dire pour autant qu’elles ne comportent pas de zones de résistance (Bourcier, 2011, p. 67).

Comme Sam Bourcier, et d’autres intellectuel.le.s ou artistes tel.le.s qu’Irène Bonnaud4 (Benhamou, 2007, p. 82), j’ai pu constater qu’à bien des égards, notamment entre 1980 et 2010, la culture populaire contribuait souvent davantage à la diffusion de représentations queer (surtout gay, lesbiennes et féministes) que la culture savante et/ou académique, qualifiée par l’auteur des Queer Zones de « moderniste ».

Dans le champ du théâtre, traditionnellement en difficulté avec la représentation des femmes et des sexualités (Plana, 2012), c’est encore plus apparent. J’ai pu noter, dans la création théâtrale postmoderniste en particulier, adonnée à l’auto-référentialité et au rejet de la fiction et du logos, une réticence à inscrire dans ses questionnements le féminisme, les sexualités, le queer, leur préférant, comme en témoigne l’ouvrage Le Théâtre postdramatique de H.-T. Lehmann (2002), des interrogations d’ordre métaphysique ou formaliste.

Il est clair que le « retour du politique », en tout cas en termes d’affichage et de revendication, sur les scènes théâtrales et, plus largement, artistiques depuis le début des années 2010 a permis aux représentations queer, mais aussi aux esthétiques queer, de se répandre sur les plateaux et sur les écrans du MIC ainsi que dans la littérature institutionnelle, de plus en plus légitimées par la critique médiatique et universitaire.

Lors de ce lent processus historique de « repolitisation » de l’art, la culture pop américaine, dès les années 1980 et 1990, et la culture militante ultra-savante (universitaire) dans les années 1990 et 2000 en Occident (suite, sans doute, aux années SIDA et, concernant la France, au traumatisme du 21 avril 20025), paraissent être à l’origine de l’extension des représentations politiques, féministes et queer. Mais ce n’est que dans les années 2010 que la problématisation du genre et des sexualités (et encore plus récemment des classes, des « races », des âges…) touche les lieux d’art nationaux, conventionnés ou subventionnés, mais aussi l’agenda politique et, ce qui va souvent de pair, la production médiatique et commerciale.

Le MIC postmoderniste se jette donc dorénavant sur ces nouveaux, si peu nouveaux, sujets (domination masculine, violences et inégalités de genre, place des identités et sexualités queer…) qu’il qualifie, du reste, de « sociétaux », dans une ultime tentative de dépolitisation et de psychologisation, alors qu’ils sont pleinement socio-politiques.

L’actualité récente, du mariage pour tous à Me too – et donc la médiatisation, fondamentale à l’artification (Heinich, Shapiro, 2012) d’une pratique de représentation et à l’acceptation, doublée de leur récupération affadissante et de leur transformation à bien des égards en labels, clichés ou pures formes, de problématiques comme le « féminisme », le « politique », le travestissement de genre, la représentation des sexualités et des homosexualités, autrefois embarrassantes dans les programmations – y a beaucoup aidé.

Par conséquent, en régime esthétique postmoderne, où nous sommes encore englué.e.s, héritier du modernisme dont les « archaïsmes (esthétisme, élitisme, masculinisme, haine du populaire et des différences, arrogance universaliste) » sont critiqués par Sam Bourcier (2011, p. 40), et surtout d’une conception « idéalisante » et « sacralisante » de l’identité de l’artiste6, par exemple dans l’autofiction « vécuiste » et sociologisante7, l’académisme a un autre nom et une durée de vie plus brève : l’effet de mode.

Mais le résultat est le même : l’instauration de normes, juste plus mouvantes et opaques, et un tri sélectif idéologiquement orienté dans les formes et les contenus des représentations qui sont offertes à la majorité des publics, légitimées et reconnues8. Il s’agit à chaque fois de délimiter les espaces de représentation de ce qui a droit de cité et est digne du nom d’art.

L’expression « avoir droit de cité », pour des expériences et des productions artistiques qui ont à cœur de représenter les identités et les sexualités queer et, plus audacieux encore, de queeriser, dans leurs formes elles-mêmes, ces représentations, me semble pertinente dans la mesure où j’ai choisi de m’intéresser aux espaces à mon sens les plus accueillants aujourd’hui pour ces représentations, et de montrer en quoi ils les informent et les renouvellent, en les soustrayant, au moins pour un temps, au MIC.

En effet, je postule, et ce n’est pas original, que l’espace d’accueil détermine en l’autorisant, en le formatant ou en ne le formatant pas, en suscitant sa diffusion et sa légitimation selon certains critères, dans certaines conditions et à un certain prix, le propos et l’esthétique de l’œuvre, ainsi que leur relation, qui se révélera dialogique9 (Plana, 2014, p. 17, note 2) ou non. Il fait donc bien davantage qu’accueillir un public ; il le crée et le constitue autour de l’œuvre qu’il détermine aussi à travers un jeu de libertés et de contraintes spécifiques.

Un examen politique à portée esthétique des espaces de création et de diffusion permettrait par conséquent de comparer utilement les œuvres qui se soumettent aux conditions et exigences propres au MIC (financements institutionnels, lieux institutionnels, durée, format, coût, contrats, droit, règles de production, prédéfinition d’un public, mode, actualité) et des œuvres, dès lors qualifiables de marginales, qui se créent et se diffusent dans d’autres conditions et à partir d’autres exigences (précarité financière, pauvreté matérielle, amateurisme obligatoire, thématique de recherche à articuler avec la thématique de création, présentation hors cadre, durée acceptable, là aussi, expérimentation possible, dimension militante ou pédagogique…), hors de toute logique commerciale et institutionnelle.

Un art marginal existerait donc toujours mais on le trouverait dans des espaces nouvellement marginaux, qu’il conviendrait d’examiner de près, tels qu’Internet et l’Université.

