L’amour au temps des épidémies

Prostitution, exclusion sociale et littérature satirique au XVIe siècle

Résumés

L’article se concentre sur l'analyse d’une sélection de textes satiriques « antiputtaneschi » écrits et publiés à la suite de la vague épidémique du « mal français » qui avait touché l’Europe à partir de la fin du xve siècle. Le savoir médical ainsi que l’imaginaire collectif attribuait au corp féminin un rôle central dans la propagation de la maladie vénérienne. La conséquence fut la stigmatisation et la mise au ban des courtisanes ainsi que l’hospitalisation forcée. La crainte d’une contamination provenant de la fréquentation des femmes exerçant le commerce du sexe a également alimenté un renouveau de l’arsenal rhétorique misogyne dans la tradition satirique : la description parodique du corps féminin d’inspiration anti-pétrarquiste s’enrichit donc de la référence à la maladie d’origine sexuelle. À travers l’études des « lamentations » des courtisanes, cet article cherche à reconstruire la réponse satirique et moralisatrice de la société du xvie siècle face à ce phénomène épidémique.

The article (Love in the Time of Epidemics: Sex Trade, Social Exclusion and Satirical Literature in the 16th Century) focuses on the analysis of a selection of “antiputtaneschi” satirical texts written and published following the epidemic wave of the “French disease” that had impacted Europe from the late 15th century. Both medical knowledge and collective imagination attributed a central role to the female body in the spread of venereal disease. Consequently, this led to the stigmatization and ostracization of courtesans, as well as their forced hospitalization. The fear of contamination arising from associating with women involved in the sex trade also fueled a resurgence of misogynistic rhetorical arsenal within the satirical tradition : the parodic description of the female body, inspired by anti-Petrarchan themes, thus became enriched with references to sexually transmitted diseases. Through the study of the “lamentations” of courtesans, this article aims to reconstruct the satirical and moralizing response of 16th-century society to this epidemic phenomenon

Plan

Texte

p. 13-30

Dans la cour intérieure de l’Hôpital des Incurables de Naples, fondé en 1473 dans un but caritatif par Maria Longo et géré par la Confrérie des Bianchi, se trouve une petite église, Santa Maria Succurre Miseris, dans laquelle parmi d’autres trésors du baroque napolitain on peut contempler une des rares représentations artistiques d’un corps féminin atteint de syphilis. Il s’agit du buste en céroplastique intitulé La scandalosa de l’artiste et sœur napolitaine Caterina de Julianis (1670-1742),1 qui représente la partie supérieure du corps d’une jeune femme en voie de décomposition, recouvert par des plaies et rongé par des vers.

Image 10000201000002BC000001E64F39682B94819890.png

Le buste, bouleversant et macabre, servait, en fait, de memento mori pour toutes les jeunes filles qui fréquentaient l’église et qui auraient pu céder à la tentation de la prostitution et, par conséquent, tomber dans le piège de la maladie qui avait frappé l’Italie et l’Europe à partir du début du xvie siècle et qui encore au xviie siècle faisait des victimes, notamment chez la large population de prostituées de Naples.

Un corps, un destin : les courtisanes et le « mal français »

Comme ce fut déjà le cas pour d’autres épidémies, le corps féminin, et notamment le corps de la femme prostituée, était considéré comme le porteur par excellence de la contamination et c’est pourquoi, dès le début de l’épidémie de mal français, les femmes qui exerçaient la prostitution furent prises pour cible aussi bien par les institutions locales que par le savoir médical et la littérature satirique de l’époque. Si La scandalosa a été conçue par l’artiste napolitaine à la moitié du xviie siècle, ce fut bien avant, et plus précisément dans la première moitié du xvie siècle, que les théories médicales sur l’étiologie de la maladie et la littérature satirique d’inspiration misogyne virent dans le corps de la femme publique le berceau du mal.

D’ailleurs, depuis le Moyen-Âge, le corps féminin a toujours été lu et interprété comme un corps naturellement « valétudinaire », c’est-à-dire maladif.2 Les organes génitaux féminins, les seins qui donnaient prodigieusement le lait et, bien sûr, le rituel mystérieux des saignements mensuels faisaient de la femme un être bifrons et équivoque, indigne de confiance. À la fin du xve siècle, la connaissance enrichie de l’anatomie féminine en concomitance avec l’épidémie de syphilis ‒ appelée à l’époque « mal français »3 ‒ donnait lieu à une lecture misogyne de l’origine de la contagion vénérienne4. Dans les traités médicaux publiés tout au long du xvie siècle on remarque, en effet, la présence constante de la référence à la prostitution comme origine ou comme vecteur de contagion. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, en 1527, le médecin français Jacques de Béthencourt suggère de nommer cette nouvelle maladie à partir des organes impliqués dans la contamination, d’où l’adoption de l’adjectif « vénérien » :

À mon sens, une maladie doit être dénommée d’après sa cause ; celle dont nous allons traiter mériterait, en conséquence, d’être appelée mal vénérien (morbus venereus). […] Nous inclinons à penser qu’il doit son origine première à un germe pestilentiel provenant du mélange des deux semences, ou de la semence mâle avec les menstrues. Il est possible d’ailleurs que le développement originel de ce germe infectieux ait été favorisé par quelques circonstances particulières, telles que la chaleur, le frottement, le coït dans un moment inopportun, l’orgasme vénérien, le contact d’humeurs impures, la virulence spéciale des menstrues d’une courtisane, etc.5

En 1555, Antonio Brasavola, maître de Gabriel Fallope et médecin d’Hercule II d’Este et du pape Paul III, en s’appuyant sur la théorie des miasmes, reconnaît dans son traité De morbo Gallico l’origine de la contagion dans l’utérus pourri d’une superbe prostituée qui avait offert ses services à l’armée française pendant le siège de Naples :

In Gallorum castris 1495 scortum aderat nobilissimum ac pulcherrimum, in uteri ore putrefactum gerens abscessum. Viri, qui cum illa coibant, adjuvante etiam humiditate ac putredine, dum membra virilia per uteri collum perfricabant, ob loci etiam putredinem in eorum virilibus membris pravam quandam affectionem contrahebant, qua exulcerabantur. Haec lues unum primo infecit hominem, postea duos et tres et centum, quia illa erat publica meretrix et pulcherrima ; et ut procax est natura humana in coitum, multae midieres, cum his vitiatis viris coeuntes, lue ista infectae sunt, quam deinde aliis viris sunt impartitae ut denique lues per totam Italiam sparsa sit et per Gallias et brevibus per universam Europam.6

On retrouve également cette référence à l’origine sexuelle de la maladie dans les chroniques des premières années de la vague épidémique et, par conséquent, au danger représenté par la prostitution. Voici, par exemple, ce qu’enregistre Giovanni Portoveneri à Pise en 1495 :

