Réflexions autour du concept de álter-retrato dans l’art numérique à partir de l’analyse des vidéos LATEИTE (2018) de Martín Sampedro et Metaversal drawing (2017) de Ray Gropius.

Cet article propose une réflexion sur les nouvelles possibilités de représentation offertes par la programmation en tant que médium de création artistique, à partir du concept « d’alter-portrait » développé par le photographe Martín Sampedro et de l’analyse de deux réalisations d’art numérique : les vidéos LATEИTE (2018) de Martín Sampedro et Metaversal drawing (2017) de Ray Gropius.

Este artículo propone una reflexión en torno a las nuevas posibilidades de representación facilitadas por la programación como lenguaje de creación artística, basándose en el concepto de « álter retrato » desarrollado por el fotógrafo Martín Sampedro y el análisis de dos creaciones de arte digital : los vídeos LATEИTE (2018) de Martín Sampedro y Metaversal drawing (2017) de Ray Gropius.

Based on the analysis of two digital art works – Martín Sampedro’s LATEИTE videos (2018) and Metaversal drawing (2017) by Ray Gropius - this essay uses the concept of ‘alter-portrait’ coined by photographer Martin Sampedro to examine the new possibilities offered by programming considered as a medium for artistic creation.

Plan

Texte

Les nouvelles technologies, notamment la création d’images virtuelles en 3D ou plus récemment les images de réalité augmentée, modifient notre façon d’appréhender le réel. L’utilisation des TIC1 dans le domaine de l’art permet ainsi de nouvelles possibilités de création d’images et donc de représentation. L’analyse des vidéos LATEИTE (2018) de Martín Sampedro et Metaversal drawing (2017) de Ray Gropius, à partir du concept de álter-retrato développé par Sampedro et qui faciliterait, par la création de personnages virtuels, la représentation « d’autres dimensions de notre existence » (Sampedro, 2015, p. 10), nous amènera à questionner l’appropriation, par ces artistes contemporains, des nouvelles possibilités de représentation offertes par la programmation en tant que médium de création artistique. Un « alter-portrait », né du progrès technologique, expansion contemporaine des capacités de représentation des individus, qui permettrait, selon Sampedro et Gropius, d’entrevoir dans la transparence de modèles mis à nus, au-delà de la représentation spéculaire superficielle, la matérialisation des images produites par notre « caméra subjective » (Sampedro, 2015, p. 10), celle de l’inconscient, mais qui s’avère tout à la fois révélateur, constructeur et brouilleur d’identité(s).

Martín Sampedro et Ray Gropius se présentent comme deux artistes contemporains qui se consacrent, selon leurs propres termes, au Computer Art, c’est-à-dire aux créations graphiques combinant art, design et technologies. L’appellation Computer art, qui désigne l’art fait à l’ordinateur, remonte aux années soixante. À partir des années 2000, suite au développement des technologies de simulation, sont plus volontiers employées des expressions telles qu’« art virtuel », « cyber art » ou désormais « art numérique » pour qualifier « toute œuvre d’art réalisée à l’aide de dispositifs de traitement automatique de l’information » (Couchot, Hillaire, 2003, p. 38).

Ray Gropius, dont le nom d’artiste convoque ceux de Walter Gropius, architecte designer fondateur du Bauhaus, et de Man Ray, photographe et réalisateur dadaïste et surréaliste, est un artiste qui ne communique que via Internet sans publier toutefois de données personnelles2. Il a réalisé de nombreuses vidéos qui sont autant de travaux hybrides mêlant dessins, photographies et images virtuelles, dont Metaversal drawing, réalisée en 2017, que nous avons retenue pour cette étude. Cette vidéo présente un enchainement de modèles et structures constitués d’un réseau de lignes et de points basé sur des calculs mathématiques complexes. Ce processus permet la représentation, toute en transparence et superpositions, d’éléments artefactuels (êtres humains, animaux, objets, plantes, parties de corps humains…) nés de l’imagination créatrice de l’artiste.