Ainsi, alors que les « arts de la rue » ont pu s’institutionnaliser en partie (Guyez, 2017), les « arts de la fac » demeurent méconnus ; quant à la « création connectée » (Chatelet, Rueda, Savelli, 2018) perdue dans la masse des offres numériques mais libre d’exister sur le grand espace « démocratique » d’Internet, elle est étudiée d’un point de vue en majorité communicationnel ou sociologique, et il est rare que l’on s’interroge, comme je souhaite le faire ici, sur sa valeur esthétique et/ou politique.

Que peut valoir un fanvid sur you-tube, quand bien même serait-il vu par des milliers de personnes ou des dizaines de milliers de fois et commenté par ses spectateurs ou spectatrices comme une œuvre d’art (Christophe, Plana, 2018) ? Que peut faire, esthétiquement et politiquement, aux formes des arts institutionnalisés et aux représentations dominantes des identités ou des sexualités une performance plasticienne transféministe présentée dans et pour un colloque universitaire ou encore l’adaptation d’un conte classique coréen en manga yuri (lesbien), traduit par des fans et rendu accessible gratuitement sur des plateformes et des sites en lecture sur écran ?

Qu’est-ce qui se crée véritablement à la marge aujourd’hui, en dehors des institutions culturelles ou au sein d’institutions comme l’Université dont le sens traditionnel et depuis longtemps discuté (dispenser des savoirs et préparer des jeunes gens au marché du travail) est repensé, subverti, hybridé ou élargi ? Qu’est-ce qui constitue soi-même sa « cité » faute d’avoir, au sein de ce qui existe déjà, droit de cité ?

Pour répondre à ces questions, à une époque caractérisée par la mobilité postmoderne et néo-libérale des normes, des critères et des valeurs qui gouvernent le goût dominant, par la récupération commerciale et idéologique, ultra-rapide, d’un certain nombre d’expériences digestes et non pas, selon le mot de Frédérique Villemur, « intempestives » (2015, p. 112), de transgression formelle et politique, et surtout d’opacité des cadres institutionnels dits savants, mais tout à fait internes au MIC, il semble utile de redéfinir ce que l’on entend par « marge ».

Aux marges du MIC : l’Université et Internet

L’exercice de la résistance se situe […] au niveau des usages et des pratiques qui peuvent également déboucher sur des productions alternatives et infléchir réellement les contenus des industries culturelles (Bourcier, 2011, p. 69).

Depuis une dizaine d’années, on assiste sur you-tube, qui n’est qu’un exemple d’espace de dépôt de la création-réception des fans, et à l’Université, très ancienne institution dédiée à la transmission des savoirs académiques, à l’explosion de pratiques pauvres et gratuites, hybrides à bien des égards, liées à la pédagogie, à la recherche, au militantisme, à l’amateurisme ou à la préprofessionnalisation artistique des étudiant.e.s et ne nécessitant pas, par conséquent, de moyens économiques importants, de réseaux socio-culturels développés, ni même (par exemple dans le théâtre universitaire) de diplomation spécialisée.

Ces pratiques peuvent être extrêmement individuelles et singulières comme collectives et interdisciplinaires ; elles peuvent être populaires ou savantes dans leurs inspirations ou dans leurs effets, mais aussi hybrides sur le plan des valeurs, autrement dit pop-savantes, ou des dispositifs en troublant, par exemple, la binarité création/réception. Elles peuvent être à la fois expérimentales et accessibles, parce que liées à la recherche et la pédagogie à la fac, ou encore enracinées dans une culture commune mondialisée, encline à se débrider, voire à se subvertir, à l’épreuve d’une fantasmatique ou d’un militantisme queer, sur Internet.

D’un accès libre, tant à la création qu’à la réception, mais très localisé ou, à l’inverse, potentiellement de masse, ces deux espaces ont en commun de n’être pas des cadres d’art normaux ou « évidents » – et donc contrôlés par les logiques externes, politiques, commerciales, culturelles ou sociales, du MIC.

C’est pourquoi, sans doute, ils autorisent des modes artistiques de représentation, des pratiques et des problématisations des identités et des sexualités qui peuvent s’avérer en décalage esthétique et politique avec l’horizon d’attente dominant, et par conséquent aptes à en anticiper ou à en inspirer l’avenir.

Aujourd’hui, il paraît légitime de se demander si la création de la marge, terme à connotation spatiale et graphique devenue symbolique, fait bel et bien niche subversive dans les grandes maisons labellisées et médiatisées de production et de diffusion artistique (musées, théâtres, centres chorégraphiques, pôles cirque, médias culturels, maisons d’édition…) au sein, par exemple, de leur programmation ou collections « émergence », « coup de pouce », ou autre « supernova10 ». On peut même se demander si une création labellisée féministe ou queer, pensée et formatée pour être compatible avec le MIC tel qu’il est, est toujours qualifiable, au prisme d’une approche esthétique et politique serrée, de féministe et de queer11.

En tout cas, on ne peut nier qu’une autre création que celle qui reste normativement déterminée par le MIC qui la promeut, une création plus ou moins irrécupérable par ses formats imposés, se développe dans des espaces réellement marginaux parce que soupçonnés, déniés ou méprisés, détournés de leur finalité ou qui voient leur finalité augmentée, comme on parle de « corps augmenté », tels qu’Internet et l’Université.

Ces deux espaces sont en effet devenus, en marge de leurs missions originelles respectives, des espaces autonomes de production artistique (voire de création-réception anarchique comme les fanvids) parfois plus ouverts, libres et inspirants que les espaces consacrés du MIC. Il arrive donc qu’y soient proposées des œuvres divergentes par leur « forme-contenu », comme les deux créations étudiées ci-après et qui, après examen esthétique et politique, vont s’avérer plus féministes et queer que nombre d’œuvres estampillées « féministes » ou « queer » au sein du MIC.

En renonçant bon gré mal gré aux moyens et dispositifs habituels, formations requises et réseaux constitués, canaux de communication et de diffusion imposés, en s’offrant artisanalement dans des espaces d’accès libre et gratuit, ces œuvres créées dans, par et pour la marge de l’institution artistique se rendent aptes à éviter les censures thématiques et formelles souvent occultes qui dominent le MIC : représentations et formes « démodées » ou « à la mode », images préconçues de l’artiste individualisé, jargon sectaire du milieu artistique, distinction hiérarchique entre création et réception, soutien des réseaux installés, adoubement des anciens ou des pairs, etc.