Da un anno in qua e al presente, ci sono malati assai per Pisa d’una infermità miserabile, cioè uno certo vaiuolo grosso, per modo attrattivo li omini e le donne non si poteano muovere dal letto da per loro, e durava a chi uno anno, a chi per sei mesi, ch’era una scurità a vederli. È per tutta la Franza e la Provenza e la Catelonia e molti luoghi di tale infermità. E quanto più erano gagliardi omini, tanto diventavano più attratti. E appiccicavasi nell’usare con femmine avessino dette malattie, e massime con meretrice, a tutti s’appiccavano.7

C’est à la même époque que le chroniqueur Fileno Della Tuade écrit dans ses annales que l’origine de la maladie était cachée dans le corps des femmes (« le femine lo avevano in la natura ») et c’est pourquoi beaucoup de prostituées furent éloignées des villes de Bologne et Ferrare (« ne furono chazate molte meretrici »8). Cette mesure restrictive fut adoptée dans plusieurs villes au lendemain de la première vague épidémique. Partout dans la péninsule, des dispositions de réglementation de la prostitution furent mises en place9. À Naples, les institutions locales essayèrent d’affaiblir le pouvoir des ruffiani (maquereaux) et d’interdire aux prostituées l’accès aux tavernes et aux campements militaires.10

À Venise, une loi du 22 septembre 1539 prévoyait l’expulsion des meretrici foreste – c’est-à-dire les femmes qui exerçaient la profession de prostituées dans la ville depuis moins de deux ans – et l’interdiction pour les prostituées titolate d’entrer dans les églises. Dans les mêmes années, entre 1533 et 1551, à Venise a été construit le Couvent des Convertite, un lieu d’enfermement pour les jeunes filles prostituées repenties, conçu afin de limiter à la fois le phénomène de la prostitution urbaine et les risques sanitaires liés à la contagion vénérienne.11 Si le xve siècle fut une période globalement plus tolérante envers le phénomène de la prostitution urbaine, à partir de la moitié du xvie siècle, le rapport des institutions locales se muscle à l’encontre des prostituées à travers une série de lois de plus en plus nombreuses et restrictives, visant à contrôler la “santé publique” de la ville12.

La littérature satirique antiputtanesca

La crainte d’une contamination provenant de la fréquentation des prostituées devient également un lieu commun au sein de la littérature satirique italienne. Avec l’épidémie vénérienne, l’éventail traditionnel d’accusations misogynes s’élargit, tandis que la description parodique et anti-pétrarquiste du corps féminin accueille très favorablement la référence à la nouvelle maladie. Francesco Berni, le poète qui en Italie poursuit la tradition comico-réaliste toscane de Burchiello et qui était devenu, à partir des années 1520, le maître à penser d’une génération de poètes burlesques réunis à Rome au sein de l’Accademia dei Vignaiuoli13, affirme dans le sonnet « Alle puttane » (1518) avoir renoncé à la compagnie des prostituées essentiellement pour deux raisons, l’argent et la santé :

Un dirmi ch’io gli presti e ch’io gli dia
or la veste, or l’anello, or la catena,
e, per averla conosciuta a pena,
volermi tutta tôr la robba mia;

un voler ch’io gli facci compagnia,
che nell’inferno non è maggior pena,
un dargli desinar, albergo e cena,
come se l’uom facesse l’osteria;

un sospetto crudel del mal franzese,
un tôr danari o drappi ad interesso,
per darli, verbigrazia, un tanto al mese;

un dirmi ch’io vi torno troppo spesso,
un’eccellenza del signor marchese,
eterno onor del puttanesco sesso;

un morbo, un puzzo, un cesso,
un toglier a pigion ogni palazzo
son le cagioni ch’io mi meni il cazzo.14

En effet, de nombreux poètes étaient atteints de cette nouvelle maladie et l’évocation du « mal français » à des fins parodiques et satiriques était très répandue au xvie siècle, notamment à partir des années 1520-1530 quand « le mal français » n’avait plus le caractère létal des premières vagues. À cet égard, on peut d’ailleurs lire, parmi les lettres de Niccolò Franco, une pistola adressée à son grand ami Bonifacio Pignoli15 :

Se l’huomo le lauda, lava il capo a l’asino: se le chiama porche, vacche, sogliarde, sbrenzolate, e mariuole, è la lor salutatione angelica. Hora piaccia a San Giobbe, che ciò sia in iscambio de le gomme, che havessi potuto ritrarre da le lor pratiche.16

Un autre phénomène littéraire très répandu était l’ambivalence du discours poétique à l’encontre des femmes, et notamment des courtisanes17. Quinto Gherardo, poète satirique des années 1530, dédie une série de poèmes à la courtisane « signora Ferretta », qui bousculait souvent entre l’éloge des vertus de l’amante (capitolo VI, « Io son entrato in tal malanconia ») et la plus cruelle des invectives misogynes. Dans le « Capitolo contra una cortegiana » (« I v’ho fatto Madonna mia avisata »18) il utilise le renversement parodique de la descriptio puellae, à la mode chez Berni et ses collègues burlesques19, en ajoutant sur le front de la courtisane, qui lui refuse son amour, le symbole de la contagion vénérienne :

Avete poi due luci belle e care
Ma vi colano sempre a dirvi il vero
E fanno chi le guarda inspiritare.
Il vostro fronte spazioso e altero
È ricamato tutto di straforo
Da quel gallico Re sì crudo e fero.20

Pour marquer la laideur extérieure et intérieure de la femme, le poète fait également appel à un autre topos très répandu dans l’arsenal rhétorique de la littérature misogyne : la description horripilante de l’organe sexuel féminin qui évoque le célèbre passage du Corbaccio :

Io dirò dunque del forame vostro
L’istrano puzzo ch’indi versa ogn’ora
Ch’ammorba e infetta tutto il secol nostro.21

Ou encore, Tommaso Garzoli qui, dans son œuvre La Piazza universale di tutte le professioni del mondo (1587), en décrivant le métier des prostituées, fait référence aux pustules et au mal vénérien cachés à l’intérieur du corps féminin :

Quanto da loro si riceve e acquista, […] non è altro che mille immondezze e sordidezze, le quali onestamente nominare non si ponno. E s’abbellisce il concetto descrivendo quanto son brutte, sporche, laide, infami, furfante, pidocchiose, piene di croste, […], ammorbate di dentro, appestate di fuori, che le Gabrine in comparazione son più desiderabili che loro.22