Martin Sampedro, est considéré comme le précurseur du Copy Art3 dans les années quatre-vingt et l’un des pionniers de la photographie numérique, en Espagne. Photographe publicitaire de formation, il a reçu plusieurs prix internationaux4. Il a fréquenté assidument le studio du portraitiste de la Movida5 et prix national de la photographie 2006, Pablo Pérez Mínguez, qu’il amènera à la photo numérique à travers le projet Íconos PPM en 2010. La vidéo intitulée LATEИTE existe sous plusieurs versions notamment une version longue6 qui présente le catalogue de l’exposition photo LATEИTE, et une version courte7 réalisée en 2018, reprenant ces mêmes clichés accompagnés d’un poème écrit et lu par le poète argentin Leandro Taub, qui est celle retenue dans notre corpus. Ces vidéos sont réalisées à partir d’une exposition de photos éponyme présentée à la Galerie Mondo8, qui commence par une série de portraits individuels, puis met en scène des représentations d’histoires sexuelles (mise en scène de pratiques sexuelles) et sociales (corps malades, vieillissants, mutilés, amplifiés, stéréotypes), avant de s’achever sur une œuvre magistrale intitulée El rapto de Europa. Sampedro utilise lui aussi les nouvelles technologies à travers la conception numérique des personnages représentés sur les photos et sur la vidéo (à l’exception des deux personnes âgées qui apparaissent à la fin, à l’entrée d’une grotte) mais aussi par l’invitation faite au public de révéler lui-même des images présentées sous l’apparence de négatifs, grâce à son smartphone et à un tutoriel pour iPhone et Android qui permet de préparer l’appareil à cette révélation.

I. L’álter-retrato révélateur d’identité : une expansion transhumaine

Les vidéos de Gropius et Sampedro posent la problématique de la représentation dans l’art à partir de l’outil numérique, et notamment de la représentation de l’individu. Elles prolongent les réflexions antérieures des photographes autour de la difficulté de réaliser, à l’aide de la photo argentique, un portrait qui ne soit pas uniquement ressemblant mais aussi représentatif de l’identité et de la personnalité du modèle, notamment grâce à la possibilité d’intervenir sur le cliché à travers le choix de l’exposition, des couleurs, de la mise en scène, de certains effets spéciaux (variation de focale, flou) et de retouches en laboratoire. Ainsi le photographe Pablo Pérez Mínguez, dont les travaux ont fortement influencé Martín Sampedro, soulignait-il9 que la photographie, qui ne représente pas la réalité parce que la réalité n’existe pas et qu’il faut l’inventer, doit montrer « les entrailles » du modèle en parvenant à franchir ce qu’il appelait « les trois montagnes » : la montagne esthétique, la première, à laquelle tout le monde accède avec facilité ; la seconde, qui implique un effort à la fois de la part du modèle afin de se livrer sans retenue ni tabou et du photographe pour amener se dernier à surmonter ses réticences et à se dévoiler sans filtre, renferme la laideur et représente la chambre noire où personne ne veut aller et qu’il faut atteindre en pleurant, avec un tatouage douloureux, un vêtement déchiré… Et enfin la troisième où la magie opère, lorsque la beauté et la laideur se rejoignent. C’est pourquoi il considérait le portrait comme « une réinvention » impliquant une « déconstruction » préalable à la « reconstruction » c’est-à-dire à la mise en lumière de ce que chacun cache en lui. Pour le photographe Alberto García Alix, dont les premiers clichés illustrent également la Movida madrilène dont ils révèlent le côté sombre, l’appareil photo est un médium puissant et redoutable car il « oblige à regarder », à questionner ce que l’on est réellement en train de voir, permettant de relever le « défi de la pression de l’indicible qui veut être dit » (García Alix, 2008, p. 234), de « mieux comprendre et de s’approcher de la limite » pour révéler ainsi des « présences invisibles » (García Alix, 2008, p. 99). Ces deux réflexions soulignent la fonction de « révélation » de la photographie argentique à travers la capacité du photographe à « révéler », au propre et au figuré, l’image qu’il souhaite donner de ses modèles. Une révélation de l’intime, du caché, de l’enfoui qui semble être la quête ultime du photographe, parfois vaine, et qui apparait comme laborieuse car demandant une totale implication à la fois du sujet et du photographe. Ces considérations relativisent « l’effet de réalité » (Marin, 1994, p. 242) associé à la photographie qui, réduite au simple reflet de l’apparence extérieure du sujet ou de l’objet, ne donnerait qu’une représentation incomplète ou imparfaite du modèle.

Ce même désir de montrer l’invisible hante les productions vidéo de Martín Sampedro et de Ray Gropius, et particulièrement les deux travaux retenus dans notre corpus qui tentent, par le recours aux nouvelles technologies, de parvenir à dépasser la fonction de miroir et de représentation que l’on voudrait fidèle de l’image rétinienne à laquelle a souvent été réduit le portrait iconographique (peinture, pastels du XVIIe, photos d’identité…). Le numérique, en proposant de nouvelles possibilités de création, contribue en effet pleinement à ce que Couchot et Hillaire définissent comme « une crise de la représentation » et du « modèle de l’art hérité d’Aristote et qui veut que l’imitation, la mimèsis, en constitue le sens et la fonction la plus haute » (Couchot, Hillaire, 2003, p. 16-17). Cette remise en question commencée dès le début du XXe siècle serait également une crise du progrès. La question posée par Pérez Mínguez, García Alix et désormais Sampedro et Gropius, est donc de savoir ce que l’on entend représenter lors de la réalisation d’un portrait, qu’il s’agisse d’images fixes révélées dans l’obscurité du laboratoire ou d’images numériques, créées par ordinateur et bien souvent animées.