Contraintes par ailleurs d’exploiter dialogiquement les obstacles et les limites des espaces pauvres et inadaptés qu’ils investissent ou détournent sur les plans matériel et symbolique, dans la tradition de la performance plasticienne militante (Plana, 2019), les auteur.e.s de ces œuvres n’ont pas toujours figé en leur esprit ce que signifie « créer » dans un marché culturel établi, ni intégré l’identité essentialisée de l’artiste contemporain, encore trop souvent individualiste, masculiniste, hétéronormée et cisnormée.

Ainsi, leurs productions, souvent hybrides entre tradition « classique » et folle mégalomanie, culture savante et culture populaire, pédagogie, art et recherche expérimentale, art, action sociale et militantisme, peuvent être attaquées, parfois à juste titre, comme peu exigeantes esthétiquement, mais elles le sont surtout, hélas, pour la raison qu’elles aspireraient des publics qui devraient être exclusivement captés par le MIC et qu’elles les enfermeraient dans une conception dépassée, pour ne pas dire « ringarde », de l’art contemporain.

De fait, ces démarches plus ou moins anarchiques, créations d’un « n’importe qui » (Rancière, 2008) pour le moins démocratique, sont souvent critiquées ou dédaignées au sein du MIC, comme l’est par tradition tout amateurisme, parce qu’elles négligent et/ou fragilisent symboliquement les statuts (qui ne sont pas des actions créatives mais des identités socio-professionnelles) et les privilèges associés à ces statuts. En effet, en refusant d’être l’otage de la reconnaissance du MIC, elles brouillent et subvertissent les missions, là aussi « identitaires », des institutions et des professions de l’art et de la culture. Elles représentent pour elles une concurrence difficile à mesurer et à contrer ou, mieux encore, stratégie typiquement postmoderne, à contrôler et à absorber.

Or, comme l’a montré entre autres le travail de M. M. Mervant-Roux12 (2006, p. 87) sur les « figurations du spectateur », ces accusations de concurrence déloyale et de perversion du goût sont assez impossibles à étayer scientifiquement dans la mesure où, en régime démocratique, connaître chaque individu spectateur, comme chaque public, est une gageure, au point que le savoir des professionnels de l’art sur « leur » public et son horizon d’attente tient souvent davantage du présupposé socio-idéologique (pour ne pas dire du préjugé) que de la connaissance objective de leurs capacités, de leurs désirs et de leurs attentes.

Si la production de la Marge menace le MIC, ce n’est donc pas parce qu’elle constitue une concurrence économique, largement surestimée, puisque chaque individu spectateur est hybride, indéterminé, mouvant, et n’est pas réductible à sa dimension consommatrice, mais une concurrence symbolique et politique : une contre-création libre, parfois critique, parfois utopique.

Il s’agit donc à présent, en se fondant sur des analyses esthétiques et politiques de créations concrètes, situées à la Marge du MIC, la Marge actuelle du MIC actuel, de mesurer ses forces et ses éventuelles faiblesses en termes de représentations et de formes queer.

Her Shim Cheong : conte coréen adapté en manga yuri, féministe et queer

Le conte coréen original Her Shim Cheong, qui remonterait au IXe siècle et qui aurait fait l’objet d’une réécriture romanesque au XVIIe siècle13, raconte l’histoire d’une jeune fille pauvre qui perd sa mère à la naissance et qui, dévouée à son père aveugle, est contrainte de mendier pour assurer sa subsistance ; afin qu’il retrouve la vue en donnant trois-cents sacs de riz à un temple bouddhiste, elle accepte d’être vendue à des navigateurs et sacrifiée au dieu de la Mer. Elle fait croire à son père qu’elle a gagné cet argent en se laissant adopter par l’épouse d’un ministre. Le Dieu de la Mer, ému par son dévouement filial, la rend à la vie sous la forme d’une fleur de lotus, puis elle rencontre un roi qui l’épouse, lui permettant de retrouver son père et de guérir sa cécité. Ce conte moral très patriarcal a été adapté une première fois en 1985 par le cinéaste Shin-Sang Ok dans une comédie musicale à grand spectacle et apparemment très fidèle aux thèmes originaux (souffrance et piété filiale récompensées). Cependant, une lecture singulièrement brechtienne et queer de ce conte aboutit en 2017 à la création d’un manga yuri, Her Shim Cheong (Loin des yeux) de Bi-wan (dessin) et de Seri (scénario).

Cette œuvre, dont j’ignore les conditions de production en Corée mais dont je découvre les 34 premiers épisodes sur la plateforme you-tube14, attire d’emblée mon attention parce qu’elle me paraît articuler de manière tout à fait originale et subtile les problématiques de genre, de classe et de sexualité. Je m’aperçois ensuite que ce qui m’a permis de lire ce manga en anglais sur you-tube, c’est qu’il a fait l’objet au printemps 2019 d’une traduction sur un site de fans de mangas15 interrompue au bout de 57 épisodes pour des raisons de droits16.

Une des variantes du conte est reprise dans le prologue du manga où est mentionnée l’offre par l’épouse d’un puissant ministre d’adopter la jeune fille, offre déclinée par elle, ce qui fait l’objet de l’interrogation d’une jeune fille à son frère, chargé de recopier le texte. Pourquoi Cheong refuse-t-elle d’être adoptée par l’épouse du ministre et préfère-t-elle se vendre et sacrifier sa vie pour aider son père ?

Il s’agit de raconter dans le manga à venir, précise la narration de ce prologue, « ce qui n’a pas été raconté » dans le conte officiel tel qu’il nous est parvenu. L’œuvre, inspirée à la fois d’une œuvre populaire (tradition orale) et savante (roman) procède donc non seulement à une adaptation-transmodalisation en manga d’une source narrative traditionnelle mais à un décentrement épique, qualifiable ici de queer, en se focalisant non sur la relation familiale entre le père et la fille mais sur la relation amicale, puis amoureuse, entre la jeune mendiante et la jeune épouse du ministre.