En effet, la description anatomique du corps féminin mutilé ou atteint d'une maladie vénérienne était devenue un leitmotiv de la poésie satirique, comme on peut le lire dans la lettre burlesque ouvrant l’anthologie Delle lettere di diversi autori, raccolte per Venturin Ruffinelli publiée en 1547 à Mantoue23. La lettre, anonyme et écrite par un amant déçu, relate l’histoire d’une jeune prostituée exerçant son activité dans la ville universitaire de Padoue, où elle est renommée chez les « nobili scolari e gentiluomini » comme étant « la più maligna creatura, et la più ignorante, et la più falsa et ingrata et ladra, et truffa, et la più discortese et villana che viva sopra tutta la terra »24. Après la narration des aventures érotiques de la jeune femme, qui font écho aux prouesses de la Celestina de Fernando de Rojas et de la Nanna de Pietro Aretino, l’auteur décrit la débâcle économique et physique de la courtisane atteinte, à juste titre, du « mal français » :

Molti sono finalmente anzi piuttosto innumerabili e vostri diffetti. Ma parlando hora di quei del corpo, giudico che più che per ogni altro, siate da fuggire per tema di contagione, per ciò che quel male che sì vi rode et consuma, è troppo crudele.25

En évoquant l’usage de la dissimulation et de la ruse de la part des courtisanes – un autre topos de la littérature antiputtanesca –, l’auteur accuse sa destinataire de camoufler à la fois son âge et sa maladie :

E poniamo etiandio che si trovassero huomini tanto irrationali et insensati, che vi credessero quando voi dite di non haver anchor i venti duo anni. Chi è nel mondo sì stolto, et sì nimico della sua propria vita, che non curando né vostra superbia, né malignità, né vitii, né il gran vituperio che nasce dalla vostra conversazione (a causa dell’uso del volgare toscano), venisse a voi per cangiar denari in mal francese, et breve piacere di godervi in lunghissima doglia di quel male tanto noioso? Né voglio già che voi crediate, che le cautele le quali havete usato in medicarvi segretamente, non sieno a tutti palesi. Per che non è huomo, né furfante, che non sappia come voi feste la quaresima in casa d’uno Eccellente medico in Padova con la dieta del santo legno indiano. Ma Iddio giusto riguardator de i meriti vostri, non comportò che la medicina havesse in voi l’usate forze così ne sete più che mai tormentata et havete (come a molte persone è manifesto) quella vostra gamba tutta immarcita e guasta.26

Le ton satirique s’accompagne aussi du traditionnel recours à la justice divine pour expliquer les raisons de la contagion vénérienne :

Mi spiacciono veramente le vostre sciagure, ma poi m’acqueto quando penso che lo strale che vien dalla man di Dio non può cadere se non giustamente sovra chi se l’ha meritato.27

Cette lettre burlesque est loin d’être une exception dans le contexte vénitien. En effet, c’est à Venise que la satire misogyne contre les prostituées trouve une place d’honneur dans la littérature de l’époque, notamment grâce à l’influence de la publication des Ragionamenti (1534-1536) de l’Arétin. Célèbres sont certaines compositions issues du cercle arétinien, comme le Dialogo dello Zoppino28, la Tariffa delle puttane29, ou le Catalogo de tutte le principali et più honorate cortigiane di Venetia30, où figure aussi le nom de Veronica Franco, célèbre poète et courtisane de Venise31. En 1575 Maffio Venier, poète et aristocrate vénitien, lui adresse deux capitoli burlesques (« Franca, credeme, che per San Maffio » et « An, fia, cuomodo? A che modo zuoghiamo? ») et un long sonnet caudato (« Veronica, ver unica puttana »), où le mépris pour la profession de la jeune poétesse était la raison de l’invective et la référence au « mal français » qui affligeait la femme représentait la condamnation morale et physique de ses péchés :

No estu del gran Mal
Francese la diletta fia adottiva
Relita della quondam Pelletiva,
Causa che tanti scriva,
Erede universal del Lazzaretto ?
[…]
Quella che mantien guerra
Contro la Sanità, mare del morbo;
Quella che venne al mondo con el corbo ?
Quella che rende orbo
Sto seculo presente e che l’infetta?
Quella contra de chi no val recetta
Né medesima eletta ?32

C’est d’ailleurs aussi à Venise que l’oncle de Maffio Venier, Lorenzo Venier, très proche de l’Arétin venant de s’installer dans la ville, avait publié deux poèmes satiriques antiputtaneschi dans les années 1530, La Puttana errante et Il Trentun della Zaffetta. Dans ce dernier poème, Venier relate l’histoire d’une jeune prostituée violée par 31 hommes appartenant à la société nobiliaire vénitienne, en guise de punition pour sa fierté33. Dans la Puttana Errante (1530), le jeune poète rédige une composition paradoxale en octaves, dans laquelle le personnage principal est une insatiable courtisane qui, avec le mal français « brodé » sur le corps, entame un voyage initiatique dans la péninsule à travers d’épiques pérégrinations érotiques34.

Les « lamentations » des courtisanes

À la parole écrite pouvaient s’accompagner des rituels publics prenant pour cibles les prostituées, souvent pendant les fêtes de Carnaval. Une lettre anonyme du 11 février 1525, envoyée de Rome à Paolo Vettori, nous livre un exemple représentatif de ce type de théâtre de rue performatif. Dans la missive, on peut lire qu’un certain Maestro Andrea, comédien et poète très connu à Rome dans les années 1520, était le protagoniste d’un épisode de représailles de la part des courtisanes romaines, en raison de ses chariots satiriques accompagnés par des compositions poétiques :

Jeri m. Andrea dipintore fece un carro dove erano tutte le cortigiane vecchie di Roma fatte di carta, ciascuna con il nome suo, e tutte le buttò in fiume avanti al Papa; mandò all’Orsolina il sonetto e la canzone che si cantava. Domane le cortigiane, per vendicarsi, frustano detto m. Andrea per tutta Roma.35

Maestro Andrea est aussi évoqué par l’Arétin comme l’auteur d’un texte satirique très populaire, le Lamento di una cortigiana ferrarese per essere redutta in la caretta per el mal franzese36. Du Lamento il existe plusieurs copies publiées tout au long du xvie siècle dont Giovanni Aquilecchia a rigoureusement reconstruit la chronologie dans un chapitre de ses Schede d’italianistica37. Il est possible de dater la rédaction écrite du Lamento entre 1519 et 1527, année de la mort de Maestro Andrea pendant le Sac de Rome. Le texte s’inscrit, d’un côté, dans la riche production des lamentations satiriques étudiées et cataloguées par Florence Alazard38, et de l’autre, dans la tradition carnavalesque des « Chariots de la mort », comme celui chanté par Antonio Alemanni à l’occasion du Carnaval du 1511 lors du défilé du chariot de la mort créé par l’éclectique Piero di Cosimo, dont Vasari décrit en détail la construction dans le Vite39. Mais il est aussi possible que l’auteur-comédien se soit directement inspiré de la véritable histoire d’une célèbre courtisane, Imperia de Paris, qui avait trouvé la mort en 1512, après avoir été l’amante d’Agostino Chigi et Angelo del Bufalo, deux hommes très influents dans la Rome des années 1520, et pour laquelle plusieurs lamentations avaient été composées40. Le Lamento relate l’histoire d’une célèbre prostituée de Rome (mais d’origine ferrarese), qui à cause de la maladie vénérienne, avait perdu tout le fruit de son travail et fut conduite aux portes de l’Hôpital sur une charrette. Le monologue se concentre sur la comparaison entre la jeunesse, lorsque la courtisane était riche et belle, et le moment présent de la représentation carnavalesque (ou de la lecture), où la vieille femme malade et pauvre se plaint de sa mauvaise fortune :