La vidéo LATEИTE commence ainsi par un portrait en négatif, flou, avant que ne se fasse la mise au point ; puis s’enchainent divers portraits, toujours en négatif, qui finissent tous par une focalisation au niveau du regard. Apparait ensuite le reflet déformé des visages d’un couple se regardant dans une boule de cristal, qui passe soudainement du négatif au positif. La présentation d’un corps féminin difforme, doté de huit seins, marque le passage à la couleur et le début d’un voyage à l’intérieur de ce corps, qui se morcèle et dans lequel nous fait pénétrer un couple de décharnés que nous suivons jusqu’au cœur de la matrice, dans un utérus dont les parois renvoient des images de couples nus, en négatifs, de corps féminins offerts et de corps masculins en érection. Ces corps ont une plastique parfaite et appellent au désir, tout comme ceux présentés dans la vidéo Metaversal drawing de Gropius dans laquelle se mêlent des paysages, des édifices, des objets, des animaux et des êtres humains formés d’éléments géométriques de treillis, tout en transparence.

Nous retrouvons dans ces deux vidéos les mêmes textes sémiotiques : extérieur/intérieur, surface/profondeur, transparent/opaque, lumière/obscurité, déconstruction/reconstruction, caché/révélé, négatif/positif, associés à la notion de pénétration. Elles posent ainsi la question de la représentation en opposant la représentation miroir, orientée par des canons esthétiques, et la représentation de la personnalité, cette lutte intérieure entre les pulsions et les contraintes culturelles. Ainsi les portraits de LATEИTE à la plastique parfaite et à qui sont attribués des noms grecs, ou les Bimbos représentées par Gropius, non différenciables des poupées qu’il présente dans leur boite d’emballage illustrent une image stéréotypée répondant aux canons d’une époque. Ce questionnement sur la représentation rejoint les travaux de Pablo Pérez Mínguez qui souhaitait à travers un processus de « désétiquetage10 » supposant la mise à nu du modèle et sa libération des conventions sociales, libérer la photographie espagnole du simple effet de réalité afin de révéler une identité refoulée, inhibée par l’uniformisation et les valeurs morales. C’est pourquoi il comparait son studio au cabinet du docteur Freud dans lequel les modèles se limpiaban de leur ego et du narcissisme notamment grâce au regard hypnotique11 de la caméra. La personnalité, selon Freud, est structurelle et organisée autour du Moi qui propose des objets de satisfaction et refoule les désirs inacceptables. Il est l’intermédiaire entre le Ça, constitué des forces pulsionnelles et régi par le principe de satisfaction du plaisir, et le Surmoi qui représente les interdits intériorisés, l’influence de la norme ou des lois issues de l’éducation et de la culture. Le Moi, n’est donc pas observable au sens où il échappe à notre vue et à la représentation photographique. C’est pourquoi Sampedro et Gropius tentent, par la création d’avatars et l’utilisation d’un ersatz d’imageries médicales, de pénétrer le non-conscient et de représenter des pulsions archaïques animées par la satisfaction d’un désir non refoulé. La multitude d’images de pénétration, d’érections et d’utérus proposées dans LATEИTE, de femmes transparentes et d’un utérus dans Metaversal drawing, ne serait alors que la représentation fantasmée de la fin de la castration imposée par le Surmoi. Cette pénétration virtuelle au plus profond de la matrice, jusqu’à la grotte, afin de faire remonter l’invisible à la surface, signifierait non seulement rendre présents (du latin repraesentare « mettre devant les yeux ») le refoulé, les interdits, mais les identifier en les exhibant, selon la définition que Louis Marin donne du verbe « représenter12 ». Version contemporaine du cadavre exquis, des collages et de l’écriture automatique pratiqués par les surréalistes, mais surtout des œuvres photosensibles de Man Ray dont on note l’influence dans la vidéo de Gropius, la réalité virtuelle deviendrait le médium de la révélation du non-conscient, donc une expansion des limites des capacités humaines et de l’individu lui-même, comme le souligne le titre du poème de Leandro Taub qui accompagne LATEИTE : « Martín Sampedro, un guerrero que permite nuestra expansion ». L’álter-retrato, celui qui simule cet autre moi enfoui, serait une représentation nettoyée de toutes les contraintes culturelles inhibitrices et la représentation d’un homme exubérant, déchargé du poids de la culpabilité mais aussi de par sa réalité numérique, de son caractère de mortel ; un homme augmenté et immortel, transhumain. L’artisan de ce que Sampedro définit comme une « nouvelle photographie », une « photographie fantastique », un « réalisme magique » et même un esperpento en référence à Valle-Inclán, véritable créateur d’images, aurait désormais le pouvoir d’aller au-delà de la réalité pour explorer et représenter ce qui jusqu’alors était irreprésentable, cet invisible recherché par Pérez Mínguez et García Alix : l’álter-retrato. Ces représentations peuvent apparaitre, de fait, comme plus complètes puisqu’elles dépassent la « première montagne », qui est celle de l’esthétique et de l’apparence physique. L’image virtuelle traduirait alors une représentation subjective que chacun se fait de son identité et qui demeure souvent inconsciente, sans autre possibilité d’expression. Elle matérialiserait ainsi, selon Sampedro, les images du film de notre caméra subjective :