Le manga subvertit des motifs du conte en les déplaçant dans le développement de l’intrigue, en attribuant certaines actions à d’autres personnages et en leur donnant une autre interprétation : les motifs du lotus, de la noyade, du sacrifice, les thèmes de la superstition religieuse et de la misère économique, sont totalement réinterprétés. Sur le plan esthétique, le surnaturel n’est pas absent mais il procède moins du merveilleux que du fantastique sur un fond résolument réaliste, historique, social et politique, qui travaille avant tout sur le choc entre les conditions sociales des deux jeunes héroïnes, Cheong et « l’épouse du ministre » (identifiée par sa seule place dans la famille, au point d’être privée de prénom dans les épisodes que j’ai pu lire).

Alors que cette œuvre mériterait une étude poussée, que je réaliserai sans doute quand j’y aurai eu accès dans sa totalité, je ne mentionnerai ici que quelques-uns de ses traits esthético-politiques les plus originaux d’un point de vue féministe et queer.

Il est clair que ce manga procède à une critique marxisante des liens entre l’ordre patriarcal, l’ordre politique et l’ordre religieux, par exemple à travers le personnage du moine bouddhiste (« very wise and morally correct ») qui pousse Cheong à donner une interprétation strictement morale et spirituelle à ses difficultés économiques, sociales et de genre, à recourir à la charité et à la foi, et à accepter docilement tant son sort misérable que sa condition minorée de femme. Ce personnage équivoque, que l’on découvre peu à peu à travers le regard d’abord conquis puis de plus en plus soupçonneux et révolté de Cheong, est traversé par des contradictions passionnantes : ordre et tolérance ; exercice du pouvoir et éloge de la contemplation ; hauteur de vue et haine-désir des femmes…

L’œuvre affronte également, épisode après épisode, un nombre tout à fait exceptionnel de problématiques féminines et féministes : l’expérience du service et du soin aux autres, l’oubli des femmes dans la mémoire collective, la transmission de savoirs trans-classe et la solidarité entre femmes, la figure de la sorcière, de la femme « de mauvaise vie » et de la « mauvaise mère », l’envie envers le frère privilégié, le marché conjugal, la construction d’un bouc-émissaire à la fois féminin et étranger à la communauté en cas de crise collective, le harcèlement moral et sexuel, les rivalités féminines au sein de la famille, le recours aux arts « féminins » de la couture et de la danse, l’émancipation des corps et des esprits par le jeu et par la fête, les contraintes spatiales, vestimentaires et hygiénistes exercées sur le corps des femmes, etc.

Sont également mises en scène des stratégies féministes contradictoires, étroitement liées aux conditions sociales des personnages principaux, ou à leur évolution affective. Si Cheong, que l’expérience de la pauvreté rend libre d’esprit et débrouillarde dans la nature mais plus naïve, sur le plan social et affectif, que son alter ego privilégié, développe une propension à la ruse, à la violence et à la rébellion, l’épouse du ministre, vendue en mariage pour la prospérité de sa famille et la réussite de son frère, applique et préconise la « mascarade », théorisée par la féministe différentialiste Luce Irigaray (1977, p. 74)17, où la solution féminine pour survivre dans un monde où les femmes, même riches et bien éduquées comme elle ne sont rien (« not different than a vase or a beautiful screen, […] just a decoration »), est le jeu de comédienne. Il s’agit de porter en permanence un masque en dissimulant ses sentiments réels, afin de « se faire aimer » de tout le monde. En sur-jouant la féminité, autrement dit ce que la société attend des femmes (la faiblesse, l’humilité, la bonté, la piété…), elle espère obtenir la protection des forts, une vie paisible et quelques espaces de liberté quotidienne et intérieure.

Les stratégies des deux personnages se contredisent d’abord, puis se combinent et se contaminent, dans la mesure où leur relation intime, qui s’autorise d’un masque ancillaire dans la maison d’un ministre opportunément malade (empoisonné ?) depuis sa nuit de noces, s’approfondit dans le temps. Séduites par leurs différences mêmes, elles s’entraident efficacement, mais touchent, à chaque fois, les limites de leurs tentatives d’émancipation : la fuite, le rêve, le jeu, la vengeance occulte contre leurs ennemis, l’affrontement direct, le crime même, autant de possibilités insuffisantes qui créent dans leurs existences aliénées des interstices de bonheur et de liberté mais qui finissent par échouer sur un ordre social et moral (pour l’instant) trop puissant.

Le manga ne postule donc pas une thèse féministe (marxiste, universaliste, différentialiste, queer…) mais fait dialoguer et expérimente, à travers la fiction, avec recul dans le temps et, pour une réception occidentale, dans l’espace, et sa logique formelle, des stratégies plurielles d’émancipation et de survie pour deux jeunes femmes particulières, en lien et en conflit entre elles, en évolution permanente grâce à l’intrigue, et dans un contexte historique, culturel et social précis.

Cette œuvre dialogique est un modèle de fiction queer (Plana, 2018) non seulement parce qu’elle articule classe et genre sans moralisation des personnages ou de leurs désirs mais parce qu’elle érotise, à travers un travail subtil sur les points de vue, la relation entre deux individus en formation en faisant de leur rencontre improbable et de leur solidarité problématique un espace de sensualité hors-norme à la fois spécifique et indéterminé. On ne peut que penser au roman de Sarah Waters, Du bout des doigts (2005), proche du manga par son intrigue et par son travail sur les points de vue, et qui a, du reste, inspiré un cinéaste sud-coréen, Park Chan-wook (Mademoiselle, 2016), peu de temps avant son écriture.