Ohimé Dio, dhe Dio, ahi cielo, o sorte
O martorio infernal morbo franzese
Che in povertade fai fugir la morte
[…]
Già fui si favorita e si felice
Vestivo oro e or ho un sacco grosso
[…]
Beati eran per me tutti li amanti
Ognun servitor me era e io la signora
Hor mi mostrano a dito tutti quanti.41

On peut donc imaginer le comédien qui, déguisé en courtisane, les signes de la syphilis sur le corps, se promenait dans les rues de Rome pour le plaisir du public et en dépit des courtisanes, spectatrices de ce body shaming. Or, si avec le Lamento, le poète-acteur décrit la parabole malheureuse de la vie de la courtisane de Ferrara, c’est avec le Purgatorio delle cortigiane, un autre texte attribué à Maestro Andrea et souvent publié avec le Lamento, que nous avons l’occasion de pénétrer dans l’un des lieux les plus redoutables du nouvel urbanisme de la capitale, l’Hôpital des Incurables42.

Image 10000201000001FA000002B5C185492CF9637146.png

Le Purgatorio, publié à Bologne en 1529, a été écrit pour un spectacle carnavalesque qui a eu lieu sur la place Sciarra à Rome avant 1527 (si on attribue la paternité du texte toujours à Maestro Andrea). Au sein même de ce lieu de soin et d’enfermement, on trouve un locus horribilis, où les lits « s’empiono sponda a sponda » et tout le monde présente les plaies d’une maladie létale, ou alors impossible à soigner :

E tal che avea factezze alte e divine
per lincurabil mal venuta un mostro,
e chi dun membro o naso ha facto fine.
Chi iace abandonata la pel chiostro,
piena di piaghe dal capo alle piante
pe lor peccati e per exemplo vostro.
Chi le carne ha consunte tutte quante
per fino allosso in dol marcia e fetore
e come voi gia fur belle e galante.
[…]
Chi e dal capo apie tutta perduta
nel viso, e liocchi, il petto e membra guaste
ne da qual fussi piu riconosciuta.43

Pendant les vagues successives de syphilis, les autorités des villes concernées par le phénomène de la prostitution massive avaient opté pour la formule classique de « surveiller et punir »44, en ajoutant l’enfermement obligatoire dans les Hôpitaux des Incurables45. Il est aussi utile de rappeler que les soins contre le mal français étaient onéreux. Les thérapies à domicile étaient réservées uniquement aux hommes et aux femmes qui pouvaient se les permettre et qui, de ce fait, pouvaient garder la maladie dans la sphère domestique et privée. De plus, les thérapies prophylactiques contre le mal français étaient conçues seulement pour les hommes. Malgré la recommandation du médecin d’Alexandre vi, Gaspar Torella, de nommer des femmes surveillantes qui auraient dû s’occuper de la santé des prostituées, le système répressif mis en place au xvie siècle n’arriva jamais à concevoir la désinfection des lupanars et le contrôle médical obligatoire, qui fut établi en Italie seulement au xviiie siècle46.

En place et lieu, la réponse des autorités publiques fut l’enfermement des prostituées dans les Hôpitaux ou bien l’obligation pour elles de limiter leur présence dans l’espace public, voire de quitter le territoire urbain lors des fortes crises sanitaires. Les Hôpitaux devinrent de plus en plus nombreux à partir de la fin du xve siècle et furent soutenus par des grandes familles aristocratiques, souvent par des dames renommées pour leur activité pieuse, en collaboration avec différentes Confréries.

En 1499 à Ferrare, Alfonso Ier autorisa la création de « Lo Spedale de’ franciosati » avec l’aide de la Confrérie de Saint Job. À Bologne, l’église de Saint Laurent devient le lieu d’accueil des femmes atteintes de syphilis à travers le soutien de la Compagnie du Divin Amour47. À Naples, comme évoqué plus haut, ce fut Maria Longo qui, avec l’aide de la Confrérie des Bianchi, avait pu bâtir l’Hôpital des Incurables. En revanche, à Venise, la situation était catastrophique si l’on en croit la description faite par Marin Sanudo, qui parle de plusieurs femmes mendiantes frappées par la maladie vénérienne et que les autorités locales avaient décidé de déplacer dans l’Hôpital de Santo Spirito, voulu par Marina Grimaldi et Maria Malipieri48. Mais l’assistance aux pauvres infranciosati se traduisait aussi par une politique de contrôle social. En 1522 à Venise, les Magistrats de la Santé avaient imposé aux malades de la syphilis d’aller se faire hospitaliser auprès d’Hôpital des Incurables, sous peine d’être chassés de la ville. À Faenza, en 1497, au lendemain de l’explosion du mal français dans la péninsule, les prostituées qui arrivaient en ville avaient l’obligation de prouver à l’Ufficio di Guardia qu’elles n’arrivaient pas des zones contaminées et qu’elles n’étaient pas atteintes de la maladie vénérienne49. Il y avait donc, d’un côté, la construction de nouveaux bâtiments consacrés au soin et à l’enfermement, et de l’autre, la promulgation d’une série de lois interdisant la présence en ville des femmes prostituées, notamment de celles atteintes de la syphilis.

Dans ce climat d’inquiétude et de répression, devenu de plus en plus rigide durant la seconde moitié de xvie siècle à cause de l’esprit d’austérité de la Contre-Réforme au sein de l’Église, un autre document témoigne des conditions de marginalisation des prostituées : le Lamento che fanno le cortigiane essendo rinchiuse nella città di Roma e di Milano, e discacciate da molti altri luoghi, publié en 1592 et conservé aujourd’hui à la British Library de Londres.

Image 100002010000021F00000320CB1E1A2CC0706560.png

Ce monologue est une lamentation collective de la communauté des prostituées chassées des villes où elles exerçaient leur profession. Dans le texte, écrit par un auteur inconnu à ce jour, Marino Mantellini, on trouve au moins trois octaves (xv-xvii) témoignant du danger que la population des prostituées représentait pour la santé publique et l’ordre social :

Che infra noi altre c’è certe furfantine
Son come rose e pungon come spine
E molt’uomini pelano più che non fan le calcine,
A tal donano tinche, a tal gomme e doglie fine.
E di dogliosi carchi di mal franzese,
In ogni parte vi si trova palese,
Li qual per medicine non si sazian per un mese
E qui si può conoscer se sian tutte noi cortese.