Los recuerdos, los conceptos y los sentimientos tienen la apariencia de una fotografía, aunque no interceda la cámara ni se pulse un disparador para capturar el instante. Lo que creemos hacer de forma consciente, lo hace nuestra mente con naturalidad de forma inconsciente, sin cámara, revelados ni retoques. La cámara subjetiva siempre va encendida, trabajando en crudo para entregarnos algo no meramente retinal ; de ahí mi vocación impura de cocinar las imágenes para extremar la subjetividad. (…) Por fin podemos fotografiar lo inexistente, elevar la mirada más allá de lo evidente y construir una realidad sin miedo al derrumbe. (Sampedro, 2015, p. 11)

De même Gropius cherche-t-il, à travers ses meta-dibujos à « révéler, comme à travers l’usage d’un rayon X, les besoins, les croyances et les fantasmes de la société contemporaine, à synthétiser les désirs conscients et inconscients13 ». En ce sens, l’utilisation de la lumière est particulièrement intéressante dans ces deux créations. Dans Metarversal Drawing les images sont créées à partir de faisceaux lumineux sur un fond qui peut varier mais qui finit toujours par s’éclaircir pour devenir rose pastel afin de permettre le jeu de la transparence. Dans LATEИTE, les portraits sont présentés sous forme d’épreuves négatives, c’est-à-dire aux valeurs chromatiques inversées par rapport à l’image d’origine, qui est l’image rétinienne. L’épreuve négative correspond, en photographie, à un « artefact réellement obtenu dans la chambre noire » (Frizot, 1998, p. 1), artefact qui disparaît dans le processus de création d’images virtuelles. Paradoxalement la couleur apparait généralement, dans LATEИTE, dans les clichés révélant l’intérieur du corps humain. Sampedro procède ainsi à une inversion de la perception naturelle qui associe d’une part couleur-lumière et positif, et d’autre part gris-obscurité et négatif, la lumière étant ici associée à la représentation de l’intérieur et l’obscurité à celle de l’extérieur. Une mise en lumière qui est laissée chez Sampedro au désir et à la responsabilité du public qui peut choisir, ou non, de révéler les images négatives grâce à son smartphone, d’où le titre de la vidéo, LATEИTE, qui s’applique à ce qui existe sans être apparent mais qui peut à tout moment se manifester. Dans le domaine de la photographie, plus précisément, cet adjectif définit l’image portée sur une surface sensible en attente d’un traitement pour devenir apparente. Mais il est intéressant de remarquer qu’il est aussi utilisé en biologie afin de désigner un caractère virtuel dont la manifestation est momentanément bloquée. C’est ce que signifie le и inversé de LATEИTE, qui représente l’inverse, l’autre côté des choses, tout en rendant hommage à la revue Nueva LEИTE, grâce à laquelle Pablo Pérez Mínguez et Carlos Serrano envisageaient, en 1971, de libérer la photographie espagnole de l’unique fonction qu’elle assurait sous la dictature, à savoir, selon Pablo Pérez Mínguez « répertorier l’existant ». Les nouvelles technologies participeraient donc à l’utopie transhumaniste de l’humain augmenté en donnant à l’homme, au-delà du recours aux prothèses et autres compléments repoussant les performances physiques du corps humain, la capacité de représenter, donc de rendre présent, l’invisible, le non-conscient.