Au début de la fable, le point de vue de Cheong domine le récit, si bien que c’est dans son regard qu’apparaît l’épouse du ministre, objet de son incompréhension et de sa méfiance, puis de sa fascination, de son dévouement, de sa gratitude et de son attirance, mais, alors que l’œuvre avance, le point de vue de l’épouse du ministre nous est de plus en plus accessible – et, dans les derniers épisodes auxquels j’ai eu accès, nous remontons même dans son enfance, ce qui nous permet de mieux comprendre ses calculs tortueux, ses atermoiements et ses tentations, au-delà même de ce qu’elle a déjà révélé d’elle-même à sa confidente-factotum-amie-objet de désir.

Je mentionnerai enfin un trait non plus thématique ou narratif mais visuel et stylistique, propre à l’art du manga, et remarquable dans l’œuvre : l’omniprésence du motif des mains des deux personnages principaux. Représentées en gros plan, selon le principe du thème et variation, elles sont dessinées et mises en scène en relation avec grand soin : elles se touchent et se désirent, expriment, traduisent, se distinguent et s’unissent dans un nombre exponentiel de vignettes. Peu d’œuvres dessinées, me semble-t-il, ont à ce point et avec autant de finesse travaillé à une érotique lesbienne des mains des personnages féminins, dans la lignée de Claude Cahun et de Sarah Waters. Ici, en outre, cette érotique devient proprement queer parce qu’elle est appréhendée en lien très étroit avec une mise en images du gestus individuel et relationnel des personnages-corps socialement déterminés et plastiquement genrés (mains blanches, « féminines », fines, savantes et bourgeoises/mains brunies, « masculines », laborieuses, abîmées et puissantes). Ces corporéités sociales se rencontrent à travers des activités communes comme la couture, le bain, les courses dans le jardin, les soins au ministre malade si bien que les corps « sans essence » des héroïnes deviennent sujet/objet du désir, du fantasme et du changement. On assiste à la contamination des peaux (habits, odeurs, toucher…), des manières de marcher, de manger, de regarder. On perçoit la conscience décalée du désir que chacune éprouve et la fascination renouvelée pour la singularité de l’autre, à travers des contrastes émouvants et des emprunts mutuels, volontaires ou involontaires, de gestes, de postures, de mots, d’idées.

Avec le manga Her shim Cheong, un conte traditionnel patriarcal et moralisant fait donc l’objet d’une queerisation esthétique et politique, à travers son adaptation en manga yuri lui-même traduit en diverses langues par des fans sur Internet et relayé gratis sur un espace (you-tube) propre à lui créer un public non seulement international mais avide de se procurer, au prix demandé, la suite de cette œuvre unique en format papier ou écran, lorsque le MIC l’y autorisera enfin.

Recherche-création queer à l’Université : l’exemple d’Auto-exhibition 23 novembre 2018

Je vais à présent me concentrer faute de place18, et parce qu’il me semble caractéristique, sur un seul exemple de recherche-création queer, qui a été non seulement diffusé mais produit en vue et spécifiquement pour le cadre (hors MIC) d’un événement universitaire, le colloque international « Le théâtre hors de lui : performativités politiques dans le contexte hispanique actuel », organisé par Emmanuelle Garnier et Fabrice Corrons, qui s’est tenu du 22 au 24 novembre 2018 à l’UT2J. Il s’agit d’Auto-exhibition 23 novembre 2018, performance donnée par Camille Hébréard (dit Pou Sein), étudiant en Master recherche-création en arts plastiques, à 9h15 en salle D29 de la Maison de la Recherche de l’Université Jean-Jaurès, juste avant mon intervention à 9h45, et programmée sur ma recommandation19.

Il faut savoir, étant donné la problématique de cet article, que Pou Sein a refusé de se produire, comme le lui proposait aimablement le comité d’organisation du colloque, l’après-midi de la même journée, avec d’autres créations étudiantes, dans un lieu partenaire et jugé plus approprié, Mix’art Myrys. Ses arguments étaient liés à des difficultés qui lui étaient revenues de la communauté transgenre locale face à certains publics fréquentant le lieu mais surtout au principe fondamental, selon lui, de l’art de la performance qu’il pratique : l’« intervention » hors cadre « Art », dans les espaces les plus improbables, inesthétiques, impraticables et inadéquats possibles (sans équipement, à éclairage sale ou clinique, avec des sons extérieurs gênants, de possibles interruptions, entrées ou sorties intempestives, un public de chercheurs, chercheuses, étudiant.e.s, personnels administratifs, plus préparé à entendre des communications qu’à assister à une performance transféministe).

Pour l’artiste, en outre, une relation étroite entre recherche et création, à quoi s’ajoute son militantisme transféministe, devait être affirmée par la tenue de la performance non sur une scène, même peu conventionnelle comme celle de Mixart, mais dans une salle quelconque, en aucun cas prévue pour la création, de l’Université. La performance ne pouvait pas avoir lieu dans un espace qui était certes initialement un squat mais qui est devenu une sorte d’Institution toulousaine de la Marge (au sens large) puisque vouée à l’accompagnement artistique et à la diffusion de créations scéniques et performatives dites émergentes.

J’imagine qu’il s’agissait enfin, pour Pou Sein, selon l’idée qu’une performance ne se répète pas, ne se re-présente pas, de me surprendre, puisque j’étais la cause directe et indirecte de sa programmation et, pour couronner le tout, spécialiste de théâtre (« théâtre » duquel la performance plasticienne historique et militante se distingue pour se définir), et de décaler et subvertir l’analyse prévue dans ma communication d’une ancienne performance, que le public n’appréhenderait donc pas, sinon à travers mon évocation, par la présentation d’une nouvelle performance qui soit non une simple variante de la première, malgré un même titre malicieux, mais très différente dans son esthétique, son discours et son effet.

Le protocole de la performance du 23 novembre 2018 était le suivant : nu intégral plasticien de Pou Sein, artiste trans, avec avertissement préalable et possibilité laissée à chacun.e de sortir avant qu’il ait lieu, circulation simple dans la salle, éclairage pauvre par une ampoule branchée à une prise avec une longue rallonge et traînée par le performer dans tous ses déplacements dans la salle, lecture à voix haute puis distribution individuelle au public de petits papiers tirés d’une boîte noire, où étaient notés des noms de victimes de transphobie, avec lieu et date de leur décès.