Tal sta nel letto, e non si può voltare,
E tal a l’ospital si fa portare,
E quel ch’è ostinato ch’in tal luogo non vuol’andare,
Ne muor sopra il letame, come il ver a tutti appare.
Quelle ch’han gomme in fronte e nella testa,
Se una sol notte dormono alla foresta,
Per esse in pochi giorni sia finita la sua festa,
Perché a curar quelle non vi val sugo d’agresta.

E quelle poi che restano storpiate
Di gambe e braccia e son abbandonate,
Che con un bastoncin van gridando in le contrade:
«Soccorrete la povera ch’è in gran necessitate».
E poi per dirvi la giusta ragione,
Non v’è alcun ch’abbia di noi compassione,
Non accade a far la prova che s’è visto il paragone
Che fuggano da noi più che i cani dal bastone.50

La dangerosité due à la fréquentation des prostituées était un topos répandu que l’on retrouve aussi dans un autre texte appartenant à la galaxie de la littérature « populaire » de la deuxième moitié du xvie siècle. Le texte, intitulé Bandito In Questo Luoco Solitario, Tramutato Per Un Giovine Che Aveva Il Mal Francese51, reprend le motif du jeune homme ruiné par les prostituées, déjà canonisé par le chant carnavalesque de Giovanni dell’Ottonaio (« Canto de’ puttanieri »), ensuite repris par Francesco Berni (« Alle puttane »), Antonio Francesco Grazzini (« Di giovani impoveriti per le meretrici ») et par d’autres poètes burlesques. Les deux premiers tercets, dans lesquels l’auteur explicite la cause de sa quarantaine, sont particulièrement éclairants :

Condotto in questo loco solitario
Al buio fo mia vita miserabile
Colpa del mal francese iniquo e vario.

Anzi per causa di puttana instabile,
Anzi per mia ch’io non doveva ponere
La vita mia a un rischio sì mutabile.52

Pour conclure, je me permets de signaler également un dernier texte, le Lamento delle cortigiane che sono in Padova per la partita delli scolari, publié à Venise après 1555 par l’éditeur Grazioso Percacino53. Ce texte satirique diffère des autres lamenti que nous avons analysés, car il a été écrit à la suite de la vague épidémique de peste qui avait frappé la ville de Padoue et de Venise en 1555 et en 1576 (« in Padoa non c’è alcuno / che più ci dia guadagno », v. 10-1154). Le Lamento est également accompagné d’une lettre burlesque de témoignage d’une prostituée, Lauretta Scofonia, ayant déménagé à Padoue pour suivre un de ses amants. Après l’explosion de l’épidémie de peste, elle et son amie Philandria se plaignent du départ de tous les étudiants (« sta maledittion e furor de popolo, che s’habeano a dir che se muor da la giandussa, ha fatto fuzir tutti i Scolari, onde mi son romagna senza nessun »). La crainte de la contagion avait en effet poussé toute la population, et notamment celle qui était de passage, comme les étudiants, à quitter la ville afin de se mettre à l’abri dans les campagnes en attendant l’hiver. Dans cette lettre, dont on ne connaît ni l’auteure ni la destinataire, on retrouve un ton très intime, un langage coloré et caractérisé par des références à la vie quotidienne, comme la nourriture que Scofonia rêve de manger à Venise. On peut lire, en fait, qu’elle demande à son amie de lui trouver une petite chambre à louer à Venise afin de pouvoir quitter Padoue dans l’espoir de retrouver à nouveau du travail (« no me lagar in sto lambico de povertate, ma mandame à chiamar presto, che vegnero a staffetta à reffarme in Veniesia »).

Conclusion

Parmi les misères des courtisanes, comme l’instabilité économique et les violences physiques de la part de leurs amants, au xvie s’ajouta la maladie vénérienne, qui non seulement frappait la population des prostituées, mais les exposait aussi à une série de réactions de la part de la société. C’est la raison pour laquelle plusieurs mesures furent mises en place à la fois pour endiguer la contamination et pour exorciser la crainte d’une maladie nouvelle, difficile à soigner et, de plus, d’origine sexuelle. Le premier niveau de contrôle fut celui juridique, par le biais de lois visant à règlementer la présence des courtisanes dans l’espace urbain. À cela s’ajouta la discipline sanitaire des Hôpitaux des Incurables, qui dans la réalité étaient pour les courtisanes des lieux de soin ainsi que d’enfermement et de conversion. Le troisième discours autour de la figure de la prostituée en tant que bouc émissaire d’une société angoissée par la peur de la contagion fut celui produit par la littérature satirique antiputtanesca, qui augmenta l’arsenal d’accusations misogynes envers les prostituées.

Dans cette perspective, on peut lire les différentes lamentations de courtisanes publiées tout au long du siècle. Ces lamentations sont écrites et publiées par des hommes et adressées à un public féminin à des fins pédagogiques, mais elles représentent aussi d’importants documents qui relatent la transformation de la condition sociale des courtisanes au sein des villes italiennes du xvie siècle.

Notes

1 Ugo Di Furia, « I Bianchi della Giustizia: notizie inedite su artisti ed opere di fabbrica », in Adriana Valerio (dir.), L’Ospedale del Reame: gli Incurabili di Napoli, vol. I, Storia e Arte, Napoli, 2010, p. 213-280 ; Regina Deckers, « La Scandalosa in Naples: A Veristic Waxwork as Memento Mori and Ethical Challenge », Oxford Art Journal, Vol. 36, Issue 1, March 2013, p. 75-91. Retour au texte

2 Cf. Evelyne Berriot-Salvadore, Un corps, un destin. La femme dans la médecine de la Renaissance, Paris, Champion, 1993. Retour au texte

3 Le terme moderne de « syphilis » dérive du poème du médecin-poète Girolamo Fracastoro (Syphilis, 1530). Le terme ne sera pas utilisé avant le xviie siècle. Dans le langage commun et médical on utilisait l’expression « mal français » ou « morbo gallico », mais cela dépendait des lieux : en France, par exemple, la maladie était appelée « mal de Naples » (en raison du siège de Naples mené en 1494 par l’armée française de Charles VIII). Retour au texte

4 Winfried Schleiner, « Infection and Cure through a Woman: Renaissance Constructions of Syphilis », Journal of Medieval and Renaissance Studies, n° 24, 1994, p. 501-517 ; Healy Margaret, Fictions of Disease in Early Modern England: Bodies, Plagues and Politics, Basingstoke, Palsgrave, 2001, p. 123-187 ; Ariane Bayle, « Discours moral et tableaux cliniques : la pluralité des figures féminines dans les textes médicaux sur la syphilis au XVIe siècle », Histoire, médecine et santé, n° 9, 2016, p. 19-39. Retour au texte

5 Jacques Bethencourt (De), Nouveau carême de pénitence et purgatoire d’expiation À L’Usage Des Malades Affectés Du Mal Français Ou Mal Vénérien, Paris, Chez Victor Masson et fils, 1871, p. 32-33. Retour au texte