II. L’álter-retrato constructeur d'identité : une (re)création

Ces deux vidéos ne reposent pas sur l’effet miroir de l’image photographique puisqu’elles présentent des objets ou des individus créés par ordinateur, sous la forme de négatifs (Sampedro) ou de maillages filaires14 (Gropius). Dans les deux cas, il s’agit de représentations incomplètes qui demandent à être révélées (pour les négatifs) ou achevées (pour les structures), revendiquant par là-même le fait de n’être que des constructions et non une image spéculaire respectant au plus près la réalité. Il s’agit là d’un parti pris qui rejoint celui de Pablo Pérez Mínguez pour qui la réalité n’existe pas et doit être créée. Bien que les techniques numériques utilisées par Sampedro et Gropius soient différentes, tous deux nous transportent dans des univers peuplés d’hommes et de femmes nus ou réduits à l’état de maillages, dont la plastique correspond aux canons mis en avant dans la presse people ou pornographique, dans laquelle la réalité des corps est désormais une réalité virtuelle, réinterprétée grâce à divers procédés de modification de l’image. Ils insistent ainsi volontairement sur l’aspect factice des images, créées puis diffusées grâce aux nouvelles technologies de la communication, qui modifiées, manipulées ne correspondent en rien à la réalité. Le portrait que le sujet représenté et l’artiste créateur vont proposer, est désormais une image recréée en fonction de l’intention des deux auteurs qui disposent d’une infinité de possibilités pour représenter ce qui va être une interprétation du modèle et non plus une restitution spéculaire. De fait, on peut opposer à Sampedro que ces représentations de l’inexistant ou du non-conscient restent bel et bien des constructions intellectuelles. Tout comme la photo argentique est construction, on passe ici de l’empreinte lumineuse à l’échafaudage d’un modèle par algorithmes, autrement dit à un façonnage qui rapproche le travail de création numérique en 3 D de celui du sculpteur.

Les nouvelles technologies font dès lors des représentations de véritables constructions, des re-créations chargées des intentions conscientes et inconscientes du sujet représenté et de l’artiste représentant, ou du seul artiste lorsqu’il représente un objet. Pour constituer ces « alter-portraits », et ces « meta-dessins », Sampedro et Gropius vont chercher matière au plus profond de l’individu. Tous deux nous invitent ainsi à pénétrer à l’intérieur même des modèles, à travers des jeux de transparence, de superpositions ou d’exploration. Le concept d’immersion n’est pas à prendre ici au sens que lui attribuent les techno-sciences à savoir, avec un angle de vue à 110° comme le permettent les masques de réalité virtuelle, malgré le titre Metarversal drawing qui convoque le terme de « métavers15 » (contraction de l’anglais meta univers) qui sont des univers virtuels immersifs qui ont un niveau élevé d’interactivité grâce à l’utilisation d’avatars, c’est-à-dire d’alter ego virtuels. Il s’agit ici d’une plongée dans un univers inaccessible à la vue, l’image rétinienne s’arrêtant à la surface des objets. Pour cela, les univers créatifs de Gropius et Sampedro empruntent à l’imagerie médicale : les oscilloscopes permettant de visualiser une tension électrique et les impressions de prothèses en 3D chez Gropius ; la radiographie, l’endoscopie, les corps décharnés, le scanner ou autres procédés permettant une vue en 2 ou 3 dimensions de l’intérieur du corps, chez Sampedro. Les corps représentés sont à la fois des corps sains, à la plastique parfaite, mais aussi des corps mutilés auxquels on a retiré un sein, augmentés de deux bras ou de six seins supplémentaires, ou malades comme le laissent entendre des taches noires rappelant, sur certains, les symptômes du VIH.

Fruits de ces reconstructions, les corps proposés par Sampedro apparaissent ainsi comme recomposés, amputés, augmentés, écorchés ou superposés. Ceux des personnages de Gropius, faits de connexions filaires, dévoilent les organes ou les structures osseuses internes d’individus qui, telles des poupées russes, renferment plusieurs corps en un dans lesquels sont incrustés des bijoux et autres compléments vestimentaires. Le résultat de ces reconstructions, représentations supposées d’un non-conscient qui ne serait plus censuré, donne libre cours aux fantasmes : des corps à l’esthétique parfaite ou au contraire, aux organes diminués, augmentés, multipliés, se pliant sans inhibition à toutes les pratiques sexuelles. Elles illustrent les principes du transhumanisme selon lesquels l’homme serait un être transitionnel, en constante évolution, composé d’éléments modifiables, chaque individu devenant « son propre entrepreneur, le constructeur de son corps » et le vivant, « une simple affaire de connexions » (Damour, 2015, p. 42) comme le matérialisent précisément les structures dites « de connexions » utilisées par Gropius.