Avant de commencer, Pou Sein donne la responsabilité aux organisateurs du colloque de décider de la fin de la performance en l’interrompant en fonction de la durée qu’ils lui accordent dans leur programme. Le terme ne peut pas être de la décision du performer puisqu’il s’agit pour lui de célébrer et de commémorer des morts – et il n’y a pas de raison qu’il arrête avant d’avoir énoncé la totalité des noms concernés. La voix simple du performer égrène donc ces noms pendant plus d’une demi-heure, des noms que nous découvrons écrits, figés sur les petits papiers que de temps en temps nous recevons (j’en reçois trois ou quatre pendant la séance) ; le corps du performer s’approche de chacun.e, d’un pas tranquille et régulier ; nulle agressivité ; nulle frontalité ; nul effet de surprise ; nulle volonté de jeu ou de représentation ; cette performance, que je découvre donc ce jour-là, recèle encore moins de théâtralité à projeter par une spectatrice telle que moi (« théâtromaniaque ») que celle dont j’ai prévu de parler. Il n’y a presque rien à voir, ici, rien à raconter, rien à dramatiser, rien à « fictionner ». Le corps, cette fois, ne se recouvre pas de mots écrits par le performer sous la dictée du public ou par le public. Aucun livre corporel ou corps graphique ne se fabrique. Je ne peux toutefois pas m’empêcher d’interpréter, de comparer avec d’autres œuvres (je pense ici à la scène symboliste) et de produire du sens. Le corps du performer m’apparaît comme un spectre trouble et glissant. Je suis assise au premier rang. Suivant mon habitude dans ces contextes de déambulation de l’artiste, je ne suis pas sa circulation du regard. Je ne tords pas le cou pour tout saisir visuellement. Je ferme les yeux. Je mets la tête entre mes mains. Je suis au recueillement auditif, au silence intérieur, en l’occurrence, à l’invocation de vies inconnues détruites par la violence, d’histoires interrompues pour cause d’« identité ». Quand Pou Sein s’approche de moi, je le repère à l’oreille, je relève la tête et je tends la main pour revoir un nouveau papier. Les mots ne sont pas à écrire, cette fois ; ils sont déjà écrits. Les noms. Les dates. Les pays. Le temps passe lentement à ce rituel. On a la sensation de l’épaisseur de la durée. Il y a toujours encore des petits papiers, toujours d’autres noms. La liste, internationale, paraît interminable.

Le rituel tient à la distribution qui ne s’interrompt pas, à la répétition avec thème et variation, à la musicalisation verbale, productrice (chez moi en tout cas) d’une sorte de transe ; l’émotion me gagne sans brutalité et, d’après le témoignage de la responsable administrative d’LLA-CREATIS, entrée pendant la performance, restée au fond dans la salle et qui ne savait absolument pas à quoi s’attendre, la gagne elle-même, et l’ensemble du public.

La création, qui n’a rien d’élitiste, rien d’hermétique, de cet artiste militant transféministe, devient politique d’une autre manière que la précédente, dont j’ai montré la politicité spécifique par rapport à la « performativité » postmoderniste des scènes théâtrales institutionnelles ; elle le devient non tant par la liberté qu’elle me laisserait de théâtraliser, de « fictionner » à partir d’elle, quoique je le fasse un peu quand même, mais par sa dimension à la fois métaphysique et militante. Les petits papiers : autant de cercueils que nous retenons dans le creux de nos mains et qui nous poussent à chercher, aussi, à penser, à comprendre... Nous partageons un lien, à l’évidence, un deuil, au présent, à l’Université et en rupture avec l’espace-temps universitaire, et nous méditons sur une violence ciblée, médiatiquement occultée. Cette auto-exhibition de Pou Sein est celle de ses mort.e.s, qui deviennent nos mort.e.s. Il ne les représente pas, ni ne parle à leur place, mais, tel un médium « ordinaire », il les fait apparaître sur notre scène intérieure. Grâce à lui, une mémoire communautaire s’universalise à travers une très simple et très pauvre (à la limite du dénuement) action performative.

La performance ne retourne aucune violence contre son public, car Pou Sein, quoique nu, exposé et maître du protocole, quoique saisi dans une action différente de notre action, ne nous oblige à rien et ne se distingue pas par essence du reste de l’assemblée. L’œuvre ne hiérarchise pas, ne culpabilise pas, ne produit ni voyeurisme ni réduction. Elle n’intimide pas son public non initié à la performance ou au transféminisme, du fait de sa forme, comme on l’a vu, mais aussi, sans nul doute, parce que l’espace où elle est présentée est véritablement marginal (hors institution, dénué de l’autorité culturelle, symbolique, que confèrent le musée ou le théâtre, lieux de l’Art validé comme tel). Le public est plutôt associé, à travers un débordement politique de l’espace de la création sur l’espace de la recherche, et vice-versa à travers la relation dialogique spectateur/artiste, à l’identité hybride, proprement queer, de la proposition artistique.

Il faut imaginer, par conséquent, dans quel état de trouble je me trouve quand je prends place, une fois la performance interrompue, derrière la table des intervenant.e.s avec ma communication à livrer. Je dois retrouver ma voix nouée, adapter mon propos, improviser sur le champ une réception publique de la performance qui vient d’être donnée, récupérer un corps et un « gestus » de chercheuse en représentation. J’émets alors quelques mots de commentaire, dont certains, je pense, figurent ci-dessus. Ce faisant, je me sens étrange et décentrée – hybridée : queerisée. J’ai l’impression non de présenter ma réflexion préalable à un public universitaire mais de recréer en direct mon intervention, dont je ne fais ensuite que picorer des éléments dans mon texte, comme si je m’étais mise à penser en direct et plus corporellement ou comme si je venais d’incorporer ma théorisation.

De cette performance, je me souviens bien ; de ma communication, j’ai oublié le cours et la lettre sur le moment, mais non l’état d’être singulier, incomparable, dans lequel je l’ai donnée.