6 Antonio Brasavola, De morbo Gallico, in Luigi Luisini, Aphrodisiacus, sive de lue venerea, Lugduni Batavorum [Jena], Apud J. A. Langerak et J. & H. Verbek, 1728, p. 671-672. Retour au texte

7 Giovanni Portoveneri, Anno millequattrocentonovantacinque al Pisano. Memoriale come il Re di Francia passa in Talia per acquistare il reame di Nappoli col braccio della Signoria di Milano e del Duca di Ferrara, fatto per Giovanni Portoveneri, p. 336-337. Cité in Eugenia Tognotti, L’altra faccia di Venere. La sifilide dalla prima età moderna all’avvento dell’AIDS (XV-XX sec.), Milano, FrancoAngeli Editore, 2007, p. 39. Retour au texte

8 Fileno Della Tuade, Historia di Bologna principiando dalla sua origine, sino all’anno 1511, II, p. 423, in Alfonso Corradi, Nuovi documenti per la storia delle malattie veneree in Italia dalla fine del Quattrocento alla metà del Cinquecento, Milano, Tipografia della Società Cooperativa,1881, p. 60. Retour au texte

9 Leggi e memorie venete sulla prostituzione fino alla caduta della Repubblica, a spese del Conte di Oxford, 1872. Retour au texte

10 Eugenia Tognotti, op. cit., p. 104. Retour au texte

11 Giuseppe Tassini, Cenni storici e leggi circa il libertinaggio in Venezia dal secolo decimoquarto alla caduta della Repubblica, Venezia, Filippi Editore, 1968 ; Laura Mcgough, « Quarantining Beauty in Early Modern Venice », in Kevin Siena (dir.), Sins of Flesh. Responding to sexual disease in Early Modern Europe, Toronto, Centre for Reformation and Renaissance Studies, 2005, p. 211-239. Retour au texte

12 Les mesures à l’encontre des prostituées furent différentes par intensité et modalité dans les villes italiennes. À cet égard, je renvoi pour Florence à Cohen Sherrill, The Evolution of Women’s Asylums since 1500: From Refuges for Ex-prostitutes to Shelters for Battered Women (New York [etc.], 1992); John K. Brackett, “The Florentine Onestà and the Control of Prostitution, 1403–1680”, Sixteenth Century Journal, 2 (1993), p. 273-300. Michela Turno, “Sex for Sale in Florence”, in A global history of Prostitution, 2020, p.85-110 . Pour Venise, est à lire au moins Giovanni Scarabello, Meretrices. Storia della prostituzione a Venezia dal XIII al XVIII secolo, Venezia, Supernova, 2008. Pour Rome, Tessa Storey, Carnal commerce in Counter-Reformation Rome, Cambridge-New York, Cambridge University Press, 2008. Enfin, pour la ville de Bologne, voir l’étude très éclairante de Vanessa McCarthy, & Nicholas Terpstra, « Residence, community, and the sex trade in early modern Bologna », dans Jacqueline Murray, Nicholas Terpstra (dir.), Sex, Gender and Sexuality in Renaissance Italy, New York, Routledge, 2019, p. 53-74. Retour au texte

13 Danilo Romei, Da Leone X a Clemente VII. Scrittori toscani nella Roma dei papati medicei (1513-1534), Manziana, Vecchiarelli, 2007, p. 151-338 ; Giorgio Barberi Squarotti (dir.), Berni e Berneschi, Torino, UTET, 2014. Retour au texte

14 Francesco Berni, Rime, édité par Danilo Romei, Milano, Mursia, 1985, p. 30. Retour au texte

15 Pour les lettres de Niccolò Franco à Bonifacio Pignoli, dédicataire du dialogue Il Petrarchista (1539), voir Franco Pignatti, Introduzione à Ludi esegetici III, Il Grappa. Cicalamenti intorno al sonetto ‘Poi che mia speme è lunga a venir troppo’: comento nella canzone del Firenzuola ‘In lode della salsiccia’, Manziana, Vecchiarelli, 2009, p. 31-33. Retour au texte

16 Niccolò Franco, Le pistule vulgari. Ristampa anastatica dell’ed. Gardane 1542, éd. Francesca Romana de’ Angelis, Sala Bolognese, A. Forni, 1986, p. 225-226. Retour au texte

17 Francine Daenens, « Superiore perché inferiore: il paradosso della superiorità della donna in alcuni trattati italiani del Cinquecento », in Vanna Gentili (dr.), Trasgressione tragica e norma domestica. Esemplari di tipologie femminili della letteratura europea, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 1983, p. 11-50. Retour au texte

18 Quinto Gherardo, Le Terze rime piacevoli di M. Quinto Gherardo, Venezia, presso Agostino Bindoni, 1537. Pour la tradition burlesque des capitoli (poèmes en tercets) voir au moins Silvia Longhi, Lusus. Il capitolo burlesco nel Cinquecento, Padova, Antenore, 1983. Retour au texte

19 À cet égard on rappellera les capitoli burlesques de Berni (Capitolo primo e secondo alla sua innamorata, in Francesco Berni, Rime, éd. Danilo Romei, Milano, Mursia, 1985, p. 197-201), de Giovanni Mauro d’Arcano, qui dédie à Giovanni Della Casa le Capitolo delle donne di montagna (in Guglielmo Gorni, Silvia Longhi (dir.), Poeti del Cinquecento, Tomo I, Poeti lirici, burleschi, satirici e didascalici, Milano, Ricciardi, 2001, p. 904) et de Niccolò Campani (le Capitolo delle bellezze della dama et le Capitolo secondo delle bellezze della dama, in Giorgio Barberi Squarotti (dir.), Berni e Berneschi, Torino, UTET, 2014, p. 681-686). Retour au texte

20  Quinto Gherardo, Le Terze rime piacevoli, cit., fo 19 ro, v. 43-48. Retour au texte

21  Ibid., f19 vo, v. 62-64. Retour au texte

22 Tommaso Garzoni, Piazza universale di tutte le professioni del mondo, éd. Paolo Cherchi, Torino, Einaudi, 1996, vol. II, p. 964, disc. LXXIV. Pour une étude des professionnels du sexe dans l’œuvre de Garzoni, voir Walter Pretolani, Meretrici e puttanieri, dans Italo Battafarano et Antonio Castronuovo (dir.), Il lavoro come professione nella Piazza universale di Tomaso Garzoni, Bologna, Bononia University Press, 2009, p. 171-181. Retour au texte

23 Delle lettere di diversi autori, raccolte per Venturin Ruffinelli, I, Mantova, 1547, c. III ro - XIV ro Paola Cosentino, « L’invettiva misogina: dal Corbaccio agli scritti libertini del ’600 », in Giuseppe Crimi et Cristiano Spila (dir.), Le scritture dell’ira. Voci e modi dell’invettiva nella letteratura italiana, Roma-Tre Press, 2016, p. 29-50. Retour au texte