III. L’álter-retrato brouilleur d’identité : l’ego morcelé

Apparaissent également, en surimpression sur la vidéo, des mains colorées qui essaient de saisir cet inexistant recherché par García Alix et Pérez Mínguez, qui semble désormais à portée de main grâce au numérique, mais qui reste insaisissable, les représentations, multiples et fugaces, défilant sans cesse à l’écran. Car ces deux vidéos nous donnent une vision dynamique de la représentation des sujets qui deviennent fluides, ce qui correspond à l’utopie transhumaniste qui voudrait, selon Franck Damour, que l’identité ne soit « pas claire, incarnée, mais flottante, sans limites précises […] l’expérience que le moi ne coïncide pas avec un seul état de son corps » (Damour, 2015, p. 83), conduirait à la « déconstruction du sujet ». Plus que de simples représentations, il s’agit ici de manifestations d’identités mouvantes et changeantes : les corps qui fusionnent et les morceaux de corps insaisissables semblent annoncer une désintégration identitaire rendant impossible toute identification, génératrice de malaise et d’égarement, à l’instar de ces individus roses et bleus, aveugles dans LATEИTE, qui cherchent leur chemin, désorientés, alors que les personnages fugaces de Metaversal drawing donnent l’impression d’être créés instantanément par des faisceaux lumineux sous les yeux du spectateur, avant de s’effacer pour laisser place, continuellement, à d’autres formes. Il est établi depuis Freud et Lacan, que l’identité du sujet se construit en fonction du regard de reconnaissance de l’autre. Or depuis l’essor du numérique, la communication passe par l’exposition permanente sur les réseaux sociaux de photos illustrant chaque instant de la vie de l’individu connecté qui « partage » une multitude de représentations de lui-même dans l’espoir de recevoir en retour le plus grand nombre de like, de félicitations ou d’encouragements possible. Vive est alors la tentation de diffuser une image améliorée de soi-même, voire d’échanger sous plusieurs identités, créant ainsi cette représentation de soi plurielle et changeante et souvent fausse, dénoncée dans ces vidéos, comme l’explique Sampedro : « El arte de hoy, con todo el fenómeno de las redes sociales, ofrece la auto afirmación del individuo, escondiendo en realidad una perversa maquinaria de auto-censura y castración16 ». La représentation que l’individu donne de lui-même et à partir de laquelle il s’identifie, n’est plus uniquement celle restituée par le miroir mais celles, plurielles, fantasmées et changeantes qu’il crée et diffuse à la recherche d’une viralité17 maximum. C’est ainsi qu’il se crée un alter ego ou plus précisément un alter-portrait, une identité numérique découlant selon Rémy Potier, d’un « rapport à l’altérité tout à fait singulier et nouveau, portfolio de collections d’amis venant signifier une popularité » (Potier, 2012). Les représentations peuvent ainsi être trompeuses et proposer des identités non seulement falsifiées mais aussi multiples, qui sont autant de manipulations du réel et de sources d’angoisse pour l’individu connecté. Pour Couchot et Hillaire, la représentation du « sujet contemporain, nomade ou “expansé” sur l’Internet » pose la question de l’identité et de l’altérité, puisque relevant « de plusieurs régimes d’appartenance », il ne connaît de lui « qu’une image fragmentée, morcelée, voire, comme c’est le cas avec les avatars, une identité d’emprunt » (Couchot, Hillaire, 2003, p. 51-52). Aux corps morcelés et fuyants s’ajoutent, dans les vidéos de Sampedro et Gropius, des références au mythe de la Caverne qui alertent précisément sur la manipulation des représentations et les faux semblants. Les premières images de Metaversal drawing représentent des neurones puis une activité cérébrale alors que la bande-son, empruntée au groupe The Architect18, compare les images et les pensées à des personnages évoluant sur une scène de théâtre à l’intérieur de la boite crânienne. Ce qui suit serait donc à lire comme le produit de cette activité cérébrale. Le début de cette vidéo est à mettre en relation avec la fin de la vidéo de Sampedro, lorsque le couple de décharnés ressort de l’intérieur du corps et débouche au fond d’une caverne, métaphore de l’allégorie de la Caverne de Platon19, lieu d’images déformées, de reflets de la réalité, illusion dans laquelle vivent les hommes prisonniers de leurs croyances. La vidéo s’achève sur l’image non virtuelle d’un homme et d’une femme, âgés, assis à l’entrée d’une grotte. Il dénonce ainsi ce monde saturé d’images composées ou rectifiées qui selon Couchot et Hillaire « ont envahi à ce point notre environnement quotidien qu’elles finissent par faire écran à notre vue » (Couchot, Hillaire, 2003, p. 53).