Conclusion

Les deux œuvres étudiées, liées à des espaces alternatifs de diffusion et/ou de création, interrogent, en les articulant, un certain nombre de binarités : entre féminin et masculin, populaire et savant, par exemple, mais aussi entre vivant et mort, espace du savoir, espace du militantisme et espace du deuil. Elles relèvent donc effectivement d’une politique et d’une esthétique queer, d’ordre fictionnel, pour l’une, performatif, pour l’autre.

Certes, l’impact social et culturel des représentations que ces créations travaillent semble limité, du moins à court ou moyen terme, et on peut leur reprocher de ne toucher qu’un public restreint et déjà sensibilisé, voire déterminé par une logique territoriale, sociale, communautaire, militante et/ou disciplinaire. Fait plus problématique encore, l’espace libre et pauvre où elles sont données à découvrir (Internet, mais aussi l’Université qui ne rémunère pas, sauf exception, le chercheur-artiste-étudiant) pose des problèmes de droits et de rémunération des créateurs/créatrices (ou des traducteurs/traductrices professionnel.le.s), comme en témoigne Her shim Cheong, dont la diffusion est interrompue à l’épisode 67 sur le fan-site anglophone qui le traduisait. Toutefois, ne doit-on pas se féliciter que des fans, soucieux d’élargir le champ des représentations queer, aient offert à ce manga coréen yuri un destin hors-norme en termes politiques (atteindre des pays où les représentations queer sont rares ou interdites), économiques (atteindre des publics hors du marché du manga) et esthétiques (promouvoir dans la masse des mangas produits, y compris yuris, des œuvres spéciales et divergentes) ?

Étant donné mon absence de culture manga, le MIC ne m’aurait certainement pas permis de découvrir cette œuvre yuri coréenne extrême-contemporaine aussi précocement et facilement que ne l’a fait le travail des fans, à travers le site mangasoul et un partage sur you-tube.

Rien d’étonnant non plus à ce que, faute de réflexe culturel dans le domaine des arts plastiques contemporains malgré ma fréquentation des œuvres fictionnelles queer, ma conversion spectatorielle, comme celle de la responsable administrative du laboratoire LLA-CREATIS, à l’art spécifique de la performance plasticienne transféministe ait eu lieu dans un espace universitaire heureusement subverti par l’art de Pou Sein.

Bibliographie

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Waters, Sarah, Du bout des doigts (Fingersmith), traduit de l’anglais par Erika Abrams, Paris, 10/18, 2005.

Notes

1 J’utiliserai par la suite cet acronyme (qui calque de manière amusante le très technique MIC « modulation par impulsions et codée ») pour désigner une réalité dominante d’organisation du marché de l’art (tous les arts, littérature comprise) en régime postmoderne (1980 à nos jours). Retour au texte

2 J’aurais pu parler des espaces militants ou associatifs qui proposent à des œuvres (amateurs, professionnelles, universitaires), de commande ou non, de s’articuler avec des conférences, des séminaires, des tables-rondes, etc.). Mais les activités universitaires d’enseignement (cours, séminaires, regroupements…) et de recherche (journées d’étude, colloques, séminaires, congrès, communications, entretiens, tables-rondes…) m’ont paru plus aisées à traiter dans ce cadre puisque je suis initiatrice ou observatrice depuis plusieurs années dans mon université de telles expériences à l’articulation de la création, de la recherche et de la pédagogie. Retour au texte

3 Cette méthodologie a été explorée dans le cadre des travaux de recherche collectifs au sein du laboratoire LLA-CREATIS dans le programme « Esthétique et politique du corps » (2014-2019). Articulant analyse des formes et des dispositifs artistiques, saisis dans leur historicité et dans leur autonomie, du point de vue de la réception et apports critiques et politiques de l’ensemble des sciences humaines, elle s’inscrit donc à la marge et dans un rapport de dialogue avec la méthodologie sociocritique, dont elles ne relèvent pas strictement. Retour au texte

4 « Dans notre milieu, on ne perd jamais une occasion de tempêter contre l’industrie audiovisuelle et de brandir fièrement résistance artisanale et bonne conscience de gauche, mais la vérité, c’est qu’il y a beaucoup plus de personnages féminins intéressants dans les séries télévisées américaines que dans le théâtre subventionné français ». Retour au texte

5 Je me réfère ici à la présence au second tour de l’élection présidentielle de 2020 du candidat du Front National Jean-Marie Le Pen. Retour au texte

6 Voir les travaux en cours de séminaire interdisciplinaire, dans le cadre du laboratoire LLA-CREATIS, « Identités de l’artiste dans les discours littéraires, artistiques, médiatiques et des sciences humaines ». https://lla-creatis.univ-tlse2.fr/accueil/navigation/manifestations-scientifiques/identite-s-de-l-artiste-dans-les-discours-litteraires-artistiques-mediatiques-et-des-sciences-humaines-700827.kjsp?RH=1542186715319 Retour au texte

7 Voir par exemple le livre d’Édouard Louis, Histoire de la violence (Seuil, 2016) ainsi que le spectacle de Thomas Ostermeier qui en est tiré (Théâtre de la ville, 2019-2020), ainsi que l’article critique, qui porte sur le spectacle, de Lucie Comeaux : https://www.franceculture.fr/theatre/histoire-de-la-violence-ou-comment-le-theatre-defait-la-pensee/ Retour au texte

8 Voir le premier tome de l’Histoire de la sexualité de Michel Foucault : « Omniprésence du pouvoir : non point parce qu’il aurait le privilège de tout regrouper sous son invincible unité, mais parce qu’il se produit à chaque instant, en tout point, ou plutôt dans toute relation d’un point à un autre. […] [L]es relations de pouvoir ne sont pas en position d’extériorité à l’égard d’autres types de rapports (processus économiques, rapports de connaissance, relations sexuelles), mais […] leur sont immanentes ; […] les relations de pouvoir ne sont pas en position de superstructures, avec un simple rôle de prohibition ou de reconduction ; elles ont, là où elles jouent, un rôle directement producteur […] » (1976, p. 122-124). Retour au texte