24 Delle lettere di diversi autori, raccolte per Venturin Ruffinelli, I, Mantova, 1547, c. III rvo. Retour au texte

25 Ibid., c. XI vo. Retour au texte

26 Ibid., c. IX ro vo. Retour au texte

27 Ibid., c. IX ro. Retour au texte

28 Francisco Delicado, Dialogue du Zoppino devenu Frère, et Ludovico, putassier, ou sont contenues la vie et la généalogie de toutes les courtisanes de Rome, trad. Guillaume Apollinaire, Paris, Bibliothèque des Curieux, 1911, édition bilingue. Dialogo dello Zoppino. De la vita e genealogia di tutte le cortigiane di Roma, éd. Gino Lanfranchi, Milano, L’editrice del libro raro, 1922. Dans le Dialogo aussi on retrouve un riche éventail d’accusations à l’encontre des courtisanes par rapport à la contagion vénérienne : « les chancres et les morpions qu’elles ont d’ordinaire ! […] Et elles vous laissent dans le lit leurs devises : les draps souillés de taches du marquis, quelques croûtes de mal français, ou la rogne ou quelque chancre, pour que vous vous souveniez d’elles ». Pour une analyse du Dialogue voir : Robert Buranello, « Zoppino Dialogue : Malice, Misogyny and Meretricious Misrepresentation », Rivista di Studi Italiani, 23, 2005, p. 45-62. Retour au texte

29 La Tariffa delle puttane, attribuée à Antonio Cavallino, fut publiée en 1535 à Venise (Paolo Pucci, « Decostruzione disgustosa e definizione di classe nella Tariffa delle puttane di Venegia », Rivista della letteratura italiana, vol. XXVIII, n.1, 2010, p. 29-49). On peut lire le texte dans l’Appendice de Antonio Barzaghi, Donne o cortigiane: la prostituzione a Venezia. Documenti di costume dal XVI al XVIII secolo, Verona, Bertani, 1980 ou bien dans l’édition online établie par Danilo Romei, Nuovo Rinascimento, 2020. Paul Larivaille hésite sur l’attribution à Cavallino, en affirmant tout de même que le texte fait partie du laboratoire arétinien (Paul Larivaille, Pietro Aretino tra Rinascimento e Manierismo, Roma, Bulzoni, 1980, p. 442). Retour au texte

30 Pour la datation et le texte voir Giuseppe Crimi, « Una stampa ritrovata: il Catalogo de tutte le principal e piú onorate cortegiane de Venezia », Filologia e critica, XLIII, 2018, p. 57-80. Retour au texte

31 Pour l’activité littéraire de Veronica Franco voir au moins : Margaret Rosenthal, The Honest Courtesan: Veronica Franco, Citizen and Writer in Sixteenth-Century Venice, Chicago University Press, 1992 ; Piotr Salwa, « Veronica Franco et la dignité d’une courtisane », Italique. Poésie italienne de la Renaissance, XV,‎ 2012, p. 235-59 ; Stefano Bianchi, La scrittura poetica femminile nel Cinquecento veneto: Gaspara Stampa e Veronica Franco, Manziana, Vecchiarelli, 2013. Retour au texte

32 Marisa Milani, Contro le puttane, cit., p. 68-74. Pour la rédaction et la publication des Rime obscènes de Maffio Venier voir Manlio Dazzi, Il libro chiuso di Maffio Venier, Venezia, Pozza, 1956, p. 37-40 ; Guido Padoan, « Tre liriche », Quaderni veneti, n° 1, 1985, p. 7-30 ; Giorgio Padoan, « Il mondo delle cortigiane nella letteratura rinascimentale e il caso di Maffio Venier », in Id., Rinascimento in contro-luce: poeti, pittori, cortigiane e teatranti sul palcoscenico rinascimentale, Ravenna, Longo, 1994, p. 179-206 ; Dolora Chapelle Wojciehowski, « Veronica Franco vs. Maffio Venier: sex, death, and poetry in Cinquecento Venice », Italica, vol. 83, n° 3/4, 2006, p. 367-390. Retour au texte

33 Daniella Julia Rossi, « Come tenere sotto controllo le cortigiane: Il trentuno della Zaffetta di Lorenzo Venier e la politica veneziana nei confronti del sesso », in Allison Levy (dir.), Sesso nel Rinascimento. Pratica, perversione e punizione nell’Italia rinascimentale, Firenze, Le Lettere, 2009, p. 229-244; Giuseppe Crimi, « Primi appunti per il testo e il commento della ‘Zaffetta’ di Lorenzo Venier », AOQU, III, 2, 2022, p. 9-30. Retour au texte

34 Lorenzo Venier, La puttana errante, édité par Nicola Catelli, Milano, Edizioni Unicopli, 2015. Pour l’influence arétinienne sur la composition du poème voir Gabriele Erasmi, La puttana errante: parodia epica ispirata all’Aretino, in Pietro Aretino nel cinquecentenario della nascita. Atti del Convegno internazionale di Roma-Viterbo-Toronto-Los Angeles, Roma, Salerno Editrice, 1992, p. 875-895. Pour une analyse de la thématique de la maladie vénérienne dans le poème voir Erica Ciccarella, « Le morbus gallicus à Venise et à Rome au xvie siècle. Théories médicales et récits littéraires », in Yann Ardagna, Benoît Pouget (dir.), La syphilis. Itinéraires croisés en Méditerranée et au-delà, xvie-xxie siècles, Marseille, PUP, 2021, p. 65-76. Retour au texte

35 Lettre citée par Arturo Graf, Attraverso il Cinquecento. Petrarchismo ed Antipetrarchismo, Torino, Loescher, 1888, p. 256. Retour au texte

36 Le Lamento est évoqué dans La Cortigiana dans la liste des opuscules qu’un jeune vendeur de livres distribue dans les rues de Rome (Pietro Aretino, La cortigiana, éd. Giuliano Innamorati, Torino, Einaudi, 1973, p. 44). Il est légitime d’imaginer un lien avec la rédaction du Lamento d’un cortegiano de l’Arétin (Marco Faini, « Un’opera dimenticata di Pietro Aretino: il Lamento de uno cortegiano », Filologia e critica, 2017, p. 75-93). Retour au texte

37 Giovanni Aquilecchia, Per l’attribuzione e il testo del Lamento di una cortigiana ferrarese, in Id., Schede di italianistica, Torino, Einaudi, 1976, p. 127-151. Pour la datation et le texte voir aussi Crimi Giuseppe, « Per il Lamento d’una cortigiana ferrarese: il testo secondo la stampa più antica », Ellisse: studi storici di letteratura italiana, vol. 15, n° 2, 2020, p. 151-177. Retour au texte