C’est avec cette même grille de lecture que doivent être abordées les représentations de personnalités politiques que l’on trouve dans chacune des vidéos : le mausolée transparent de Lenine, un volumineux Trump débordant de son fauteuil dans le bureau ovale et un Anonimous dont le visage s’avère être similaire au masque censé le cacher dans Metaversal Drawing ; un morphing mêlant Hitler et Einstein, et une interprétation de l’Enlèvement d’Europe avec des corps noyés sous la lumière de projecteurs, dans LATEИTE. Une critique des faux semblants et de la manipulation du discours politique que l’on retrouve également dans d’autres œuvres de Sampedro comme The real fake20 interrogeant sur la réalité du mensonge, Bandera de España contemporaine des événements du 15-M et du mouvement des Indignés en Espagne en 2011, et qui laisse apparaitre le vrai Madrid à travers un trou découpé dans le drapeau espagnol ou encore la série Sangre azul réalisée en 2013 lorsque la famille royale espagnole traverse une crise inédite :

Cuando comenzó esta última crisis económica y política en España, me dije : por el comportamiento de los políticos y la corrupción, tiene toda la pinta de que en esta gran familia, la culpa sea del padre. Poco después encontraron al padre, cazando elefantes. Así el Rey abdicó, acorralado por las miserias de una ejemplar familia desestructurada21.

C’est ainsi que Sampedro nous présente un roi aux oreilles d’éléphant assis sur un trône pastèque qui finit par exploser, comme dans le conte de Cendrillon lorsque les douze coups de minuit mettent un terme aux faux semblants et que le carrosse redevient une simple citrouille.

Conclusion

Paradoxalement, donc, les images virtuelles deviennent chez Gropius et Sampedro un moyen d’alerter sur la manipulation des représentations : en révélant tout d’abord ce que nos yeux ne sont plus capables de discerner, aveuglés qu’ils sont par les images que les marionnettistes contemporains (les médias, la publicité, les politiques) nous proposent ; en dénonçant la représentation falsifiée de nous-mêmes que nous créons sur les réseaux sociaux dans lesquels n’apparaissent finalement que nos propres avatars, fruits du dictat des normes culturelles et traduction d’une autocensure castratrice. En invitant enfin, au contraire, à ouvrir le champ d’utilisation de la réalité virtuelle, au-delà de la science-fiction et de la manipulation, vers un usage virtuellement intrusif, facilitant la représentation de l’invisible, de l’indicible, et donc, paradoxalement, d’une autre réalité. Utiliser, comme le revendique Sampedro, « le post-humanisme en représentant l’humain par des êtres non humains pour attirer l’attention des supposés humains ; le fake en se servant d’éléments artificiels pour représenter la réalité et capter l’attention d’un interlocuteur réel ; des machines pour nous exprimer parce que nous sommes déjà des robots dirigés par des machines qui surveillent nos mouvements et nos pensées prévisibles qui, malgré une apparente auto-affirmation, manquent d’individualité22 ».

Une invitation à la défiance vis-à-vis des apparences, qui nous conduit à nous demander jusqu’à quel point, Sampedro et Gropius jouent avec les faux semblants et pourraient aussi se jouer de leur public, tant leurs intentions sont semblables, même si leur style est différent. Au point de proposer, pourquoi pas, une expansion virtuelle d’un seul et même artiste à l’identité numérique morcelée, mais dont la réalité se verrait augmentée de toutes les possibilités déculpabilisantes et désinhibitrices offertes par une « alter-représentation » ?…

Bibliographie

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Marin, Louis, De la représentation, Paris, Galimard, Le Seuil, 1994.

Ouvrage collectif, « Le transhumanisme », Éthique, politique, religions, 2015-1, n° 6, Institut de Recherche philosophiques de Lyon, Paris, Classiques Garnier, 2015.

Potier, Rémy, « Facebook à l’épreuve de la différence. Avatars du narcissisme des petites différences », Topique, vol. 121, n° 4, 2012, p. 97-109.

Potier, Rémy, « Imagerie médicale et art contemporain, rencontres autour d’un corps virtuel », Recherches en psychanalyse, Psychanalyse, corps et Société, Université Paris 7- Denis Diderot, 2011/2, n° 12, p. 130-139.

Sampedro Martín, « La esfera mágica, LATEИTE » introduction au catalogue de l’exposition, LATEИTE, En el sueño de seres invisibles, vol. 1, Madrid, Estudio Sampedro, 2015, p. 10-13.