9 Une relation est « dialogique » si elle est égalitaire, effective et respecte l’autonomie des éléments mis en rapport. Retour au texte

10 Théâtre Sorano (Toulouse) : http://theatre-sorano.fr/supernova/ Retour au texte

11 Préférant me concentrer ici sur l’analyse d’une création féministe et queer en marge du MIC et non sur la critique, à l’épreuve de l’étude esthétique et politique des œuvres présentées, de la récupération contestable par des artistes ou institutions des termes de « queer », « féministe » ou « politique », je renverrai aux travaux précurseurs et éclairants d’Hélène Marquié, particulièrement à son article « Jeux de genre(s) dans la danse contemporaine » (Marquié, 2011). Concernant le théâtre, des développements comparables figurent dans Théâtre et politique. Modèles et concepts (Plana, 2014) et Fictions queer. Esthétique et politique de l’imagination (Plana, 2018). Retour au texte

12 « L’Autre que l’on aime à invoquer est un Autre de composition. ‘Que pouvons-nous transmettre à ces gens rassemblés ?’, se demande […] Bruno Tackels. Il faut, ajoute-t-il, ‘parler autrement ; parler en la place, de la place de ceux qui n’ont pas encore la parole’. Qu’en sait-il ? Parmi tous ‘ces gens rassemblés’, il n’y aurait ni écrivain, ni écrivant, ni débatteur, ni enseignant, ni avocat, ni citoyen doué pour la discussion, la synthèse, l’interpellation polémique, aucun comique, aucun poète, aucun homme d’esprit ? ». Retour au texte

13 Shim Cheong, la fille de l’aveugle, édition et traduction par Choi Yumi, Villeurbanne, LingAsia Editions/ Bilingue coréen/français, 2015. On peut lire une traduction anglaise du conte original sous le titre Shim Cheong, the devoted daughter, sur ce site : http://asianfolktales.unescoapceiu.org/folktales/read/korea_1.htm, consulté le 6/10/2019. Retour au texte

14 https://www.youtube.com/watch?v=MxMWBhZ5cII&list=PLm60Nr79gR2uO1ez1cInXvtkW4PRgjJ4f. Il s’agit du partage de 34 épisodes en traduction anglaise (avec une bande-son) par l’internaute Lala Z sur la Plateforme you-tube, où je la découvre en juillet 2019. Les épisodes ont été déposés du 15 juin (Episode 1. Donghwa-Dong Shim Cheong (Yuri manga)) au 17 juillet (Episode 34 : Remembered). On notera que les vidéos ont fait l’objet de quelques milliers de vues (entre 2000 et 5000 vues selon les épisodes) à la date du 6 octobre 2019. Retour au texte

15 https://mangaowl.com/single/47573/her-shim-cheong. 57 épisodes y sont diffusés et présentés ainsi : « Set in historical Korea, some legends are not completely told. This is the untold half of a legend concerning a beggar woman and the wife of a powerful minister ». https://www.delitoon.com/webtoon/loin-des-yeux. Sur ce site, 15 épisodes sont accessibles gratuitement en traduction française sous le titre Loin des yeux. Retour au texte

16 Voir « Announcement » de Kitty-Chan : « Her Shim-Cheong is no longer in hiatus. It has been licensed by tappy-toon under the new name of ‘Her tale of Shim Cheong’ and they have forced the fan translation to cease » : https://mangasoul.com/reader/1024/59/her-shim-cheong (consulté le 22/10/2019). Voir : https://www.tappytoon.com/series/hershimch/1 Retour au texte

17 « Jouer de la mimésis, c’est […], pour une femme, tenter de retrouver le lieu de son exploitation par le discours, sans s’y laisser simplement réduire ». Retour au texte

18 J’aurais pu étudier, en effet, un nombre conséquent de productions féministes et/ou queer données ces dernières années à l’Université Toulouse Jean-Jaurès dans le cadre de cours de pratique en arts, du Master Écriture Dramatique et Création Scénique du département Art&Com, ou d’événements de recherche interdisciplinaire du laboratoire LLA-CREATIS portant sur l’art politique, le genre et/ou les sexualités, ou encore au sein de la création étudiante universitaire indépendante. Retour au texte

19 J’avais préparé pour ma communication dans ce colloque l’analyse d’une autre performance du même artiste, découverte quelques mois auparavant dans un contexte également marginal et hybride (universitaro-pédagogico-associativo-militant à l’Espace des Diversités de Toulouse). Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Muriel Plana, « Aux marges du Marché Institué de la Création : deux espaces « pauvres » de représentations féministes et queer », Sociocriticism [En ligne], XXXV-1 | 2020, mis en ligne le 01 avril 2020, consulté le 23 avril 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/sociocriticism/2676

Auteur

Muriel Plana

Muriel Plana est Professeure en études théâtrales à l’Université de Toulouse - Jean Jaurès et directrice de l’unité de recherche LLA-CREATIS depuis 2018. Parmi ses publications : Théâtre et féminin. Identité, sexualité, politique (Éditions Universitaire de Dijon, 2012), Théâtre et politique I. Modèles et concepts et Théâtre et politique II. Pour un théâtre politique contemporain (Orizons, 2014), Fictions queer. Esthétique et politique de l’imagination (EUD, « Essais », 2018). Elle a également dirigé des collectifs, dont, aux EUD : Théâtralité de la scène érotique (avec H. Beauchamp - 2012), Esthétiques queer (avec F. Sounac et alii - 2015), Corps troublés (avec F. Sounac). Elle anime dans son laboratoire un programme de recherche intitulé « Approches esthétiques et politiques du corps et de la scène » et codirige la collection « Nouvelles scènes/francophone » aux Presses Universitaires du Midi. Elle travaille actuellement sur un collectif pluridisciplinaire Identité(s) de l’artiste dans les discours littéraires, artistiques, médiatiques et des sciences humaines et sur un essai consacré aux relations entre théâtre et anticipation. Elle est également l’autrice de récits, de pièces de théâtre et de mises en scène.