38 Florence Alazard, Le Lamento dans l’Italie de la Renaissance « Pleure, belle Italie, jardin du monde », Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2010. Retour au texte

39 Giorgio Vasari, Le vite de’ più eccellenti pittori, scultori e architettori, 1568, III, fo 22 vo. Retour au texte

40 Giuseppe Moncallero, Imperia de Paris nella Roma del Cinquecento e i suoi cantori funebri, Roma, Fratelli Palombi Editori, 1962 ; Susanna Mantioni, Cortigiane e prostitute nella Roma del xvi secolo, Roma, Aracne Editrice, 2016, p. 48-63. Mais aussi Giuseppe Crimi, Per il Lamento d'una cortigiana ferrarese, cit., p. 174-77, qui a publié le texte du Lamento della Imperia de Giuliano Ceci. Retour au texte

41 Giovanni Aquilecchia, op. cit., p. 146. Pour une analyse plus détaillée du texte voir Deanna Shemek, « Mi mostrano a dito tutti quanti: Disease, Deixis, and Disfiguration in the Lamento di una cortigiana ferrarese, in Paul Ferrara, Eugenio Giusti, Jane Tylus (dir.), Medusa’s Gaze. Essays on Gender, Literature, and Aesthetics in the Italian Renaissance in Honor of Robert J. Rodini, Italiana, vol. 11, Bordighera, 2004, p. 49-64. Retour au texte

42 Les éditions connues du texte sont : Purgatorio delle cortigiane, Bologna, 1529 (Biblioteca nazionale di Firenze, Palat. E.6.6.153./2.9) ; Purgatorio delle cortigiane di Roma, Venezia, 1538 (Biblioteca Marciana de Venise); Purgatorio delle cortigiane, recitato in Roma per maestro Andrea, pittore, nelle feste de Carnovale... et due sonetti, et una canzone sopra il detto Purgatorio, Siena, 1546, (BnF Paris, YD-6806); Purgatorio delle Cortegiane di Roma. Con un lamento di una Cortigiana che ... venuta in calamita per il mal Francese, si condusse andare in Caretta, Roma, s.d. (British Library, 11427.b.61.). Cf. Paola Ugolini, « The Satirist’s Purgatory: Il purgatorio delle cortegiane and the Writer’s Discontent », Italian Studies, vol. 64, 2009, p. 1-19. Retour au texte

43 Ivi, p. 18. Retour au texte

44 Je reprends ici la célèbre formule di Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975. Retour au texte

45 Laura Mcgough, « Quarantining Beauty: The French Disease in Early Modern Venice », in Kevin Siena (dir.), Sins of the Flesh. Responding to Sexual Disease in Early Modern Europe, Toronto, Toronto University Press, 2005, p. 211-237. Retour au texte

46 Gaspar Torella, Dialogus de dolore in pudendagra, in Luisini Luigi, op. cit., vol. I, p. 528 ; Tognotti Eugenia, op. cit., p. 106-110. Retour au texte

47 Jon Arrizabalaga, The Great Pox. The French Disease in Renaissance Europe, Yale University Press, 1997, p. 149-152. Retour au texte

48 L’hôpital des Incurables de Venise se trouvait dans le complexe de l’église de Santo Spirito. À partir de 1518, Marina Grimaldi et Maria Malipieri commencèrent à héberger des femmes atteintes de syphilis dans l’église, qui se transforma en Hôpital en 1522 grâce à l’aide de Gaetano Thiene, déjà fondateur de l’Hôpital des Incurables de Rome. Aujourd’hui, l’Hôpital est le siège de l’Académie des Beaux-Arts de Venise. Jon Arrizabalaga, op. cit., p. 165 ; Bernard Aikema, Dulcia Meijers, Nel regno dei poveri: arte e storia dei grandi ospedali veneziani in età moderna 1474-1797, Venezia, Arsenale / Istituzioni di Ricovero e di Educazione, 1989, p. 131-147. Retour au texte

49 Eugenia Tognotti, op. cit., p. 106. Retour au texte

50 Pour l’édition critique du texte voir Giuseppe Crimi, « Contro le cortigiane: scritti in prosa e in versi nel Cinquecento», in Id., Figure ai margini nella storia, nell’arte, nella letteratura (Roma e dintorni xv-xvi sec.), Roma, RR Roma nel Rinascimento, 2021, p. 157-192. Retour au texte

51 Il s’agit d’un capitolo en tercets composé de 79 hendécasyllabes, suivi d’un autre capitolo en vénitien de 133 vers. À ce jour on en possède deux exemplaires : le premier conservé à la Biblioteca Apostolica Vaticana (Bandito in questo luoco solitario, tramutato per un giovine che aveva il Mal Francese. Con un capitolo in lingua venetiana contra una cortigiana molto bello né più stampato, s.l., 1590 ?, Stamp. Cappon. V. 681 [int.62]) ; le deuxième se trouve auprès de la la Biblioteca Alessandrina de Rome (Misc. XIII. a. 58, c. 53 ro ‒ 56 vo). La fiche d’Edit 16 suggère la date de 1590 pour les deux exemplaires, en suivant les indications chronologiques de Alberto Di Mauro (Bibliografia delle stampe popolari profane del fondo «Capponi» della Biblioteca Vaticana, Firenze, Olschki, 1981). À mon avis, il faudrait anticiper la date de publication des deux exemplaires, en raison du v. 34 du capitolo en langue vénitienne, où il y a la référence au « mocenigo », une monnaie utilisée jusqu’à 1575. Retour au texte

52 Anonimo, Bandito in questo luoco solitario, cit., v. 1-6. Retour au texte

53 Lamento delle cortigiane che sono in Padova per la partita delli scolari da quella nel suspetto della mala peste. Con una lettera di madonna Lauretta Scofonia, ne la quale prega una sua amica che gli voglia trovar partito a ciò non perisca di fame in lingua Venetia[na] (unico esemplare noto conservato presso la Biblioteca Palatina di Parma). Le texte est publié par Sabrina Minuzzi, La peste e la stampa. Venezia nel xvi e xvii secolo, Venezia, Marsilio, 2021. Retour au texte

54 L’importance de ces deux événements qui avaient décimé la population des deux villes est attestée par le choix du même éditeur, connu à l’époque pour être un promoteur de la littérature médicale à Venise, de publier deux œuvres sur le sujet : le Consilio sopra la pestilenza qui in Padoa dell’anno 1555 du médecin Francesco Frigimelica, et Il successo della peste accorsa in Padova nel 1576 d’Alessandro Canobbio. Retour au texte

Illustrations

Citer cet article

Référence électronique

Erica Ciccarella, « L’amour au temps des épidémies », Line@editoriale [En ligne],  | 2023, mis en ligne le 23 novembre 2023, consulté le 28 avril 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/lineaeditoriale/2081

Auteur

Erica Ciccarella

Université de Liège

eciccarella@uliege.be