Notes

1 Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication. Retour au texte

2 Il n’indique aucune donnée biographique et mentionne uniquement un studio qui se situerait à Florence, en Italie. Retour au texte

3 Appelé également XeroxArt. Mouvement qui apparait aux États-Unis dans les années 60 et se développe dans les années 70, puis en Europe dans les années 80, et qui consiste à détourner l’usage des photocopieurs pour créer des œuvres d’art. Retour au texte

4 Martín Sampedro, né à Santander en 1966, est un photographe autodidacte qui s’est formé notamment auprès du photographe madrilène Pablo Pérez Mínguez. Il a dirigé le Taller Escuela de Fotografía « El Matadero » de la Fondation Colegio del Rey tout en travaillant pour des agences publicitaires. En 1992, il est sélectionné pour la Muestra de Arte Joven. Il reçoit plusieurs prix internationaux pour ses campagnes publicitaires notamment pour celle du Turismo de Europa en 1993, du Turismo de Andalucía en 2001, de la lutte contre le Sida à l’initiative de la COGAM, ainsi que pour les publicités qu’il réalise pour les marques Terra, Kodak, Ford, Toyota, Hyundai, Kia, Mercedes et Jaguar, qui font de lui un des photographes les plus reconnus dans le domaine de la photographie automobile. Retour au texte

5 Phénomène socioculturel qui apparait à Madrid à la mort du général Franco et signifie le réveil culturel de l’Espagne après 40 ans de dictature. Retour au texte

6 Martín Sampedro, LATEИTE, el libro. À voir sur vimeo.com. Retour au texte

7 Martín Sampedro, Leandro Taub, LATEИTE. Martín Sampedro, un guerrero que provoca nuestra expansión. Version courte réalisée pour le XVIIe Congrès de l’Institut International de Sociocritique, Montpellier, juin 2018 ; https://www.martinsampedro.com. Retour au texte

8 Exposition du 14 octobre au 07 novembre 2015, Mondo Galería, Madrid. Retour au texte

9 Entretien avec l’auteure, le 07 avril 2011, Madrid. Retour au texte

10 Idem. Retour au texte

11 « Lo hipnótico es lo estético », Fototexto de Pablo Pérez Mínguez. Retour au texte

12 « Représenter signifie d’un côté substituer un présent à un absent [...]. Mais il existe une autre signification selon laquelle représenter signifie exhiber, montrer, insister, présenter en un mot une présence. Dès lors c’est l’acte même de présenter qui construit l’identité de ce qui est représenté, qui l’identifie ». (Marin, 1994 : 254-55). Retour au texte

13 Raygropius.com Retour au texte

14 Les maillages filaires permettent, en infographie tridimensionnelle, de représenter des objets tridimensionnels organisés en polygones, sous forme de fils. Retour au texte

15 Le terme de « métavers » est utilisé par Neal Stephenson dans son roman Le Samouraï virtuel en 1992, où il désigne un boulevard imaginaire auquel le personnage principal peut accéder par l’usage de lunettes de réalité virtuelle. Retour au texte

16 Entretien avec l’auteure, le 15 mars 2018. Retour au texte

17 Propagation de l’information sur les réseaux sociaux. Retour au texte

18 The Architect, « Les Pensées », album Foundations, 2013. Retour au texte

19 La République, chapitre VII. Retour au texte

20 Exposition collective « The Real-Fake.org 2.0 », 19 novembre-17 décembre 2016, BronxArtSpace, New York. Retour au texte

21 Entretien avec l’auteure, le 15 mars 2018. Retour au texte

22 Entretien avec l’auteure, le 10 mars 2018. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Magali Dumousseau Lesquer, « Réflexions autour du concept de álter-retrato dans l’art numérique à partir de l’analyse des vidéos LATEИTE (2018) de Martín Sampedro et Metaversal drawing (2017) de Ray Gropius. », Sociocriticism [En ligne], XXXIV-1-2 | 2019, mis en ligne le 17 avril 2020, consulté le 26 avril 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/sociocriticism/2822

Auteur

Magali Dumousseau Lesquer

Magali Dumousseau Lesquer est agrégée d’espagnol, MCF en civilisation contemporaine espagnole à l’Université d’Avignon. Spécialiste de la culture underground madrilène des années 80 à laquelle elle a consacré une thèse et une vingtaine d’articles, ses publications portent sur les pratiques artistiques alternatives (musique punk rock rap, BD, peinture, cinéma, mode, photo, art numérique) en période de crises politiques, sociales ou économiques en Espagne, et s’articulent autour des notions d’identité, marge, patrimoine, transgression, politique et mémoire. Rattachée au laboratoire ICTT de l’université d’Avignon, elle est également membre associé de l’IRIEC de l’université Montpellier III, du GRES de l’Université de Nîmes et adhérente du GRIMH de l’Université Lyon II. Principaux ouvrages : Agatha Ruiz de la Prada, Paris 1999-2014, Fundación Agatha Ruiz de la Prada, Madrid, 2014 ; La Movida, au nom du Père, des Fils et du Todo Vale, Le Mot et le Reste, Marseille, 2012.